PLAN DE TRAITEMENT
Attaché universitaire, sous-section 58-02 : prothèsesUniversité Victor-Segalen Bordeaux II
Faculté d’odontologie
16-20, cours de la Marne
33082 Bordeaux Cedex
Dans les édentements partiels de classe I de Kennedy, les dents encore présentes sur l’arcade peuvent présenter des destructions coronaires, plus ou moins sévères, d’étiologies diverses. Pour résoudre à la fois le problème de l’édentation et celui des processus carieux, il est nécessaire de s’orienter vers une thérapeutique prothétique dite « composite ». L’objet de cet article est d’exposer la démarche conduisant à un schéma thérapeutique et de justifier l’abandon d’autres traitements.
Treatment of Kennedy class I bi-maxillary edentulism : a therapeutic approach
In the case of partial bilateral posterior edentulism, the remaining teeth on the arch could show more or less severe coronary damages of various etiologies. To solve both the problem of edentulism and tooth decays, it is necessary to opt for a “composite” treatment. This article aims at setting out a therapeutic outline and at explaining why other treatments have been rejected.
Dans les édentements partiels de classe I de Kennedy, les dents encore présentes sur l’arcade peuvent présenter des destructions coronaires, plus ou moins sévères, d’étiologies diverses. Pour résoudre à la fois le problème de l’édentation et celui des processus carieux, il faudra s’orienter soit vers une thérapeutique prothétique dite « composite », associant la prothèse fixée pour restaurer les délabrements dentaires et la prothèse amovible partielle (PAP), soit vers la prothèse fixée sur implants (PFI) pour compenser les édentements latéraux postérieurs.
La conception et l’élaboration de ce type de prothèse répondent à des critères précis et bien codifiés qui respectent les exigences biomécaniques, esthétiques et occlusales [1, 2]. L’objet de cet article est d’exposer la démarche conduisant à un schéma thérapeutique et de justifier l’abandon d’autres traitements.
Un patient âgé de 54 ans, en bonne santé, motivé par son entourage, est venu consulter pour des problèmes d’inconfort liés aux prothèses existantes et parce qu’il avait la sensation « d’user ses dents naturelles ». Il désirait une solution prothétique pérenne capable de concilier esthétique et fonction.
L’interrogatoire du patient et les renseignements délivrés par le questionnaire médical n’ont révélé aucune pathologie générale. L’historique de la situation buccodentaire a montré par la réalisation, 15 ans auparavant, de restaurations unitaires et de 2 prothèses amovibles partielles à châssis métallique, désormais très usées et instables.
• Examen exobuccal
Il existait une légère asymétrie faciale avec déviation de la cloison nasale. La diminution de la dimension verticale d’occlusion (DVO) était caractérisée par l’affaissement de la lèvre supérieure, des commissures tombantes et une faible tonicité des muscles masticateurs. Les trajectoires d’ouverture, de fermeture et de diduction s’effectuaient sans déviation, avec une amplitude normale. Il n’existait pas de pathologie articulaire ou neuromusculaire associée. Une lèvre supérieure courte découvrait un sourire à dominante gingivo-dentaire (fig. 1).
• Examen endobuccal
L’hygiène buccodentaire était correcte. Cependant, un contrôle de plaque plus rigoureux était nécessaire. Les PAP existantes, instables, en inocclusion de près de 2 mm des secteurs cuspidés, présentaient une usure des dents en résine, vraisemblablement liée au pouvoir abrasif de la langue et des aliments (fig. 2).
À l’arcade maxillaire (fig. 3)
– la 13 présentait une mylolyse associée à une récession gingivale consécutive à l’action nocive du crochet de la PAPM ;
– la 11 était restaurée par un composite ;
– la présence de récessions gingivales a été notée sur la 21 et la 22, en regard de 2 couronnes céramo-métalliques solidarisées ;
– la 23 était atteinte d’une carie asymptomatique ;
– aucune mobilité n’a été constatée.
