Enquête sur la pratique des reconstitutions corono-radiculaires - Cahiers de Prothèse n° 133 du 01/03/2006
 

Les cahiers de prothèse n° 133 du 01/03/2006

 

Prothèse fixée

Caroline Gantel *   Gérard Aboudharam**   Jacques Déjou***   Jean-Pierre Blanchard****  


*Docteur en chirurgie dentaire
**MCU-PH
***PU-PH
UFR odontologie Marseille
Université de la Méditerranée
17-19, boulevard Mireille-Lauze
13010 Marseille

****MCU-PH
UFR odontologie Bordeaux Université de Bordeaux 2 16-20, cours de la Marne
33082 Bordeaux

Résumé

Les reconstitutions corono-radiculaires qu'elles soient directes ou indirectes ont évolué ces dernières années grâce aux matériaux adhésifs. Ceux-ci ont permis le développement de nouveaux concepts. La connaissance et l'application de ces concepts par les praticiens ont mené cette enquête. Elle avait pour but de mettre en évidence les techniques et les matériaux les plus utilisés en France dans le cadre des reconstitutions corono-radiculaires et de vérifier si il y a adéquation entre les pratiques quotidiennes, les enseignements reçus dans le cadre de la formation initiale, postuniversitaire et l'expérience professionnelle. Cette enquête montre que la reconstitution de la dent dépulpée est un acte quotidien et qu'avec l'expérience les choix sont plus nuancés. Les praticiens ayant le plus d'expérience sont bien informés des dernières techniques. Un grand nombre de praticiens utilisent des forets calibrés pour la mise en forme du logement canalaire au risque de nuire à la préservation de l'anatomie canalaire. La mise en place de 2 tenons est très présente alors que dans la plupart des situations cliniques un seul tenon est nécessaire. On constate l'essor d'un matériau pour l'assemblage des tenons : les ciments verres ionomères modifiés par adjonction de résine (CVImar). Les questions sur les types de systèmes adhésifs et les résines de reconstitution utilisés révèlent la grande complexité de ceux-ci dans leur utilisation et en corollaire d'inévitables erreurs de choix. Les questions sur les reconstitutions indirectes (inlay-cores) montrent une meilleure connaissance du comportement biomécanique de la dent dépulpée et une évolution des choix par rapport à la précédente enquête sur ce sujet. Les actions de formation paraissent insuffisantes car un doute persiste sur la bonne information des praticiens sur les matériaux les plus récents. Une évolution vers une simplification des procédures devra se produire pour éviter des écueils dans les années futures.

Summary

Inquiry on practices for restoration of endodontically-treated teeth

Restoration of endodontically-treated teeth is a common problem in restorative dentistry, and evolve these last years thanks to the adhesive materials. These allowed the development of new concepts. The knowledge and the application of these concepts by the practitioners brought this inquiry. It aimed at highlighting techniques and materials the most used in France in the field of restoration of endodontically-treated teeth and to check if there is an adequacy between the daily practices, the educations received within the framework of the initial, post-university training and the professional experience. This inquiry shows that the reconstruction of the non-vital tooth is a daily act and that with the experience, choices are more qualified. The most experienced practitioners are well informed about the last techniques. Numerous practitioners uses drills calibrated for the shaping of the canal accommodation at the risk of damaging the conservation of the anatomy. The implementation of 2 posts is very present while in most clinical situations, a single post is necessary. We notice the development of a material for the assembly of post : resin modified glass ionomer cement (RMGIC). The questions on the types of adhesive systems and the resins of reconstruction used reveal the big complexity of these in their use and therefore unavoidable errors of choice. The questions on inlays-cores show a better knowledge of the biomechanical behavior of non-vital tooth and an evolution of choices with regard to the previous inquiry on this subject. The educational actions seem insufficient because a doubt persists on the good concerning on the most recent materials to give to the practitioners. An evolution towards a simplification of the procedures is necessary to avoid problems in the future years.

