Esthétique en prothèse amovible partielle - Cahiers de Prothèse n° 136 du 01/12/2006
 

Les cahiers de prothèse n° 136 du 01/12/2006

 

prothèse amovible partielle

Pascal De March  

DCD - Assistant hospitalier universitaire

Résumé

La réhabilitation d'un secteur dentaire antérieur en prothèse amovible partielle constitue un véritable défi esthétique. Même corrigées et maquillées, les dents du commerce disponibles ne permettent pas de soutenir la comparaison directe avec les éléments naturels contigus. Cet article propose d'utiliser les atouts de la stratification de la céramique éprouvés en prothèse fixée pour réaliser dans les secteurs esthétiques, sur un châssis aménagé, des couronnes céramo-métalliques restituant toutes les caractéristiques des dents naturelles de référence. Cette technique permet de relever le défi du biomimétisme en PAP, en intégrant la prothèse dans son environnement naturel, jusqu'à la faire passer inaperçue.

Summary

Aesthetics in removable partial denture: stratified ceramic's contribution

Aesthetic rehabilitation of anterior teeth with a removal partial denture (RPD) is a true challenge. Mass produced teeth, even customized by grinding and painting, do not compare favourably with the natural teeth next to them. This article shows the interest of using stratified ceramic proven in fixed denture in order to build-up on a RPD's framework with anterior abutments, ceramo-metallic crowns which mimic every characteristics of the adjacent natural teeth in aesthetic areas. This technique allows to perform biomimetics in the RPD field by integrating the denture in its natural environment so that it becomes invisible.

Key words

aesthetic, ceramic, prosthetic integration, removal partial denture.

L'intégration esthétique d'une prothèse est réussie lorsque ses composants se confondent avec l'ensemble des caractéristiques buccales et extrabuccales du patient, jusqu'à passer inaperçus. L'intégration esthétique est sublimée si, en plus, la prothèse génère un « bénéfice esthétique » par rapport à ce que la nature avait initialement créé : le sourire réhabilité prothétiquement suscite alors plus de plaisir au regard que l'apparence originelle des dents naturelles.

En odontologie, la créativité esthétique reste toutefois limitée puisque la prothèse doit se conformer à certaines contraintes morphologiques, tout en respectant l'environnement biologique et en assurant un rôle fonctionnel dans un cadre d'occlusion équilibrée. Pour une reconstruction globale, ou au moins de tout un secteur antérieur, l'aspect créatif proprement dit s'exprime par la définition des caractères individuels variables, et par leurs interrelations particulières, en respectant la phonétique. Ces caractères variables concernent la forme des dents, leur couleur (luminosité, saturation, teinte, translucidité) ainsi que leur position. Ils sont aussi définis par rapport aux autres éléments du visage, ainsi qu'à la personnalité du patient et aux exigences sociales pour assurer l'aspect esthétique de l'ensemble. Les choix de l'« odonto-prothésiste » à ce niveau font qu'une réalisation exprime l'authenticité esthétique du naturel ou, au contraire, l'aspect d'une prothèse artificiellement bien intégrée, mais qui ne fait naître aucun sentiment de beauté chez l'observateur. Lors du remplacement d'une ou de seulement quelques dents antérieures, la créativité est limitée par la présence d'homologues controlatérales intactes servant de référence [1]. Le défi esthétique n'en est que plus difficile puisque le résultat est sévèrement analysé, en comparaison directe avec les dents naturelles voisines et antagonistes à la reconstruction envisagée, qui définissent ce que Magne et al. nomment « l'espace artistique » [1]. Cette situation intéresse aussi bien les cas de prothèses fixées unitaires ou plurales, dento- ou implanto-portées, que ceux traités par prothèses partielles amovibles (PAP). Ces dernières doivent répondre aux mêmes exigences esthétiques que les prothèses fixées, mais avec des moyens différents.

Pour relever ce défi esthétique en prothèse amovible partielle, nous proposons ainsi de mettre au service de la PAPM (prothèse amovible partielle à infrastructure métallique) les techniques de stratification de la céramique pour la réalisation des éléments du bloc antérieur en présence de dents naturelles de référence.

Après des généralités concernant l'esthétique du sourire, développées dans la première partie, les modalités de restauration classique d'un secteur antérieur par PAP sont rappelées pour argumenter la comparaison avec la technique proposée décrite ensuite, avec l'application à deux cas cliniques.

