Nouvelles dents prothétiques radio-opaques pour les guides d'imagerie préimplantaires - Cahiers de Prothèse n° 125 du 01/03/2004
 

Les cahiers de prothèse n° 125 du 01/03/2004

 

Implantologie

Patrice Margossian *   Michel Laurent **   Philippe Lacroix ***   Paul Mariani ****  


* Assistant hospitalo-universitaire
232, avenue du Prado
13008 Marseille
** Maître de conférences universitaire - Praticien hospitalier
307, rue Paradis
13008 Marseille
*** Assistant hospitalo-universitaire
22, rue Edouard-Amavet
13500 Martigues
**** Professeur des Universités -Praticien hospitalier
Centre Gaston Berger
17, boulevard Mireille-Lauze
13010 Marseille

Résumé

Le guide radiologique et chirurgical permet l'encadrement de la thérapeutique implantaire, en aidant le chirurgien à positionner les implants selon les impératifs anatomiques d'une part et les nécessités prothétiques d'autre part. L'utilisation de dents radio-opaques pour leur réalisation permet d'avoir, sur les coupes radiographiques, à la fois le contour osseux utilisable et le volume de la dent à remplacer. Cette nouvelle technique est illustrée par un cas clinique pour lequel une incisive est remplacée par une prothèse sur implant utilisant un pilier alumine et une coiffe tout céramique.

Summary

New radio-opaque prosthetic teeth for the guides of pre-implant imaging: application to the replacement of a maxillary incisor

The radiological and surgical guide enables to plan the implant therapeutics, helping the surgeon to position the implants according to the anatomic requirements on the one hand and the prosthetic necessities on the other hand.

The use of radio-opaque teeth for their realisation enables to have - on the radiographic sections - both the usable bone outline and the volume of the tooth to be replaced.

This new technique is illustrated by a case study in which an incisor is replaced by a prosthesis on implant using an alumina abutment and an all ceramic jacket crown.

Key words

implant, radiologic guide, radio-opaque tooth, surgical guide

Toute réhabilitation par prothèse sur implants doit être précédée d'une étude diagnostique aboutissant à un projet prothétique. Celui-ci simule une proposition thérapeutique répondant aux exigences à la fois fonctionnelles et esthétiques. Cette étape permet de valider la forme et la position des dents à remplacer pour les inscrire dans le schéma d'arcade et d'occlusion du patient.

Dans le cadre de la thérapeutique implantaire qui comporte une phase chirurgicale et une phase prothétique, les guides radiologiques et chirurgicaux doivent mettre en relation, le plus simplement possible, ces deux entités en prenant en compte les impératifs techniques de chacune pour trouver les meilleurs compromis [1-3].

Différents cas de figure peuvent être rencontrés :

• La solution prothétique est en accord avec les possibilités anatomiques : c'est le cas idéal et le résultat est largement prévisible. La marge de manœuvre est grande et l'utilisation du guide chirurgical n'est pas obligatoire. Une évaluation clinique des axes et la maîtrise de l'acte chirurgical permettent d'obtenir un résultat satisfaisant.

• Le projet prothétique est en complet désaccord avec le volume osseux sous-jacent. Deux alternatives peuvent alors être envisagées :

- le recours à des thérapeutiques autres qu'implantaires ;

- le recours à des techniques de reconstruction osseuse pour recréer un volume osseux en adéquation avec le projet prothétique.

• Le projet prothétique est en léger désaccord avec les possibilités osseuses. Ce cas conduit à :

- idéaliser la position de l'implant et/ou utiliser des astuces prothétiques ;

- accroître le volume osseux par greffe ou expansion corticale lors de la pose de l'implant, si les exigences esthétiques sont prééminentes.

C'est dans ce troisième cas de figure que l'utilisation du guide chirurgical est fortement recommandée. Il faut en effet optimiser la mise en place de l'implant par rapport à la position de la future dent prothétique [4, 5].

Présentation d'un cas clinique

Un patient de 18 ans présente au niveau de la 11 une pathologie endoparodontale, accompagnée de résorption interne et externe. Cette dent a subi, 5 ans auparavant, un traumatisme qui a entraîné son avulsion, suivie d'une dépulpation et d'une réimplantation immédiate (fig. 1, 2 et 3).