Key words

inquiry, non-vital tooth, restoration of endodontically treated teeth, root post systems.

Les techniques de reconstitution corono-radiculaire (RCR) sont nombreuses et diverses. Compte tenu des évolutions constantes, le praticien doit faire face à des choix. Ces choix sont fonction de la nécessité du geste thérapeutique, de la fiabilité des matériaux, de l'efficacité du traitement. Quelle que soit la situation clinique, le choix de la technique doit permettre de répondre aux trois objectifs décrits dans le rapport de l'ANAES (Agence nationale d'accréditation des établissements de santé) : la rétention de la restauration coronaire, le renforcement de la cohésion corono-radiculaire et l'assurance de la pérennité de la dent sur l'arcade sur le plan biologique et structurel [1]. Par ailleurs, ce document consensus a établi qu'il est impossible de « définir les indications cliniques de chaque technique » et que « le praticien est seul responsable du type de reconstitution en fonction de chaque situation clinique ».

Outre quelques données parcellaires publiées par les caisses d'assurance maladie, peu d'études sur les pratiques cliniques en France ont été menées sur cette thématique. Une des rares études disponibles, celle de Sabek de 1997 [2,3], n'est plus en relation avec la pratique compte tenu de l'évolution des matériaux et des techniques.

Pour tenter de mettre en évidence l'état de la pratique des RCR en France, un questionnaire a été mis au point pour la réalisation d'une enquête à l'issue d'une séance de formation postuniversitaire sur ce thème.

L'analyse des données a permis de vérifier l'hypothèse d'une adéquation entre les pratiques quotidiennes, les enseignements initiaux, les formations continues dispensées aux praticiens et les données de la littérature.

Options techniques

Actuellement, deux familles de reconstitutions corono-radiculaires peuvent être indiquées :

- les reconstitutions corono-radiculaires directes ou reconstitutions coronaires par matériau inséré en phase plastique avec ancrage radiculaire par l'intermédiaire d'un tenon préfabriqué ;

- les reconstitutions corono-radiculaires indirectes.

Selon le rapport de l'ANAES [1], seuls des facteurs décisionnels sur le choix de la technique de reconstitution corono-radiculaire ont été mis en évidence ; ils n'ont cependant aucune pertinence clinique s'ils sont pris isolément. L'utilisation d'un tenon et le choix du type de tenon sont fonction de l'importance du délabrement, de la forme de la racine [4], considérant que l'ancrage radiculaire permet d'assurer la rétention du matériau de reconstitution, mais ne consolide pas la dent [5]. La difficulté technique est de réaliser un ancrage suffisant, le moins traumatisant possible pour la dent support. Les paramètres à prendre en compte sont la dent et son environnement parodontal, l'occlusion, l'importance et la situation de la perte de substance, le passé pathologique de la dent, le type de prothèse envisagé, les problèmes de corrosion et les rapports ancrage/dentine radiculaire [5].

Reconstitutions directes

Il existe plusieurs catégories de tenons préfabriqués selon leur nature (métallique ou fibrée), leur géométrie (cylindrique, conique, à étage), leur état de surface (lisse, fileté), et plusieurs catégories de matériaux à insérer à l'état plastique (amalgame, résine composite). Les associations de chacun des composants peuvent constituer un système potentiel. Toutefois, les critères biomécaniques d'évaluation ne sont pas toujours accessibles au praticien. Beaucoup de composants existent sur le marché, mais les résultats de nombreux tests de laboratoire ne sont pas toujours en relation avec les résultats cliniques [6]. Les critères à prendre en compte pour le choix d'un tenon préfabriqué sont :

- la résistance mécanique ;

- la résistance à la corrosion ;

- la rétention potentielle ;

- la capacité de répartition des contraintes ;

- la sécurité d'emploi et la préservation des tissus dentaires [7].

