La dénutrition chez les personnes âgées - Cahiers de Prothèse n° 134 du 01/06/2006
 

Les cahiers de prothèse n° 134 du 01/06/2006

 

Pluridisciplinaire

Alain Tosello -*   Christophe Nivière -**   Michel Ruquet -***   Isabelle Andrieu -****  


* MCU-PH
** Assistant hospitalo-universitaires
*** Assistant hospitalo-universitaire
**** Assistant hospitalo-universitaire

Résumé

Les carences nutritionnelles peuvent, à long terme, engendrer chez les personnes âgées isolées ou en hospitalisation long séjour un état de malnutrition, voire de dénutrition. Chez ces personnes, présentant des pathologies multiples et étant polymédicalisées, ce déficit nutritionnel aggrave leur état général et les conduit inexorablement vers un état de morbidité. La relation entre prothèses dentaires absentes ou mal adaptées et les pathologies générales et/ou des problèmes alimentaires est souvent évoquée, par le patient ou par la famille, pour justifier un besoin immédiat de réhabilitation prothétique. En effet, une enquête, réalisée en institution sur 211 personnes, a révélé une corrélation entre pathologies gastriques et états buccodentaires déficients [9]. À l'exception des sujets institutionnalisés, l'odontologiste peut être la première personne à pouvoir diagnostiquer une dénutrition chez des patients. Le rôle du clinicien est d'évaluer la nécessité et la durée d'exécution du protocole prothétique. L'optimisation de la capacité masticatoire permettra d'adopter une alimentation équilibrée, tant sur le plan nutritionnel que sur le plan calorique.

Malnutrition in elderly patients: consequences on prosthetic rehabilitation

Summary

Nutritional deficiencies may, in time, generate malnutrition in long-term elderly isolated hospital in-patient.

In these patients with multiple disorders and medications, nutritional deficiency will aggravate their general state of health, leading them to increased morbidity. The relationship between dentures (either lacking or misfit), systemic disorders and/or nutritional problems is often mentioned, either by the patient or by his family, thus indicating an immediate need for prosthetic rehabilitation. Indeed, an inquiry conducted on 211 elderly in-patients shows a correlation between gastric disorders and deficient oral states [9]. Besides the in-patients, the dentist may be the first person able to diagnose malnutrition in these patients. The clinician's role is to evaluate the need and the time required for the prosthetic steps (phase). Optimization of the chewing capacity will allow to develop a balanced nutritional as well as caloric program.

La malnutrition par carence ou subcarence protéino-calorique de la personne âgée a deux causes, l'une endogène, l'autre exogène :

- une cause endogène par hypercatabolisme chez des patients présentant une ou plusieurs pathologies générales et des syndromes infectieux graves (cachexie) ;

- une cause exogène par insuffisance d'apport alimentaire.

Une alimentation réduite d'origine exogène est due soit à un refus de s'alimenter, révélant souvent un problème psychique de type anorexique, soit à une mastication inadéquate, voire inexistante souvent aggravée par une perte de sensation de faim, d'appétit et de goût, soit enfin à des problèmes socio-économiques [1].

Le déficit masticatoire est toujours consécutif soit à un état d'édentement, soit aux différentes doléances des réhabilitations prothétiques telles que :

- des brûlures et douleurs sous- et périprothétiques ;

- des prothèses délabrées ;

- une instabilité des prothèses.

En général, l'ensemble des doléances prothétiques est fréquemment rencontré lorsque la maintenance postprothétique n'a pu se réaliser normalement.

Ces différents problèmes peuvent aboutir à un abandon de la prothèse, mais surtout à une modification du cycle et du temps masticatoire, avec apparition d'une sélection alimentaire. Celle-ci peut générer des carences nutritionnelles par diminution des apports protéiniques (en particulier carnés), glucidiques, vitaminiques, des oligo-éléments et du calcium [2].

Ce déficit nutritionnel entraîne, en dehors d'une fatigue et de différents signes cliniques, une aggravation ou une apparition de différentes pathologies avec risque de décès, in fine.

