OCCLUSODONTIE
Philippe Poisson -* Julien Petit -** Christophe Bou -*** Véronique Dupuis -**** Georges Dorignac -*****
*AHU - Sous-section de santé publique
**PU - Laboratoire de neurophysiologie - UMR 5543
***MCU-PH - Sous-section de santé publique
****PU-PH - Sous-section de prothèse
*****PU-PH - Département d'odontologie et de santé buccale
L'utilisation d'une protection intrabuccale (PIB) apparaît comme le moyen privilégié de prévention des traumatismes dento-maxillaires, mais quelques études semblent encore nécessaires pour augmenter l'efficacité de cet appareillage. Actuellement, le modèle individuel (type III) est considéré de qualité supérieure aux modèles standard (type I) et adaptables (type II). Cette revue s'intéresse plus particulièrement aux techniques habituelles de confection de cette protection individuelle, aux différentes formes de ce modèle de protection, aux matériaux utilisés dans sa confection ainsi qu'à l'importance de paramètres comme la relation mandibulo-maxillaire, la ventilation mâchoires serrées, le confort et le maintien de la tête et du cou.
Custom-made mouth guard: literature review
To use a mouth guard (MG) seems to be an efficient way to avoid dento-maxillary traumas even if additional experiments are still necessary to optimize MG efficacy. Custom-made MGs is thought to be more efficient than stock mouth guards (type I) and mouth formed type (type II). This paper describes the main techniques used to make custom-fabricated MG and to review for this type of MG the studies which describe the materials, the mandibulo-maxillary relationships, the ventilation when the jaws are closed on the MG, the perceived comfort and the control of head and neck posture.
L'utilisation d'une protection intrabuccale (PIB) apparaît comme le moyen efficace de se prémunir des traumatismes dento-maxillaires [1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16et 17]. Même si, à l'origine de la boxe moderne, quelques « Prize Fighter » ont tenté de se préserver des lésions labiales mutilantes et invalidantes à l'aide d'une bande de coton [18,19], le véritable précurseur de la PIB semble être une bande de gutta percha dont l'emploi a été initié par un dentiste londonien, Woolf Krause [20].
Actuellement, la plupart des auteurs semblent en accord sur le rôle et les propriétés des PIB :
- protéger les tissus mous (la langue, les lèvres et les joues) des blessures ;
- réduire le risque de blessures des dents antérieures maxillaires d'à peu près 90 % par amortissement de la force d'impact ;
- prévenir du choc violent des dents de l'arcade mandibulaire contre celle de l'arcade maxillaire après impact sur la mandibule ;
- réduire le risque de commotion cérébrale ;
- réduire le risque d'atteinte cervicale.
• Propriétés [21,22,23,24,25] :
- occuper les espaces édentés ;
- être confortable, inodore et insipide ;
- présenter une bonne absorption et dispersion des forces d'impact ;
- présenter une bonne rétention ;
- ne pas perturber la phonation, ni la ventilation.
Des résultats sur les propriétés et le rôle des PIB ont déjà été publiés, mais des études semblent encore nécessaires pour préciser le matériau des PIB, son épaisseur et le mode de fabrication permettant d'obtenir la protection la plus efficace [26,27].
L'objectif de cette revue est de déterminer, à partir de ces propriétés, la meilleure PIB si elle existe. Pour ce faire, il a été nécessaire de décrire les techniques habituelles de confection des PIB individuelles, leur morphologie, les matériaux utilisés dans leur confection, puis de décrire leur rôle dans la relation mandibulo-maxillaire, dans la ventilation mâchoires serrées, ainsi que dans le maintien de la tête et du cou.
Dès 1961, le rapport du Joint Committee of the American Dental Association et de l'American Association for Health, Physical Education and Recreation a décrit 3 grandes familles de PIB [28]. En accord avec ce rapport, l'American Society for Testing and Materials propose une classification [29] qui, actuellement, est communément admise [21,24,29, 30,31,32,33 ] :
- type I : les protections standard ;
- type II : les protections adaptables en bouche ;
- type III : les protections individuelles (confectionnées après prise d'empreintes par un chirurgien-dentiste).