À l’arcade mandibulaire (fig. 4)
On pouvait noter :
– 35 restaurée par un amalgame ;
– 34 supportant une couronne coulée ;
– 33 restaurée par un composite ;
– 41 absente ;
– 45 supportant une couronne coulée ;
– usure sévère du bloc incisivo-canin, en particulier 31 et 32 ;
– présence de tartre au niveau du bloc incisivo-canin.
• Examen parodontal
Le biotype parodontal était épais, la hauteur de gencive attachée moyenne. De légères récessions au niveau des dents porteuses de restaurations prothétiques ont pu être relevées. Les muqueuses, non inflammatoires, étaient exemptes de lésions ulcéreuses ou carcinomateuses. Les crêtes étaient revêtues d’une fibromuqueuse ferme et adhérente, très épaisse au niveau maxillaire (fig. 3). La perte de l’incisive latérale maxillaire droite (12) a entraîné une résorption osseuse localisée avec une forte concavité vestibulaire.
La radiographie panoramique mettait en évidence (fig. 5) :
– 21, 22, 33, 34, 35 et 45 dépulpées et présentant des traitements insuffisants ;
– une atteinte parodontale horizontale ;
– une résorption des crêtes postérieures avec pour conséquence la procidence sinusienne dans les secteurs 1 et 2 et la proximité du nerf alvéolaire inférieur dans les secteurs 3 et 4. Cette observation caractérisait l’ancienneté de l’édentement et le caractère pathogène des prothèses amovibles exécutées.
La réalisation d’un bilan long cône a confirmé les atteintes parodontales, l’existence d’ancrages radiculaires au niveau de 21 et 22, la présence d’une lésion inflammatoire parodontale d’origine endodontique sur 45 et un ancrage vissé de type Screw Post® sur 34 (fig. 6 et 7).
• Dimension verticale d’occlusion
En l’absence des prothèses amovibles partielles existantes, le patient tendait vers la recherche d’un calage antérieur suscitant la proprioception desmodontale avec une DVO prise en charge par des contacts antérieurs généralisés. Les dents mandibulaires naturelles restantes ont subi une abrasion prononcée (fig. 4). L’absence de calage postérieur, l’usure des prothèses et l’égression alvéolaire maxillaire compensatrice évoquaient une perte de DVO (fig. 8).
Pour assurer la communication avec le patient, des jeux de moulage maxillaires et mandibulaires avec PAP en place ont été réalisés. Ils ont également servi de pièces médico-légales.
L’obtention de deux autres jeux de moulage sans PAP a permis de :
– programmer l’articulateur grâce à une axiographie Axio Quick® ;
– déterminer la pente condylienne à 30° et l’angle de Bennet à 15°.
Le moulage maxillaire a été transféré sur articulateur avec arc facial. Le moulage mandibulaire a été monté après enregistrement de la relation centrée à l’aide de bases d’occlusion à une dimension verticale d’enregistrement (DVE) n’interférant pas avec les dents résiduelles [3] (fig. 9).
• Propulsion-guidage antérieur
En présence comme en absence des PAP, le guidage antérieur était pris en charge par les incisives centrales et latérales maxillaires gauches 21 et 22 dans le cadre d’un recouvrement très marqué.
• Diductions
En l’absence des PAP, lors de diductions droite et gauche, le guidage était assuré par les canines 13 et 23 avec absence d’interférences non travaillantes. Dans les déplacements de diduction droite et gauche, prothèses en place, le guidage était assumé par les dents prothétiques avec, pour conséquences directes, l’instabilité des PAP et la sensation d’inconfort ressentie par le patient.
• Courbes fonctionnelles
Dans le plan frontal, l’égression prononcée et marquée de 13 modifiait la courbe de Wilson. L’affaissement de la DVO était accompagné d’une égression alvéolaire compensatrice de l’ensemble du groupe incisivo-canin maxillaire. Dans le plan sagittal, la courbe de Spee était inversée du fait de la légère égression des dents porteuses de couronnes coulées : 34 et 45.
