Implantologie
Ex-assistant à la
Faculté de Paris V - DU Prothèse implanto-portée, Paris V
14, rue Pérignon
75007 Paris
Le traitement prothétique des édentements par des prothèses implanto-portées permet de rétablir une fonction optimale, mais également de conserver l'intégrité tissulaire des dents bordant l'édentement, de maintenir le capital osseux des secteurs édentés, mais aussi d'augmenter le volume osseux dans les secteurs mandibulaires très résorbés.
The benefit of oral implant restorations in the treatment of edentulism is not only to provide an optimal function to the patients, but also to save oral tissues. One of the advantages of fixed prostheses on oral implants is to preserve integrity of the remaining teeth. Oral implants take also part in the maintenance of maxillary bone by the long-term stabilization of the bone that has been shown in numerous publications. « Sleeping » implants can be a treatment option to preserve bone volume in strategic sites, when patients consider an implant restoration as a possibility for the future. Lastly, osseous proliferation of the mandible after implant restoration in full edentulism should challenge the traditional concept of removable denture for the elderly patients. As in severely-atrophic edentulous mandibles cases restoring a satisfactory function without remaining resorption is very difficult with removable dentures, even with overdentures, the matter is whether an optimal function by a fixed prostheses is not today's gold standard.
Les travaux de Brånemark et al. sur l'ostéointégration, publiés à la fin des années 70 [1], ont révolutionné le traitement prothétique des édentements. Le but initial était de rendre aux patients complètement édentés une fonction équivalente à celle d'un patient denté par l'intermédiaire d'une prothèse fixe de 10 à 12 dents, supportée par 4 à 6 fixtures ostéointégrées [2]. Au cours du temps, la mise en place d'implants pour supporter des prothèses a fait apparaître de nouveaux avantages, en particulier au niveau des dents bordant l'édentement qui ne sont plus impliquées dans la restauration prothétique, mais également au niveau de la conservation du capital osseux maintenu par les implants, voire par la régénération de l'os dans les secteurs mandibulaires fortement résorbés. Ce sont ces effets collatéraux du traitement implantaire qui seront développés dans cet article.
L'un des avantages de la réhabilitation prothétique d'un édentement par un traitement implantaire réside dans la conservation de l'intégrité des dents à proximité de l'édentement. En prothèse fixée conventionnelle, les préparations coronaires périphériques entraînent une mutilation importante et irréversible des dents piliers de bridge. Peu d'études ont évalué, pour ce type de prothèse, le devenir de ces dents supports de bridges à 10, 15 ou 20 ans. Celles qui existent révèlent à 10 ans entre 91 et 93 % de succès [3, 4] ; à 15 ans, entre 68 [5] et 75 % [6] de succès et enfin à 20 ans, 65 % [7] de succès. Le recours à une prothèse collée minimise la destruction de tissu dentaire de façon significative avec des préparations de type onlay [8, 9] et de manière radicale par des ailettes de type bridge Maryland [10-15]. Quelques publications [16-22] ont étudié le suivi à 10 ans et plus des bridges collés, avec un taux de survie qui varie entre 60 et 80 % sur cette période. La plupart des auteurs [16, 20-22] insistent sur la réversibilité du traitement et le faible taux de caries observé sur les dents piliers (4 % à 11 ans) [20], soulignant l'intérêt de ces restaurations collées dont l'effet pathogène dans le temps est exceptionnellement faible.
Il reste évident que la mise en place d'un implant pour restaurer un édentement est le seul traitement prothétique qui n'altère en aucune façon le tissu dentaire. À long terme, l'intégrité d'une dent paraît être le meilleur garant de sa longévité [23, 24] (fig. 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 9). De nombreuses publications à 10 ans [25-35] et 15 ans [36-42] sont disponibles pour les traitements implantaires, avec des taux de succès de l'ordre de 90 % sur la période considérée. Pratiquement tous les cas d'édentements, toutes les situations cliniques ont été étudiés, et ces références scientifiques permettent de considérer la réhabilitation d'un édentement par une prothèse implanto-portée comme une alternative à la prothèse conventionnelle.
Notre expérience personnelle, qui ne se situe pas dans un protocole d'étude universitaire strictement contrôlé, a montré qu'une prothèse conventionnelle à appui dentaire est souvent satisfaisante à 10 ans, rarement à 20 ans et ne dépasse qu'exceptionnellement les 30 ans de fonction. Hormis le problème esthétique, qui condamne de nombreuses restaurations prothétiques au bout d'une dizaine d'années, l'affaiblissement ou la fracture d'une dent support de bridge sont souvent la cause de la nécessité du renouvellement de la prothèse et de son extension. L'expansion iatrogénique d'un édentement, illustrée par le cas clinique présenté (fig. 10, 11, 12, 13, 14, 15 et 16), est malheureusement plus fréquente qu'on ne le croit. Elle devrait être la raison principale du choix d'une prothèse implanto-portée pour traiter un édentement [18] lorsque les dents collatérales sont intactes.
