Comment traiter les échecs et les complications dans un cabinet d’omnipratique - Cahiers de Prothèse n° 144 du 01/12/2008
 

Les cahiers de prothèse n° 144 du 01/12/2008

 

Compte rendu

Sarah Amr  

Cette année, 7 conférenciers ont été conviés à ces entretiens pour dresser un panorama des complications possibles dans différents domaines de l’odontologie et des réponses à apporter à chacune.

Gérer les complications en restaurations dentaires et en endodontie

Pr Serge Bouillaguet (Genève)

Face aux échecs des restaurations à l’amalgame, des incrustations en or et des obturations au verre ionomère, la même stratégie doit être adoptée : éliminer les tissus non soutenus, modifier la configuration de la cavité restante en optant pour une surface plutôt plate pour pouvoir coller et limiter le stress lors de la polymérisation, conserver la vitalité pulpaire et protéger celle-ci en utilisant des adhésifs dentinaires, renforcer mécaniquement (en comblant les contre-dépouilles avec un composite).

La protection pulpaire est un élément fondamental : ceci acquis, le problème de temporisation ne se pose plus.

Quant aux sensibilités postopératoires, l’essentiel est d’établir le diagnostic adéquat. S’il s’agit d’un défaut d’usage du système adhésif, les sensibilités doivent disparaître dans les 6 semaines qui suivent. Le cas échéant, il faut réparer localement. Si les sensibilités persistent, un traitement endodontique s’impose.

Pour les expositions pulpaires, le professeur Bouillaguet préfère le MTA à la résine adhésive ou aux autres matériaux disponibles sur le marché à cet effet, car celui-ci favorise la formation d’un pont dentinaire.

Pour prévenir les échecs en endodontie, il faut s’assurer que la cavité a 4 parois avant de commencer tout traitement, désinfecter en rinçant abondamment avec de l’hypochlorite et, en cas de fracture d’instruments dans un canal, utiliser un matériel grossissant ou s’adresser à un spécialiste.

En conclusion, le développement du matériel et des techniques doit inciter à considérer les systèmes adhésifs pour les restaurations dentaires, l’intervention a minima évitant les complications.

Gérer les complications en occlusion et en prothèse

Dr Jean-Daniel Orthlieb (Marseille)

Le problème en occlusion et en -prothèse tient à l’application des contraintes très fortes sur des résistances faibles. Comment peut-on faire pour augmenter cette résistance ? Il est essentiel au préalable d’établir le bon diagnostic : s’agit-il d’une parafonction, d’un blocage à l’ouverture, d’une anomalie de centrage, d’une anomalie de calage, ou d’une anomalie de guidage ? En cas de doute, l’avis d’un spécialiste peut s’avérer utile.

Deux points sont à retenir :

– devant une douleur ou une anomalie inexistante auparavant, penser à une restauration ou une prothèse récente et vérifier l’occlusion ;

– dans le cas d’une interférence ou d’une autre anomalie occlusale évidente, procéder d’abord à des corrections peu ou pas invasives avant d’envisager des solutions irréversibles.

En conclusion, le Dr Orthlieb insiste sur l’aspect psychologique et la subtilité de la prise en charge des patients.

Gérer les complications en implantologie

Pr Jean-Pierre Bernard

Qualité des informations était le maître mot de cette conférence. Le patient doit être impérativement averti de tous les risques qu’il encourt avant toute chirurgie.

• Devant une hémorragie, le patient doit joindre son praticien ou se présenter aux urgences.

• Dans le cas de troubles sensitifs, différentes solutions peuvent être envisagées en fonction de la situation : si, sur la panoramique, l’image de l’implant se superpose sur le nerf mandibulaire, il faut déposer l’implant et prescrire des stéroïdes avec de la vitamine B. En l’absence de superposition et malgré la présence d’un trouble sensitif, ne rien entreprendre.

• Pour des implants mal positionnés, si ces implants sont non ostéointégrés, ils doivent être déposés, puis après cicatrisation (environ 2 mois), mis en place à nouveau. Dans le cas d’implants ostéointégrés, la situation est plus difficile à traiter.

• La perforation du plancher sinusien n’est pas une urgence ; le patient doit être prévenu d’une possibilité de saignement du nez. Dans ce cas-là, l’usage d’un spray nasal désinfectant est souhaité.

• L’infection postopératoire est très rare en implantologie. Dans ce cas, le patient doit consulter en urgence.