Le recueil des données issues de l’anamnèse, de l’interrogatoire et des examens cliniques et complémentaires a mis en évidence un édentement maxillaire et mandibulaire de classe I.1 avec une perte de la dimension verticale d’occlusion, une égression alvéolaire compensatrice du groupe incisivo-canin maxillaire et une altération du guide antérieur.
Un certain nombre d’éléments étaient à prendre en compte l’état parodontal était stabilisé, néanmoins les égressions alvéolaires compensatrices traduisaient des rapports couronne clinique/racine clinique inversés de type 1/1, cette situation entraînant un sérieux préjudice esthétique.
Par ailleurs, on a pu constater que :
– la perte de la DVO provoquait de sévères dysharmonies occlusales ;
– la lèvre supérieure était courte ;
– l’usure des prothèses amovibles existantes aurait dû inciter à une consultation moins tardive.
La situation occlusale, préoccupante, impliquait, quelles que soient les techniques envisagées [4], d’orienter le traitement pour :
– atteindre les objectifs thérapeutiques ;
– rétablir les fonctions altérées par la perte des dents (mastication, déglutition et phonation) ;
– réévaluer et définir une dimension verticale d’occlusion confirmée par les prothèses transitoires ;
– créer un guide antérieur efficace ;
– préserver les structures anatomiques résiduelles accueillant la prothèse ;
– restaurer l’harmonie esthétique du visage au repos ou lors de ses diverses expressions ;
– assurer le confort physique et psychologique du patient.
Compte tenu de la complexité du cas clinique et des exigences occlusales et esthétiques, les choix thérapeutiques étaient limités.
L’analyse sur articulateur démontrait que le problème occlusal pourrait être résolu en augmentant la DVO de 3 mm à la tige de l’articulateur, soit 1 mm au niveau molaire (fig. 10 et 11). Le problème esthétique de la région incisivo-canine maxillaire, lié aux importantes récessions alvéolaires des 13 et 11, pourrait être résolu par des élongations coronaires sur les autres dents de l’arcade (21, 22, 23). Malheureusement, cette démarche modifierait défavorablement les rapports couronne clinique/racine clinique. De plus, cette nouvelle hauteur coronaire serait en inadéquation avec la lèvre supérieure courte.
Pour justifier les différentes solutions thérapeutiques envisageables, des cires de diagnostic et des montages directeurs ont été réalisés sur articulateur à la nouvelle dimension verticale pour concrétiser le futur projet prothétique d’un point de vue esthétique et fonctionnel et constituer un outil indispensable de communication à la triade patient-praticien-prothésiste [4, 5] (fig. 12 et 13).
Il était possible d’envisager, dans le secteur antérieur, un bridge de 13 à 23 avec pour pilier intermédiaire 12. Les coiffes céramo-métalliques auraient été installées sur des inlays-cores après dépulpations de 13, 11 et 23 et reprise des traitements endodontiques de 21 et 22. La résorption de la crête antérieure au niveau de 12 aurait été compensée par un apport de tissu conjonctif.
Dans les secteurs postérieurs droit et gauche, la pose de 4 implants dans chaque secteur aurait constitué une hypothèse prothétique séduisante. L’association d’une prothèse fixée conventionnelle et d’une prothèse sur implants aurait eu pour avantage d’éliminer la prothèse amovible partielle avec tous ses inconvénients. Cependant, outre l’aspect financier, compte tenu de la faible hauteur de crête osseuse disponible, de la procidence sinusienne et de l’égression alvéolaire compensatrice du secteur antérieur, l’indication d’une prothèse sur implants se serait révélée aussi problématique qu’aléatoire.
Il était possible de proposer un bridge céramo-métallique de 35 à 45, avec traitement de la récession gingivale au niveau de 33. La encore, il aurait fallu dépulper les incisives 42, 31 et 32, la canine droite (43) et reprendre les traitements endodontiques de 45, 33, 34 et 35. Après contrôle de la cicatrisation de la lésion apicale de 45, 8 inlays-cores auraient été indiqués.