Ces protections prêtes à l'emploi étaient, dans les années 1930, considérées comme dangereuses, car elles s'échappaient souvent de l'arcade dentaire et étaient repoussées dans la bouche du sportif [18]. Cet appareillage ne tenait en place que lorsque le sportif était mâchoires serrées [24,25,34]. Il y avait donc un risque que la protection s'échappe durant l'effort [28] et même qu'elle se coince dans les voies aériennes du sportif [3,4,18,22,25]. Considérant ces inconvénients, Turner a préconisé que la protection standard devait être retirée des ventes [25], et l'American Academy of Sports Dentistry a déclaré que ce type de protection n'était pas acceptable [11].
Les modèles actuels de protection standard ne semblent différer de leur équivalent du début du XXe siècle que par le type de matériau dont ils sont constitués [34]. Différents matériaux peuvent être utilisés : des copolymères d'acétate de polyvinyle et de polyéthylène (PVAc-PE) [21,27], du chlorure de polyvinyle, du caoutchouc naturel ou du polyuréthane [27].
Les protections adaptables sont considérées comme intermédiaires entre les PIB standard et individuelles [29].
Un modèle par regarnissage, « shell-liner », est décrit dans la littérature [21,24,29,35 ]. C'est une gouttière rebasée à l'aide de méthacrylate de méthyle ou de silicone [21,24,29,35]. Ce modèle peu utilisé induit parfois une odeur et un goût désagréables et est d'emploi compliqué [21,29]. De plus, Sametzky et al. rejettent formellement le modèle par regarnissage ; la gouttière étant lisse, elle n'autorise aucun blocage mandibulaire [36].
Le second modèle est adaptable après ramollissement dans l'eau chaude. Il représente près de 90 % de l'ensemble des PIB utilisées par les sportifs [17,21,33,37 ]. Cette protection thermoplastique est généralement confectionnée à base de copolymère d'acétate de polyvinyle et de polyéthylène (PVAc-PE) [23, 24et 25]. Tout d'abord, la protection adaptable est immergée dans de l'eau bouillante durant 10 à 45 s pour être ramollie, puis, après passage 1 à 2 secondes dans de l'eau froide, elle est placée dans la bouche du sportif pour être adaptée à la morphologie par la pression de la langue, la pression des doigts et la mise en occlusion [35]. Sur une étude concernant les boxeurs amateurs en Irlande durant la saison 1992-1993, Porter et al. relèvent que 23 % des boxeurs portent une protection individuelle, 70 % une protection adaptable et adaptée, 7 % une protection adaptable, mais non adaptée. Ce dernier groupe de PIB se comporte alors comme une protection standard (type I) [34].
Un inconvénient de cet appareillage de type II est de pouvoir perdre jusqu'à 99 % de son épaisseur occlusale lors de son adaptation en bouche [26,38], ce qui peut diminuer ses propriétés de protection [21].
Cette protection, confectionnée après prise d'empreintes par un chirurgien-dentiste, est généralement considérée de qualité supérieure aux types I et II [24,23,29,30,34,39 ]. Deux techniques sont actuellement décrites suivant qu'elles comprennent ou non l'élaboration d'une maquette préfigurant la protection définitive.
Cette technique, développée au États-Unis entre 1950 et 1965, était principalement utilisée pour préparer les PIB des joueurs de football américain [34]. Le matériau est classiquement un copolymère d'acétate de polyvinyle et de polyéthylène (PVAc-PE) sous forme de plaques de différentes épaisseurs [21,26,30,32,35]. Il existe 2 modes de thermoformage [30,32].
La machine utilisée permet de confectionner des PIB monocouches en PVAc-PE [26,30, 32]. Elle chauffe la plaque de PVAc-PE et provoque son aspiration sur le modèle de l'arcade dentaire, dépression de moins de 1 ATM [29].
