Implantologie
Jean-Luc Veyrune * Claire Lassauzay ** Audrey Cornet *** Jacques Lescher ****
*
MCU-PH
Responsable de la section Prothèse
**
MCU-PH
Groupe d'études sur les déficiences, les incapacités
et les désavantages en santé orale, Section Prothèse
***
Chirurgien-dentiste
****
MCU-PH -UF d'implantologie
Faculté de chirurgie dentaire
Section Prothèse
11, boulevard Charles-de-Gaulle
63000 Clermont-Ferrand
La perte des dents et ses répercussions anatomiques, fonctionnelles, esthétiques et sociales ont été largement étudiées. Par le passé, seule la prothèse totale conventionnelle avec ses qualités et ses défauts, notamment le manque de stabilité de la prothèse mandibulaire, permettait de réhabiliter un édentement total. À l'heure actuelle, le développement des techniques implantaires a permis d'apporter d'autres solutions aux problèmes de l'édentement. S'appuyant sur les principes de l'« evidence-based dentistry » (dentisterie fondée sur la preuve), cet article est une revue de la littérature dont l'objectif est de vérifier l'hypothèse selon laquelle les restaurations prothétiques supra-implantaires sont les traitements de choix de l'édentement total mandibulaire. L'utilisation d'implants améliore la qualité de vie des patients qui en sont porteurs. Outre une préservation du capital osseux et une amélioration de la fonction, ils offrent un meilleur confort, une diminution des doléances et une meilleure intégration de la prothèse. On peut dès lors conclure, en accord avec la conférence de consensus de MacGill, que le traitement minimal de l'édentement total mandibulaire est une prothèse amovible retenue par 2 implants symphysaires.
The anatomical, functional, aesthetic and social repercussions of edentulism have been well described. In the past, the only solution to edentulism was the provision of complete dentures with the advantages and disadvantages of this technique, including the relative instability of the lower denture. Thanks to the current developments of implant-borne prostheses, new solutions to the problem of edentulism can be envisaged. This article relies on the principals of evidence-based dentistry to review the literature relating to implant-borne complete lower dentures. It has been shown that implant-borne complete lower dentures improve the patient's quality of life, help to maintain alveolar bone and improve function. In addition, comfort is improved, patient complaints are reduced and integration of the prosthesis is made easier. Our conclusion, which echoes that of the consensus conference of MacGill, is that the minimal treatment for the edentulous lower arch is a removable denture supported by 2 symphyseal implants.
La perte des dents et ses répercussions anatomiques, fonctionnelles, esthétiques et sociales ont été largement étudiées. Par le passé, seule la prothèse totale conventionnelle avec ses qualités et ses défauts, notamment le manque de stabilité de la prothèse mandibulaire, permettait de réhabiliter un édentement total. Actuellement, le développement des techniques implantaires a permis d'apporter d'autres solutions aux problèmes de l'édentement.
Dans la littérature odontologique, peu de documents traitant de l'évaluation de la réhabilitation de l'édentement total par les techniques implantaires sont disponibles. La plupart des travaux publiés sont issus d'études rétrospectives ou descriptives [1]. Les études les plus nombreuses portent sur la satisfaction des patients et leur qualité de vie et ont été conduites à partir de questionnaires validés comme le Global Oral Health Assessment Index (GOHAI) et l'Oral Health Impact Profile (OHIP). Des travaux ont également été menés sur la fonction masticatoire (force de morsure, force maximale, efficacité masticatoire). En revanche, les études sur l'activité des muscles masticateurs sont beaucoup moins nombreuses. De même, les travaux étudiant la sensibilité tactile pour lesquels les protocoles sont plus lourds (biopsies, enregistrement des seuils de détection) sont rares. Enfin, trois auteurs [2, 4] ont fait une synthèse des connaissances sur les améliorations fonctionnelles apportées par la thérapeutique implantaire dans le traitement de l'édentement total.
S'appuyant sur les principes de « l'evidence-based dentistry » (dentisterie fondée sur la preuve) [5], ce travail propose une revue de la littérature dont l'objectif est de vérifier l'hypothèse selon laquelle les restaurations prothétiques supra-implantaires sont les traitements de choix de l'édentement total mandibulaire.
Les articles et documents utiles à cette étude ont été collectés à partir de trois sources:
- Pub Med et Medline ;
- la bibliographie d'articles récents ;
- le contact direct avec les auteurs.