Dans les secteurs latéraux droit et gauche, l’hypothèse d’une prothèse sur implants (2 par hémi-arcade) aurait exigé, compte tenu de la proximité du nerf alvéolaire inférieur et de la configuration des crêtes, une intervention d’apport osseux assez délicate.
• Avantages
• Pas de prothèse amovible partielle.
• Inconvénients
• Longueur et difficultés du traitement.
• Coût financier.
La prothèse composite pouvait associer, tant au maxillaire qu’à la mandibule, une prothèse fixée au niveau des secteurs antérieurs à une prothèse amovible au niveau des secteurs postérieurs.
Après cicatrisation d’une greffe de tissu conjonctif préconisée au niveau de la 12, la réalisation d’un bridge antérieur de 13 à 23, selon le schéma prothétique déjà décrit, pouvait être proposée.
Après la séquence de chirurgie muco-gingivale au niveau des crêtes, deux hypothèses étaient envisageables :
1. une prothèse amovible partielle métallique reliée au bridge antérieur par des attachements et fraisages des éléments fixés (fig. 16) ;
2. une prothèse amovible partielle métallique avec rétention assurée par les crochets et fraisages des éléments fixés (fig. 16).
• Avantages
• Traitements bien codifiés ;
• prix de revient accessible.
• Inconvénients
• Les défauts inhérents aux prothèses amovibles.
Un bridge de 35 à 45 avec traitement de la récession gingivale au niveau de 33 pouvait être envisagé.
Deux hypothèses étaient alors possibles :
1. une prothèse amovible partielle métallique reliée au bridge par des attachements et fraisages des éléments fixés (fig. 17) ;
2. une prothèse amovible partielle métallique avec rétention assurée par les crochets et fraisages des éléments fixés (fig. 17).
Les inconvénients et avantages ont été cités précédemment.
Le patient, averti des avantages et inconvénients respectifs de toutes les options thérapeutiques, a pu choisir, en toute connaissance de cause, la solution la mieux adaptée à sa situation personnelle et à ses possibilités financières. Un délai de 15 jours de réflexion lui a été accordé avant de recevoir son consentement éclairé. Le traitement implantaire estimé lourd, complexe et trop onéreux n’a pu être retenu.
Aussi, il a été décidé de concevoir et de réaliser :
– au maxillaire, une prothèse amovible partielle à châssis métallique reliée au bridge antérieur par des attachements, une chirurgie muco-gingivale de désépaississement muqueux au niveau des crêtes et une greffe de conjonctif enfouie au niveau de 12 ;
– à la mandibule, une prothèse amovible partielle à châssis métallique avec rétention assurée par des crochets esthétiques et fraisages des éléments fixés avec traitement de la récession gingivale au niveau de 33.
Le patient a été informé de la nécessité d’une période de temporisation de 6 mois avec des prothèses transitoires fixées et amovibles pour valider la nouvelle DVO [6]. La durée globale du traitement a été estimée à 1 an et demi. De longues séances ont été programmées pour mener à bien ce traitement pluridisciplinaire.
Le plan de traitement comprenait 5 phases [7] :
1. phase préprothétique ;
2. phase prothétique transitoire ;
3. phase prothétique de temporisation ;
4. phase prothétique d’usage ;
5. maintenance.
Deux séances de détartrage/surfaçage ont été nécessaires pour sensibiliser le patient à la maîtrise et au contrôle de la plaque bactérienne.
La première séance clinique a été consacrée aux déposes de 21-22 et 34-45. Des couronnes transitoires de première génération ont été réalisées par isomoulage dans la séance.
Une séance clinique a été consacrée aux retraitements endodontiques de 21, 22, 33, 34, 35 et 45. La séance suivante, l’ensemble des traitements endodontiques de 13, 11, 23, 43, 31 et 32 ont été effectués, suivis de la réalisation de couronnes transitoires restituant les morphologies coronaires originelles. Le traitement endodontique de 42 mettant en évidence une résorption interne importante a conduit à un pronostic très défavorable, et donc à une extraction de cette dent sans incidence biomécanique.