Classée comme un problème de santé publique mondial, la dénutrition est en constante augmentation avec le nombre croissant des personnes âgées. Elle est une des causes du déficit immunitaire et de morbidité, voire de mortalité.

Les deux types de dénutrition sont mis en évidence chez les personnes [3] :

- en hospitalisation long séjour, en réanimation et ceux vivant seuls à domicile ;

- présentant des états buccodentaires défectueux avec une mastication inefficace ;

- avec des régimes stricts et parfois aberrants ;

- présentant des pathologies psychiques graves ;

- présentant des pathologies gastro-intestinales sévères avec transit perturbé et dérèglement de l'absorption intestinale ;

- présentant de gros problèmes d'insuffisances cardiaque et respiratoire où le simple fait de s'alimenter demande un effort important (dyspnées d'effort) ;

- démunies ou isolées [4].

Matériels et méthodes

Une enquête d'observation a été réalisée dans 8 institutions du sud de la France en agglomération marseillaise. Celle-ci a porté sur un échantillon de 211 personnes dont le dossier médical était complet, dans l'établissement depuis plus d'un mois. L'âge moyen se situe entre 84 et 92 ans, le sexe féminin étant largement majoritaire tabl. I.

Nous avons recensé chez ces patients :

- les pathologies générales ;

- les pathologies locales ;

- l'état dento-prothétique ;

- les habitudes alimentaires et la constitution du bol alimentaire ;

- l'état de dénutrition.

Ces recensements ont été réalisés en collaboration étroite avec le médecin traitant et le personnel soignant de l'établissement, sur dossiers médicaux. Les examens dentaires endo- et exobuccal ainsi que prothétique ont été effectués par deux praticiens au fauteuil ou dans la chambre des patients alités, avec une aide-soignante pour confirmation.

Les examens de détermination de la dénutrition retenus sont ceux réalisés dans les services de gériatrie : l'examen pondéral, l'examen clinique, l'évaluation biologique et le test MNA.

Examen pondéral

Poids corporel

Le calcul de l'index de la masse corporelle (IMC) est le rapport du poids en kilogrammes sur la taille en mètre au carré (poids (kg)/taille (m)2). La normale se situe entre 19 et 25.

La perte pondérale est très évocatrice, d'où l'importance de la pesée hebdomadaire. De plus, la vitesse de la perte pondérale peut signer une dénutrition lorsque celle-ci dépasse 4 kilogrammes par mois en dehors d'un régime alimentaire.

Composition corporelle : mesure anthropométrique

La détermination clinique du rapport entre la masse maigre et la masse grasse repose sur la mesure de l'épaisseur des plis cutanés et des circonférences musculaires, en particulier la mesure de la circonférence du bras (CMB) [5,6] :

CMB (cm) = CB (cm) - 0.314 × (PCT-PCB)2

Examen clinique

Très révélateurs, la majorité des signes cliniques de dénutrition observés sont les suivants :

- peau sèche ;

- pétéchies ;

- langue dépapillée ;

- chéilite ;

- lésions gingivo-dentaires ;

- cheveux cassants et secs ;

- ongles striés ;

- oedèmes des membres inférieurs ;

- plis cutanés amincis ;

- fonte de la masse musculaire ;

- tachycardie permanente ;

- escarres ;

- vomissements ;

- ballonnements et douleurs abdominales ;

- diarrhées.

Évaluation biologique

Les examens biologiques permettent de confirmer un état de dénutrition exprimé cliniquement par les dosages sériques de la préalbumine, l'albumine, la transférine qui indiquent aussi un déficit protéinique important [7].

Le dosage le plus significatif est la préalbumine et le plus utilisé est l'albumine. Il faut noter qu'un patient est considéré comme dénutri lorsque le taux d'albumine est inférieur à 35 g/l.

Test MNA (Minimal nutritional assessment)

Ce test est une méthode d'évaluation de l'état nutritionnel simple, rapide et spécifique aux personnes âgées et facilement réalisable.