Les critères à retenir pour le choix des matériaux de restauration coronaire sont :

- la facilité d'emploi ;

- le temps de prise ;

- la résistance mécanique ;

- la stabilité dimensionnelle ;

- le faible potentiel de présenter des micro-infiltrations ;

- la possibilité de collage.

Face à la rigidité des tenons métalliques et aux contraintes engendrées sur la structure résiduelle, aux risques de corrosion, de descellement prothétique, de reprise de caries, de fracture de tenon et racine, les tenons fibrés collés représentent une alternative de choix en raison de leur module d'élasticité voisin de celui de la dentine, leur conférant une bonne capacité de diffusion des contraintes [8-10] (fig. 1 et 2). Associés à des matériaux de teinte claire, ils ne nuisent pas à l'esthétique des prothèses sans métal. Ils contribuent à la pérennité de la restauration dans le cadre d'une économie tissulaire et d'une diminution des risques de fracture et de corrosion. Les autres avantages de ce type de reconstitution concernent l'homogénéité mécanique, structurelle et chimique et donc une dissipation des contraintes [11], l'étanchéité du système, l'absence de risque de polymétallisme et le gain de temps lié à la réalisation de la reconstitution et de l'empreinte pour la prothèse dans la même séance.

Les inconvénients sont liés aux exigences de la manipulation, et à la nécessité de limites supragingivales pour effectuer un collage sans compromis.

Reconstitutions indirectes

Les indications des reconstitutions indirectes ou inlays-cores correspondent aux contre-indications des reconstitutions directes [1]. Leurs avantages sont un très grand recul clinique, une simplicité de mise en oeuvre compte tenu de l'expérience, une bonne prévisibilité des résultats (fig. 3 et 4). Les inconvénients sont la rigidité, le risque de corrosion et l'esthétique [12]. Ce type de reconstitution, plus mutilante, exige des cavités coronaires de dépouille avec des parois d'au moins 1 mm d'épaisseur. Le module d'élasticité des inlay-cores est 10 à 30 fois supérieur à celui de la dentine. Ces considérations confirment l'intérêt de minimiser la préparation des logements canalaires pour éviter d'éventuelles fractures radiculaires d'origine prothétique [13]. Les alternatives aux inlay-cores métalliques sont les inlay-cores en céramique, mais dont les indications sont limitées et les inlay-cores en composite renforcé par des fibres (FRC) [14] qui présentent toutefois un recul clinique relativement limité ((fig. 5 à 7).

Élaboration et distribution du questionnaire

Le questionnaire destiné aux praticiens a été élaboré de façon à être exhaustif, tout en restant limité dans sa longueur pour ne pas décourager le lecteur. Il a été testé auprès d'un groupe de praticiens libéraux et modifié pour une bonne compréhension de la terminologie selon les remarques faites par ce groupe témoin.

L'enquête a concerné une population de praticiens intéressés par le sujet et qui ont assisté à une séance de l'Association dentaire française (ADF) sur « La reconstitution de la dent dépulpée ». Au total, 208 participants étaient présents à cette séance et 176 questionnaires ont été recueillis. Le traitement des données a permis d'obtenir les informations relatives aux interrogations posées.

Caractéristiques de l'échantillon

La majorité des participants est âgée de 31 à 60 ans, avec un pic dans la tranche d'âge de 41-50 ans (33 %). La proportion des femmes est presque comparable à celle des hommes : 104 hommes (59 %) pour 72 femmes (41 %). L'échantillon est sensiblement représentatif de la répartition des âges des confrères en exercice en France, en 2004 (1). La répartition géographique apparaît équilibrée : 64 participants exercent dans une ville de moins de 20 000 habitants (38 %), 54 exercent dans une ville de 20 000 à 100 000 habitants (32 %) et 50 exercent dans une ville de plus de 100 000 habitants (30 %). L'échantillon est globalement représentatif de la démographie des praticiens de l'ensemble des régions françaises (1). Seules la Haute-Normandie, l'Auvergne et la Corse ne sont pas représentées dans cet échantillon.

