Endodontie préprothétique - Cahiers de Prothèse n° 124 du 01/12/2003
 

Les cahiers de prothèse n° 124 du 01/12/2003

 

Endodontie

Frédéric Bukiet *   Jean Camps **   Ludovic Pommel ***  


* Ancien interne en odontologie
Assistant hospitalo-universitaire
** MCU-PH
*** MCU-PH
Faculté d'odontologie de Marseille
27, Bd jean Moulin
13385 Marseille cedex 5

Résumé

L'objectif de cet article est de mettre en évidence les facteurs endodontiques prépondérants dans le choix d'un pilier prothétique. Les arguments évoqués reposent sur des considérations conservatrices qui intéressent les tissus dentaires du patient. Ils développent les aspects cliniques et techniques qui doivent être mis en œuvre pour atteindre les objectifs biologiques de l'endodontie. Actuellement, bien que le pronostic du retraitement demeure inférieur au traitement initial, les progrès dans ce domaine permettent d'élargir le champ de conservation des piliers sur l'arcade. Ces arguments mettent en exergue le compromis à choisir entre l'investissement financier et temporel face au bénéfice tissulaire que l'entité praticien/patient pourra retirer.

Summary

Preprosthetic endodontics: criteria influencing the abutments' selection

This article aims at highlighting the preponderant endodontics factors in the choice of a prosthetic abutment. The mentioned arguments are based on conservative considerations which concern the dental tissues of the patient. They develop the clinical and technical aspects which have to be implemented to achieve the biological goals of endodontics. Currently, although the prognosis of retreatment remains inferior to the initial treatment, the progress in this field allows to widen the conservation scope of the abutments on the arch. These arguments underline the compromise which has to be done between the financial and time aspect versus the tissular benefit that the entity pactitioner/patient will get.

Key words

endodontics, retreatment, patients' selection

La sélection des piliers prothétiques constitue une étape capitale dans l'élaboration du plan de traitement global. De nombreux paramètres influencent la décision et conditionnent directement le pronostic de la future réhabilitation. Des critères cliniques et économiques doivent être pris en considération pour optimiser ce pronostic. Sélection et fiabilité des supports prothétiques représentent donc deux notions indissociables. La place de l'endodontie dans l'interactivité des disciplines est importante puisque pronostic endodontique [1] et pronostic prothétique sont intimement liés. En effet, les progrès apportés dans le domaine de l'endodontie permettent aujourd'hui d'étendre le champ d'indications de conservation des dents sur l'arcade. Une question primordiale doit accompagner la décision thérapeutique après la pose du diagnostic endodontique : « quelle(s) solution(s) thérapeutique(s) peut-on envisager en cas d'échec ? » La solution choisie doit constituer une alternative la moins mutilante et invasive possible. Pour cela, les examens cliniques et radiologiques doivent intéresser tous les volets de l'odontologie : état général du patient en tout premier lieu, mais également prise en considération des contingences parodontales et prothétiques.

L'objectif de cet article est de mettre en exergue l'ensemble des facteurs endodontiques qui orienteront soit vers la sélection du support soit vers l'exclusion de la dent du projet prothétique. Des situations cliniques diverses viendront illustrer les arguments évoqués.

Paramètres cliniques à considérer avant l'endodontie

Interactivité des disciplines

Indications

La décision de réaliser le traitement endodontique d'une dent support ne doit pas être stéréotypée, mais raisonnée en fonction de paramètres pertinents :

- agression irréversible de l'organe pulpo-dentinaire suite à la pathologie carieuse ou parodontale, à des lésions traumatiques, abrasives, érosives ou iatrogènes (fig. 1a, 1b, 2 et 3) ;

- indice de Le Huche défavorable (dent triangulaire), dystopies dentaires ou problèmes de parallélisme dans le cadre de restaurations prothétiques plurales impliquant une exposition ou une proximité pulpaire lors de la préparation corono-périphérique ;

- perte de substance volumineuse sur dent pulpée imposant le recours à l'ancrage radiculaire afin d'assurer la rétention de la restauration (situation rare compte tenu des possibilités offertes par la dentisterie adhésive). De plus, la prévalence des lésions apicales est plus élevée sur les dents porteuses de tenons radiculaires [2].

