Prothèse faciale et silicones médicales - Cahiers de Prothèse n° 148 du 01/12/2009
 

Les cahiers de prothèse n° 148 du 01/12/2009

 

Prothèse maxillo-faciale

Emmanuelle Vigarios*   Florent Destruhaut**   Yomin Cécile Alloh Amichia***   Éric Toulouse****   Philippe Pomar*****  


*Praticien des hôpitaux, ancien assistant hospitalo-universitaire
**Service d’odontologie
CHU Toulouse-Rangueil
3, rue des Maraîchers
31400 Toulouse
***Attaché universitaire
****Maître-assistant à la Faculté de chirurgie dentaire d’Abidjan, assistante associée
*****Service d’odontologie – CHU Nantes
1, place Alexis-Ricordeau
44200 Nantes
******Épithésiste, prothésiste dentaire
*******Service d’odontologie
CHU Toulouse-Rangueil
3, rue des Maraîchers
31400 Toulouse
********Professeur des universités, praticien des hôpitaux
*********Service d’odontologie
CHU Toulouse-Rangueil
3, rue des Maraîchers
31400 Toulouse
**********UF de prothèse maxillo-faciale

Résumé

Dans les cas où la chirurgie réparatrice et reconstructrice atteint ses limites, la prothèse demeure une discipline de choix dans le domaine de la réhabilitation faciale. Pour cela, l’utilisation de biomatériaux tels que les élastomères de silicone permet la confection d’épithèses faciales à visée esthétique qui contribuent à redonner au patient les clés d’une réinsertion familiale, sociale et parfois même professionnelle. Les progrès de la discipline sont en grande partie liés à l’évolution constante des biomatériaux, elle-même corrélée aux avancées de la chimie organique.

Summary

Facial prosthesis and medical silicones

In cases where plastic surgery shows limits for rehabilitation, the facial prosthesis remains a paramount discipline in the field of the prosthetics facial rehabilitation. The use of biomaterials such as elastomers of silicone allows the realisation of aesthetic facial prosthetics which contributes to the patient’s familial, social and professional reintegration. Progresses of this discipline result from the constant evolution of biomaterials related to those of organic chemistry.

Key words

biomaterials, facial prostheses, silicones

Avant-propos : quelques définitions

Selon le contexte, le terme silicone est féminin ou masculin : « la » silicone évoque le nom générique donné aux substances dérivées du silicium, se présentant sous forme d’huiles, de résines ou d’élastomères ; « le » silicone fait référence au polymère formé de chaînes Si-O.

Classée dans la catégorie des « grands appareillages » du corps humain, la prothèse faciale s’inscrit en tant qu’appareil extérieur à l’organisme au même titre que la prothèse dentaire. Nous parlons ici de prothèse externe de la face, tout en gardant en mémoire que ce type d’épithèse prend toujours une résonance psycho-sociale par sa situation au niveau du visage.

Divers matériaux comme le bois, le cuir, les métaux précieux et semi-précieux, la céramique, le latex ont été utilisés pour réparer les pertes de substance faciale. Depuis l’avènement de la vulcanisation, les silicones ont révolutionné le monde actuel tant sur le plan industriel que médical. En prothèse maxillo-faciale, elles peuvent être associées à des matériaux plus rigides comme les fibres de composite [1, 2], les résines acrylates [3-6] ou encore les polyuréthanes [7], mais elles restent, sur la scène internationale, les matériaux les plus utilisés [8-11].

Il existe traditionnellement deux grandes familles de silicones : les silicones vulcanisables à chaud (HTV) et les silicones vulcanisables à froid (RTV). Parmi ces dernières, on distingue :

– les silicones de haute consistance ;

– les silicones de basse consistance ;

– les silicones liquides ;

– les gels ;

– les adhésifs ;

– les silicones dispersives.