Sur l'ensemble des participants, 15 exercent une fonction d'enseignants (9 %) : 5 sont assistants hospitalo-universitaires et 10 sont attachés d'enseignement. La faible représentation du corps enseignant n'a pas permis d'effectuer une comparaison significative avec les autres participants.

Résultats généraux

Nombre de coiffes et de reconstitutions corono-radiculaires

- la majorité des praticiens reconstituent plus de 10 dents dépulpées par mois (72 %), 26 % entre 5 et 10 et seulement 2 % moins de 5 par mois, tous types de reconstitutions confondus (fig. 8) ;

- entre 5 et 20 dents dépulpées sont reconstituées par mois avec un tenon radiculaire pour 72 % des praticiens ;

- 18 % des praticiens reconstituent moins de 5 dents avec un tenon radiculaire par mois, contre 10 % plus de 20 dents par mois (fig. 9).

Il n'y a aucun moyen de comparaison pour ces critères permettant de montrer des facteurs d'influence significatifs. Des facteurs comme la capacité du cabinet dentaire ou le choix de vie professionnelle du praticien peuvent entrer en jeu.

La répartition du nombre de dents reconstituées avec un tenon se retrouve au niveau du nombre de coiffes réalisées par mois :

- 68 % des praticiens reconstituent les dents à l'aide de coiffes ;

- 18 % des praticiens réalisent moins de 5 coiffes par mois contre 14 % plus de 20 par mois (fig. 10).

On peut penser que pour la plupart des praticiens, la reconstitution d'une dent avec un tenon radiculaire doit être suivie de la réalisation d'une couronne.

Type de reconstitution

Au total, 122 participants soit 71 % des praticiens utilisent les 2 types de reconstitutions corono-radiculaires (directes ou indirectes) : 18 participants (11 %) utilisent la méthode directe et 31 (18 %) exclusivement la méthode indirecte.

Les techniques de reconstitutions corono-radiculaires ont été distinguées selon l'expérience professionnelle. Trois groupes ont été différenciés :

- dans le premier, les praticiens ont peu d'expérience et exercent depuis moins de 10 ans (30 %) ;

- dans le deuxième, ils ont acquis une bonne expérience et exercent depuis 10 à 20 ans (22 %) ;

- dans le troisième, ils ont une très bonne expérience et exercent depuis plus de 20 ans (48 %).

Nous avons mis en évidence les résultats suivants : quel que soit le groupe, la majorité des praticiens utilise les 2 techniques. Le premier groupe utilise l'une ou l'autre des techniques ou les 2 de façon plus marquée. Sur les 53 praticiens de ce groupe, 24 utilisent les 2 techniques, 18 utilisent exclusivement la technique indirecte et 11 utilisent la technique directe (fig. 11). Nous aurions pu penser que les praticiens les plus âgés réaliseraient plus d'inlays-cores que leurs confrères plus jeunes, à la fois par habitude et de par leur plus longue expérience clinique de ce type de reconstitution. La tendance s'inverse au fur et à mesure des années d'exercice : le choix exclusif des techniques directes et indirectes diminue au profit de l'association des 2 techniques. Cette inversion de tendance peut s'expliquer par une plus grande expérience et une meilleure analyse de chaque situation clinique. Ce n'est plus la connaissance technique qui détermine le type de reconstitution, mais la situation clinique qui est décisive pour le choix de la technique. Plus généralement, on peut penser que les praticiens ont fait évoluer leurs connaissances.

