La prothèse amovible partielle, ça existe encore ? - Cahiers de Prothèse n° 143 du 01/09/2008
 

Les cahiers de prothèse n° 143 du 01/09/2008

 

éditorial

jean schittly  

rédacteur en chef

Le monde de l’odontologie révèle parfois des situations très paradoxales. C’est le cas notamment dans un domaine que je connais bien, celui de la prise en charge des patients partiellement édentés et, plus particulièrement, de leur traitement par une prothèse amovible qui constitue tout naturellement l’alternative à la prothèse fixée sur dents naturelles et sur implant.

« La prothèse amovible partielle, ça existe encore ? » m’a dit un confrère lors de...


Le monde de l’odontologie révèle parfois des situations très paradoxales. C’est le cas notamment dans un domaine que je connais bien, celui de la prise en charge des patients partiellement édentés et, plus particulièrement, de leur traitement par une prothèse amovible qui constitue tout naturellement l’alternative à la prothèse fixée sur dents naturelles et sur implant.

« La prothèse amovible partielle, ça existe encore ? » m’a dit un confrère lors de la sortie de l’ouvrage abordant cette discipline prothétique. Même sous forme de boutade, cette question est révélatrice d’un phénomène très particulier qui touche à la fois l’état d’esprit des praticiens, la pratique clinique, la formation initiale et continue…

Concernant l’état d’esprit, il faut bien reconnaître que cette prothèse, qualifiée encore de « mobile », même si on fait tout pour qu’elle ne le soit pas, n’apparaît pas très valorisante pour le chirurgien-dentiste qui se sent comme obligé d’y avoir recours. Pourtant, même si l’on met de côté le volet socio-économique qui, cependant, est loin d’être négligeable, les indications de ce type de prothèse sont nombreuses et souvent incontournables :

– résorption des crêtes rendant impossible ou hasardeuse toute intervention d’apport osseux pour permettre la pose d’implants ;

– état de santé des patients qui contre-indique la chirurgie buccale ;

– nombre croissant de médicaments qui contre-indiquent ou augmentent le risque de ces interventions : le dernier exemple vient de la prescription de plus en plus fréquente de diphosphonates ;

– fumeurs irréductibles ;

– et enfin, gestion des échecs de l’implantologie.

La pratique clinique de la PAP – ce n’est un secret pour personne – consiste encore, dans la majorité des cas, à confier au laboratoire une empreinte à l’alginate et en quelques indications concernant l’esthétique pour la forme et la situation des crochets pour aboutir à l’essai du châssis métallique. Or, mon expérience de près de 40 ans de pratique hospitalo-universitaire et libérale m’a permis de faire ressortir une longue liste de principes, de séquences prothétiques que l’on peut qualifier d’indispensables à la bonne pratique de la PAP. Les plus importants peuvent se résumer ainsi :

• le praticien, tel un architecte, est responsable de la qualité de l’édifice prothétique à réaliser comme de la résistance du terrain qui va le supporter ;

• la PAP, associée le plus souvent à des restaurations fixées, est la discipline prothétique la plus difficile qui soit, car elle fait appel à des connaissances et des compétences pluridisciplinaires pour répondre aux conditions d’intégration fonctionnelle, esthétique et psychologique ;

• une PAP pour les situations cliniques où l’appui muco-osseux prédomine l’appui dento-parodontal, réalisée sans le recours à une empreinte anatomo-fonctionnelle, ne correspond plus aux « dernières données acquises de la science » ;

• la cause d’échec rencontrée le plus fréquemment est liée à une PAP réalisée dans un contexte occlusal déséquilibré, et notamment avec des courbes occlusales non corrigées (dents égressées, guidage antérieur inefficace…) ;

• le rebasage des PAP avec selles en extension n’est pas une fatalité… c’est un constat d’échec : s’il faut ajouter du matériau dans l’intrados, c’est parce qu’il y a une résorption osseuse. Il faut donc en rechercher la cause et la supprimer (cf. le paragraphe précédent avant de prendre une nouvelle empreinte) ;

• c’est l’équilibre occlusal qui contribue à moyen et long terme à l’équilibre prothétique, mais c’est également l’inverse d’où l’importance de la maîtrise de l’occlusion comme de la réalisation prothétique (quelle est la fréquence de l’utilisation d’un articulateur dans les cabinets dentaires ?).

La liste pourrait continuer, mais ce ne serait plus alors un éditorial…

Le dernier point qui peut être soulevé concerne la formation. Pour la formation initiale, je connais bien les programmes d’enseignement et je suis certain que tous les étudiants de toutes les facultés de l’Hexagone reçoivent les cours et les formations pratiques de base permettant la bonne pratique de la PAP. Mais qu’en reste-t-il après quelques années d’exercice ? Qu’en est-il de la formation continue dans ce domaine ?

Si l’on compare les annonces de cours ou autres formations dans la presse professionnelle, force est de constater que les thèmes portant sur la PAP sont très peu nombreux comparés à ceux consacrés à l’implantologie chirurgicale, la prothèse fixée, le management du cabinet dentaire, l’endodontie, etc.

Si l’on effectue une recherche bibliographique (internationale), on arrive au même constat.

Comment expliquer cet état de fait ? Y a-t-il très peu d’auteurs, de conférenciers, de formateurs dans ce domaine par manque d’intérêt envers cette discipline prothétique ? Les sociétés scientifiques n’abordent-elles que rarement ce type de formation parce qu’il n’y a pas de demande de la part des praticiens ? Ou tout simplement parce que ce n’est pas la mode, la tendance du moment ?

Personnellement, je n’ai pas de réponse à ces questions. Je constate simplement, à partir de ce que je vois dans ma pratique professionnelle et de ce que j’entends lors des formations postuniversitaires, qu’il reste encore beaucoup à faire et à améliorer dans ce domaine prothétique.

Pour ne pas culpabiliser, la rédaction des Cahiers de prothèse lui réserve toujours une place dans ses sommaires, comme c’est le cas dans ce présent numéro.

Bonne lecture. Bonne rentrée à toutes et à tous !