Étant donné la variété des thèmes abordés, il fut impossible de trouver une grille adaptée à tous les types d'articles. Cependant, l'analyse critique a été effectuée selon des paramètres précis [6] :
- type d'étude (comparative, descriptive ; prospective, rétrospective) ;
- journal (notoriété, comité de lecture, impact factor) ;
- effectif de population ;
- mode de sélection de la population (randomisation ou pas) ;
- variables mesurées ;
- outils de mesure et leur validité ;
- tests statiques réalisés (pertinence des résultats) ;
- date de parution (la plupart des articles de cette revue sont récents à l'exception de ceux cités en référence dans plusieurs d'entre eux).
Les articles ne permettant pas d'avoir accès à tous ces paramètres (effectif non précisé, tests statistiques non mentionnés, validité des outils de mesure non vérifiée…) ont été exclus de cette revue critique. Au total, 65 articles sur 146 ont été retenus.
Chez les patients totalement édentés, il existe une résorption physiologique de l'os mandibulaire particulièrement marquée, quatre fois supérieure à celle de l'os maxillaire. Cette résorption est variable selon les individus. Avec le temps, son importance augmente entraînant des difficultés techniques pour la réalisation de la prothèse [7] (fig. 1). Narhi et al. [8] ont montré que les doléances augmentent avec l'aggravation de la résorption.
Dans ce contexte, la pose d'implants permet-elle de stopper cette résorption, voire de l'inverser ?
Il apparaît que les effets de la pose d'implants sur l'os mandibulaire dépendent du type de restauration prothétique supra-implantaire. Les études menées tendent à prouver que la prothèse fixée sur implants permet la réduction de la perte osseuse, voire une régénération. En revanche, les bénéfices pour le capital osseux d'une prothèse amovible implanto-retenue sont plus contestés (fig. 2a et 2b). En comparant rétrospectivement 3 groupes (porteurs de prothèses conventionnelles, implanto-retenues amovibles ou implanto-portées fixées mandibulaires), Jacobs et al. [9] ont observé une résorption postérieure chez les porteurs de prothèses amovibles sur implants 2 à 3 fois supérieure à celle décrite chez les porteurs de prothèses conventionnelles. Un tel résultat n'a été décrit que dans cette étude. Il peut s'expliquer d'une part par le statut du maxillaire (14 % des sujets avaient des dents ou un bridge fixé sur implants au maxillaire et présentaient un taux de résorption postérieure mandibulaire important). D'autre part, au début de l'étude, la quantité d'os résiduel était modérée alors que dans d'autres études [10], l'os alvéolaire avait quasiment disparu. De plus, Jacobs et al. précisent qu'après 10 ans d'édentement, la différence de résorption postérieure disparaît. Contrairement à ce résultat, une étude comparative et randomisée a mis en évidence chez les porteurs de prothèses amovibles sur 2 implants, indépendants ou non, un remodelage osseux lié à la mise en charge des implants. Ce remodelage minimise la perte osseuse qui fait suite à l'édentement [11]. En ce qui concerne les porteurs de prothèse fixée sur implants, plusieurs études ont mis en évidence une augmentation de la hauteur d'os mandibulaire résiduel postérieur [10, 12-18].
Les travaux menés sur le capital osseux utilisent généralement comme outil de mesure des radiographies panoramiques qui présentent l'inconvénient d'entraîner une déformation de l'image en ramenant à 2 dimensions un objet tridimensionnel. De ce fait, la comparaison avant et après traitement se révèle délicate.
La prothèse supra-implantaire mandibulaire favorise-t-elle la résorption de l'os maxillaire qui lui est opposé ?
D'après Narhi et al. [19], la résorption de l'os maxillaire n'est pas accentuée par le port d'une prothèse mandibulaire sur implants qu'elle soit fixée ou amovible. Elle semble même être moins importante qu'en présence de prothèse mandibulaire conventionnelle [20, 21].
Toutefois, la très grande stabilité de la prothèse mandibulaire sur implant entraîne, dans un nombre non négligeable de cas [22], des difficultés de rétention de la prothèse maxillaire conventionnelle qui serait dans ce cas plus facilement déplacée que lorsqu'elle est opposée à une prothèse mandibulaire conventionnelle.