Exigences esthétiques des réhabilitations antérieures encadrées par des dents naturelles

Toute décision affectant l'esthétique d'une composition doit être motivée par une observation extrêmement attentive de l'environnement avec lequel elle va interagir [2,3]. La situation, la forme, la couleur des éléments dentaires à restaurer constituent les caractères individuels variables sur lesquels il est possible d'agir. L'importance relative de ces paramètres varie en fonction de l'étendue de la restauration, mais surtout en fonction de son environnement et des éléments en présence. Lorsque l'espace à reconstruire est limité par des dents naturelles, c'est l'influence de ces éléments qui va prédominer et « dicter » les caractéristiques esthétiques des reconstructions. Dans ce cas, c'est principalement au niveau du cadre dentaire que se focalise le jugement esthétique, c'est-à-dire sur les dents et les rapports dentaires. La forme, les proportions, le positionnement précis ainsi que le rythme dans les agencements des dents font, avec la couleur, l'objet de toute notre attention. Comme l'a souligné Lombardi, c'est en fait, plus que la forme de la dent, l'effet déterminé par celle-ci au sein de la composition qu'il faudra savoir cerner et gérer [4].

Situation des dents et des bords libres

Dans le cadre d'une réhabilitation partielle antérieure maxillaire, les reconstructions doivent se situer sur la courbe dessinée par les dents existantes. Toutefois, dans l'espace artistique disponible, de subtiles variations peuvent permettre d'améliorer l'effet esthétique de la courbe incisive. Cette petite liberté concerne la situation des bords libres dans le sens vertical et sagittal, l'inclinaison frontale et sagittale des incisives centrales [5], ainsi que la situation des collets. Lorsque la prothèse concerne un secteur de part et d'autre de la ligne sagittale, on peut moduler l'effet de dominance des incisives centrales et surtout la dynamique de la ligne incisive [6] qui doit exprimer une certaine « variété dans l'unité » pour projeter un effet de dynamisme et de vitalité [4] (fig. 1). Mais la marge de manoeuvre du praticien dans ce domaine est d'autant plus étroite que le nombre de dents à reconstruire de part et d'autre de la ligne médiane est restreint (par exemple les 2 seules incisives centrales). Pourtant, il est souvent possible d'influencer positivement la ligne incisive, même en réhabilitant les seules incisives centrales, sans toutefois perturber la phonétique. C'est, en particulier, en tenant compte de la ligne supérieure de la lèvre inférieure, rectiligne, incurvée, galbée... que l'harmonie peut être trouvée.

Ligne gingivale

La situation des bords libres de ces incisives doit être établie dans le respect des proportions intrinsèques relatives de la dent [6, 7, 8, 9, 10et 11]. Le respect de ces proportions influence naturellement la hauteur de la couronne, et donc la situation des collets anatomiques. En l'absence de récession gingivale, la situation des collets anatomiques détermine, avec la gencive marginale, la découpe gingivale. Ce contour gingival joue un rôle esthétique important [7], surtout lorsque les patients exposent, lors du sourire, l'environnement gingival de l'arc dentaire antérieur (fig. 2). En PAPM, la découpe gingivale est plus facilement maîtrisée en réalisant une selle en résine rose. En revanche, pour s'affranchir de cette fausse gencive, les dents montées sur le châssis de la PAPM se comportent comme des intermédiaires de bridge ; l'effet de la découpe gingivale dépend alors directement de la quantité et de la forme des tissus supracrestaux qu'il est d'ailleurs possible de remodeler chirurgicalement.

Le travail de la forme doit permettre d'harmoniser les proportions perçues de la dent avec la position du bord libre souhaité et l'espace disponible.