Le MNA comporte 18 items repartis en 4 parties :

- une mesure d'indices anthropométriques (indice de masse corporelle, circonférence brachiale, circonférence du mollet et perte récente de poids) ;

- une évaluation globale déterminant les facteurs de risque de malnutrition ;

- une enquête alimentaire comprenant 8 questions ;

- 2 questions évaluant subjectivement l'état de santé des sujets.

À chaque critère correspond une valeur de réponse. Le total des points, qui varie de 0 à 30, permet selon le score de classer le sujet dans une des 3 catégories caractérisant l'état nutritionnel :

- état nutritionnel satisfaisant (> 24) ;

- risque de malnutrition (entre 17 et 23,5) ;

- mauvais état nutritionnel (< 17).

Résultats

Pathologies générales

Les diverses pathologies les plus fréquemment rencontrées dans cette population sont multiples.

Pathologies gastro-intestinales tabl. II

- douleurs épigastriques ;

- brûlures ;

- régurgitations gastro-oesophagiques ;

- satiété rapide ;

- ulcères ;

- hernies hiatales ;

- formations néoplasiques ;

- trouble du transit intestinal.

Pathologies cardiopulmonaires

En raison du grand âge des sujets, ces pathologies sont pratiquement rencontrées sous toutes leurs formes systématiquement et entraînent une grande sensation de fatigue générale.

Pathologies neuropsychiatriques

On note une grande « détresse psychique » dans cette population souvent extraite de la cellule familiale ou faisant suite à une démence sénile, un délire obsessionnel ou, plus important, dans les cas d'une maladie de Parkinson et d'une maladie d'Alzheimer. Ces démences séniles entraînent parfois des refus de s'alimenter et peuvent progresser vers un tableau clinique grave avec anorexie, encore appelé « syndrome de glissement » tabl. III.

Restrictions locomotrices

Elles font souvent suite à des accidents vasculaires cérébraux ou des séquelles orthopédiques posttraumatiques. Le déséquilibre phosphocalcique physiologique et la diminution de la qualité et la quantité d'os pourraient être responsables de fractures osseuses. Les fractures du col du fémur restent un risque majeur chez les femmes âgées. Différentes études montrent une recrudescence importante de ces accidents.

Ces pathologies ont évidemment un retentissement sur l'état général avec des manifestations diverses : diminution du débit en oxygène cardiaque et circulatoire, de la ventilation entraînant une asthénie continue et persévérante. Elles diminuent donc l'effort et les dépenses physiques avec une incidence directe sur l'appétit.

Pathologies locales

La dégénérescence physiologique n'épargne ni les papilles gustatives ni les glandes salivaires. L'atrophie des papilles gustatives diminue la sensation des saveurs alimentaires souvent révélatrice d'une diminution de l'appétit.

La diminution de la sécrétion salivaire physiologique ou par prise de médicaments sialoprives peut être responsable d'une mastication et d'une déglutition difficiles avec risques de fausse route et de douleurs sous-prothétiques importantes. L'influence directe de l'hyposialie sur l'adhésion et la rétention des prothèses associée à la résorption des crêtes accentuent d'autant plus les douleurs sous- et périprothétiques et l'instabilité [8].

Il est à noter qu'il existe plusieurs formes cliniques de stomatites, notamment d'origine prothétique, et des candidoses douloureuses dans cette population.

Toutes ces manifestations de douleurs locales entraînent souvent l'abandon de la prothèse.

État dento-prothétique

Cette population a été répartie en 4 groupes en fonction du statut oral, à savoir : les patients édentés non appareillés, les patients édentés appareillés, les patients dentés en denture naturelle et les porteurs d'une prothèse partielle amovible tabl. IV.

Par ailleurs, nous avons constaté que les restaurations prothétiques, dans plus de 70 % des cas, n'étaient absolument plus adaptées et, par conséquent, peu fonctionnelles.

En contrepartie, ces patients ont une forte capacité d'adaptation avec peu de besoins subjectifs de réhabilitation. Effectivement, bien souvent les prothèses sont anciennes et « rafistolées », mais présentant toujours des défaillances dans leur conception avec absence des paramètres fonctionnels.