Matériel

Historique des silicones médicales

C’est vers 1930 que des chercheurs de la Dow Chemical et de la Corning Glass qui tentaient de mettre au point de nouveaux isolants électriques parvinrent à combiner les propriétés du verre et celles des plastiques organiques : les silicones étaient nées [12, 13].

Quelques dates clés

1942 : premières applications industrielles par Dow Corning des élastomères de silicones aux États-Unis.

1948 : dépôt officiel par Dow Corning de la marque Silastic®.

1959 : création d’un centre Dow Corning d’aide à la recherche médicale pour préciser et développer, en collaboration avec la recherche hospitalo-universitaire, les indications des silicones en médecine et en chirurgie. La division des silicones médicales Dow Corning a été créée un peu plus tard.

1962 : mise à la disposition du corps médical des élastomères de silicone ® Médical.

Qu’est-ce qu’un élastomère de silicone ?

« Silicone » est un terme générique permettant de définir un sous-ensemble de la grande famille des polymères [13]. Il s’agit d’un polymère constitué par des chaînes polysiloxanes (alternance d’atomes de silicium et d’oxygène) où chaque atome de silicium est saturé par des radicaux organiques, tels que le méthyl (CH3), l’éthyl (C2H5) ou le phényl (C6H5). C’est de la longueur des chaînes polysiloxanes que dépend l’aspect physique des silicones : liquide, pâteux ou solide.

L’élément de base des silicones, le silicium (Si), fait partie des atomes les plus abondants à la surface de la Terre. Celui-ci est trouvé principalement en combinaison minérale, la plus répandue étant le dioxyde de silicium (SiO2), c’est-à-dire le sable.

Les silicones synthétisées à partir des monomères de base peuvent être, pour simplifier, séparées en deux classes : les huiles non réactives et les huiles réactives.

Les plus courantes des huiles non réactives sont les polydiméthylsiloxanes de formule générale :

Lorsque n augmente, la longueur de la chaîne augmente, et, de ce fait, la viscosité de l’huile également. La viscosité est une propriété quantifiable traduisant la capacité d’une huile à couler et ceci nous intéresse particulièrement en prothèse maxillo-faciale.

Quant aux huiles réactives, elles peuvent être décrites comme des huiles polydiméthylsiloxanes possédant des fonctions chimiques aux extrémités. Le long de la chaîne, les fonctions chimiques sont distribuées de façon plus ou moins aléatoires selon la méthode de synthèse. Lorsque les fonctions réagissent, un réseau tridimensionnel se forme pour conduire à un élastomère de silicone. Ce phénomène est appelé polymérisation ou réticulation. Le nombre de fonctions réactives par chaîne, la longueur des chaînes, sont autant de paramètres permettant de moduler les propriétés finales de l’élastomère (dureté, élasticité, vitesse de polymérisation, fluage...).

Un élastomère ou gomme de silicone est obtenu par l’amarrage de chaînes polysiloxanes : création de liaisons transversales selon un processus analogue à la vulcanisation.

Propriétés fondamentales des silicones [9, 13]

Les silicones, quel que soit leur aspect physique, possèdent en commun un certain nombre de propriétés :

Propriétés chimiques

Chimiquement inertes, elles ne sont pas altérées par les variations de pH, résistent à l’oxydation et à l’action de la plupart des substances chimiques.

Propriétés physiques

– stabilité thermique (− 50 °C, + 260 °C) ;

– isolation électrique ;

– absence de modification par le vide, les variations de pression ou les rayonnements ;

– perméabilité aux gaz ;

– propriétés hydrofuges ;

– pouvoir anti-mousse.

Propriétés mécaniques

– élasticité ;

– résistance à la rupture ;

– résistance au cisaillement.

De plus, les élastomères de silicone sont inaltérables et leurs propriétés ne se modifient pas dans le temps.