Type de tenon

Au total, 106 praticiens (61 %) utilisent des tenons préfabriqués (en métal, à base de fibres ou des inlay-cores) ; 36 (21 %) utilisent seulement des inlay-cores et 31 (18 %) des tenons préfabriqués ; 3 personnes n'ont pas répondu à cette question. En croisant ces données avec l'expérience professionnelle, le même profil apparaît pour les 3 groupes (fig. 12). Quel que soit le groupe, la majorité des praticiens (61 %) utilise les 2 types de tenons. Nous aurions pu penser que les praticiens les plus âgés seraient moins informés des techniques les plus récentes. Nous pouvons remarquer qu'ils utilisent les 2 types de tenons, plutôt que seulement les inlays-cores. Avec l'expérience, l'utilisation des 2 types de tenons devient même plus importante que l'utilisation exclusive des inlay-cores ou des tenons préfabriqués. Là encore, on constate que les praticiens les plus expérimentés sont bien informés quant aux types de tenons les plus récents et qu'ils font évoluer leurs connaissances. Il n'est cependant pas possible de conclure sur cette évolution : s'agit-il simplement d'informations données par l'industrie ou des cours théoriques reçus dans le cadre de formations continues ?

Préparation du logement canalaire

La majorité des praticiens prépare les logements canalaires à l'aide de forets calibrés (39 %). Cette mise en forme avec des systèmes utilisant forets et tenons calibrés paraît contradictoire avec la recherche de formes anatomiques et l'économie tissulaire. Les autres praticiens utilisent les forets « largo » pour 25 % et les forets de « gates » pour 18 %. Viennent ensuite par ordre décroissant les ultrasons (8 %), les forets « Mooser » (7 %), d'autres instruments (2 %) et les instruments chauffés (1 %).

Nombre de tenons

Le nombre de tenons mis en place par reconstitution varie : pour les molaires, 88 % des praticiens mettent en place 1 à 2 tenons, 12 % en mettent 3. Pour les prémolaires, 76 % mettent 1 seul tenon et 24 % en mettent 2. La majorité des praticiens met 1 seul tenon pour la reconstitution des prémolaires, mais pour ce qui concerne les reconstitutions des molaires, la moitié met 1 seul tenon et l'autre moitié met 2 tenons.

L'analyse des données, selon l'expérience, révèle qu'avec l'âge, le nombre de tenons pour les dents pluriradiculées augmente légèrement, mais le profil reste similaire : la plupart des praticiens mettent 1 seul tenon, sauf dans le groupe des praticiens de plus de 20 ans d'exercice dont 46 % disent mettre 2 tenons (fig. 13). On constate au travers de ces données que les habitudes de mettre en place plusieurs tenons restent très présentes alors que dans la plupart des situations cliniques un seul tenon suffit pour permettre l'accrochage du matériau de restauration coronaire.

Reconstitutions corono-radiculaires directes

La majorité de l'échantillon (38 %) reconstitue moins de 5 dents dépulpées par mois par cette méthode, 34 % entre 5 et 10, 23 % entre 10 et 20 et seulement 5 % plus de 20 par mois ; 66 % indiquent ce type de reconstitution quel que soit le type de dent à reconstituer ; 24 % l'indiquent le plus souvent pour les pluriradiculées contre 10 % pour les monoradiculées.

Les tenons utilisés dans cette méthode sont en métal pour 60 % des praticiens, à base de fibres pour 38 % ; 2 % ont répondu à l'item « autres ». Pour la nature des tenons à base de fibres, 30 % utilisent les tenons à base de fibres de carbone et seulement 5 % à base de fibres de silice ; 3 % ont répondu utiliser les deux. On constate que les tenons métalliques sont encore largement utilisés. Le questionnaire ne demandait pas de préciser quel type de métal pour le tenon (titane ou autre), c'est une précision importante qui fait défaut car on ne peut pas conclure si les praticiens ont su s'adapter au phénomène de corrosion rapporté dans la littérature avec les tenons en acier et en laiton. Lors de l'utilisation des tenons en métal, la majorité des praticiens ayant répondu à cette question utilise des tenons filetés (57 %) et cylindro-coniques (72,5 %).