La conservation de la vitalité pulpaire doit être envisagée à chaque fois que cela est possible. Le risque de lésions pulpaires irréversibles est peu important [3] si l'indication est bien posée et si les conditions dans lesquelles sont réalisées les préparations sont respectées (fraises en bon état sous pulvérisation abondante, décontamination et protection pulpo-dentinaire).

L'étude de Valderhaug et al. [3] démontre la nécessité de conserver la pulpe vivante quand cela est possible. En effet, les pourcentages concernant l'absence de signes et symptômes évoquant une pathologie pulpaire sur des dents couronnées sont de 98 % à 5 ans, 92 % à 10 ans, 87 % à 20 ans et 83 % à 25 ans.

De plus, il faut garder à l'esprit que la réalisation d'un traitement endodontique et plus particulièrement d'un retraitement [4] comporte des facteurs de risque.

Évaluation du support parodontal

Le support parodontal doit être évalué sur le plan conservateur, mais également sur la qualité et la quantité de l'environnement osseux, future zone implantaire potentielle en cas d'échec. L'obstination conservatrice peut entraîner une perte osseuse préjudiciable à la pose d'implant (fig. 4). Son évaluation repose sur les trois aspects suivants.

• État du parodonte

Le parodonte doit être sain ou assaini. En présence d'une maladie parodontale installée, l'agressivité ou la chronicité de celle-ci doivent être précisées. Après thérapeutique initiale et analyse occlusale, les retraitements, puis les traitements endodontiques sont réalisés sur les piliers stratégiques avant les traitements de chirurgie parodontale. Ce afin d'éliminer les foyers endodontiques, sources de contamination parodontale.

• Diagnostic différentiel des lésions endoparodontales

Le diagnostic clinique de l'ensemble de ces lésions repose essentiellement sur l'observation et le recueil des symptômes du patient, les tests de vitalité (nécessité de confronter les tests thermiques et électriques), de morsure et le sondage parodontal. L'examen clinique est complété par un examen radiologique. La présence d'images latéro-radiculaires doit inciter à suspecter une fêlure (image en chaussette) ou une lésion endodontique [5] (fig. 3). En présence d'un abcès sous-périosté ou d'une parodontite apicale localisée, le sondage circonférentiel doit être effectué tous les millimètres. Un sondage ponctuel, profond et unilatéral, fait suspecter une fêlure. Un sondage ponctuel, profond et bilatéral, fait suspecter une fracture. Ces 2 lésions traumatiques doivent être confirmées de visu (aides optiques et coloration au bleu de méthylène). Enfin, un sondage ponctuel, profond et unilatéral sans confirmation visuelle d'une solution de continuité, suggère une fistule par le desmodonte d'une lésion endodontique. La radiographie montre un élargissement régulier du desmodonte. L'absence d'alvéolyse sur tout ou partie de l'arcade oriente le diagnostic vers ces étiologies. Le diagnostic positif de fêlure ou fracture radiculaire d'une dent dépulpée aboutit le plus souvent à l'extraction de la dent bien que certains auteurs envisagent la possibilité de conservation par l'utilisation de techniques adhésives [6] ;

• Ancrage corono-radiculaire et étanchéité apicale : évaluation du rapport couronne/racine clinique

Suite à une pathologie parodontale sévère, l'alvéolyse peut aboutir à un rapport couronne/racine clinique défavorable pour des raisons biomécaniques [7], mais également biologiques en compromettant le scellement apical par la longueur de l'ancrage canalaire. En effet, une dent dépulpée présentant une perte de substance importante imposera le recours à une reconstitution corono-radiculaire afin d'assurer la rétention de la restauration coronaire. Idéalement, la longueur infra-osseuse de l'ancrage radiculaire doit être au moins équivalente à la hauteur de la couronne clinique (cette dernière est augmentée ici du fait de la perte osseuse). D'autre part, il est nécessaire de laisser subsister un bouchon apical de gutta-percha d'au moins 4 à 5 mm (notion d'étanchéité) [8, 9]. Ces deux derniers objectifs sont parfois difficiles à concilier par manque de longueur radiculaire et peuvent imposer des compromis, voire l'exclusion de la dent du plan de traitement prothétique. Toutefois, le nombre et la situation des dents contenues dans la future réhabilitation peuvent permettrent de répartir les efforts sur l'ensemble de la structure prothétique et peuvent limiter les sollicitations directes. Des ancrages courts, respectueux de l'obturation apicale peuvent dans ces cas êtres envisagés d'autant que les ciments ou colles disponibles actuellement optimisent la rétention de ces reconstitutions.