• Les échecs implantaires, proprement dits, se divisent en 2 groupes : primaires et secondaires. Les échecs primaires sont les échecs d’ostéointégration où l’implant doit être déposé, puis remplacé par un nouveau après environ 2 mois de cicatrisation.

Les échecs secondaires concernent des implants ostéointégrés, les péri-implantites par exemple, qui nécessitent un traitement médicamenteux (chlorhexidine et antibiothérapie) et parfois chirurgical (lambeau avec curetage). Une péri-implantite ne signifie donc pas systématiquement un implant perdu.

• Pour les patients sous bisphosphonates, les données actuelles sont insuffisantes pour promulguer des recommandations. Il faut les prévenir du risque potentiel et évaluer ce dernier en fonction de chaque situation.

• Dans le cas d’un échec thérapeutique, le meilleur remède est d’écouter, de suivre et d’accompagner le patient mécontent de son traitement.

Par ailleurs, le professeur Bernard a insisté sur un dernier point : toute personne nécessitant une greffe, type Bio-OssTM ou autre, devra être informée au préalable de l’impossibilité pour elle de se prêter par la suite à des dons d’organes ou même de sang.

Gérer les complications en chirurgie buccale

Dr Patrick Limbour (Rennes)

Le Dr Patrick Limbour a présenté les différentes situations que l’on peut rencontrer en chirurgie buccale en passant par les communications bucco-sinusiennes, les hémorragies per– et postopératoires, les alvéolites et le malaise vagal.

Les alvéolites se divisent en 3 formes : la sèche, la suppurée et la cellulite du 21e jour.

Pour le traitement d’une alvéolite sèche, il suffit de rincer au sérum physiologique uniquement ou mélangé à la chlorhexidine, puis d’appliquer une pâte à base de lidocaïne. Pour la suppurée, il est recommandé de prendre une radiographie rétro-alvéolaire pour visualiser le fragment osseux à l’origine de cette infection. Il faut ensuite anesthésier, ouvrir, cureter, fraiser, faire saigner et enfin suturer. Des antibiotiques doivent être prescrits au cours du traitement.

Quant à la cellulite du 21e jour, il s’agit d’une forme particulière d’infection apparaissant 21 jours après l’extraction et entraînant l’inflammation de plusieurs loges cellulaires de la face. Son traitement consiste à drainer l’infection et à éliminer l’agent causal, généralement un fragment osseux oublié. La suite du traitement est la même que celui des cellulites suppurées.

Le tabac multiplie le risque d’alvéolite d’un facteur 4.

La maîtrise des échecs en prothèse amovible : réagir, agir

Docteur Michel Pompignoli (Paris)

Un distinguo doit être fait entre une complication (liée au traitement), une doléance (qui appartient au patient) et l’échec qui concerne le praticien.

En prothèse, les problèmes que l’on peut rencontrer sont liés à la stabilité, à la rétention ou à la sustentation.

En l’absence de stabilité sur une prothèse complète, la cause doit être identifiée : le problème émane-t-il de la base ou des dents ? Dans ce dernier cas, il faut procéder par étapes : régler l’occlusion, puis revoir la position du polygone de sustentation sur les crêtes… En revanche, si le problème provient de la base, une réfection de base s’impose.

Le Dr Pompignoli a présenté des cas complexes qu’il n’a pas réussi à traiter, en expliquant que l’arrêt des soins vaut parfois mieux qu’un surtraitement et livré certaines de ses astuces. Par exemple, ne pas oublier d’effectuer les réglages le jour de la pose, de retirer les anciennes prothèses ce même jour ou encore de donner des conseils d’alimentation.

Gérer la contestation pour éviter le conflit : du futile au désagréable

Dr Patrick Simonet et Dr Patrick Missika (Paris)

Les droits respectifs du patient et du chirurgien-dentiste étaient au cœur de cette dernière présentation.

En résumé, pour faire valoir entièrement ses droits et éviter les expertises des assurances et les suites judiciaires, les Dr Patrick Simonet et Patrick -Missika recommandent aux praticiens d’évaluer objectivement leur travail, d’éviter les compromis, de demander l’avis d’un spécialiste en cas de doute sur un traitement. Et surtout ne pas oublier, dans ce cas, de réclamer un compte rendu.

En revanche, il est déconseillé de réaliser des actes à l’encontre des données acquises, de laisser le patient être le maître d’œuvre et de retoucher aux prothèses des autres.

Enfin, ne jamais rembourser sans un accord transactionnel. Dans ce dernier cas, l’envoi d’un courrier à l’assurance avec accusé de réception évitera un retournement de situation.