Forme

Lorsque l'on travaille sur une partie encastrée antérieure, la forme des couronnes dentaires reconstruites est bien évidemment réalisée en harmonie étroite avec celles des dents adjacentes. Mais le choix de la forme sera avant tout régi par l'espace disponible, le dessin des lèvres, l'environnement tissulaire [1,2]. Compte tenu de tous ces critères, on ne dispose souvent que de peu de latitude pour une création artistique originale. Toutefois, on s'attachera toujours, dans la limite des possibilités, à créer la forme qui s'harmonise le mieux à la personnalité du patient ainsi qu'à l'effet esthétique qu'il souhaite projeter. Finalement, toute la difficulté sera de déterminer la forme idéale de l'incisive centrale maxillaire en ayant intégré tous les paramètres de l'environnement évoqués ci-dessus. Cela signifie qu'il ne suffit pas de recréer la forme originelle de la dent disparue, mais une forme capable de générer un effet esthétique optimisé tout en tenant compte de l'environnement dentaire, tissulaire et fonctionnel. Cette approche implique une bonne connaissance des formes, de leurs subtilités, avec en particulier une savante maîtrise des effets visuels sur lesquels elles peuvent s'appuyer pour sublimer le résultat esthétique attendu. La maîtrise des lignes de transition constitue dans ce domaine une exigence incontournable [2,712-14 ].

Couleur

Après la forme, la couleur des couronnes prothétiques participe à leur intégration esthétique. Luminosité, saturation, teinte et translucidité sont donc successivement considérées. Lorsque la reconstruction concerne une partie de la denture, et qu'elle doit se confondre avec des dents naturelles, le travail du céramiste consiste à trouver toutes les subtilités pour imiter les dents voisines [2,4]. La perception des travaux de ce type est peu subjective parce qu'elle fait appel aux capacités de discrimination de l'observateur qui ne dépendent pas de ses émotions, et encore moins de son inconscient. Dans ce type de projet, il n'est pas question d'effet artistique, mais de la stricte reproduction des caractéristiques des dents naturelles voisines en utilisant des matériaux bien différents de la dentine et de l'émail naturels (fig. 3).

Aspect de surface

Les aspects de surface constituent un élément déterminant de l'intégration esthétique des couronnes dentaires [12,13]. Le traitement des états de surface de la céramique au laboratoire représente un temps de travail long qui demande de l'expérience et un grand sens de l'observation des dents naturelles [13,17]. Au-delà du simple mimétisme avec la nature, ce type de caractérisation est très important parce qu'il influence la perception de la couleur et de la forme des éléments dentaires [2,17].

Enfin, les caractérisations représentent des particularités individuelles propres à chaque dent, comme le sont les taches blanchâtres de perturbation de la calcification de l'émail, les fissures de l'émail, les opalescences des bords incisifs... Tous ces aspects peuvent être reproduits sur les dents artificielles. Ajoutons alors que l'influence de ces caractérisations de surface sur le comportement de la lumière et sa réflexion dépend également de la nature même du matériau qui compose la couronne.

En prothèse fixée, les possibilités thérapeutiques les plus modernes et les dernières avancées techniques en matière de céramique permettent au céramiste de relever avec succès le défi du biomimétisme [20] et de créer l'illusion du naturel [17]. Les plus grands céramistes ont beaucoup travaillé sur la structure des dents naturelles pour faire progresser les matériaux et les techniques de stratification, jusqu'à obtenir des restaurations reproduisant fidèlement les détails les plus subtils de la dent naturelle [17,18,19-21]. En PAP, on dispose classiquement d'un panel de dents artificielles préfabriquées, éventuellement en céramique, que l'on peut agencer et personnaliser [22,23]. Cependant, quel résultat peut-on attendre avec des dents du commerce quand la restauration ne concerne que quelques éléments antérieurs parmi des dents naturelles ?

Restauration d'un secteur antérieur encastré en PAP classique

Lorsque l'on souhaite remplacer des dents absentes par une prothèse amovible partielle, les dents utilisées sont habituellement choisies selon leur forme et leur couleur parmi toutes les dents prothétiques en résine ou en céramique proposées par les différents fabricants. Des cartes de formes permettent de commander la ou les dents qui se rapprochent le mieux des dents naturelles en forme et en dimensions (fig. 4). La couleur des dents prothétiques est aussi choisie en référence à un teintier (Vitapan® de Vita, Chromascop® d'Ivoclar-Vivadent, échantillons Bioblend® de DeTrey...) (fig. 5). Le fait d'utiliser des dents produites en série par des manufactures industrielles implique nécessairement un nombre limité de formes et de couleurs par rapport à la diversité des dents naturelles qui sont, selon les lois génétiques les plus élémentaires, aussi uniques que l'individu auquel elles appartiennent. On comprend donc qu'aucune dent du commerce ne peut réellement se confondre en tout point avec une dent naturelle. En fait, pour être adaptées à un maximum de situations, les dents de l'industrie reproduisent seulement les caractéristiques générales de la denture naturelle, mais sans jamais comporter de caractérisations particulières. Pour s'en convaincre, il suffit de comparer une dent extraite à la dent prothétique considérée comme la plus proche (fig. 6) [22]. Parmi les dents du commerce, les dents en résine diffèrent encore plus de leurs homologues naturelles que celles en céramique dont les propriétés optiques et mécaniques sont plus proches de l'ensemble amélo-dentinaire. Ces dernières autorisent surtout des corrections de leur forme par remodelage et par maquillage permettant un travail de personnalisation de l'élément prothétique [22, 23et 24].