Endodontie et prothèse

Infection endodontique

Elle représente la difficulté majeure en termes diagnostique et thérapeutique ainsi que par sa prévalence.

Il est actuellement prouvé que :

- l'inflammation pulpaire et les lésions péri-apicales sont la conséquence d'une contamination bactérienne de l'endodonte [10] ;

- il est cliniquement et radiologiquement impossible de diagnostiquer la nature kystique d'une lésion péri-apicale [5, 11] et son irréversibilité thérapeutique ;

- sur le plan épidémiologique, il existe une corrélation entre le pourcentage de lésions péri-apicales et la présence de dents dépulpées dont le traitement endodontique est inadéquat [12].

La désinfection représente un des facteurs essentiels du succès [13].

Le traitement ou le retraitement endodontique reposent sur la mise en forme, la désinfection, l'obturation tridimensionnelle de l'endodonte en respectant le(s) foramen (a) en diamètre et en position [14]. L'impossibilité d'atteindre ces objectifs augmente les risques d'échec, le traitement conservateur reposera alors sur l'endodontie chirurgicale.

Il est donc nécessaire de considérer différemment le traitement initial et le retraitement.

Traitement endodontique initial ou retraitement ?

Le pronostic d'un traitement endodontique est lié à de nombreux facteurs corrélés à la possibilité plus ou moins complète de désinfection, mise en forme et obturation du système endocanalaire. Des situations multiples existent.

• Pulpite irréversible, dépulpation prothétique

Il s'agit d'un traitement endodontique initial dont le pronostic est situé en moyenne aux environs de 95 % sous réserve que le traitement soit réalisé dans les règles. Le pronostic endodontique est alors prévisible et optimise le pronostic prothétique.

Pourtant, selon Machtou : « il est préoccupant de constater que l'endodontie réalisée en omnipratique engendre souvent un besoin de nouveaux traitements qui auraient pu être évités si le traitement initial avait été effectué correctement. » [15].

Le respect des procédures opératoires, des règles élémentaires d'aseptie/antiseptie et la connaissance de l'anatomie pulpo-radiculaire influencent fortement l'avenir de la dent.

• Infection bactérienne et complications péri-apicales

La prise en compte de l'état général du patient dans la décision thérapeutique est majeure. Qu'il s'agisse d'un traitement initial de dents nécrosées ou d'un retraitement, l'existence de lésions apicales amoindrit le pronostic en comparaison aux situations précédentes. En effet, la présence de bactéries et de leurs métabolites dans le système canalaire ou la région péri-apicale [13] rend les objectifs plus difficiles à atteindre. D'après une étude de Sjögren et al. [16], le pourcentage de succès du traitement endodontique de dents vivantes ou nécrosées ne présentant pas de parodontite apicale est de 96 %. Lorsqu'il existe une parodontite apicale sur dents nécrosées, ce dernier diminue à 86 %. Il chute à 62 % lorsqu'il s'agit d'un retraitement avec lésion péri-apicale. La présence de bactéries résiduelles dans l'endodonte constitue donc un facteur particulièrement défavorable. En effet, les conditions d'anaérobiose, créées dans un canal partiellement traité ou recontaminé, favorisent le développement d'un nombre restreint de souches bactérienne [17] ; leur situation dans les anfractuosités du réseau canalaire, leur résistance à certains antiseptiques [18], associés à leur pouvoir pathogène élevé, compliquent les manœuvres de désinfection. L'extrusion de copeaux dentinaires, de matériaux d'obturation plus ou moins septiques, mais également la surinstrumentation représentent des facteurs négatifs sur le pronostic [15]. Les dépassements de matériaux d'obturation sont susceptibles d'aboutir à un échec, surtout lorsqu'il existe un manque d'étanchéité apicale. Les techniques d'obturation qui mettent à profit le compactage de la gutta chaude entraînent fréquemment des dépassements de ciment ou de gutta-percha qui sont en général bien tolérés si la préparation canalaire respecte le foramen en position et diamètre et si elle a été effectuée à l'abri de la contamination salivaire (fig. 5a, 5b et 5c). L'utilisation d'un champ opératoire doit pour ces raisons être systématique.