Assemblage des tenons

Pour l'assemblage de ces tenons en métal, 55 % utilisent les verres ionomères hybrides (CVImar), 25 % utilisent les phosphates de zinc ; 12 % utilisent les polycarboxylates et 8 % ont répondu utiliser d'autres ciments. Les CVImar ont pris une place importante dans la pratique quotidienne des chirurgiens-dentistes en France. Les ciments phosphates de zinc qui ont un long recul clinique ne viennent qu'en seconde position. Les polycarboxylates, malgré les inconvénients, comme leur faible résistance à la compression, leur viscosité et solubilité importantes, leur temps de travail court, sont encore présents. Il faut souligner le peu d'utilisation des matériaux adhésifs, plus contraignants, certainement de par leur manipulation délicate. L'utilisation des matériaux d'assemblage a été comparée à l'expérience professionnelle (fig. 14) : quelle que soit l'expérience, tous les groupes ont répondu utiliser en majorité les verres ionomères hybrides. Cependant, parmi les praticiens les plus expérimentés, un grand nombre utilise encore préférentiellement les ciments au phosphate de zinc (18 %) et les ciments polycarboxylates (6 %). Les verres ionomères ont pris une grande place dans la pratique quotidienne depuis le questionnaire de Sabek [2] puisque à cette période, 4 % de praticiens assemblaient leurs inlay-cores avec des ciments résineux et 29 % avec des CVImar. L'importance de leur utilisation est moins marquée chez les praticiens les plus âgés pour lesquels le ciment au phosphate de zinc reste une référence. Ce profil était à prévoir, ce type de ciment ayant un recul clinique significatif.

Matériaux de reconstitution

Le matériau de reconstitution le plus utilisé pour les reconstitutions corono-radiculaires avec un tenon en métal est la résine composite (53 %) ; l'amalgame représente encore un pourcentage important (28 %) ; les CVImar 18 % et les autres matériaux 1 % (fig. 15). Si on compare ces données à celles publiées en 1997 (amalgame : 41 % et résine composite : 38 %), on constate une inversion de tendance d'utilisation de ces matériaux. L'utilisation de l'amalgame diminue au profit surtout du composite, mais aussi des verres ionomères.

Type de tenon fibré

Trois formes sont disponibles pour les tenons fibrés : à étage, cylindrique ou cylindro-conique. Au total, 67 % des praticiens utilisent des tenons fibrés cylindro-coniques, 21 % des tenons à étage et 13 % des tenons cylindriques. Ces données confirment une évolution des tenons vers une forme plus anatomique et la recherche par les praticiens de logement plus respectueux de l'anatomie radiculaire. La forme cylindro-conique correspond le mieux aux formes de préparation obtenues avec les instruments rotatifs actuels.

Système adhésif pour l'assemblage des tenons fibrés

La classification des systèmes adhésifs adoptée aujourd'hui par la communauté scientifique tient compte du mordançage préalable ou non et du nombre d'étapes cliniques. Le système adhésif utilisé pour l'assemblage des tenons fibrés est pour la majorité des participants (49 %) un système avec mordançage préalable à 2 étapes cliniques, pour 29 % un système sans mordançage préalable à une étape clinique, et pour 20 % un système avec mordançage préalable à 3 étapes. Enfin, 2 % ont répondu ne pas savoir quel système adhésif ils utilisaient. Cette réponse montre que les praticiens préfèrent un système plus rapide d'utilisation (à 1 ou 2 étapes cliniques). En termes de mode de polymérisation, ces systèmes sont majoritairement photopolymérisables (41 %) puis duals (38 %). Seulement 21 % des praticiens utilisent un système chémopolymérisable. En comparant le nombre d'étapes cliniques du système adhésif et le type de polymérisation, quel que soit le nombre de temps du système adhésif, le mode de polymérisation majoritaire est la photopolymérisation (fig. 16).

Résine de reconstitution

Les résines de reconstitution utilisées pour ce type de technique sont pour la moitié d'entre elles photopolymérisables, pour 30 % d'entre elles duales et pour le reste (20 %) chémopolymérisables.

