Apport des soudures au laser en prothèse - Cahiers de Prothèse n° 141 du 01/03/2008
 

Les cahiers de prothèse n° 141 du 01/03/2008

 

Laboratoire de prothèse (Dentaire)

Caroline Bertrand -*   Olivier Laplanche -**   Angeline Poulon-Quintin -***  


* MCU-PH
**UFR d’Odontologie Université de Nice Sophia-Antipolis 24, avenue des Diables-Bleus 06357 Nice Cedex 04
*** MCU-PH
****Département de prothèses UFR d’Odontologie de Nice Sophia-Antipolis 24, avenue des Diables-Bleus 06357 Nice Cedex 04
***** Maître de conférences
******Laboratoire ICMCB-CNRS 87, avenue du Docteur-Albert-Schweitzer 33608 Pessac

Résumé

Les prothésistes dentaires sont aujourd’hui confrontés à un choix majeur entre différentes orientations techniques lors de la réalisation d’assemblages : le brasage conventionnel et le soudage au laser. L’utilisation de la technique laser est novatrice en odontologie et est considérée comme un moyen d’assemblage moderne, rapide et économique qui offre au prothésiste un confort de travail optimal. De plus, le soudage au laser donne à l’assemblage prothétique réalisé une qualité indéniable en termes d’homogénéité de composition, de biocompatibilité et de tenue mécanique. Cependant, des obstacles au soudage laser persistent encore à ce jour et cet article énumère les points clés à ne pas négliger pour permettre au prothésiste d’obtenir un résultat le plus fiable possible.

Summary

Advantages of laser welding for prostheses

Nowadays, dental technicians have to make a choice between different technologic orientations when they have to product or repair dental frameworks : brazing or laser welding. Numerous technical and economical parameters may influence their choice. The use of laser technology is considered as an innovative technology in dentistry compared to the conventional brazing and offers to the dental technician a way to produce reliable joints in terms of biocompatibility, homogeneity and resistance. This paper points out the most important parameters that must be considered to offer a high reproducible laser assembly.