Garanties que doivent apporter les silicones médicales [9, 13]

Critères de fabrication

Une usine créée pour la fabrication des silicones est exclusivement réservée à la production de celles-ci. Les bâtiments sont étanches, sans fenêtre ; l’atmosphère est pressurisée et filtrée, les murs et les sols ont reçu un traitement spécial. Les matières premières sont mises en « quarantaine » tant que l’analyse n’en a pas établi la pureté. Par ailleurs, le personnel revêt une tenue spéciale, non tissée, sans bourre. Le procédé de fabrication des silicones garantit que le produit fini ne comporte aucune charge toxique. L’agent de vulcanisation choisi en fonction de la parfaite tolérance par l’organisme est un catalyseur vrai. Sa présence à très faible dose suffit à déclencher la vulcanisation. De plus, il est totalement éliminé au terme de la réaction.

Critères de contrôle

La conformité à tous les standards de fabrication est rigoureusement contrôlée à chaque étape : matières premières, fabrication et produit fini. Par exemple, les silicones ne doivent pas contenir d’impuretés, en particulier métalliques. Le produit fini est testé en fonction de son utilisation.

Critères de tolérance

Ils doivent être envisagés sous deux aspects différents : l’implantation ou la mise en place ne doivent pas modifier les qualités de la silicone et celle-ci doit être parfaitement tolérée par l’organisme qui la reçoit.

Caractéristiques des silicones médicales [9]

– chimiquement inertes ;

– non mouillables ;

– perméables aux gaz ;

– anti-mousse ;

– radio-opaques ;

– peuvent être irradiées ;

– stérilisables ;

– modulables dans la forme et la consistance désirées ;

– indéformables ;

– non métabolisables, non résorbables ;

– ne durcissent pas, ne rompent pas, résistent aux contraintes ;

– apyrogènes ;

– n’entraînent aucune réaction inflammatoire, aucune adhérence ;

– non allergisantes ;

– non cancérigènes.

Choix des silicones en prothèse faciale

Quelles caractéristiques essentielles attend-on des matériaux en prothèse plastique faciale ?

1. la biocompatibilité ;

2. la souplesse et une texture reproduisant celle de la peau naturelle ;

3. la facilité de mise en œuvre ;

4. la possibilité de teinter dans la masse ;

5. la précision.

Les élastomères de silicone, comme indiqué ci-dessus, répondent favorablement à ces exigences pratiques et cliniques. Il existe cependant un certain nombre de produits sous forme de tubes, de pots ou de cartouches parmi lesquels il peut être difficile de faire un choix [14-16].

Comme pour les silicones à empreintes, d’utilisation courante en prothèse endo-buccale, on dispose de deux types.

Silicones par addition

• Multisil Epithetick® transparent et Drop Ortho® silicone fluide, réticulant très rapidement à l’air libre en environ 20 minutes. Ils existent en cartouches.

• DropStil® FA557 fluide et extra souple, conditionné en pot.

Silicones par condensation

• Silicone Hydrolab® en pot ou en cartouche.

• Élastomère Medical MDX4-4210®, MED 4011®, en pot.

D’un point de vue pratique, il est à noter que la manipulation est, en général, plus aisée avec les silicones en cartouches et par addition. Cependant, le choix de la silicone dépend avant tout des propriétés structurelles des éléments anatomiques en présence. En effet, plus les tissus sont fragilisés (ce qui est à corréler à des effets secondaires postradiochirurgicaux), plus la silicone utilisée doit être souple afin d’éviter une irritation. Le DropStil® est une silicone extrasouple dont les indications d’utilisation sont limitées puisque ses qualités de résistance et de dureté sont largement inférieures à celles attendues en prothèse faciale. Les silicones Multisil Epithetick® et Drop Ortho® ainsi que l’Hydrolab® ont été reléguées au second plan pour la confection de prothèse faciale et supplantées par l’élastomère MDX4-4210® qui, par ses propriétés intrinsèques, répond au mieux à l’ensemble des doléances cliniques dans un rapport qualité, prix satisfaisant. Cet élastomère de silicone, plus exactement appelé Silastic MDX4.4210® (laboratoire Dow Corning), constitué d’une partie A et d’une partie B, appartient à la famille des élastomères de silicone RTV (Room Temperature Vulcanizing) et présente de remarquables propriétés [9, 11, 17, 18].