Les praticiens préfèrent les matériaux photopolymérisables. Ce choix est discutable, car un mode de polymérisation activable par la lumière ne permet pas de bénéficier des meilleures conditions dans la zone intraradiculaire. Il n'est pas certain que le degré de conversion des résines composites soit optimal dans ce site difficilement accessible pour la lumière. Autre point important révélé par le questionnaire : si on associe le couple système adhésif utilisé - mode de polymérisation de la résine de reconstitution, on constate que, quel que soit le système adhésif (à 1, 2 ou 3 étapes cliniques), le mode de polymérisation choisi pour la résine de reconstitution est la photopolymérisation (fig. 17). Ces réponses mettent en évidence l'inadéquation entre l'utilisation d'un système adhésif en 1 temps (automordançant), à pH acide, et une résine de reconstitution duale ou photopolymérisable (15,5 % des praticiens). Plusieurs hypothèses peuvent être émises : il peut s'agir soit d'une erreur de la part du praticien lors de la réponse au questionnaire, soit d'une erreur de manipulation due à une mauvaise information du praticien sur les différents systèmes adhésifs.

Si on compare les modes de polymérisation des systèmes adhésifs et ceux des résines de reconstitution, avec un système adhésif dual ou photopolymérisant, les participants utilisent préférentiellement une résine photopolymérisable. En revanche, avec un système adhésif chémopolymérisable, ils utilisent plutôt une résine de reconstitution chémopolymérisable (fig. 18).

Reconstitutions corono-radiculaires indirectes

Au total, 40 % des praticiens interrogés reconstituent moins de 5 dents par mois par cette méthode ; 72 % des praticiens indiquent indifféremment ce type de reconstitution pour des monoradiculées ou des pluriradiculées. Cette enquête n'a pas mis en évidence une technique de choix selon le type de dent (monoradiculée ou pluriradiculée). Le questionnaire de Sabek [2] montrait une indication préférentielle des inlays-cores pour les monoradiculées (74 %) et lorsque ces dents sont des piliers de bridge (87 %). Pour les pluriradiculées, 30 % étaient reconstituées à l'aide d'inlays-cores et 57 % lorsqu'elles étaient piliers de bridge. Là encore, on constate une évolution des indications due probablement à l'évolution des matériaux et des techniques et à une meilleure connaissance du comportement biomécanique de la dent dépulpée.

Au total, 155 participants (92 %) réalisent les inlays-cores en alliages métalliques ; 5 % les réalisent en composite renforcé par des fibres et 3 % en céramique. Parmi les alliages métalliques, les alliages non précieux sont les plus utilisés (70 %), viennent ensuite les semi-précieux (16 %), puis les précieux (14 %). L'assemblage des inlays-cores est réalisé pour 49 % des praticiens à l'aide de verres ionomères hybrides (CVImar), pour 24 % d'entre eux à l'aide de phosphate de zinc, pour 7 % d'entre eux de polycarboxylate, pour 8 % d'entre eux à l'aide de ciments résineux, pour 7 % d'entre eux de composite et enfin pour 4 % d'entre eux d'autres matériaux (fig. 19). On peut souligner une évolution de la tendance depuis 1997 avec l'utilisation de plus en plus importante des verres ionomères hybrides (29 % en 1997) aux dépens de celle du ciment au phosphate de zinc (40 % en 1997).

Nettoyage et remplissage du logement canalaire

Au total, 75 % des praticiens nettoient systématiquement le logement canalaire avant le scellement. Parmi les exemples de produits de nettoyage canalaire cités, l'hypochlorite de sodium est en tête (27 %). Viennent ensuite l'alcool (19 %), les ultrasons (11 %), la chlorhexidine (10 %) et les conditionneurs de surface (7 %). Ces conditionneurs proposés par les fabricants sont des produits volatils en général, à base d'alcool.