Key words

brazing, dental alloys, laser welding, microstructure, Nd-YAG laser

Les prothésistes dentaires sont aujourd’hui confrontés à un choix majeur entre deux orientations techniques lors de la réalisation d’assemblages : le brasage et le soudage au laser. De nombreux paramètres techniques et économiques vont influer sur ce choix alors que c’est le paramètre « matériau » qui devrait rester incontestablement l’élément clé du choix final. En effet, le brasage est le moyen d’assemblage conventionnel utilisé en odontologie. Il consiste à unir des éléments prothétiques entre eux par l’interposition d’un matériau d’apport dont la composition est différente et la température de fusion inférieure à celle de l’alliage de base. Le joint ainsi obtenu présente une hétérogénéité de composition et de microstructure qui le rend sensible aux phénomènes de corrosion en bouche et, donc, plus fragile. Le brasage offre de nombreuses possibilités en termes de conception et de réparation prothétiques. Il peut être utilisé pour corriger les réalisations prothétiques de longue portée, dont la coulée entraîne parfois des phénomènes de distorsion compromettant leur insertion en bouche, ou pour assembler les grands bridges obtenus par usinage (méthode CFAO) sous forme de prothèses segmentées [1]. Dans la technique céramo-métallique, la déformation des armatures plurales sur dents naturelles résulte des contraintes thermiques exercées sur l’armature au cours des cycles de cuisson successifs de la céramique au four [1]. La réalisation d’armatures segmentées ménageant un joint d’espacement très réduit autorise la réalisation de brasures secondaires permettant de pallier cet inconvénient avec succès pour les alliages précieux, mais avec des résultats beaucoup plus aléatoires pour les alliages non précieux en raison de problèmes d’oxydation [2]. Dans tous ces cas, le recours au brasage est donc incontournable et la succession des nombreuses étapes cliniques et de laboratoire exigées engendre des déformations mineures qui risquent de compromettre lourdement le résultat final [3]. Par ailleurs, l’utilisation du titane et de ses alliages s’est développée avec les techniques de prothèses sur implants, à la recherche d’un haut degré de biocompatibilité et d’une corrosion minimale en milieu buccal. En raison de l’extrême réactivité du titane à l’oxygène, son brasage ou celui de ses alliages n’est pas possible. Il entraîne une transformation allotropique du titane, c’est-à-dire une transformation de l’alliage aboutissant à un durcissement excessif qui le fragilise [3 -11]. L’utilisation des alliages d’or s’est révélé être la solution de remplacement de choix pour résoudre ce problème. Cependant, l’aspect économique lié au poids d’or requis pour la réalisation d’armatures de grande étendue constitue parfois un obstacle non négligeable pour le patient. Finalement, quel que soit l’alliage utilisé, le problème majeur reste le défaut de passivité des armatures sur les piliers implantaires [9, 13, 14]. Pour le corriger, le principe conventionnel consiste alors à sectionner l’armature, à repositionner chaque élément correctement en bouche à l’aide d’une clé en résine chémopolymérisable de type Duralay® (Reliance Dental LMG), à replacer l’ensemble sur le moulage en plâtre puis à réaliser des brasures pour fixer les éléments dans une position passive optimale. Les risques de déformation lors de ces étapes de transfert entre le cabinet et le laboratoire ne sont malheureusement pas exceptionnels [1]. C’est sans aucun doute, en partie, l’addition de toutes ces difficultés qui a montré les limites de l’utilisation du brasage au laboratoire de prothèses et qui a suggéré la mise au point de la technique laser dans le domaine de l’odontologie prothétique, largement utilisée avec succès dans d’autres secteurs industriels (joaillerie, aéronautique, automobile…).

Le soudage par faisceau laser en odontologie est un procédé de mise en œeuvre rapide qui permet de s’affranchir de toutes les étapes intermédiaires indispensables lors de la réalisation des brasures (mise en revêtement, démontage et remontage de dents…). La réalisation de liaisons, de modifications ou de réparations est exécutée directement sur le moulage en plâtre, à proximité des éléments cosmétiques (résine ou céramique) sans en altérer la qualité puisque la diffusion thermique au sein de la pièce métallique est très faible et qu’il est possible de travailler sur de très petites surfaces. Si un apport de métal est nécessaire, il peut être de même nature que l’alliage de base puisque l’impact laser très puissant et très bref permet de fondre un alliage dont la température de fusion est très élevée. Le risque de créer des distorsions liées au procédé de repositionnement est diminué et le joint soudé ne sera pas, la plupart du temps, corrodé puisque la soudure reste homogène en composition avec l’alliage de base [15, 16]. Le gain de temps pour le prothésiste et son confort deviennent alors optimaux.

Cependant, il n’existe aucun moyen de contrôle qualitatif non destructif de la soudure et le travail du prothésiste demeure totalement empirique. La gestion des très nombreux paramètres qui interagissent (laser, matière et environnement) est extrêmement complexe et doit être affinée pour chaque type d’alliage [16, 17]. Plus encore, la technique de soudage n’est actuellement pas codifiée et certains points de la procédure demandent encore à être clarifiés : quel espacement des joints doit être aménagé et quelle quantité de fil d’apport doit être fondue ? Mais se posent aussi des questions relatives à l’optimisation du mouillage des surfaces ou à la nécessité de prévoir des traitements thermiques de présoudage ou postsoudage… La figure 1a montre la réalisation d’un cordon de soudure régulier et bien maîtrisé par l’opérateur sur un alliage d’or de type IV. L’apparence esthétique de ce cordon en surface est satisfaisante. Sa section transversale (fig. 1b) met toutefois en évidence la présence d’un défaut interne majeur indécelable en surface. Comment le prothésiste peut-il alors être sûr qu’il a choisi les meilleurs paramètres de soudage pour obtenir un résultat optimal ?