Dans le cadre du remplacement d'un secteur antérieur (comme 2 incisives centrales maxillaires) encadré par des dents naturelles servant de référence, les dents sont choisies avec la forme et la couleur se rapprochant le plus de celles des éléments naturels présents. On peut également s'aider pour le choix des dents de documents préextractionnels tels que des photos anciennes ou même des dents extraites. Cependant, les dimensions de l'espace disponible liées à la résorption tissulaire sur la crête déterminent prioritairement la forme et la taille des dents choisies.

Remodelage des dents prothétiques

Pour améliorer l'intégration des dents prothétiques sélectionnées, forme et état de surface peuvent être corrigés par meulage. Pour chacun de ces meulages, la plus parfaite authenticité doit être recherchée en s'efforçant de copier au plus près les caractéristiques des dents naturelles de référence. En ce qui concerne la forme, il est fondamental de choisir des dents plus volumineuses, car le remodelage par fraisage élimine une partie du matériau céramique [22].

Maquillage des dents prothétiques

Le maquillage consiste à caractériser la couleur de base à l'aide de colorants de surface. Ces colorants permettent dans un travail en trompe-l'oeil de créer des fissures blanches, orange, brunes, des zones d'abrasion colorées, des taches de décalcification, des halos colorés... Cette technique permet donc d'améliorer les caractéristiques des dents du commerce en réalisant une véritable personnalisation des dents standardisées [22]. Appliquée à la prothèse complète, cette technique d'amélioration des dents du commerce parvient véritablement à susciter l'illusion du naturel pour se confondre subtilement avec la personnalité et les caractéristiques du visage du patient [23] et produire finalement un effet esthétique très positif exprimant toute l'authenticité du naturel (fig. 7). Cependant, en présence de dents naturelles, des dents artificielles, même habilement retravaillées ne peuvent soutenir la comparaison directe avec tout ce qui caractérise la dent naturelle, dans sa forme d'abord, mais surtout dans l'intégralité des nuances qui s'épanouissent dans toute l'épaisseur de la dentine et de l'émail.

En effet, le maquillage appliqué sur les dents du commerce reste superficiel et ne peut pas reproduire les effets en profondeur que l'on trouve dans les dents naturelles. De plus, le travail de la forme effectué par soustraction limite la créativité, car il n'est pas toujours possible d'obtenir la forme esthétique idéale pour une situation donnée.

Dans une publication récente, il est proposé de modifier et de personnaliser les dents du commerce en porcelaine par adjonction à l'aide de la céramique GC Initial® [24]. Cette technique ouvre des perspectives très intéressantes en prothèse amovible complète, mais l'éventail des formes et des effets de couleurs possibles devrait tout de même dépendre de la forme initiale et de la structure de la dent du commerce soutenant la céramique rapportée. De plus, aucune donnée scientifique n'est à ce jour connue concernant la qualité de la liaison des deux céramiques dont les températures de frittage respectives sont très différentes. Il en est de même pour la résistance à l'usure et la pérennité du résultat obtenu face aux agressions mécaniques et salivaires.

Ainsi, les techniques de céramiques stratifiées utilisées classiquement en prothèse fixée permettent, actuellement, de répondre au mieux, et de façon pérenne, à l'ensemble des exigences d'intégration esthétique dans un cadre naturel.