Cette technique présente quelques inconvénients : le matériau utilisé en plaque présentant une mémoire d'élasticité importante, il va lentement perdre de son adaptation et de sa rétention après le thermoformage [40]. De plus, la plaque de PVAc-PE n'est pas uniformément étirée sur le modèle et l'épaisseur des bords incisifs maxillaires peut ainsi devenir trop fine [32,41].
Les inconvénients de la technique monocouche par vide d'air ont amené les praticiens et les laboratoires à évoluer vers une technique de thermoformage à haute température et haute pression [32].
Cette technique permet la confection de PIB multicouches de PVAc-PE [26,29,30,32 ]. Elle utilise une pression positive d'environ 10 ATM pour comprimer les plaques de PVAc-PE sur le modèle [29]. L'utilisation d'une chaleur élevée et d'une pression importante va réduire les déformations parasites dues à la mémoire élastique du matériau [30,32] et permettre une complète adhésion des différentes plaques de PVAc-PE entre elles, ce que ne peut réaliser la technique par vide d'air [32].
Par modification des différentes couches de matériau de PVAc-PE utilisées pour sa confection, la protection peut être personnalisée et adaptée au niveau de risque du sport pratiqué [26].
Après avoir figé la relation mandibulo-maxillaire à l'aide d'un occluseur ou d'un articulateur, une maquette préfigurant la PIB définitive est réalisée en cire ou en pâte à modeler [42,43]. L'ensemble modèles-maquette est mis en moufle, puis le moufle est ouvert afin d'ébouillanter les parties et contre-parties, libérant, ainsi, l'empreinte de la PIB pour le matériau injecté ou pressé [43].
L'élaboration d'une maquette permet de parfaitement contrôler la forme, les limites et les épaisseurs des différentes zones recouvertes par la PIB individuelle [43]. Deux méthodes par injection et une méthode par pression sont décrites.
Le matériau habituellement utilisé est un copolymère d'acétate de polyvinyle et de polyéthylène (PVAc-PE) [33,43]. L'injection se fait à une température de 160 à 165 °C et sous une pression située entre 3 et 6 bars [45].
Cette technique a été développée par Ivoclar-Vivadent. Elle utilise un matériau constitué d'une résine à base de méthacrylate de méthyle avec adjonction d'un caoutchouc synthétique élastique (copolymérisat de styrol-polyolésine) [44]. Après injection, la pression est maintenue constante durant la polymérisation (45 min à 90-100 °C) de l'élastomère [44].
Dans cette autre technique, le matériau est directement placé entre les modèles, dans l'espace dédié à la PIB, puis, après fermeture, le moule est maintenu sous pression durant toute la polymérisation. Le mode de polymérisation dépend du matériau utilisé : une heure dans de l'eau bouillante pour un silicone [46], 9 heures dans de l'eau à 74 °C (165 °F) pour une résine acrylique [47].
Actuellement, la plupart des auteurs s'entendent pour admettre qu'il existe des critères essentiels auxquels doivent répondre les PIB individuelles [4,21,22 ]. Elles doivent recouvrir les dents maxillaires jusqu'à la face distale de la 2e molaire et présenter une épaisseur vestibulaire de 3 mm, occlusale de 2 mm et palatine de 1 mm. De plus, les limites du volet vestibulaire doivent être arrondies tout en se terminant à 2 mm du fond du vestibule et la portion palatine de la PIB doit être fine et s'étendre jusqu'à 10 mm au-dessus du bord gingival.
Des études récentes [48] veulent compléter ces paramètres en ce qui concerne l'épaisseur du matériau. L'« Australian Dental Association » a suggéré une épaisseur de 2 mm sur la portion occlusale et de 4 mm sur la portion vestibulaire pour lutter contre les impacts directs sur les dents [48]. Cependant, Westerman et al. notent que l'épaisseur du matériau qui recouvre le bord incisif et les cuspides dentaires est importante pour limiter les conséquences des chocs indirects par l'impact des dents antagonistes mandibulaires [48]. Ainsi, les tests qu'ils réalisent les incitent à conseiller une épaisseur de 4 mm de matériau sur la portion occlusale et de 4 mm de matériau sur la portion vestibulaire. Ils remarquent que cette augmentation d'épaisseur est le meilleur compromis entre la protection de l'athlète et son confort [48].