Toutes ces interrogations, associées à notre expérience en matière de soudure au laser d’un point de vue fondamental, conduit à émettre, à ce jour, encore quelques réserves quant à son utilisation parfaitement fiable, reproductible et contrôlée.

Laser Nd-YAG

L’utilisation du laser Nd-YAG pour la réalisation d’assemblages par soudure de précision en prothèse dentaire est apparue dans les années 1990. Le principe de l’émission laser consiste à exciter les électrons d’un milieu, puis à déclencher une désexcitation avec émission stimulée de photons parfaitement en phase. Le milieu, dans le cas du YAG, est un solide : le grenat d’yttrium aluminium (yttrium aluminium garnet, en anglais) dopé avec un réservoir d’ions néodyme (Nd3–). Il est associé à un système de pompage optique par lampe flash qui excite les électrons présents dans le milieu. L’ensemble est placé dans une cavité de résonance constituée de 2 miroirs parallèles, l’un réfléchissant et l’autre semi-réfléchissant. Ce dispositif (fig. 2) permet d’amplifier la lumière produite, les photons émis dans la cavité par pompage subissant un certain nombre d’allers et retours entre les 2 miroirs. Le rayonnement laser créé et accumulé dans la cavité de résonance est libéré sous forme d’un faisceau extrêmement directif perpendiculaire au miroir partiellement transparent situé à l’une des extrémités du dispositif. Son étendue spectrale est d’une grande pureté puisqu’il ne contient que des longueurs d’onde très proches les unes des autres (pour le Nd-YAG, dans l’infrarouge : λ = 1 064 nm). La chaleur ainsi produite est focalisée à un endroit précis où le matériau va être porté à sa température de fusion.

Les paramètres intervenant dans l’interaction laser-matière sont nombreux et influent sur la quantité d’énergie qui sera délivrée au sein de la pièce métallique.

La figure 3 résume tous les paramètres disponibles sur les lasers mis à disposition des prothésistes dentaires. Leur réglage correct est déterminant pour permettre l’assemblage des éléments prothétiques métalliques de façon homogène et résistante, de réaliser des soudures soit très fines et profondes, soit larges et superficielles.

Paramètres du faisceau laser [18 -20]

Les paramètres principaux à prendre en compte sont au nombre de six :

– la puissance d’impulsion délivrée par le laser correspond à la quantité d’énergie émise par unité de temps (J/s ou kW) ;

– la durée d’impulsion (réglable de 0,5 à 20 ms sur la plupart des machines) correspond au temps nécessaire pour permettre à l’énergie de diffuser dans la matière. Son réglage découle directement des propriétés physico-chimiques de l’alliage, de son état de surface, du volume de matière à fondre ainsi que de son pouvoir de réfléchir ou d’absorber le faisceau à la longueur d’onde du Nd-YAG. Le choix d’une durée d’impulsion longue permet d’accroître la diffusion thermique, donc le diamètre du point de soudure, mais également la profondeur de pénétration [20] ;

– l’énergie d’impulsion correspond à l’énergie délivrée par chaque impulsion laser. Elle lie les deux paramètres – puissance et durée d’impulsion – et s’exprime en joules ou en kW/ms. Plus on l’accroît et plus la profondeur de soudure augmente. Un des problèmes posés réside dans le réglage harmonieux de ces deux paramètres. À niveau d’énergie égal, est-il préférable de choisir des puissances peu élevées associées à des durées d’impulsion de longue durée ou, à l’inverse, des puissances très élevées associées à des durées d’impulsions très courtes ? Seul le paramètre matériau et ses propriétés vont guider ce choix (tabl. I) ;