Ces réhabilitations deviennent indispensables pour assurer une bonne mastication et éviter au maximum des désordres gastriques comme nous l'avions constaté dans une précédente étude [9] (fig. 1).

Habitudes alimentaires et constitution du bol alimentaire

Tous ces facteurs négatifs entraînent souvent l'abandon des prothèses excluant une mastication et une déglutition efficaces et donc une alimentation équilibrée. La mastication doit être appréciée quant à sa véritable efficacité pour juger de la consistance idéale du bol alimentaire appropriée à chaque sujet.

En institution, cette efficacité masticatoire peut être évaluée en raison de l'assistance permanente du personnel soignant lors des repas. Elle dépend bien évidemment du coefficient masticatoire de chacun.

Cette prise en compte permet d'ajuster la composition et la texture du bol alimentaire pour éviter à long terme un risque de dénutrition.

Dans cette étude, on note que seuls les porteurs de prothèse totale et les sujets en denture naturelle sembleraient pouvoir bénéficier d'une alimentation de consistance solide, la plus à même d'entraîner le moins de carences [10].

L'alimentation mixée chez les 2 autres groupes est justifiée par un état dento-prothétique plus ou moins altéré (fig. 2).

De nombreuses études en milieu hospitalier, dans les services de gérontologie, montrent, qu'en hospitalisation long séjour, un patient sur deux est en état de dénutrition (confirmé par le dosage biologique de l'abumine) avec tout de même un patient sur cinq en maison de retraite ou en institution. La carence en fer, présente dans les deux cas de figures, note une diminution d'apport protéinique important et nécessitant une attention particulière [11].

État de dénutrition

La dénutrition est définie par un état d'amaigrissement pouvant affecter les fonctions vitales. Le diagnostic différentiel d'une pathologie infectieuse ou néoplasique étant éliminé, les signes d'une dénutrition sont exprimés par les trois « A » [4] : amaigrissement, asthénie, anorexie.

Les personnes retenues pour constituer cet échantillon ont été sélectionnées selon les critères suivants :

- leur capacité à répondre au questionnaire ;

- leur faculté de perception auditive.

L'échantillon réduit de cette étude ne comporte plus que 97 sujets âgés parmi lesquels on dénombre 42 hommes (43,3 %) et 55 femmes (56,7 %), et réparti en 5 groupes en fonction de l'état dento-prothétique tabl. V.

Ont été relevés pour ces patients :

• Un score MNA moyen pour l'effectif de 18,9 points.

Les sujets ont été classés en 3 groupes :

- 28 personnes (28,9 %) ont un mauvais état nutritionnel (< 17 points) ;

- 57 personnes (58,8 %) ont un risque de malnutrition (entre 17 et 23,5 points) ;

- 12 personnes (12,3 %) ont un état nutritionnel satisfaisant ( 24 points).

• Une concentration moyenne d'albumine de 32,9 g/l, une concentration d'albumine sérique inférieure à 35 g/l étant considérée comme un signe de malnutrition.

Les sujets ont été classés en 2 groupes :

- 56 personnes (57,7 %) ont une concentration inférieure à 35 g/l ;

- 41 personnes (42,3 %) ont une concentration supérieure à 35 g/l.

Ces tests confirment d'une part que les patients présentent un état de malnutrition avancé et d'autre part que le test MNA semble plus précis par sa classification.

Si on croise les dosages d'albumine et le test MNA avec le statut oral, il n'apparaît pas de différence significative entre les dosages en albumine et les différents groupes de statut oral (p = 0,69), les scores du MNA et les différents groupes de personnes âgées (p = 0,5).

Cependant, on s'aperçoit que les patients sont dans les deux cas en dessous du seuil des taux de dénutrition et que le groupe 1, à savoir les sujets totalement édentés non appareillés, se démarque nettement des autres groupes (fig. 3 et 4).

C'est pourquoi il est apparu intéressant d'analyser plus précisément les patients totalement édentés non appareillés. On se rend compte alors qu'il existe véritablement une relation entre le MNA et les patients totalement édentés non appareillés avec un résultat significatif (p = 0,04).