Si dans le cadre d'un traitement initial, il est généralement possible d'atteindre les objectifs de l'endodontie, dans le cadre d'un retraitement se surajoutent des difficultés cliniques d'ordre technique [19, 20]. Ces dernières compliquent considérablement l'accès aux foramina et, par conséquent, la désinfection de l'endodonte. La capacité à franchir ou éliminer ces derniers conditionne le pronostic.

Plusieurs types d'obstacles peuvent se présenter :

- obstacles naturels : il s'agit d'appositions dentinaire secondaire ou tertiaire qui aboutissent à l'oblitération partielle ou totale du canal à traiter. Il peut également s'agir de courbures canalaires ou particularités anatomiques compliquant la mise en forme et l'accès au tiers apical ;

- obstacles consécutifs à des erreurs iatrogènes ou à des anciens traitements : butées, perforations, reconstitution corono-radiculaire, cônes d'argent, fracture instrumentale.

Capacité du praticien à surmonter les obstacles intracanalaires

En présence d'obstacles divers, le praticien doit posséder la compétence clinique pour franchir ou éliminer ces derniers. L'objectif de ce paragraphe n'est pas de décrire les procédures pour y parvenir, mais plutôt d'évoquer l'ensemble des facteurs qui peuvent contribuer à aider le praticien.

« L'expérience endodontique » du clinicien et l'habitude de gérer des retraitements endodontiques difficiles est un critère prépondérant. À cela s'ajoute la connaissance de l'anatomie-pulporadiculaire (courbures, concavités, isthme, tronc radiculaire, configuration canalaire...) qui permet de franchir (fig. 6, 7) ou déposer ces obstacles [19] (fig. 8) ou de ne pas aggraver la situation. En effet, il existe des risques de perforation d'autant plus importants que l'obstacle est situé apicalement [21]. L'utilisation d'outils visuels [22] (loupes binoculaires et idéalement microscope opératoire) est une aide précieuse. L'instrumentation ultrasonore développée parallèlement au microscope opératoire, permet, sous contrôle visuel, d'éliminer la dentine secondaire ou tertiaire (en cas de minéralisation intracanalaire) et de déposer les instruments fracturés quand ils sont accessibles. Quand il est impossible de déposer un instrument fracturé, une tentative de passage latéral est effectuée (franchissement de l'instrument fracturé à l'aide d'une lime de faible diamètre pour accéder au tiers apical ; l'instrument fracturé peut être éliminé lors de la mise en forme ou englobé dans la future obturation). Dans les situations où il est possible d'accéder au foramen, le pronostic endodontique du retraitement demeure satisfaisant.

Dans l'impossibilité de déposer ou de franchir l'obstacle, plusieurs situations peuvent se présenter :

absence de lésion péri-apicale : surveillance clinique et radiologique et étude de la faisabilité d'une chirurgie endodontique en cas d'échec (état de santé, accès technique, critères anatomiques, rapport couronne/racine, support parodontal, esthétique prothétique...) ;

présence d'une lésion péri-apicale : si l'endodontie chirurgicale est réalisée en première intention, la cicatrisation est certes plus rapide, mais le taux de récidive est plus élevé en comparaison à un retraitement orthograde (fig. 9) [23]. Pour cette raison, l'endodontie chirurgicale est envisagée uniquement en l'absence de cicatrisation apicale après retraitement (fig. 10). Si elle est contre-indiquée, la dent est exclue du projet prothétique. L'endodontie chirurgicale a elle aussi profité des avancées techniques relatives à l'utilisation des aides visuelles et de la micro-instrumentation qui a accompagné son évolution. L'abord des anatomies particulières (isthmes, canaux supplémentaires...) est mieux contrôlé et le pronostic optimisé [24]. L'endodontie chirurgicale est alors considérée comme un retraitement par la voie rétrograde.