– la fréquence d’impulsion correspond à la cadence de tirs délivrée. L’opérateur peut régler ce paramètre à 1 Hz (1 point de soudure par seconde), ce qui lui permet de distribuer la chaleur lentement, point par point, avec une parfaite maîtrise de son geste et du recouvrement des points de soudure. Ce paramètre peut être réglé jusqu’à 10 Hz (10 impulsions par seconde) mais, au-delà d’une fréquence de 5 Hz, la maîtrise du travail est beaucoup plus difficile sur des zones de soudure très réduites. Ce paramètre corrélé à celui de l’opérateur va aussi largement influer sur la microstructure lors de la réalisation du cordon de soudure ;

– le choix du spot focal détermine le diamètre du rayon laser à sa sortie. Il peut varier de 0,3 à 2,0 mm au niveau de son point d’impact sur la matière. Plus une soudure en profondeur ou dans des zones très étroites est requise et plus la focale devra être de petite taille (de 0,3 à 0,6 mm) pour concentrer de façon très précise et maximale la densité d’énergie dans la pièce à souder. Le choix d’un diamètre focal plus élevé (de 1,2 à 1,4 mm), à niveau d’énergie équivalent, permet de réduire la profondeur de soudage tout en augmentant la surface du point d’impact de la zone affectée thermiquement. Ces dernières conditions sont utilisées essentiellement pour lisser le cordon de soudure et le rendre plus esthétique. Aucune étude ne s’est intéressée, à ce jour, à l’éventuel impact d’une passe de lissage sur la qualité intrinsèque du futur cordon. Il est également possible d’obtenir des résultats similaires en conservant la focale de petite taille et un niveau d’énergie constant tout en faisant jouer alors uniquement la position du point de focalisation par rapport à la surface du métal. Si le point de focalisation est réglé à 1 cm au-dessus de la pièce, la densité d’énergie est plus faible et permet de faire un lissage du cordon de soudure. Si le point de focalisation est positionné à 1 cm en dessous de la surface de la pièce métallique, la profondeur de soudure croît. Dans ces deux dernières situations, on parle de défocalisation du faisceau ;

– la densité d’énergie, ou fluence, fait référence à l’énergie appliquée à une surface. Elle s’exprime en J/cm2 et est directement en relation avec le diamètre focal du faisceau. Si ce diamètre diminue pour une même quantité d’énergie, la densité d’énergie concentrée dans la matière augmente. C’est un paramètre intéressant à prendre en considération pour comparer les conditions de soudage indépendamment du paramètre matériau.

Paramètre matériau

Le choix des paramètres de soudage laser est intimement lié aux propriétés physico-chimiques de l’alliage, en particulier sa conductivité thermique, sa densité et ses qualités d’absorption à la longueur d’onde du laser Nd-YAG. Une faible conductivité thermique n’est pas en soi un obstacle au soudage laser puisque la chaleur reste concentrée dans la zone choisie, mais à condition de l’appliquer pendant une durée suffisante. Les qualités d’absorption à la longueur d’onde du Nd-YAG sont en revanche essentielles. Par exemple, si l’absorption thermique du faisceau laser par un alliage d’or est de mauvaise qualité [22] et si sa conductivité thermique est excellente et son point de fusion peu élevé (1 064 °C), il sera néanmoins nécessaire de rechercher un niveau d’énergie suffisamment élevé pour vaincre les problèmes de réflexion sur la surface et augmenter la profondeur de pénétration du faisceau dans la matière (tabl. II). Le choix d’une durée d’impulsion courte (de l’ordre de 3 à 4 ms) pour un alliage précieux est à privilégier pour éviter une diffusion thermique trop large au sein de l’alliage et il faut donc jouer sur la puissance pour obtenir un niveau d’énergie suffisant.