Par conséquent, une réalisation ou une réhabilitation prothétique semble nécessaire chez cette population fragile et souvent peu demandeuse. Cette intervention doit être rapide et adaptée en fonction de chaque individu et de son profil pathologique.

Discussion

Le rétablissement d'une fonction masticatoire adaptée à cette population permettrait d'une part de diminuer le risque de dénutrition, considérée comme une pathologie à part entière, d'autre part de pallier l'apparition ou l'aggravation de pathologies générales chez le sujet âgé. Un certain nombre de précautions doivent être prises en compte en fonction du statut pathologique des sujets dans toutes les séquences cliniques de l'élaboration d'une prothèse :

• lors des prises d'empreintes primaire et secondaire : celles-ci doivent être les moins invasives possibles pour éviter, chez des patients insuffisants cardiaques ou pulmonaires : nausées, vomissements, voire malaise vagal pouvant aller jusqu'à la syncope ;

• lors de l'enregistrement de la relation maxillo-mandibulaire : la réalisation de prothèses nécessite la participation du patient et devient un véritable piège face à des patients présentant des problèmes psychiques graves. L'altération de la compréhension nécessite l'utilisation de différentes astuces pour déterminer des relations maxillo-mandibulaires en relation centrée, le plan d'occlusion et la dimension verticale.

La sénilité physiologique ou précoce chez les patients atteints par la maladie d'Alzheimer et les patients souffrant de dyskinésies bucco-linguo-masticatrices nécessite une approche plus adaptée pour rétablir une mastication convenable pouvant assurer une alimentation normale.

Protocole simplifié de réalisation d'une prothèse complète chez la personne âgée dépendante

Nous proposons de modifier le protocole thérapeutique dans le but de réduire les différentes étapes cliniques et de les rendre plus accessibles pour l'odontologiste. Le délai d'exécution doit être raccourci pour permettre à cette population une capacité masticatoire salvatrice.

Cette simplification se réalise pour toutes les étapes cliniques de la réalisation de la prothèse et va nécessiter l'emploi de matériaux et de techniques spécifiques.

Prises d'empreintes

Il convient d'éviter les matériaux avec risque obstructif comme le plâtre et plutôt de privilégier des matériaux pouvant exclure une empreinte secondaire. Par ailleurs, les empreintes secondaires faisant appel à des porte-empreintes individuels sont également à proscrire, car elles nécessitent des séances fastidieuses de réglage. La pâte de Kerr nécessaire à la réalisation des joints périphériques risque d'engendrer des brûlures invalidantes chez ces patients dont la muqueuse est fortement fragilisée. Cela conduit à employer un matériau et une empreinte unique : l'empreinte primaire corrigée.

Une empreinte classique à l'alginate est pratiquée ; on réalise des évents au niveau des freins et du sommet des crêtes, puis on poursuit par un glaçage de l'empreinte pour en augmenter sa précision et éviter les compressions (fig. 5a et 5b).

Plan de référence occlusal

II est évalué grossièrement grâce à une fourchette de type « RIM inclinator » pour éviter au maximum l'intervention intrabuccale du praticien. La référence est constituée par le plan défini par le sommet de la papille rétro-incisive et les 2 points rétro-tubérositaires, objectivé par la taille de la base du moulage (fig. 6).

Dimension verticale

Les différents tests demandant une stabilité fonctionnelle neuromusculaire pourront être remplacés par l'utilisation du « Compas d'or » par exemple, ne faisant intervenir que l'appréciation du praticien (fig. 7).

Une DVO légèrement sous-évaluée est préférable pour éviter des mouvements importants lors des cycles masticatoires générateurs d'instabilité et de douleurs.

Transfert sur articulateur

Il fait intervenir une table de montage pour confirmer les différents points de référence. On évite ainsi l'utilisation de l'arc facial, relativement inconfortable pour le malade et impliquant sa coopération (fig. 8).