L'épaisseur du matériau semble aussi influencer sa capacité d'amortissement [38,48,49 ]. L'utilisation d'une maquette présente, ici, un intérêt puisque l'épaisseur et la forme définitives de la PIB de type III sont définies avant injection ou pression du matériau [43].
L'épaisseur du matériau semble aussi influencer sa capacité d'amortissement [38,48,49 ]. L'utilisation d'une maquette présente, ici, un intérêt puisque l'épaisseur et la forme définitives de la PIB de type III sont définies avant injection ou pression du matériau [43].
La PIB participe à la prévention des traumatismes dento-maxillaires par ses capacités d'absorption et de dispersion de l'énergie du traumatisme dans l'épaisseur du matériau [50]. Mais, si la PIB va réduire l'impact d'un objet (balle ou batte de base-ball), sa capacité d'absorption peut dépendre de l'accessoire qui cause le traumatisme [51,52].
Des auteurs ont cherché à améliorer la capacité d'absorption et de dispersion de la force d'impact des PIB en PVAc-PE en plaçant différents types de structures entre deux épaisseurs de plaques. Pour Watermeyer et al., l'insertion d'un arc métallique dans une PIB en PVAc-PE semble être à l'origine de la réduction du nombre de dents fracturées sur des modèles d'arcades lors d'un impact [53]. Ces conclusions divergent de celles de l'étude de De Wet et al. qui, lors d'un impact maxillaire, observent, à l'aide de jauges de contraintes et d'accéléromètres, les déformations et les contraintes de différentes zones d'un crâne artificiel. Ils remarquent que la capacité d'absorption des traumatismes est réduite quand la protection de PVAc-PE est équipée d'un arc métallique [54]. Ces résultats sont confirmés par Westerman et al. ainsi que Greasley et al., qui remarquent que l'incorporation d'un insert rigide diminue significativement les capacités d'absorption de la protection par rapport à la même PIB sans l'insertion d'une structure rigide [55,56].
Bulsara et al. ont testé un polyuréthane visco-élastique, le sorbothane, qui améliore l'absorption de la force d'impact. Comparé à une PIB en PVAc-PE d'épaisseur 5,1 mm, le prototype de protection avec un insert en sorbothane, d'épaisseur totale 3,4 mm, a permis de réduire de 30 % les forces transmises lors de l'impact [57].
Les protections individuelles peuvent avoir 3 morphologies :
Ces appareillages ont été conçus pour le football américain pour être employés en complément du casque et des barres de protection faciales [35,58,59 ]. Pour ces PIB, l'extension du volet vestibulaire, d'après Dorney, doit atteindre 4 mm autour des faces vestibulaires des dents mandibulaires [60]. En présence d'un athlète en classe III de malocclusion, la PIB doit être réalisée sur l'arcade mandibulaire [21,22,24,29,35].
Ces protections sont conçues pour moins gêner la ventilation buccale mâchoires serrées [34,36]. Le calage mandibulaire est obtenu par surélévations bilatérales des surfaces triturantes de la deuxième molaire à la canine mandibulaire [36]. Une variante avec une extension de la portion vestibulaire de la PIB jusqu'à la limite cervicale du bloc incisivo-canin mandibulaire a été proposée par Mekayarajjananonth et al. [47].
Proposée par Chapman, cette protection a deux objectifs : limiter les traumatismes consécutifs à un impact sur la mandibule lorsque le sportif est bouche ouverte et ne pas gêner la ventilation quand le sportif est mâchoires serrées [3,4]. La ventilation buccale est permise par l'aménagement d'un espace antérieur [3,4,61].
La protection bimaxillaire se présente en une seule pièce qui recouvre l'ensemble des arcades dentaires excepté le bloc incisivo-canin mandibulaire qui est découvert sur 1 à 2 mm au niveau vestibulaire et lingual [61].