Le nickel chrome (NiCr) et le cobalt chrome (CoCr) ont une conductivité thermique médiocre (respectivement de 0,117 et 0,142 W/cm/degré) mais un pouvoir d’absorption à la longueur d’onde du Nd-YAG, pour un même état de surface, supérieur à celui de l’or. Le niveau d’énergie requis pour les souder peut donc être plus faible que pour l’or. La puissance de sortie du faisceau est moins élevée puisqu’il n’y a plus de problème de réflexion de surface, mais les durées d’impulsion doivent en revanche être beaucoup plus longues (entre 7 et 10 ms) à focale égale pour laisser plus de temps à la chaleur de diffuser dans le métal et pallier ainsi l’effet lié à la faible conductivité thermique.

Le titane est un cas particulier. Il a une très bonne qualité d’absorption à la longueur d’onde du Nd-YAG, un point de fusion très élevé et une faible conductivité thermique [22]. L’obstacle majeur réside dans son extrême réactivité à l’oxygène et au nitrogène susceptibles de créer, à la surface du matériau, une couche d’oxydes qui le pollue et le fragilise. Pour éviter ces dommages, pour le souder, il est préférable de travailler avec des durées d’impulsion très courtes (d’environ 1 à 3 ms) pour empêcher toute surchauffe du titane dans la durée [11, 19]. De plus, en y associant des puissances très élevées (de l’ordre de 1,4 kW), on arrive à compenser la nécessité de travailler avec des durées d’impulsion très courtes car les niveaux d’énergie atteints sont suffisants. Autre différence pour cet alliage, le recours à l’utilisation d’un fil d’apport de même composition est indispensable car l’application de puissances très élevées peut entraîner des éjections localisées de matière qu’il faut combler absolument pour ne pas fragiliser la liaison. Le choix d’un fil d’apport de diamètre réduit (au maximum 0,35 mm) facilite sa fusion et son écoulement. L’application conjointe d’un gaz protecteur d’argon est obligatoire pour protéger la zone de soudage des phénomènes d’oxydation résultant de la fusion de l’alliage et pour améliorer la profondeur de pénétration du faisceau dans le matériau.

La plupart des alliages dentaires sont soudables par laser, mais certains présentent plus de difficultés que d’autres. En effet, certains éléments chimiques présents dans l’alliage en faible pourcentage peuvent le fragiliser et compromettre la qualité du soudage en provoquant des fissures liées aux contraintes thermiques [16, 17, 22]. Pour cette raison, les éléments d’addition tels que le bore et le carbone doivent être éliminés de la composition des alliages non précieux. Il en est de même pour l’argent (supérieur à 20 % en concentration massique) et pour le zinc (supérieur à 2 % en concentration massique) qui dégradent les qualités de soudure des alliages précieux et semi-précieux [23]. En effet, le chauffage par laser délivre des densités de puissance extraordinaires à l’endroit précis du point d’impact du faisceau, ce qui peut avoir pour conséquence une évaporation de certains éléments d’alliages. Au refroidissement, la formation de composés intermétalliques apparaît dans le joint soudé, en lien avec la composition de l’alliage et sa vitesse de refroidissement, et est souvent à l’origine d’un endommagement futur du joint. Le chauffage très puissant associé à un refroidissement quasi instantané de l’alliage provoque, dans la zone soudée, un affinement systématique de microstructure associé à un durcissement parfois très important de l’alliage. Les impuretés localisées dans les zones de joints de grains interdendritiques à l’intérieur du cordon de soudure peuvent le fragiliser et provoquer la formation de fissures au cours du refroidissement [16, 17]. Il en est de même de la fissuration à chaud, c’est-à-dire de l’apparition de criques liées au retrait de solidification, phénomène fortement dépendant du procédé laser, de la composition de l’alliage, de sa microstructure, de sa teneur en gaz dissous et de la mouillabilité du fil d’apport. Les figures 4a et 4b illustrent la modification de microstructure qui intervient entre la zone fondue (extrêmement fine) et la zone coulée (de type dendritique). Les tests de microdureté Vickers montrent un durcissement significatif de l’alliage dans la zone soudée en lien avec l’affinement de la microstructure. La figure 4b montre la présence d’une microfissure délimitant la zone de deux joints de grains. Tous ces remaniements ont tendance à affecter la tenue mécanique de l’assemblage et détériorent de façon certaine la soudure obtenue. Des traitements thermiques post-prothétiques réalisés sur des alliages CoCr soudés par laser se sont révélés inefficaces. Donc, pour pallier ces problèmes, fréquents lors du soudage des alliages non précieux, le recours systématique à l’utilisation d’un fil d’apport adapté à la composition de l’alliage permet d’améliorer la ductilité de la soudure et de réduire la formation de ces fissures. Il est essentiel de suivre les directives des fabricants et de ne choisir que des « alliages soudables par laser » sous peine d’obtenir des résultats très aléatoires et des soudures de mauvaise qualité.