La réalisation des reconstitutions corono-radiculaires et des prothèses fixées et amovibles transitoires à la nouvelle DVO a nécessité une polymérisation du montage directeur (fig. 18) et la confection de deux porte-empreintes individuels perforés [8].
Le premier temps clinique a été consacré à l’exécution simultanée des préparations périphériques externes, des préparations internes des logements canalaires et des manœuvres d’accès au sulcus. La séance s’est achevée avec l’étape des empreintes en double mélange aux silicones réticulants par addition, MDP en place au maxillaire et à la mandibule.
Ces empreintes ont livré des moulages de travail qui ont permis la confection des reconstitutions corono-radiculaires et de 2 jeux de prothèses transitoires fixées et amovibles montés sur articulateur à la nouvelle DVO définie. Cette démarche opératoire a été facilitée par l’utilisation de moulages en double base engrenée et d’une réplique du « wax-up » en plâtre dur monté sur articulateur avec conservation des paramètres définis lors de l’étude préprothétique : pente condylienne à 30°, angle de Bennet à 15°, tige incisive à + 3 mm (fig. 19 et 20).
Toutes les reconstitutions corono-radiculaires ont été scellées au ciment verre ionomère modifié par adjonction de résine (Fuji Plus®, GC™). Les prothèses fixées provisoires réadaptées (Unifast LC®, GC™) ont été scellées avec un ciment polycarboxylate (Durelon®, 3M™) et les prothèses transitoires amovibles mises en bouche. L’incisive latérale mandibulaire droite (42) a été extraite lors de cette séance.
Après validation des nouvelles conditions d’équilibre occlusal, il est apparu logique d’aborder les thérapeutiques parodontales. Des contrôles suivis et réguliers du patient sont imposés durant cette phase [9]. L’augmentation de la DVO n’a pas provoqué, dans les jours qui ont suivi, de réactions articulaires ou musculaires, l’appareil manducateur semblant s’être parfaitement adapté à ces nouvelles conditions. Le patient a même retrouvé un certain confort. Ces résultats positifs ont conforté le schéma occlusal choisi et démontré le rôle déterminant des prothèses transitoires. Les prothèses d’usage ont été conçues à partir de cette nouvelle DVO de référence (fig. 21).
Dans la même séance, un désépaississement muqueux a été réalisé au niveau des crêtes des secteur 1 et secteur 2 en quartier d’orange avec prélèvement de tissu conjonctif pour accroître la hauteur prothétique utilisable. Au niveau de 12, un lambeau en épaisseur partielle a été réalisé avec une incision déjetée en palatin. Le conjonctif présent a été roulé et suturé avec adjonction du greffon postérieur. Un rebasage à l’aide de résine à prise retardée (Soft Liner®, GC™) a été effectué au niveau de l’intrados prothétique de la prothèse amovible. Une réintervention au niveau antérieur par lambeau tracté coronairement a été réalisée après maturation gingivale (fig. 22).
Un lambeau tracté coronairement disséqué en épaisseur partielle a permis de corriger la récession gingivale au niveau de 33 (fig. 23). La cicatrisation parodontale acquise, les séquences prothétiques conventionnelles ont pu être entreprises.
La première séquence a été dévolue aux empreintes en deux étapes : la première permettant d’obtenir une reproduction des prothèses fixées, la seconde, de type anatomo-fonctionnelle, fournissant le moulage pour la réalisation de la PAP.
• Séquences opératoires
Une prise d’empreinte à l’alginate des deux arcades a été réalisée avec les prothèses transitoires fixées et amovibles en place et les moulages de travail issus des empreintes ont été transférés sur l’articulateur. Celui du maxillaire par l’intermédiaire d’un arc de transfert et celui de la mandibule grâce aux cires de relation centrée. Ces deux moulages montés sur articulateur en double base engrenée permettront de construire une table incisive personnalisée (TIP) objectivant les mouvements excentrés (fig. 24).