L'extraction d'une dent stratégique et la mise en place d'implants sont indiquées uniquement en dernière intention lorsque les retraitements orthogrades et rétrogrades ont échoué ou sont contre-indiqués pour des raisons générales et/ou locales (risque de perte du potentiel osseux).

Dans le cas de lésions importantes ou d'exudat inflammatoire persistant, l'utilisation transitoire d'hydroxyde de calcium durant 1 à 2 semaines peut s'avérer utile afin d'optimiser la désinfection canalaire [25]. Cependant, son action vis-à-vis de certaines souches bactériennes est insuffisante [18] et elle ne doit en aucun cas se substituer aux objectifs précédemment décrits.

Traitement des perforations

Le traitement conservateur de ces lésions est actuellement envisageable d'une manière plus prévisible. L'utilisation des grossissements optiques optimise le parage de la plaie et son obturation à l'aide de nouveaux matériaux biocompatibles (ciment Pro Root MTA®, Dentsply) (fig. 11) [26]. Toutefois, l'étendue (surface de communication parodontale), la localisation et l'ancienneté de la perforation seront prises en compte dans la décision de conservation [27].

Étanchéité coronaire, condition nécessaire au succès du traitement endodontique

Une restauration étanche doit être réalisée rapidement après le traitement endodontique afin d'éviter une recontamination bactérienne coronaire [28, 29]. Si la réalisation de cette reconstitution impose l'utilisation de tenons, le choix d'un mode d'assemblage adhésif est préférable pour des raisons biomécaniques et d'étanchéité. La séance de scellement ou de collage sera précédée par une irrigation à l'hypochlorite de sodium à 2,5 %. L'ensemble des étapes prothétiques postendodontiques est réalisé en évitant la contamination salivaire.

Au cours de préparations corono-périphériques sur dents vivantes, une protection pulpo-dentinaire par oblitération canaliculaire à l'aide de système adhésif (hybridation) est logique et recommandée afin d'éviter les contaminations bactériennes pendant les différentes étapes de prothèse.

Faut-il retraiter toutes les dents dépulpées avant prothèse ?

Les critères d'évaluation d'un traitement endodontique sont multiples, cliniques et radiologiques [1, 5].

Cependant, même si l'évaluation de ces critères semble en faveur d'un succès endodontique, des données importantes échappent souvent au praticien :

- de quand date le traitement initial ?

- dans quelles conditions d'aseptie a-t-il été effectué (digue dentaire, irrigation...) ?

Une dent a priori bien traitée sans lésion apicale peut s'avérer être un foyer infectieux potentiel en l'absence de retraitement avant prothèse. Une lésion peut apparaître à n'importe quel moment en fonction de la présence de bactéries déjà présentes. D'autre part, le simple fait de déposer la couronne ou d'exposer une cavité d'accès (pour réaliser un logement) à la contamination salivaire représente un risque potentiel. L'apparition d'une lésion est d'autant plus préjudiciable quand l'élément prothétique a été scellé. Pour ces raisons, il est vivement conseillé de réaliser systématiquement le retraitement des dents supports, sauf en présence de reconstitutions dont la dépose impliquerait des facteurs de risques biomécaniques [4].

En présence d'une lésion péri-apicale et d'une reconstitution corono-radiculaire de ce type, la chirurgie endodontique, lorsqu'elle est possible, est indiquée en première intention.

Paramètres liés aux patients

Pathologies générales et endodontie

L'entretien avec le patient permet de prendre en considération les pathologies générales de ce dernier. Le respect des conférences de consensus [30] concernant la conduite à adopter en endodontie est impératif pour des raisons évidentes d'éthique et de déontologie.