Impact de la préparation de surface et de la zone en vis-à-vis

La préparation de la surface des parties à assembler est un paramètre important pour la réussite de la procédure de soudage. Le sablage a pour but d’éliminer les éventuelles contaminations de surface issues de la coulée : présence d’oxydes, de sulfates, de phosphates ou de carbone (taches sombres) à l’interface qui sont autant d’obstacles au soudage. Il est ensuite recommandé de dégraisser le matériau à l’acétone pour rendre les surfaces parfaitement propres [12]. L’état de surface peut être contrôlé sous le microscope optique de l’appareil de soudage laser. Le faisceau laser se comportant comme un rayon lumineux, les états de surface polis et brillants le réfléchissent et diminuent son absorption dans l’alliage. Pour les alliages réfléchissants comme l’or, certains auteurs suggèrent de mettre à la surface de la zone d’assemblage une marque au feutre noir pour améliorer l’absorption du faisceau dans la matière [22]. En revanche, l’obtention d’un état de surface mat et rugueux par sablage favorise l’absorption. Qu’en est-il pour la préparation des surfaces en vis-à-vis ? Un réel manque d’information subsiste quant à la nécessité ou non de sabler cette zone pour favoriser un meilleur « mouillage » du fil d’apport. Y a-t-il un réel impact sur la qualité de la liaison ? Nous l’ignorons.

Paramètre environnement

L’utilisation d’un gaz protecteur neutre de type argon est vivement recommandée [19, 20]. L’argon purifie l’environnement dans l’enceinte de soudage et prévient non seulement toute oxydation aux alentours du point d’impact du laser mais aussi la formation de porosités ou de fissures au cours du soudage. Il protège également le dispositif optique du laser des projections de métal en fusion qui pourraient nuire à la performance du faisceau de sortie ou, pire, détruire la lentille de focalisation. Enfin, la pression exercée par le flux d’argon permet de prévenir la formation d’un éventuel plasma en surface et d’améliorer ainsi la profondeur de soudage. Le contrôle visuel qualitatif de la protection d’argon est possible grâce aux binoculaires présents sur la machine. Par exemple, pour le titane, si la couverture d’argon est optimale, le point d’impact présente une surface argentée brillante. Si la surface s’oxyde au moment du soudage, elle devient bleue et si des nitrures apparaissent, elle devient jaune. Ceci est important à noter car si un tel événement se produit, il faut impérativement augmenter le débit d’argon pour corriger ce problème. La buse d’argon doit être située à environ 5 mm de la zone à souder et le jet est envoyé sous une pression réduite à 1 ou 2 bars [22, 24].

Technique d’assemblage

La zone de liaison des éléments prothétiques ayant été sectionnée, sablée puis dégraissée, l’ensemble est déposé sur le moulage en plâtre et inséré dans la chambre de soudage. Pour fixer les éléments prothétiques entre eux, les premiers points de soudure sont réalisés dans les zones où l’on a pu obtenir un bord-à-bord parfait avec une faible énergie de soudage, alternativement sur une face puis sur l’autre afin d’éviter tout risque de distorsion et dans l’ordre indiqué sur les figures 5a, 5b et 5c selon la configuration des éléments à assembler [25, 26].