Techniques de céramique stratifiée au service de la PAPM

Nous proposons de mettre au service de la PAPM une technique de stratification de la céramique afin d'en optimiser l'intégration esthétique. Pour ce faire un châssis métallique coulé en alliage cobalt-chrome est réalisé avec, dans le secteur antérieur, des moignons aménagés pour recevoir des éléments céramo-métalliques. Ces couronnes à sceller sur le châssis permettent au céramiste de créer des éléments dentaires entièrement personnalisés. Les relations de ces secteurs avec la crête peuvent être traitées de deux façons :

- soit comme des intermédiaires de bridge : la partie la plus antérieure de la couronne surplombe le pilier du châssis et vient s'appliquer en avant de la crête contre la muqueuse, qui constitue ainsi un contour gingival naturel autour des restaurations (fig. 8). Ce choix dépend de la possibilité d'obtenir un contour gingival harmonieux. Des tissus supracrestaux épais peuvent être aménagés au bistouri électrique, notamment pour feindre des papilles dans les embrasures coronaires. Cette approche reste possible dans les cas de réhabilitations asymétriques par rapport à la ligne médiane, mais les réhabilitations symétriques répondent bien plus souvent à cette indication ;

- soit avec une selle en résine : la partie antérieure du châssis qui comprend les piliers métalliques soutient une selle en résine qui vient s'appliquer contre la muqueuse de la crête. En vestibulaire, la selle entoure les couronnes au niveau cervical pour réaliser un contour gingival artificiel. Cette indication intéresse les cas où une perte tissulaire importante empêche la réalisation d'un contour gingival harmonieux. On optera souvent pour cette solution dans les réhabilitations asymétriques, afin de s'harmoniser plus facilement avec la découpe gingivale existante (fig. 9). Pour améliorer l'effet de mimétisme de cette fausse gencive, il est possible d'avoir recours à des pigments colorés, incorporés avant polymérisation (pigments résine Candulor®).

Le châssis est conçu en respectant toutes les règles établies en PAPM [25, 26, 27et 28] ; mais dans le secteur antérieur, pour chaque élément que l'on souhaite personnaliser en céramique, on réalise des piliers dans le châssis pour supporter des couronnes céramo-métalliques indépendantes. La forme et la situation de ces piliers doivent être guidées par une approche prospective préalable (montage de dents du commerce ou céroplasties), et par la réalisation de clés en silicone. Les secteurs cuspidés sont reconstruits classiquement, avec des dents du commerce, le plus souvent en porcelaine.

La forme optimale des dents antérieures sur la prothèse est définie à l'aide de céroplasties (wax-up) amovibles sur les moignons du châssis. Cet ensemble préfigurant le résultat final peut être évalué in situ pour une validation en situation réelle des formes proposées [29]. Sur le moulage, de nouvelles clés de référence sont réalisées pour guider la conception et la réalisation des couronnes.

Dans un premier temps, les piliers sont corrigés par fraisage à l'aide des clés en fonction des formes validées cliniquement. Les chapes en cire sont modelées directement sur les piliers du châssis, puis transformées en métal par la technique de la cire perdue.

La céramique est alors montée classiquement sur ces chapes en reproduisant fidèlement les formes, la couleur, toutes les nuances et l'état de surface des dents naturelles de référence en présence. Différents types de clés [ 13,30] permettent de contrôler les dimensions et l'évolution des surfaces dentaires validées, la situation des bords libres et des lignes de transition. Les corrections nécessaires sont réalisées par fraisage, meulage et polissage. Entre les différentes étapes d'élaboration de la céramique les couronnes peuvent être placées sur le châssis et essayées en bouche (en même temps que les dents cuspidées du commerce) pour valider l'ensemble des déterminants d'intégration prothétiques. Dans les secteurs postérieurs, la PAPM est finie classiquement (dents du commerce et selle en résine).

Une fois terminées, les couronnes sont scellées à l'aide d'un ciment résineux (Fuji plus®, GC) sur les moignons du châssis préalablement sablés à l'alumine 50 mm.

Lorsqu'une selle antérieure en résine est prévue sous les couronnes, celle-ci entoure parfaitement les collets des couronnes, comble les embrasures pour créer un contour gingival harmonieux. Les couronnes sont scellées sur le châssis après polymérisation de la résine.

Cas clinique n° 1 : PAPM supportant des couronnes contra-muqueuses

La répétition d'épisodes infectieux récidivants avec formation de fistules en regard de la 11 et les images de résorption radiculaire sur les 2 incisives centrales traitées endodontiquement depuis de nombreuses années imposaient l'avulsion de ces 2 dents et le curetage de la lésion (fig. 10). Le patient présentait également l'absence de la 26. Les solutions implantaires ont été écartées par le patient, de même qu'une réhabilitation par prothèse fixée conventionnelle impliquant la mutilation de nombreuses dents saines. Moins risquée compte tenu de la bruxomanie du patient, la solution d'une prothèse amovible partielle à infrastructure métallique (PAPM) a été retenue pour réhabiliter l'ensemble de la denture. Toutefois, la nécessité de remplacer 2 incisives centrales encadrées par des incisives latérales et des canines naturelles rend la situation de biomimétique difficile, et contraint à devoir répondre à toutes les exigences exposées précédemment [1].