Motivation du patient

L'endodontie et plus particulièrement le retraitement ne peuvent s'envisager qu'en présence de patients motivés. En effet, les séances sont longues et difficiles pour des soins dont le résultat n'est pas directement perçu par le patient. Une bonne adhésion au traitement implique donc une explication simple du praticien sur les phénomènes bactériens justifiant le traitement. Il est aussi important de prévenir le patient de la longueur des séances nécessaires pour le traitement endodontique. À ce stade, il est assez aisé de déterminer la motivation du patient qui laisse également présager de la motivation à venir pour la thérapeutique prothétique.

Ouverture buccale limitée

Les risques sont essentiellement représentés par l'impossibilité d'atteindre les objectifs fondamentaux suite à un défaut d'accès à l'endodonte (insertion des instruments de préparation et d'obturation) et le risque accru de fractures instrumentales (par exemple : fermeture brutale sur une lime NiTi en rotation continue ou défaut d'amplitude pour l'utilisation de celle-ci). Cette situation peut compromettre l'avenir de la réhabilitation prothétique qui sera également réalisée dans des conditions difficiles.

Délais de cicatrisation et aspect économique

Les délais nécessaires pour obtenir la guérison de parodontites apicales sont variables en fonction de la situation clinique. Un délai minimal de 6 mois est indispensable pour apprécier pertinemment les premiers signes d'une guérison. Après traitement endodontique, la réalisation d'une reconstitution corono-radiculaire permet de temporiser durant cette période. La thérapeutique prothétique « définitive » peut être également mise en œuvre s'il n'existe pas de contre-indication à la chirurgie endodontique. Dans le cas contraire, il est préférable d'attendre ce délai minimal afin d'exclure la dent du projet prothétique en cas d'absence de cicatrisation.

En effet, déterminer la fiabilité et le pronostic d'un traitement endodontique n'est pas toujours aisé [4]. Il est donc parfois nécessaire de différer la thérapeutique prothétique pour attendre les premiers signes d'une éventuelle guérison et ne pas engager d'emblée le patient dans des frais prothétiques onéreux alors que le pronostic endodontique est incertain ou mauvais.

Organigramme décisionnel (fig. 12)

Conclusion

Que la restauration soit dento-portée fixée ou amovible, mixte (dento-implanto-portée), le pronostic prothétique est intimement lié au pronostic endodontique. Les possibilités actuelles offertes par l'endodontie orthograde, mais également rétrograde permettent d'élargir le champ de conservation des dents et leur inclusion dans le plan de traitement prothétique.

L'extraction de dents justifiant un retraitement endodontique, suivi de la mise en place d'implants n'est pas scientifiquement et éthiquement tolérable.

L'évaluation de l'ensemble des facteurs évoqués dans cet article permet d'apprécier la fiabilité des dents supports et la sélection de ces dernières qui sont inclues ou exclues de la thérapeutique prothétique. D'autre part, il est capital, dès l'élaboration du plan de traitement, d'anticiper les échecs potentiels afin de déterminer au mieux des solutions thérapeutiques évolutives. Enfin, des contrôles réguliers cliniques et radiographiques sont nécessaires afin de confirmer le succès d'un traitement endodontique dans le temps.