La mise en place d'un implant limite la résorption osseuse. Une étude, publiée par Naert et al. [43], sur le devenir des implants enfouis pendant une période de plus de 10 ans a montré que la perte osseuse autour des implants enfouis est inférieure à celle des implants collatéraux mis en fonction. Cette étude, bien que menée sur un nombre limité de cas, est intéressante sur le plan de l'indication du devenir à moyen terme (10 ans) d'un implant non fonctionnel. Elle permet de soutenir, à défaut de valider, l'hypothèse que la mise en place d'implants « en réserve » est une stratégie de traitement qui peut permettre de conserver l'os disponible. En effet, lors de l'extraction d'une racine perdue dans un site stratégique où le volume osseux est limité, on peut envisager de placer un implant « dormant » qui sera utilisé plusieurs années plus tard sans crainte de résorption et donc sans nécessité de reconstruction osseuse. Ainsi, il paraît judicieux lors de la perte d'un élément dentaire de placer un implant dans le site d'extraction lorsqu'un traitement prothétique implantaire est envisagé à terme par le patient (fig. 17, 18, 19 et 20). L'implant posé selon une technique immédiate, précoce ou différée, selon la situation clinique et les convictions personnelles de l'équipe thérapeutique, va profiter d'un volume osseux intact et le maintenir dans le temps. Cette attitude peut éviter de recourir, quelques années plus tard, à des greffes osseuses, coûteuses en temps et en argent, dans les zones sensibles comme les secteurs postérieurs maxillaires et mandibulaires. Lorsque l'on connaît la différence de comportement sur le long terme entre des implants courts de moins de 10 mm et ceux de plus de 10 mm [25, 27, 31, 44], on comprend l'importance de pouvoir conserver 1 ou 2 mm de largeur de crête ou 2 ou 3 mm de hauteur d'os au-dessus d'un sinus. Cette attitude thérapeutique ne doit évidemment s'envisager que chez les patients souhaitant éviter le port d'une prothèse amovible et doit donc entraîner immédiatement, chez le praticien amené à réaliser une extraction, une réflexion sur les souhaits à long terme de son patient. Ce dernier éclairé sur les différentes possibilités thérapeutiques doit comprendre l'intérêt d'un choix précoce du type de réhabilitation auquel il aspire dans le futur : fixe ou amovible. Les praticiens doivent de leur côté comprendre qu'il n'y a pas de bon ou de mauvais choix, mais qu'il faut simplement respecter celui du patient et établir un plan de traitement cohérent à long terme.
Il faut également souligner les diverses observations [45-50] qui mettent en évidence l'intérêt de la réhabilitation de l'édentement complet mandibulaire par une prothèse fixe supportée par des implants symphysaires. En présence d'un maxillaire fortement résorbé, ces différentes études montrent un accroissement du volume osseux latéral mandibulaire, vraisemblablement provoqué par le retour à une fonction masticatrice normale en conformité avec la loi de Wolff. Cette augmentation osseuse se produit pendant la première année de fonction et se maintient dans le temps, contrairement à ce que l'on observe lors du port d'une prothèse amovible complète qui s'accompagne dans le temps d'une résorption osseuse plus ou moins rapide, mais inéluctable.
Si dans les années 80, le développement des prothèses implanto-portées avait pour but essentiel de permettre la restauration d'un édentement par une prothèse fixée pour restituer aux patients une fonction optimale, on sait aujourd'hui que le rôle des implants ne se limite pas au seul bénéfice fonctionnel. En présence de dents intactes bordant l'édentement, la prothèse implanto-portée ménage l'intégrité de ces dents, ce qui, sur le long terme, est un avantage indéniable en faveur de ce type de prothèse par rapport à la prothèse fixée conventionnelle à appui dentaire. Les implants participent également au maintien du capital osseux des maxillaires. On observe une perte osseuse moyenne inférieure à 1 mm autour des implants après 15 ans de port d'une prothèse fixe restaurant un édentement complet [39]. Elle est de 2,2 mm autour des implants après 15 ans de port d'une prothèse restaurant un édentement partiel [42]. Cette perte à 15 ans est bien moindre que la réduction de volume osseux observée lors de la résorption physiologique de l'alvéole un an après l'extraction d'une racine dentaire (environ les deux tiers de la hauteur de l'os alvéolaire). Il semble donc opportun de préserver le volume osseux initial dans un site stratégique par la mise en place, dans les 2 mois qui suivent l'extraction, d'un implant « dormant », si le patient envisage à terme une restauration implanto-portée. Enfin, l'accroissement et le maintien du volume osseux latéral mandibulaire, obtenu lors de la réhabilitation d'un édentement complet par un bridge implanto-porté sur des implants symphysaires, doivent remettre en question le concept traditionnel des prothèses amovibles complètes qui s'accompagne sur le long terme d'une résorption osseuse inéluctable, accentuant ainsi le handicap fonctionnel du patient.