Relation centrée

Elle peut être enregistrée en utilisant un fil de jonc placé au maxillaire, au niveau des premières molaires, encastré dans les cires du bourrelet d'occlusion en demandant au patient de placer sa langue sur le fil et de fermer la bouche.

Si le patient est non coopérant, il se placera instinctivement en relation centrée, car sa langue ira chercher spontanément un contact avec le fil (fig. 9).

Montage des dents et essayages

L'utilisation de dents en résine est privilégiée pour éviter là encore toute blessure. Elles favorisent une adaptation aux prothèses plus rapide.

Le montage est un montage conventionnel de prothèse complète. Les essayages restent difficiles dans le cas de patients souffrant de graves atteintes cognitives, mais n'en demeurent pas moins primordiaux. Ils sont garants de la rapidité d'exécution et de la bonne adaptation (fig. 10).

Mise en bouche

Les prothèses sont soigneusement équilibrées sur l'articulateur et rodées à la pierre ponce (fig. 11). L'insertion des prothèses doit être complétée par une rééducation fonctionnelle. Chaque séance d'équilibration va de pair avec des conseils nutritionnels pour durcir progressivement la texture des aliments.

Sachant qu'une mastication minimale ne peut être assurée que par une stabilité prothétique, on pourra chez ces patients préconiser l'emploi d'adhésifs.

Conclusion

L'association d'une réhabilitation prothétique fonctionnelle et d'une surveillance diététique stricte permet d'éviter, voire de lutter contre un état de dénutrition.

Il est évident qu'il faut adopter un régime alimentaire capable d'apporter les protéines, lipides, glucides, oligo-éléments, calcium et vitamines strictement nécessaires pour un métabolisme organique souvent perturbé chez les personnes âgées.

Chez un patient récemment appareillé, une rééducation alimentaire s'avère nécessaire tout comme la rééducation prothétique et masticatoire. Ces divers apports : calorique, nutritionnel, hydrique et vitaminique sont assurés par une alimentation riche et diversifiée, ce qui exclut des repas souvent sélectifs où les aliments sont choisis en fonction des facilités masticatoires, avec élimination en particulier des apports carnés susceptibles d'apporter des protéines animales indispensables [5].

Tous ces éléments peuvent et doivent se conjuguer en redonnant le « goût à l'alimentation », comme par exemple augmenter les saveurs, les couleurs et améliorer la présentation pour activer l'appétit. Les apports nutritionnels devraient être minutieusement contrôlés et facilités par la multiplicité des repas au cours de la journée (en moyenne 5 par jour), ceci nécessitant une surveillance étroite par un personnel soignant ou un parent. En fonction du profil nutritionnel, le médecin et le nutritionniste peuvent améliorer la composition, la consistance des repas, voire ajouter une alimentation de complémentarité [12].

Dans les cas les plus graves, l'encadrement hospitalier est nécessaire pour avoir recours à une alimentation de substitution. La rééducation alimentaire est une décision collective entre les médecins, infirmiers, aides-soignants, diététiciens et odontologistes. Effectivement, les réhabilitations prothétiques entrent dans un cadre de réinsertion alimentaire. Si malgré ce parcours pénible et périlleux de réhabilitation orale fonctionnelle, le profil nutritionnel du patient ne présente pas d'amélioration, celui-ci doit être pris en charge immédiatement par les services de gérontologie. Pour les personnes non institutionnalisées, le rôle du chirurgien-dentiste dans le dépistage d'une malnutrition ou d'un état de dénutrition devient d'autant plus indispensable que celui-ci ne bénéficie pas de cet entourage médical.

La restauration d'anciens appareils par le biais de rebasage par des conditionneurs tissulaires (permanents ou provisoires), ou une réhabilitation nouvelle passent tout d'abord par une prise en charge de la douleur et de la rétention prothétique pour redonner un coefficient masticatoire immédiat et correct.

Le déficit masticatoire accentue souvent l'isolement social du sujet âgé : en effet, la table reste pour celui-ci le dernier lieu de convivialité familiale et amicale auquel ils ne peut plus participer. Cette solitude aggrave encore le phénomène de dénutrition.

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