bibliographie

  • 1 Rilliard F, Barek S, Delzangles B. Thématiques actuelles en endodontie. Inform Dent 1998;27:1915-1925.
  • 2 Eckerbom M, Magnusson T, Martinsson T. Prevalence of apical periodontitis, crowned teeth and teeth with posts in a Swedish population. Endod Dent Traumatol 1991;7(5):214-220.
  • 3 Valderhaug J, Jokstad A, Ambjornsen E, Norheim PW. Assessment of the periapical and clinical status of crowned teeth over 25 years. JDent 1997;25(2):97-105.
  • 4 Friedman S. Considerations and concepts of cas selection in the management of post-treatment endodontic disease (treatment failure). Endod Topics 2002;1:54-78.
  • 5 Huumonen S, Ørstavik D. Radiological aspects of apical periodontitis. Endod Topics 2002;1:3-25.
  • 6 Kawai K, Masaka N. Vertical root fracture treated by bonding fragments and rotational replantation. Dent Traumatol 2002;18(1):42-45.
  • 7 Fleiter B, Launois C. Préparations en présence de support parodontal réduit. Réalités Cliniques 1996;7(4):533-546.
  • 8 Gutmann JM. Preparation of endodontically treated teeth to receive a post-core restoration. Journal Prosthet Dent 1977;38:413-419.
  • 9 Mattison GD, Delivanis PD, Thacker RW, Hassel KJ. Effect of post preparation of the apical seal. J Prosthet Dent 1984;51:785-789.
  • 10 Kakehashi S, Stanley H, Fitzgerald R. The effect of surgical exposures of dental pulps in germ-free and conventional laboratory rats. Oral Surg Oral Med Oral Pathol 1965;20:340-349.
  • 11 Nair PNR. Apical periodontisis: a dynamic encounter between root canal infection and host reponse. Periodontol 2000 1997;13:121-148.
  • 12 Rillard F, Boucher Y. Épidémiologie en endodontie. Réalités cliniques 2001;12(2):131-138.
  • 13 Trope M, Bergenholtz G. Microbiological basis for endodontic treatment: can a maximal outcome be achieved in one visit ?. Endod Topics 2002;1:40-53.
  • 14 Schilder H. Cleaning and shaping the root canal. Dent Clin North Amer 1974;18:269-296.
  • 15 Machtou P. Pronostic du retraitement endodontique orthograde. Inform Dent 2003;4:203-215.
  • 16 Sjögren U, Hagglund B, Sundqvist G, Wing K. Factors affecting the long-term results of endodontic treatment. J Endod 1990;16(10):498-504.
  • 17 Baumgartner JC, Falker WA. Bacteria in the apical 5 mm of infected root canals. J Endod 1991;17-8:380-383.
  • 18 Haapasalo M, Ørstavik D. In vitro infection and desinfection of dentinal tubules. J Dent Res 1987;66:1375-1379.
  • 19 Ruddle CJ. Eliminating intracanal obstructions. Dent Today 1996;15:44-49.
  • 20 Pommel L, Camps J. La réintervention en endodontie : la voie canalaire. Réalités Cliniques 2000;11(3):277-292.
  • 21 Friedman S. Prognosis of initial endodontic therapy. Endod Topics 2002;2:59-88.
  • 22 Rubinstein R. The anatomy of the surgical operating microscope and operating position. Dent Clin North Amer 1997;3:391-414.
  • 23 Kvist T, Reit C. Result of endodontic retreatment: a randomized clinical study comparing surgical and nonsurgical procedures. J Endod 1999;(12):814-817.
  • 24 Kim S. Principes of endodontic microsurgery. Dent Clin North Am 1997;41(3);481-497.
  • 25 Barril Cochet I. Aseptie canalaire. Pourquoi l'hydroxyde calcium ?. Inform Dent 2003;19:1239-1242.
  • 26 Lee SF, Monsef M, Torabinejad M. The sealing ability of a mineral trioxide aggregate for repair of lateral root perforations. J Endod 1993;19:541-544.
  • 27 Wong R, Cho F. Microscopic management of procedural errors. Dent Clin North Am 1997;41(3):455-479.
  • 28 Ray HA, Trope M. Periapical status of endodontically-treated teeth in relation to the technical quality of the root filling and the coronal restoration. Int Endod J 1995;28(1):12-18.
  • 29Saunders WP. Restoration of the root filled teeth. In : Ørstavik D, Pitt Ford TR, eds. Essential endodontology ; prevention and treatment of apical periodontisis Oxford : Blackwell Science, 1998:311-366.
  • 30 ANAES. Recommandations et références dentaires. 159 rue nationale, 75640 Paris cedex 13.
  • Rubinstein R, Kim S. Short-term observation of the results of endodontic surgery with the use of a surgical operation microscope and super EBA as root-end filling material. J Endod 1999;1:43-51.