Nouvelle approche du dysfonctionnement cranio-mandibulaire

Que fait-on une fois que l'on a mentionné dans son observation clinique que tel patient présentait une déviation de son trajet d'ouverture mandibulaire ?… Quel omnipraticien n'a pas été désemparé face à ce malade qui consulte une énième fois pour un claquement de son ATM ?… C'est à ce genre d'interrogations que le livre de Pierre-Hubert Dupas répond.

Disons-le tout de suite, le problème n'est pas simple, et ce guide clinique, quoique d'un petit format et richement illustré, demeure très dense. Il ne se laisse pas aborder à la va-vite ; certains paragraphes se doivent d'être relus pour être assimilés. Ses vertus pédagogiques satisferont toutefois le praticien consciencieux dans sa démarche diagnostique et thérapeutique. L'auteur précise à la page 94 : « Pour le chirurgien-dentiste, l'essentiel est de savoir si la pathologie [cranio-mandibulaire] est d'ordre musculaire ou articulaire. En effet, thérapeutique et pronostic diffèrent dans l'un et l'autre cas ».

Schématiquement, deux théories s'opposent pour expliquer l'origine des dysfonctionnements cranio-mandibulaires : la théorie musculaire (spasmes des muscles masticateurs causés par une dysharmonie occlusale) et la théorie accidentelle (traumatisme entraînant un déplacement discal antérieur ou entorse discale). Là-dessus s'ajoute la composante psychique, à savoir le bruxisme. Le bruxisme est « un processus psycho-somatique, expression dentaire du mal-être ». À lui seul, il ne pourrait engendrer un trouble articulaire, mais il en exacerbe manifestement les signes cliniques.

Le professeur Dupas consacre l'essentiel de son livre à nous livrer les clés d'un diagnostic pointu : rappels anatomiques et description précise du dysfonctionnement (chapitre 1), éléments de diagnostic différentiel (chapitre 2), comment mener à bien l'observation clinique (chapitres 3 à 5).

L'auteur consacre le chapitre 6 au contrôle postural, propre à l'homme, qui implique l'interconnexion de divers systèmes dont le système manducateur (les propriocepteurs parodontaux sont en relation avec les yeux et les muscles de la ceinture scapulaire). Il en découle des tests posturaux, d'où une approche pluridisciplinaire faisant intervenir, pour certains cas, ostéopathe et orthoptiste.

Tous les symptômes (chapitre 8) sont repris et classés par pathologies pour clarifier encore le sujet et faciliter l'établissement du diagnostic, lequel débouche naturellement (chapitre 9) sur les traitements par gouttières occlusales, dont la conception et les réglages sont bien expliqués.

En conclusion, cet ouvrage ne tombe pas dans le piège d'un cours trop théorique. Les explications sont claires et les applications cliniques détaillées. Les nombreuses photographies sont particulièrement utiles, par exemple pour appréhender la palpation des muscles. Des tableaux récapitulatifs jalonnent le livre afin de faciliter la synthèse des données. Des actes directement exploitables au fauteuil (tests de morsures de cotons salivaires, technique de réduction d'une luxation discale aiguë accidentelle) confirment la vocation pratique de l'ouvrage. L'interprétation des tracés axiographiques nécessite peut-être plus d'expérience… Le chapitre 7, « Explications au patient de sa maladie », est riche en conseils judicieux, des détails (qui n'en sont pas tout à fait…) qui permettent d'obtenir l'adhésion du malade au traitement.

Voici donc un livre précieux pour les praticiens qui veulent répondre aux attentes de patients souffrant d'un problème d'ATM.