La technique de Chapman a été reprise par d'autres auteurs [11,46,61], en modifiant parfois la forme de la PIB, mais en conservant le principe de ventilation buccale mâchoires serrées [34]. Porter et al. proposent que la protection recouvre complètement les dents antérieures mandibulaires [34].
Lorsque le sujet est totalement édenté, Chapman modifie légèrement son prototype en recouvrant entièrement le secteur antérieur de la crête mandibulaire [62]. Cet appareillage est différent de la protection décrite par Barankovitch qui possède des gouttières maxillaire et mandibulaire séparées [63] ou celle de Rosen et Gritzman possédant 2 gouttières s'encastrant l'une dans l'autre en position mâchoires serrées [64].
Enfin, ces protections bimaxillaires permettent de résoudre la difficulté d'appareillage des sujets en classe III [21,22,24,35 ], puisqu'elles protègent les 2 arcades.
Les différentes études qui ont cherché à étudier et améliorer les matériaux servant dans la confection des PIB individuelles concernent principalement les plaques de PVAc-PE à thermoformer [38,48,51,52,55,57,65,67 ].
Les tests sont effectués directement sur la plaque ou sur la PIB thermoformée soit sur un modèle d'arcade dentaire maxillaire [48,49,53,56,66,68], soit sur l'arcade dentaire maxillaire d'un crâne sec ou artificiel [50,54,69].
D'après Ou et al., qui ont étudié l'amortissement des vibrations transmises au crâne, la capacité d'absorption du matériau est plus importante que la forme de la PIB [69]. Les capacités d'absorption du PVAc-PE apparaissent supérieures à celles du polyuréthane et du latex [49].
Un autre axe de recherche mené par Westerman et al. est l'étude des performances aux chocs du PVAc-PE dans lequel ont été incluses des bulles d'air. Les résultats montrent que pour une même épaisseur de matériau (4 mm) l'inclusion de bulles d'air réduit de 32 % la transmission des forces dues à l'impact [66,67].
Lors de la confection de la PIB individuelle, la détermination de la relation mandibulo-maxillaire dépend de chaque chirurgien-dentiste. Pour cette détermination Mekayarajjananonth et al. transfèrent les modèles maxillaire et mandibulaire sur un articulateur en occlusion d'intercuspidation maximale, puis augmentent la dimension verticale de 2 à 3 mm [47]. D'autre part, Sametzky et al. enregistrent la relation mandibulo-maxillaire avec un recouvrement négatif (- 1 mm) [36]. Enfin, l'exemple le plus souvent cité est la méthode de ventilation maximale de Chapman [3,4]. Dans ce cas, la protection bimaxillaire maintient un espace antérieur qui demande une augmentation de l'ouverture buccale mesurée verticalement au niveau interincisif, cette augmentation pouvant atteindre 8 mm pour les adolescents et 10 mm chez l'adulte [4].
Chapman a développé cette procédure afin de favoriser la ventilation buccale, mâchoires serrées de l'athlète, tout en solidarisant la mandibule à l'arcade maxillaire pour réduire les traumatismes par choc des dents mandibulaires avec les dents maxillaires et limiter la transmission des impacts de la mandibule vers le crâne [3]. Dans le cas de sujets édentés, la relation mandibulo-maxillaire correspond à la dimension verticale de repos [3].
Le port d'une PIB peut modifier la ventilation des sportifs [70,71].
La ventilation nasale est suffisante lorsque le débit ventilatoire est inférieur à 30-40 litres par minute [71], et lorsque ce seuil est dépassé, le sujet passe d'une ventilation nasale à une ventilation buccale pour diminuer son effort ventilatoire [71]. Pour améliorer sa ventilation buccale, le sportif équipé d'une PIB aura tendance à ouvrir la bouche [70] et ce geste va augmenter le risque de traumatisme sur une mandibule désolidarisée du massif facial [3,4].