La dynamique occlusale des futures réalisations prothétiques assurera une fonction canine stricte droite et gauche lors des diductions, une désocclusion postérieure lors de la propulsion prise en charge par la prothèse fixée, des contacts équilibrés et harmonieusement répartis en occlusion d’intercuspidie maximale.
Au stade des essais, pour gagner en précision et procéder à l’équilibration des réalisations prothétiques sur articulateur, il a été jugé plus facile de traiter simultanément les deux arcades.
Selon J. Schittly, « l’objectif est de fournir au laboratoire un moulage permettant la construction des prothèses fixées dans un contexte précis de la future PAPM » [10]. Après la dépose, il n’existait plus aucune référence occlusale. Pour remédier à cette lacune, il est possible de s’appuyer soit sur la base d’occlusion maxillaire utilisée lors des précédents enregistrements, soit sur une réplique de la prothèse transitoire amovible [3]. Il est apparu que le choix de cette dernière était mieux adapté au contexte clinique.
L’empreinte a été faite avec un porte-empreinte mandibulaire du commerce qui a l’avantage, par sa forme, d’englober les préparations. Son insertion totale a été contrôlée ainsi que son immobilité durant le temps de la prise d’empreinte. Cette dernière a été effectuée avec des silicones réticulants selon la technique classique du double mélange.
La réplique de la prothèse transitoire en place a été emportée dans l’empreinte. Le moulage, transféré sur articulateur, a été préparé. Les éléments de prothèse fixée ont pu être élaborés en tenant compte des exigences liées aux éléments de la triade de Housset : rétention, stabilisation et sustentation, garants de la pérennité de la future PAPM d’usage (fig. 25 et 26).
La conception prothétique de l’élément fixé maxillaire comporte deux attachements extra-coronaires (VKS sg®, Brédent™), parties mâles, des fraisages permettent l’inscription de bras de stabilisation et de taquets mésiaux au niveau de 13 et 23 et d’une barre cingulaire (fig. 27 et 28). La prothèse fixée maxillaire a été essayée au stade de l’armature, du biscuit et de la finition. L’ajustage a été contrôlé à l’aide de Fitt Checker® (GC™) (fig. 29).
Un porte-empreinte individuel en résine a été confectionné. Le jeu musculaire périphérique a été enregistré à l’aide de Permadyne® orange (3M Espe). Une empreinte globale est réalisée à l’aide de Permadyne® bleue (3M Espe) emportant la prothèse fixée maxillaire intégrant les attachements. Après traitement de l’empreinte, la réplique de la prothèse transitoire a été réadaptée, stabilisée sur le moulage pour un enregistrement de la RC.
Après transfert sur articulateur, un châssis rigide a été élaboré et le montage des dents réalisé. Le choix s’est porté sur des dents en porcelaine Vita Lumin® Vacuum et des dents en résine Vita Physiodens® uniquement en regard des attachements (fig. 30).
La réalisation de l’empreinte mandibulaire a été conduite selon un protocole identique à celui décrit précédemment pour le maxillaire. Une réplique de la prothèse transitoire mandibulaire a été utilisée. Le moulage a été transféré sur articulateur et préparé. La conception prothétique de l’élément fixé mandibulaire comportait 4 fraisages principaux pour loger les taquets occlusaux reliés par une barre coronaire. Un fraisage pour insérer une barre corono-cingulaire aurait été inopportun compte tenu de la faible importance de l’édentement [2] (fig. 31).
La prothèse fixée mandibulaire a été essayée au stade de l’armature, du biscuit et de la finition et l’ajustage contrôlé à l’aide de Fitt Checker® (GC™) (fig. 32).