Une majorité de praticiens (65 %) utilisent le bourre-pâte pour insérer le matériau d'assemblage dans le logement canalaire, 26 % enduisent seulement le tenon, 8 % utilisent une sonde, et 2 % ont répondu « autres » avec une précision cependant : embout injecteur.

Même si on utilise un matériau d'assemblage performant, on peut se demander quelle est la valeur de l'assemblage dans le cas où seul le tenon est enduit, car il a été montré dans une étude où 4 modes d'assemblage avaient été testés (enduction du tenon - injection du canal avec un bourre-pâte et enduction du tenon - injection dans canal et enduction du tenon - injection dans canal, enduction avec un bourre-pâte et enduction du tenon) que les résultats les moins bons ont été obtenus avec l'enduction seule du tenon [15].

Conclusion

Les 176 questionnaires recueillis ont permis de dégager certaines tendances sur la pratique actuelle des reconstitutions corono-radiculaires. En comparant les données avec celles recueillies en 1997 [2], il en ressort quelques points forts :

- les ciments verres ionomères et notamment les CVImar ont acquis une grande place dans la pratique, ces dernières années ;

- les résines composites remplacent peu à peu l'amalgame comme matériau inséré en phase plastique ;

- les tenons fibrés sont de plus en plus largement utilisés (98 participants, soit 38 %) ;

- les matériaux nécessaires aux reconstitutions corono-radiculaires sont hétérogènes. Il ne ressort pas de cette enquête un ensemble cohérent utilisé par une majorité de praticiens ;

- l'utilisation des systèmes adhésifs a mis en évidence des inadéquations. L'information ou les actions de formation sur l'évolution des systèmes adhésifs sont peut-être insuffisantes. Il apparaît que les systèmes à 2 étapes cliniques sont préférés. Le système adhésif est pour plus d'un tiers des participants photopolymérisable. La résine de reconstitution est pour la moitié des participants également photopolymérisable. Il faut noter dans l'utilisation de ce type de matériau le risque de non-polymérisation à l'intérieur du logement radiculaire ou dans les zones cavitaires en retrait. Une tendance actuelle voit l'utilisation de plus en plus fréquente de tenons fibrés translucides. Là encore, il faut émettre des réserves compte tenu de la perte d'énergie lumineuse. La polymérisation par transillumination est incertaine et les études sont controversées sur ce sujet [16] ;

- le nombre de tenons insérés par reconstitution est de 1 pour les prémolaires. Pour les molaires, la moitié des praticiens interrogés met 1 seul tenon et l'autre moitié met 2 tenons. Bien qu'aucune étude n'ait porté sur ce sujet, la plupart des situations cliniques ne nécessitent pas plus d'un tenon quand celui-ci est collé ;

- les techniques de reconstitutions corono-radiculaires utilisées sont directes et indirectes quelle que soit la position de la dent sur l'arcade ;

- une dent dépulpée est, dans la plupart des cas, recouverte d'une coiffe ;

- pour les reconstitutions corono-radiculaires indirectes, les inlays-cores sont de pratique quotidienne, de préférence en alliages non précieux, malgré les risques encourus de corrosion. Le choix des ciments de scellement se fait surtout entre les verres ionomères et le ciment au phosphate de zinc.

La comparaison des données entre les classes d'âge des praticiens a pu démontrer que les praticiens les plus âgés se tiennent informés des nouvelles techniques et matériaux. Un doute persiste cependant sur la bonne information des praticiens sur les matériaux les plus récents, en particulier les systèmes adhésifs et les résines de reconstitution utilisées avec les tenons fibrés. Les résultats de cette enquête ont donné des informations utiles, mais ne reflètent pas les pratiques de l'ensemble de la profession. Les praticiens interrogés étaient en effet sensibilisés à ce sujet puisqu'ils avaient choisi d'assister à une séance sur la reconstitution de la dent dépulpée.

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