Amis et al. ont étudié la résistance de l'air inspiré et expiré en fonction de deux types de PIB : type II et type III monocouche [70]. Cette résistance est mesurée au repos et pendant une hyperventilation volontaire avec un pic d'inspiration de 1 litre par seconde [70]. Les résultats montrent que le port des PIB a tendance à augmenter la résistance de l'air et que le sportif compensera cette perturbation par une ouverture buccale [70].
Une étude de Francis et al. a testé la ventilation avec 3 catégories de PIB : une PIB de type I unimaxillaire, une PIB de type I bimaxillaire, une PIB de type II bimaxillaire. Ils ont tout d'abord mesuré le volume d'air expiré en 1 s (FEV1) et le volume maximal d'air expiré en une seule expiration (PEF). Les résultats montrent que FEV1 et PEF sont inférieurs à ceux observés sans protection (p < 0,05) [71]. De plus, à un bas niveau d'exercice (ventilation nasale), il n'y pas de différence entre les paramètres ventilatoires mesurés pour chacune des PIB et sans PIB, mais pour un haut niveau d'exercice (ventilation buccale), le débit ventilatoire lors du port des 3 protections est supérieur à celui observé sans PIB en bouche (p < 0,05) [71].
L'aménagement d'un espace ventilatoire antérieur dans l'appareillage peut donc permettre au sportif d'obtenir une ventilation buccale mâchoires serrées avec un minimum de perturbation [3,61].
Pour que le sportif porte sa PIB, il semble important que l'appareillage soit bien adapté et confortable [28]. Ainsi, dès 1964, le Bureau of Dental Health Education et le Bureau of Economics Research and Statistics ont rédigé un rapport destiné à comparer les 3 catégories de PIB (type I, II et III monocouche) en termes de confort, d'adaptation, de rétention et d'interférence avec la phonation et la ventilation. Pour ce faire, durant 3 périodes de 2 semaines, des sujets, footballeurs américains, ont testé chacune des trois protections pendant une semaine [28]. L'ordre des PIB étant choisi au hasard, il a été montré que, si 99 % des sportifs reconnaissent la PIB comme un bon moyen pour protéger les dents, ils ne sont que 65 % à dire qu'ils porteraient une PIB même si elle n'était pas obligatoire dans leur sport [28]. En termes de goût et d'odeur, la PIB de type III est significativement plus performante que les types II et I [28]. En ce qui concerne le confort, estimé en fonction du volume et de l'épaisseur de la protection, le type III domine significativement le type II, qui est, lui-même, légèrement supérieur au type I [28]. D'une manière surprenante, l'étude ne montre pas de différence significative entre les 3 catégories de PIB pour la sensation de bouche sèche et le déclenchement de nausées chez les footballeurs [28]. En revanche, l'irritation des gencives est significativement différente pour ces 3 protections, la PIB de type III étant la moins irritante et la PIB de type I la plus irritante pour 78 % des sportifs [28]. L'interférence avec la phonation présente des résultats similaires : le type III est le moins pénalisant et le type I le plus pénalisant pour 77 % des sportifs [28]. L'interférence avec la ventilation du footballeur est significativement moindre avec la PIB de catégorie III, les PIB de type II et I étant sensiblement aussi perturbantes [28]. L'adaptabilité des PIB a été évaluée par la facilité à mettre en place la protection et sa rétention en bouche. Les 3 types de protection apparaissent significativement différents et le type III est toujours le plus performant suivi par le type II, puis le type I [28]. Au terme de cette étude, 87 % des footballeurs ont choisi de porter durant leur saison la PIB de type III, 11,3 % la PIB de type II et 1,7 % la PIB de type I [28].
Une étude plus récente [72] a cherché à comparer des PIB de type II et de type III en termes d'irritation de la gencive, d'adaptabilité, de volume, d'interférence phonatoire et d'interférence ventilatoire. Les résultats confirment les résultats de l'étude précédente, c'est-à-dire que la PIB individuelle est significativement plus performante que la PIB adaptable. Cependant, le coût de la PIB de type III et le fait que sa confection nécessite l'intervention des chirurgiens-dentistes incitent significativement les sportifs à porter la PIB adaptable plutôt que la PIB individuelle [72].