Du point de vue histologique, la restauration par prothèse amovible implanto-retenue permet de rétablir une densité en terminaisons nerveuses proche de la normale au niveau de la muqueuse distale par rapport aux implants. Cette augmentation est en revanche mineure au niveau de la muqueuse péri-implantaire [23]. Elle est responsable d'une amélioration du contrôle des mouvements d'ouverture et de fermeture et de la finesse de détection de l'épaisseur d'un objet interposé entre les arcades. Cette augmentation de la sensibilité est d'autant plus marquée que la prothèse est muco-implanto-portée [24, 25-27]. Au contraire, pour Leung et Munoz Haag [28], les porteurs de prothèse amovible sur implants discrimineraient moins bien les différences d'épaisseur entre leurs arcades. Cependant, la population de cette étude était constituée de porteurs de prothèses conventionnelles avec des problèmes persistants. Après renouvellement de leur prothèse conventionnelle, les sujets avaient la possibilité, s'ils en ressentaient le besoin, de recevoir des implants. La population témoin de cette étude était donc constituée de sujets qui avaient pu s'adapter à leur prothèse conventionnelle, avec peut-être une meilleure coordination neuro-musculaire, voire une résorption moins avancée, que le groupe ayant choisi de recourir aux implants.
L'augmentation de stabilité de la prothèse entraîne-t-elle une augmentation de l'activité des muscles masticateurs ?
La pose d'implants mandibulaires chez les patients totalement édentés ne semble pas entraîner de fatigue musculaire prématurée ou d'hyperactivité. Il semble que le maintien de l'activité musculaire soit mieux assuré par le port d'une prothèse supra-implantaire. Jemt et al. [29] ont étudié les conséquences du passage d'une prothèse totale mandibulaire conventionnelle à une prothèse fixe sur implants. Ils ont décrit une stabilisation de la mastication, une augmentation du rythme masticatoire et de l'amplitude du déplacement dans les plans frontaux et horizontaux. Karkazis [30] a montré que la prothèse amovible sur 2 implants permettait une adaptation de l'activité de mastication à la texture de l'aliment proche de celle observée chez le sujet denté. Toutefois, le peu de sujets sélectionnés pour cette étude (6), l'absence de tirage au sort et la courte durée d'observation (6 mois) ternissent la pertinence du résultat.
Selon Muller et al. [31], le remplacement des prothèses conventionnelles ne permet qu'une amélioration relative de la force maximale de morsure. Plus le niveau de résorption osseuse est élevé, moindre est l'apport du renouvellement. Fontijn-Tekamp et al. [32] ont mis en évidence que l'efficacité masticatoire des porteurs de prothèse amovible sur implants n'était supérieure à celle des porteurs de prothèse totale mandibulaire conventionnelle que si la hauteur d'os était faible. Pour Geert-man et al. [33], Fontijn-Tekamp et al. [34] et Garrett et al. [35], la pose d'implants s'accompagne d'une augmentation de l'efficacité masticatoire sans différence significative entre la prothèse supra-implantaire amovible ou fixée. Toutefois, Geertman et al. [36] ont montré que l'expérience masticatoire subjective ressentie par le patient et l'efficacité masticatoire mesurée ne sont pas directement liées, l'augmentation de l'une n'entraînant pas obligatoirement celle de l'autre.
Le renouvellement de prothèses anciennes mal adaptées améliore la performance masticatoire, mais pas le statut nutritionnel des patients [37, 38]. Shinkai et al. [39] ont montré que la majorité des patients totalement édentés appareillés ont des déficits alimentaires en produits laitiers, légumes, fruits et céréales quelle que soit la qualité technique de leurs prothèses.
Dans ces conditions, la pose d'implants a-t-elle un impact sur la façon de s'alimenter de ces patients totalement édentés ?
Le remplacement des prothèses totales par des prothèses sur implants ne permet pas d'améliorer de façon significative le régime alimentaire des patients totalement édentés [38, 40-43]. Malgré l'amélioration subjective de la satisfaction et de la mastication, 30 à 50 % des patients continuent d'exclure certains aliments comme les carottes et les pommes [44]. Ceci vient ternir les résultats encourageants de l'augmentation de l'efficacité masticatoire. Pour modifier les comportements alimentaires, le recours à des diététiciens serait certainement la solution la plus efficace. Toutefois, Wismeijer et al. [45] ont observé une prise de poids chez 39 % des patients après le port pendant 16 mois de prothèse amovible sur implants. Ces résultats tendraient à montrer que la pose d'implants entraîne une augmentation du nombre de calories absorbées. Cependant, la méthode d'évaluation de cette prise de poids n'est pas clairement expliquée et il semblerait que les patients se soient eux-mêmes pesés. Dans ces conditions et du fait de la faible variation de poids (entre 1 et 2 kilogrammes pour 13 % et plus de 2 kilogrammes pour 26 %), ces résultats doivent être nuancés.