Extraction de la dent

La dent est extraite après élévation d'un lambeau muco-périosté, effectuée pour mieux visualiser le site opératoire, cela afin de :

- réaliser l'extraction la moins traumatique possible pour l'environnement osseux (fig. 4) ;

- s'assurer qu'aucun débris radiculaire ou matériau d'obturation n'a été oublié.

Ce lambeau doit être toutefois assez réduit. Il ne doit pas comprendre d'incision de décharge pour éviter toute bride cicatricielle disgracieuse.

Dans la séance, une prothèse partielle amovible est mise en place (fig. 5), ce qui permet la temporisation durant 7 mois (1,5 mois avant l'implantation et 5,5 mois jusqu'à la phase II). L'implantation est réalisée 6 semaines après l'extraction pour permettre la reformation épithélio-conjonctive et ainsi assurer une cicatrisation par première intention le jour de la pose de l'implant. Le protocole d'extraction/implantation immédiate a été différé de 6 semaines pour éviter d'avoir à fermer le site par un lambeau tracté coronairement, ce qui aurait nécessité 2 incisions de décharge vestibulaires et un déplacement disgracieux de la ligne mucogingivale. Grâce à une technique en 2 temps (implant enfoui), il est plus facile de gérer les tissus mous au moment de la phase II.

Un protocole en un seul temps a été écarté (implant non enfoui) pour les raisons suivantes :

- la gestion des tissus mous initialement asymétriques aurait été plus délicate ;

- la prothèse amovible de temporisation aurait pu solliciter trop fortement le pilier de cicatrisation et compromettre ainsi l'ostéointégration de l'implant ;

- une mise en place esthétique immédiate par une dent provisoire transvissée ne peut s'envisager que si la stabilité primaire de l'implant est parfaite, ce qui n'est pas toujours le cas dans le cadre d'une extraction/implantation immédiate.

Pour garantir la prévisibilité du traitement, celui-ci a été planifié en 3étapes : extraction, implantation, phase II chirurgicale et réalisation prothétique.

Protocole de mise en place de l'implant

La mise en place de l'implant est déterminée par deux facteurs : le point d'impact sur la crête et son orientation.

• Le point d'impact permet de situer l'implant en regard de la dent prothétique sus-jacente (et non d'une embrasure, par exemple) et de respecter les distances idéales implant/dent ou implant/implant.

• Le choix de la direction d'implantation permet, quant à lui, d'adapter au mieux l'axe de l'implant avec celui de sa future couronne prothétique - cela dans un souci de respect des règles de biomécanique - et pour les prothèses transvissées, d'évaluer la zone d'émergence de la vis. Certes, des piliers angulés peuvent être utilisés pour corriger les divergences trop grandes. Il n'en demeure pas moins que l'alignement des axes radiculaires et coronaires semble sur le plan biomécanique la situation la plus séduisante.

Actuellement, grâce aux progrès constants de l'imagerie médicale et notamment de la tomodensitométrie, il est possible de mesurer très précisément les volumes osseux [6]. Le guide radiologique permet de superposer sur ces images l'axe et le volume du projet prothétique du patient grâce à l'utilisation de matériaux radio-opaques [7].

Pendant longtemps, seul le point d'impact était retranscrit par l'intermédiaire de billes de métal. Puis, l'utilisation de tiges de gutta-percha ou de titane a introduit la notion d'axe. C'est toutefois avec l'apparition de matériaux radio-opaques à base de sulfate de baryum que le volume prothétique a pu réellement être matérialisé [8, 9].

Suite à une présentation sous forme de vernis, les laboratoires Ivoclar Vivadent ont récemment mis au point des dents du commerce et de la résine radio-opaques (Vivo Tac®) (fig. 6).

Cette nouveauté technologique facilite grandement la réalisation des guides, quel que soit le type d'édentement. Ces dents radio-opaques existent sous différentes formes et tailles, au niveau antérieur et postérieur, et se montent comme des dents de prothèse partielle amovible. Elles peuvent être meulées ou modifiées par adjonction de résine. Après fixation de la dent sur le moulage en plâtre, une base en résine transparente (ProBase Cold®, Ivoclar Vivadent) est réalisée par apport de poudre et de liquide (fig. 7 et 8).

Il est apparu intéressant de rebaser avec de la résine radio-opaque l'intrados de la prothèse amovible en regard de la dent Vivo Tac® pour avoir une mesure précise de l'épaisseur de la fibro-muqueuse sur les clichés du Dentascan (GE Medical Systems) au niveau des sites d'implantation. Cette information permet d'anticiper sur la nécessité d'un enfouissement plus ou moins important de l'implant et le recours à des techniques d'épaississement tissulaire, en fonction des exigences esthétiques, pour optimiser les profils d'émergence.