Puis, le niveau d’énergie requis pour le soudage est réglé en fonction de l’alliage. Un fil d’apport sous forme de baguette aplatie (fig. 6a) ou sous forme de fil jonc de 0,35 mm de diamètre au maximum est interposé dans le joint d’abord d’un côté de la paroi, puis de l’autre (fig. 6b), sur une face, puis sur l’autre. Un cordon de soudure continu est ensuite réalisé sur chaque face (fig. 6c). Les tirs successifs avec une fréquence de 1 Hz permettent un contrôle parfait du recouvrement des points (de l’ordre de 80 %) et assurent l’entretien de la fusion de l’alliage pour favoriser l’absence de fissuration dans l’alliage. La soudure est ainsi optimisée même en profondeur. Pour finir, le diamètre focal est fortement augmenté (focale à 1,2 mm) pour effectuer une passe de lissage superficielle du cordon et rendre son aspect esthétique optimal.

Le protocole de soudage doit toujours être rigoureusement suivie. L’épaisseur de matière à souder doit évidemment toujours être prise en compte. Quel que soit l’alliage :

– pour souder les faibles épaisseurs de métal (de l’ordre de 1 mm au maximum), il est possible de travailler sans apport de métal, mais cela suppose le respect d’un bord-à-bord parfait. L’utilisation de métal d’apport n’est indispensable que si un espacement irréductible subsiste entre les parties à assembler ou si une vaporisation de matière s’est produite au moment du soudage ;

– au-delà de 1 mm d’épaisseur (la majorité des situations en prothèse fixée sur dents naturelles et sur implants), le recours à un fil d’apport est inévitable pour « remplir » la zone de jonction. Cette zone doit donc ménager un espace minimal pour y introduire le fil d’apport. Les paramètres choisis peuvent en revanche rester inchangés.

À ce stade du protocole, des questions se posent concernant l’étude de l’espacement des joints avant soudage. Pour certains auteurs, l’espace ménagé est sans conséquences sur la résistance des soudures [26], pour d’autres, il doit rester nul [27, 28]. Pour d’autres encore, l’espacement, s’il est raisonnable (0,5 mm au maximum), semble être un avantage pour la fiabilité de l’assemblage [4]. L’estimation du jeu à laisser entre les parties à assembler est une étape complexe et déterminante sur la qualité du joint obtenu. Beaucoup d’incertitudes sont encore à lever. Par exemple, si l’espacement est trop large, le cordon de soudure est-il pour autant fragile ? Et si le joint est trop étroit, le soudage se fait-il de façon non homogène avec une mauvaise pénétration du métal dans le joint ? En conséquence, le profil et le diamètre du fil d’apport à utiliser, la mouillabilité de la zone à souder en fonction de l’état de surface de l’alliage poli ou rugueux et les traitements thermiques préopératoires ou postopératoires restent encore, à ce jour, à optimiser.

Conclusion

Il semblerait qu’actuellement, chaque prothésiste suive les conseils de l’industriel qui lui vend la machine et le protocole de soudage qu’il lui suggère, puis doive se forger sa propre expérience. Même si un certain empirisme subsiste encore dans la technique de soudage préconisée qui diffère selon les industriels, il est vivement recommandé d’acquérir et de maîtriser les fondamentaux de la machine et de l’interaction laser/matériaux ainsi que de suivre une formation à la technique pour offrir les meilleures garanties de reproductibilité et de fiabilité de ses travaux. Les études cliniques concernant la résistance des soudures en bouche dans le temps sont peu répertoriées dans la littérature médicale mais lorsqu’elles l’évoquent [29 -32], les résultats semblent très prometteurs pour l’avenir. Grâce à la mise sur le marché de lasers de plus en plus performants permettant de faire varier encore plus de paramètres comme la forme de l’impulsion laser, la fiabilité des soudures laser ne cesse de s’améliorer.

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