Contrairement aux autres études, Morais et al. [46] concluent que le port d'une prothèse amovible sur 2 implants permet une amélioration de l'état nutritionnel des patients totalement édentés. Ils ont observé une augmentation du taux sanguin d'albumine. Cependant, cette variation n'est significative qu'au sein même du groupe, en comparant le groupe avant et après la pose d'implants. Aucune différence significative n'a pu être mise en évidence avec le groupe témoin des sujets porteurs de prothèses conventionnelles. Il en est ainsi de tous les paramètres mesurés, et bien qu'une tendance en faveur des implants se dégage, elle n'est pas statistiquement significative. Morais et al. ont entrepris une étude plus large pour tenter de confirmer la tendance qui se dégage de leur premier travail. Si les résultats de cette nouvelle recherche venaient confirmer que la prothèse sur implants permet d'améliorer le statut nutritionnel des patients totalement édentés, l'utilité d'une telle réhabilitation prothétique ne serait plus à discuter, en particulier chez les sujets âgés et la relation de cause à effet entre la qualité de la mastication et la nutrition serait faite.
La satisfaction des patients à l'égard de leur prothèse est une notion subjective. Lors de l'évaluation de cette satisfaction, plusieurs variables doivent être prises en compte telles que le confort, la facilité de nettoyage, l'amélioration de la fonction et de l'esthétique. Dans les études comparatives, les sujets qui, après avoir expérimenté les prothèses totales conventionnelles, ont la possibilité de recevoir des implants mandibulaires sont en grande majorité les plus satisfaits [45, 47, 48]. L'évaluation de la qualité de vie orale peut être plus précisément appréhendée grâce à l'utilisation d'indicateurs tels que l'OHIP ou le GOHAI. Ces indicateurs de qualité de vie montrent que l'utilisation des techniques implantaires a un impact positif par rapport à toute autre méthode de réhabilitation de l'édentement total [49, 50] (fig. 3). Ces résultats positifs peuvent s'expliquer par le fait que la plupart des articles comparatifs ont comme population témoin des porteurs de prothèse conventionnelle avec des problèmes persistants de rétention, notamment pour des raisons de débit salivaire, et/ou de sévères atrophies. Les quelques études qui comparent des porteurs de prothèses conventionnelles satisfaits à des porteurs de prothèse sur implants trouvent des résultats plus nuancés [32]. Toutefois, les porteurs satisfaits de leurs prothèses conventionnelles n'ont pas eu l'occasion de tester une prothèse implanto-portée ; si cette possibilité leur était offerte, il est possible qu'elle leur apporte plus de satisfaction. Meijer et al. [51] ont mis en évidence que la satisfaction diminue avec le temps chez les porteurs de prothèse amovible sur implants, ceci pouvant s'expliquer par le taux élevé de fractures des systèmes d'attachements qui obligent régulièrement les patients à consulter [52] (fig. 4a et 4b).
Le choix du type de prothèse supra-implantaire, amovible ou fixée, est difficile à faire. Dans ces conditions, le taux d'ostéointégration des implants, l'impact sur les tissus environnants ou le nombre de réparations occasionnées par an sont des paramètres qui peuvent guider le choix du patient, mais aussi du praticien. Pour Naert et al. [53], le taux d'ostéointégration est important : 97 % à 9 ans pour la prothèse amovible sur implants. La prothèse fixe demande moins de réajustements que la prothèse amovible. En revanche, le taux de perte d'implants est supérieur [54, 55] ; la prothèse fixée nécessite la pose de davantage d'implants, donc augmente les possibilités de perte. Quant à la prothèse amovible, moins il y a d'implant, moins il y a besoin de maintenance alors que la fréquence des fractures de la prothèse augmente [52]. Le moyen d'ancrage joue un rôle important dans la maintenance de la restauration prothétique. Notamment, on constate un taux de réparation 8fois supérieur pour les attachements boule par rapport aux attachements barre [48] (fig. 5a et 5b). Quelle que soit la marque de l'implant (ITI® de Straumann, Steri-Oss de Nobel Biocare, Southern Implants), il n'existe pas de différence statistiquement significative en termes de suivi [56]. Cependant, la qualité de l'enregistrement des surfaces d'appui et de l'occlusion joue un rôle important dans la gestion des risques de fracture des bases de ces prothèses amovibles. Les besoins en contrôles et suivi de la prothèse amovible implanto-retenue, comme les rebasages ou les réévaluations de l'occlusion, seront donc majorés.