Nous réalisons donc un châssis métallique incorporant deux moignons sur lesquels 2 éléments céramo-métalliques scellés viennent remplacer les 2 incisives. Pour renforcer l'effet naturel, ces 2 couronnes sont gérées en s'appuyant sur la crête comme des intermédiaires de bridge.

Tout d'abord, une prothèse partielle transitoire amovible en résine est confectionnée à partir d'un moulage de la situation initiale et élimination sur le plâtre de 11 et 21. Immédiatement après l'avulsion des dents, elle est réadaptée sur la crête suturée à l'aide d'une résine de rebasage. Les dents extraites sont conservées pour inspirer la réalisation des éléments en céramique stratifiée (fig. 11).

Après cicatrisation et stabilisation des tissus ostéo-muqueux antérieurs, les dents supports sont préparées pour recevoir le châssis. La réalisation d'une réplique du moulage initial (obtenue à partir d'un moule de duplication réalisé en gel silicone) permet de corriger par cire ajoutée la forme des dents naturelles, puis de réaliser une clé en silicone pour guider la réalisation des moignons sur le châssis du stellite (fig. 12).

Deux céroplasties (wax-up) amovibles sont alors réalisées directement sur les moignons. Elles s'inspirent de la forme originelle des dents, tout en essayant de produire un résultat esthétique optimisé en fonction de la situation clinique. Un essai en situation réelle permet une véritable évaluation préfigurant le résultat final (fig. 13). Dans le cas présenté, l'importante perte tissulaire antérieure laisse place à un cadre de créativité disponible d'une hauteur importante que l'on aurait pu corriger par un apport de tissus conjonctifs. Cette solution n'a toutefois pas été retenue, car la lèvre supérieure très rectiligne découvre peu les dents. Deux incisives avec une fausse racine assureront donc des proportions coronaires harmonieuses. La longueur ne pouvant être augmentée compte tenu de la bruxomanie du patient, on a choisi de modeler des dents un peu plus vestibulées par rapport à la situation initiale pour créer un effet de dominance des incisives centrales et rompre avec la monotonie des agencements rectilignes que l'on observe chez les bruxomanes.

Communication de la forme

Lorsque l'ajustage du châssis a été validé et que la forme des incisives centrales évaluée par les céroplasties a donné satisfaction, différentes clés en silicone sont réalisées. Elles vont guider la correction des moignons et la construction des futures restaurations en céramique afin de reproduire le plus fidèlement possible les formes validées cliniquement [31, 32, 33et 34] (fig. 14 et 15).

La présence sur le moulage de travail des dents adjacentes à la préparation constitue aussi un excellent repère pour situer le bord libre de la restauration d'usage. Roach et Muia [14] proposent ainsi de transférer sur le maître modèle les céroplasties amovibles de part et d'autre de la restauration unitaire en cours de réalisation.

Communication de la couleur

Les données relatives aux différentes composantes de la couleur (luminosité, saturation, teinte, translucidité) des dents à reproduire sont relevées directement par le céramiste sous la lumière du jour [13,15]. Les prothèses à réaliser étant encastrées entre des éléments naturels servant de référence et de comparaison directe, ce sont toutes les subtilités de ces dents que devra impérativement imiter et sublimer le céramiste. Ce dernier constitue un recueil d'informations très complet qui va soutenir et réactiver la mémoire de ce qu'il a directement observé et lui permettra d'approcher au mieux les principales nuances et couleurs à réaliser dans la restauration d'usage. Les outils numériques constituent alors une aide extrêmement précieuse pour qui sait en faire bon usage (fig. 16).