Ainsi, l'analyse radiographique permet de déterminer l'axe de l'implant, de choisir sa longueur, son diamètre et son enfouissement (fig. 9a à d).

Le guide radiologique et chirurgical est alors réalisé avec une dent Vivo Tac®, l'intrados étant rebasé comme précédemment décrit. Le guide est essayé et l'occlusion réglée. Le patient peut ainsi passer l'examen tomodensitométrique, guide en bouche, en occlusion d'intercuspidie maximale (OIM).

L'analyse des coupes scanner permet de choisir le diamètre, la longueur, l'axe et le niveau d'enfouissement de l'implant. Il est évident qu'au vu de la forte concavité de la corticale vestibulaire, une émergence palatine s'avère impossible. Au mieux, on obtiendra un axe passant juste en arrière du bord libre de la dent.

La muqueuse semble d'une épaisseur suffisante et l'implant ne sera enfoui que de 1 mm. Après analyse, une régénération osseuse n'a pas semblé nécessaire. L'esthétique dento-gingivale est améliorée par l'utilisation d'un pilier anatomique et un épaississement de la muqueuse vestibulaire, qui donne l'illusion de la présence d'une racine en recréant un volume convexe dans le sens antéro-postérieur.

À l'issue de cette analyse, le guide radiologique est transformé en guide chirurgical par la réalisation d'une encoche de 2,5 mm sur la face vestibulaire de la dent, passant ainsi par son centre et selon son grand axe [10, 11] (fig. 10).

Le chirurgien possède ainsi, sur la même vue, le projet prothétique et le volume osseux disponible en arrière-plan. Il peut alors placer l'implant dans les meilleures conditions (fig. 11 et 12a à c).

Second temps chirurgical

Six mois plus tard, une incision d'épaisseur partielle, décalée en palatin, permet, par la technique du rouleau, d'épaissir la muqueuse vestibulaire.

Les sutures sont réalisées ; un transfert est vissé et une empreinte est prise. Une dent provisoire transvissée est mise en place, dans la séance, grâce à un composant transitoire en résine et une dent du commerce, le puits d'accès étant obturé par du composite [12, 13].

La pose de la dent transitoire dès la phase II permet un guidage cicatriciel des tissus et optimise l'émergence prothétique (fig. 13, 14 et 15a et b).

Phase prothétique

Sept semaines sont nécessaires à la cicatrisation et la stabilisation de la fibro-muqueuse. L'empreinte peut alors être prise pour l'élaboration d'un pilier anatomique de type Procera® (Nobel Bio-care) en alumine reproduisant, à l'identique, l'émergence obtenue grâce à la prothèse provisoire (fig. 16 et 17).

Le pilier est mis en place et serré à 30 Ncm à l'aide d'un moteur dynamométrique ; le puits d'accès de la vis est obturé (Systemp inlay®, Ivoclar) et une coiffe Procera® est réalisée et scellée avec un ciment au verre ionomère modifié par adjonction de résine (Fuji Plus®, GC France).

Ainsi, l'utilisation de matériaux hautement biocompatibles comme le titane et l'alumine garantit une parfaite intégration tissulaire et une stabilité dans le temps des tissus parodontaux (fig. 18, 19, 20 et 21).

Conclusion

Ce cas clinique met en évidence l'utilité des guides radiologiques radio-opaques qui permettent, avec une grande fiabilité, de sécuriser l'acte chirurgical et d'obtenir ainsi une prothèse d'usage en accord avec le projet thérapeutique initial.

bibliographie

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  • 10 Missika P, Hirardot A. Le guide chirurgical : intérêts et techniques. Implant 1999;5(2):85-92.
  • 11 Caillon P, Treil N, Danan M, Bronstein C, Knoplioch J, Buthiau D. Applications cliniques de l'analyse informatique de l'image scanner implantaire. Réalités Cliniques 1998;9(1):39-55.
  • 12 Israelson H, Plemons JM. Dental implants, regenerative techniques and periodontal plastic surgery to restore maxillary anterior esthetics. Int J Oral Maxillofac Implants 1993;8:555-561.
  • 13 Borghetti A, Monnet-Corti V. Chirurgie plastique parodontale. Paris : Éditions CdP, 2000.