Avec l'âge peuvent apparaître certaines pathologies entraînant un certain niveau de dépendance qui peut constituer un frein à l'hygiène et à la maintenance des systèmes implanto-prothétiques. La question est alors : le suivi nécessaire au maintien de la santé des tissus péri-implantaires et à la pérennité de la restauration prothétique est-il toujours compatible avec les contraintes imposées par l'âge ? Deux études [57, 58] ont examiné l'impact de l'âge sur le traitement prothétique implantaire : leurs conclusions montrent que l'âge ne semble pas constituer un obstacle à l'utilisation des techniques implantaires. Néanmoins, ces travaux ont été menés sur des patients en bonne santé et, pour obtenir une réponse objective à la maintenance chez les patients gériatriques, il faudra, compte tenu du développement récent de ces techniques, attendre encore quelques années.
Quel est le nombre d'implants requis pour être support de la prothèse ?
Vu que le coût du traitement augmente avec le nombre d'implants qui peut varier de 2 à 6, il est un déterminant essentiel dans le choix du patient (fig.6a et 6b). De multiples études ont été menées pour déterminer le nombre d'implants et pour vérifier s'il fallait connecter ou non ces implants entre eux. D'après ces travaux, la tension exercée sur les implants ne diminue pas quand la charge est appliquée sur un nombre croissant d'implants [59]. Deux implants mandibulaires suffisent comme support d'une prothèse totale mandibulaire amovible. Certains auteurs envisagent même, comme solution palliative, afin d'améliorer le confort de patients très âgés (80 ans et plus) qui présentent une résorption osseuse sévère, de poser un seul implant [60]. De plus, les paramètres assimilables aux paramètres « parodontaux » (indice de plaque, de saignement, profondeur des poches autour des implants) ne sont pas améliorés si la prothèse amovible est supportée par 4 implants plutôt que par 2 [61].
Une fois le nombre d'implants nécessaires établi en fonction des objectifs de traitement, se pose le choix du système d'ancrage : les implants doivent-ils être liés entre eux par une barre ou être indépendants, quel est le meilleur système ?
Aucune différence, au niveau de la satisfaction, n'a pu être mise en évidence entre l'utilisation d'une barre d'ancrage ou de 2 attachements boules [45].
À partir d'un protocole in vitro Kenney et Richards [62] ont montré que les attachements en forme d'anneau transfèrent moins de stress aux implants que les barres lorsque les forces appliquées sont verticales, mais, lorsque les forces sont obliques, le stress exercé sur les implants est similaire quel que soit le système de rétention de la prothèse choisi.
Pour Meijer et al. [58], quel que soit le système d'ancrage, il n'y a pas de différence significative entre les groupes en termes de perte osseuse.
Les apports fonctionnels de la prothèse totale sur implants mandibulaires sont bien réels. Actuellement, il n'a pas été établi qu'ils aient un impact direct sur la façon de s'alimenter, Cependant, ils améliorent la qualité de vie et l'esthétique des patients qui en sont porteurs. Ils permettent un meilleur confort, une diminution des doléances et une meilleure intégration de la prothèse. Dans ce contexte, le moment où il faut poser ces implants devient délicat à déterminer : doit-on chez le sujet édenté jeune en bonne santé avec une hauteur de crête suffisante décider d'avoir recours à la thérapeutique implantaire pour préserver l'os mandibulaire ou doit-on attendre la réduction de cet os résiduel ? En pratique, il semble que la pose d'implants mandibulaires doit être entreprise le plus tôt possible. Ainsi, le capital osseux est préservé et la fonction améliorée. Payne et al. [63] ont mis en évidence que la pose d'implants chez les sujets atteints de xérostomie était une solution adaptée au problème de rétention des prothèses conventionnelles par manque de salive. D'autre part, il ne faut pas omettre le principal facteur limitant de la thérapeutique : son coût. À travers une étude clinique comparative et randomisée, Van der Wijk et al. [64] ont montré qu'aux Pays-Bas, la réalisation d'une prothèse amovible retenue par 2 implants a un coût 3,2 fois supérieur à celui de la réalisation d'une prothèse conventionnelle. L'absence de prise en charge par l'assurance maladie en France des traitements implantaires est un obstacle supplémentaire à leur développement. Cependant, malgré un coût de départ conséquent, le recours à des implants est un investissement à long terme : en effet, les prothèses se déstabilisent moins vite qu'en prothèse conventionnelle et le renouvellement des prothèses ne demande pas nécessairement la pose de nouveaux implants.
Ce travail de synthèse permet de conclure, en accord avec la conférence de consensus de Mac Gill [65], que le traitement minimal de l'édentement total mandibulaire est une prothèse amovible retenue par 2 implants symphysaires.