Essai du biscuit

L'essai clinique du biscuit permet de vérifier que tous les objectifs d'intégration esthétique et fonctionnelle sont acquis. À ce stade, des corrections sont encore possibles par fraisage ou par ajout de matériau complété d'une ou plusieurs cuissons supplémentaires. Ces corrections sont d'abord notées en bouche par des tracés sur la céramique avec des crayons fins [7,18] (fig. 17). Certaines modifications mineures sont réalisées en bouche avec des fraises diamantées, des pointes montées et des disques flexibles [7]. Avant le glaçage, le polissage des lignes de transition avec des meulettes en caoutchouc permet également de parfaire la morphologie dentaire [7], mais aussi de travailler l'état de surface [12,13].

Les derniers ajustements à ce stade doivent être largement minimisés si toute la démarche a été bien suivie.

Cette étape se termine par l'application de colorants de surface qui parachève les caractérisations et renforce l'illusion de naturel. Une approche de maquillage est effectuée en bouche dans le véritable environnement des prothèses d'usage. Dans les embrasures, l'application d'orangé va jouer un rôle essentiel dans l'impression de volume et de profondeur dégagée par la dent [31].

Les restaurations glacées sont scellées à l'aide d'un ciment résineux (Fuji plus®, de GC) sur le châssis (fig. 18, 19 et 20).

Cas clinique n° 2 : PAPM supportant des couronnes avec une selle résine

La perte des dents de la moitié du bloc antérieur à gauche de la ligne médiane et la faible hauteur coronaire des dents naturelles controlatérales qui servent de référence rend le problème esthétique difficile à résoudre en PAPM avec des dents du commerce. Pour créer un bloc antérieur harmonieux, nous avons choisi de restaurer 21, 22 et 23 avec des couronnes céramo-métalliques scellées sur un châssis aménagé tandis que les secteurs cuspidés sont reconstitués classiquement. Comme nous sommes dans une situation de réhabilitation unilatérale d'un côté de la ligne médiane, la marge de créativité est quasi nulle puisque des dents naturelles imposent une référence parfaitement symétrique par rapport à la ligne médiane. Il est donc impératif de respecter les proportions et la faible hauteur de ces dents naturelles, et il n'est pas question de réaliser une fausse racine sur le secteur réhabilité. Compte tenu de l'importante perte tissulaire consécutive aux extractions dans le secteur antérieur, nous avons donc choisi de réaliser une selle en résine sous les couronnes antérieures pour rétablir l'harmonie de la ligne gingivale et les proportions naturelles de toutes les dents du bloc antérieur. La selle permet également un appui muqueux et participe ainsi à sa sustentation et à la stimulation des tissus.

Après préparations coronaires et empreintes, le châssis métallique en cobalt-chrome est réalisé avec 3 moignons au niveau de 21, 22, et 23. Dans ce cas, une grille est située sous ces moignons pour assurer la rétention de la résine qui constituera la selle antérieure de la prothèse (fig. 21).

Comme dans le cas précédent, des céroplasties amovibles sont essayées en bouche pour valider le projet esthétique et les conditions de guidage de la mandibule en propulsion et diduction (fig. 22). Puis, des clés sont confectionnées pour corriger les piliers. Les chapes puis les couronnes céramo-métalliques sont réalisées à partir du même relevé de données que dans le cas précédent (clés de forme, photographies et relevé de couleur personnalisé). Les secteurs cuspidés sont réhabilités avec des dents du commerce en céramique de façon classique. Les couronnes sont scellées sur le châssis et la selle antérieure est réalisée en résine de manière à harmoniser la découpe gingivale avec le secteur naturel (fig. 23 et 24).

Conclusion

Les dents du commerce disponibles pour la prothèse partielle ne permettent pas toujours de répondre à toutes les exigences esthétiques des secteurs antérieurs en présence de dents naturelles contiguës. La réalisation d'éléments céramo-métalliques scellés sur le châssis aménagé permet de relever le défi du biomimétisme et de produire des éléments prothétiques capables de soutenir la comparaison avec les éléments naturels en présence.

Cette technique donne des résultats appréciables par rapport au maquillage de surface de dents préfabriquées en porcelaine. Elle présente toutefois l'inconvénient de majorer le coût du traitement.

Il serait intéressant de la comparer à des procédés mettant en oeuvre la stratification de céramiques spécifiques ou de composites de laboratoire (Gradia® de GC, par exemple) directement sur un châssis coulé en cobalt-chrome ou en titane.

Remerciements à Jean-Luc Colmé (prothésiste dentaire à Nancy) pour la réalisation des châssis et à Pierre-Antoine Vigneron (prothésiste dentaire à Épinal) pour celle des céramiques stratifiées.

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