Les dents 35 et 45 bordant l’édentement étant supports de crochets de type Nally Martinet, les volumes coronaires ont été prévus pour le positionnement optimal du crochet « esthétique ». Le bras actif contournera la face linguale de la dent support et passera très rapidement sous la crête marginale, prenant l’aspect d’un « Nally Martinet raccourci » [11]. Ceci a été rendu possible par la réalisation de logettes d’appui mésiales assurant non seulement la sustentation dentaire, mais aussi la stabilisation du châssis (fig. 33).
La confection du porte-empreinte et l’empreinte globale ont été conformes aux séquences opératoires décrites précédemment :
– châssis confectionné et muni de selles porte-empreintes et de bourrelets d’occlusion (fig. 34) ;
– réglage des selles par les tests de Herbst ;
– zones trop compressives vérifiées à l’aide de Fitt Checker® (GC™) ;
– joint périphérique exécuté à l’aide de pâte de Kerr verte ;
– empreinte moulant les surfaces ostéomuqueuses à l’aide d’Impression Paste® (SS White®) (fig. 35).
Au laboratoire, le moulage ayant permis la confection du châssis a été sectionné pour procéder à un coffrage de l’empreinte et un repositionnement [12]. Sur le nouveau moulage, un montage esthétique et fonctionnel a été réalisé avec des dents en porcelaine Vita Lumin® Vacuum.
Les prothèses fixées et amovibles maxillaires et mandibulaires ont été essayées et contrôlées pour vérifier leur correspondance avec la situation clinique établie par les prothèses transitoires [6] (fig. 36).
L’équilibration occlusale a été réalisée sur articulateur au laboratoire de prothèse [4] (fig. 37). Avant scellement, les extrados des prothèses fixées ont été vaselinés et un fil de soie interdentaire passé en boucle au niveau des intermédiaires, ces artifices permettant d’enlever aisément les excès du matériau de fixation après la prise (fig. 38).
Dans la même séance, ont été réalisés :
– les scellements des prothèses fixées au ciment verre ionomère modifié par adjonction de résine (Fuji Plus™, GC®) ;
– l’insertion des PAPM.
L’occlusion a été à nouveau vérifiée à ce stade et l’ajustement contrôlé pour obtenir des conditions favorisant une occlusion équilibrée (fig. 39).
Les prothèses amovibles étaient en harmonie avec les prothèses fixées (fig. 40) et l’intégration esthétique a été appréciée par le patient (fig. 41).
Le rôle de la maintenance et de contrôles réguliers demeuraient primordiaux. Des visites régulières ont dû être planifiées pour vérifier l’état buccodentaire, le contrôle de plaque, l’ajustage des prothèses, les rapports avec les tissus gingivaux et muqueux et rectifier d’éventuelles interférences occlusales [9].
Si ce suivi est assuré, le pronostic peut être envisagé avec optimisme.
La complexité d’élaboration des prothèses composites provient du nombre d’étapes cliniques et de laboratoire qu’elles requièrent. Pour la situation clinique présentée, la mise en œuvre d’une thérapeutique par « prothèse composite » peut constituer une solution satisfaisante. Le succès du traitement exige cependant :
– un projet prothétique avec montages directeurs et cires de diagnostic [5] ;
– d’évaluer la valeur des dents résiduelles (intrinsèque et extrinsèque) [2] ;
– d’apprécier la capacité du patient à maintenir une hygiène orale satisfaisante, garante de la pérennité de la restauration prothétique [13].
La réalisation d’une prothèse composite nécessite un investissement temporel et matériel lourd pour le patient, le praticien et le prothésiste. De nombreuses étapes et de nombreux échanges entre le laboratoire et le cabinet permettent d’assurer un résultat satisfaisant pour l’ensemble des protagonistes [14]. L’ensemble de ces raisons impose l’établissement d’un diagnostic précis et d’un plan de traitement détaillé.
Remerciements au Laboratoire SOCA, département Cristal et plus particulièrement à M. Blondel (coordinateur), M. Nauzes (métallurgie), M. Bellamy (céramique) et Mlle Sauzède (amovible).