En France, une étude a comparé l'adaptation de rugbymen âgés de 14 à 18 ans à 2 types de PIB individuelle, l'une en matériau élastomère, l'autre en silicone [73]. Ces PIB étaient de forme identique et ne comportaient aucun renfort métallique. Les joueurs participants ont utilisé chacune des 2 PIB pendant 4 mois et ont ensuite répondu par échelle visuelle analogique à un questionnaire. Différents paramètres ont ainsi pu être évalués pour chacune des PIB et aucune différence significative n'a été observée en ce qui concerne le confort et l'encombrement, pas plus que pour la sensation de sécheresse buccale, la ventilation ou la phonation [73]. Cependant, la protection en élastomère comparée à celle en silicone est apparue significativement plus stable et plus dure [73].
Certains auteurs ont noté que le port d'une PIB pouvait permettre de diminuer la fréquence des commotions cérébrales [3,26,74,79 ] ainsi que celle des traumatismes du rachis cervical [77,78]. Deux explications sont avancées :
- la PIB provoquerait une diminution de l'onde de choc transmise du point d'impact mandibulaire jusqu'au cerveau [3,26,76], mais cette hypothèse est jugée de l'ordre de la « neuro-mythologie » par McCrory [80] ;
- le maintien de la PIB entre les mâchoires provoquerait une augmentation de l'activité musculaire cervicale [77] qui permettrait de renforcer le haubanage musculaire de l'ensemble cranio-facial et cervical et ainsi permettrait de mieux retenir la tête [74,77,81 ] et le cou [82, 83et 84].
Cette dernière hypothèse est confortée par des données anatomiques qui tendent à montrer l'existence d'un double effet des muscles de la chaîne hyoïdienne lorsqu'un sujet est mâchoires serrées [85]. Tout d'abord, l'insertion des muscles de la chaîne hyoïdienne, à distance du rachis cervical, leur conférerait un plus grand bras de levier qui leur permettrait de se comporter comme un fléchisseur puissant de la tête et du cou [85]. Ensuite, l'action des muscles hyoïdiens engendrerait un mouvement de flexion/enroulement de la tête et du cou qui permettrait, conjointement à l'action des muscles prévertébraux, la mise en jeu du rôle fléchisseur du cou des muscles sterno-cléido-mastoïdiens [85]. Ce mouvement de flexion-enroulement est important car, lorsque le cou est en extension et que les muscles prévertébraux sont au repos, la contraction bilatérale des muscles sterno-cléido-mastoïdiens lordose en hyperextension le rachis cervical [85,86]. De plus, il ne faut pas oublier que l'hyperextension du rachis cervical est un mécanisme important de la traumatologie cervicale [83], surtout lorsque le sujet présente une fragilité de type sténose du canal cervical [87, 88, 89, 90et 91].
Ainsi, les muscles de la chaîne hyoïdienne pourraient participer au renforcement de la musculature cervicale, élément souhaitable pour limiter le risque de commotion cérébrale par accélération/décélération [74,77,81 ] et de traumatisme du rachis cervical [82, 83et 84]. Cette hypothèse demande, cependant, a être confirmée.
D'après ce recensement des connaissances concernant les PIB, il semblerait que la PIB de type III soit la mieux adaptée pour la prévention des traumatismes buccodentaires. En général, c'est elle qui présente les meilleures performances en termes de confort, de rétention, de ventilation et d'absorption de forces. Dans la confection de ces protections, le respect des critères essentiels est indispensable et semble plus facilement obtenu par les techniques qui utilisent une maquette préfigurant la PIB définitive.
Malgré tout, il est apparu que certaines propriétés pouvaient être encore améliorées. Des études comparatives de caractérisation des matériaux apparaissent nécessaires pour définir les matériaux in situ les plus adaptés.
De plus, l'aménagement d'une fenêtre ventilatoire semblant utile et étroitement liée à la relation mandibulo-maxillaire, il serait intéressant de déterminer la distance entre les bords libres incisifs suffisante et compatible avec une ventilation optimale.