Les propriétés physico-chimiques dépendent (voir ci-dessus) de la structure moléculaire du silicone, c’est-à-dire du poids, du type et de la concentration des chaînes polymériques (ici, longues et courtes) ainsi que du degré de liaisons transversales entre les groupes siloxanes. La liaison forte Si-O et la flexibilité des chaînes siloxanes font que le Silastic MDX4-4210® présente une faible viscosité, une grande inertie chimique, une bonne tenue aux ultraviolets, une stabilité thermique et électrique, une stabilité dans de larges intervalles de températures et une durée de vie importante.

Les propriétés mécaniques (tabl. I) en relation avec une capacité d’élongation importante (420 %) en font un matériau souple, élastique et résistant à la déchirure et dont l’utilisation en couches minces est possible.

En pratique, sa souplesse et sa consistance lui permettent d’être moulé facilement [14]. Sa stabilité dans le temps permet une conservation pérenne de ses propriétés biologiques et physico-chimiques. Le MDX4-4210® résiste à la chaleur, aux rayons UV et est insensible aux liquides organiques ainsi qu’à la plupart des substances chimiques agressives.

Sa translucidité contribue à obtenir le meilleur effet cosmétique ; la ressemblance avec les tissus vivants est remarquable. Le MDX4-4210® offre l’avantage de se laisser teinter dans la masse à l’aide de pigments minéraux (soit issus d’infimes quantités de peinture à l’huile artistique, soit issus d’échantillons appartenant à des kits de coloration) et d’autoriser ainsi une reproduction fine de la granulation, des rides, des taches vasculaires et de la transparence veineuse du revêtement cutané.

Cette coloration se déroule en deux temps : tout d’abord, la coloration dans la masse qui permet un maintien dans le temps, mais également de se rapprocher le plus possible de la teinte de la peau du patient [19-22]. Ensuite, un maquillage de surface utilise une forme particulière d’élastomère de silicone RTV polymérisant en couches minces : Silastic medical adhesive type A MED 1511 (Nusil®) ou RTV Silicone Adhesive Implant Grade PN40064 (Applied Silicone®), mélangée à des pigments naturels à l’huile. Cette silicone polymérise à température ambiante en dégageant de l’acide acétique. Cela permet une grande souplesse d’utilisation. Elle se présente, pour l’utilisation qui en est faite en médecine, sous une forme translucide [15].

Notons enfin que le cyclohexane, solvant des silicones, offre, par effet de dilution, la possibilité d’obtenir divers degrés de viscosité.

Le Silastic MDX4-4210® et son évolution commerciale sous la présentation MED 4011® constituent un matériau très polyvalent, de manipulation aisée, compatible avec les techniques des moulages. Ils offrent de multiples possibilités d’adaptation face à des cas cliniques complexes et chaque fois différents.

Cependant, le matériau dénué d’inconvénients n’existant pas, on note deux problèmes principaux pour le Silastic MDX4-4210® ou MED 4011® :

– l’inertie mécanique : imperfection de la ligne de jonction peau-silicone et « souplesse », parfois limitée dans certaines zones mobiles ; défaut d’étanchéité périphérique avec écoulement des fluides et sécrétions tissulaires ;

– l’inertie thermique : problèmes d’absence de vasomotricité de l’organe artificiel et donc inertie de teinte.

Par ailleurs, ce matériau comme tous les élastomères de silicone présente une structure poreuse qui favorise, après un laps de temps plus ou moins long, une colonisation microbiologique de type fongique (des levures de préférence) [23], avec pour conséquences des dyscolorations et des modifications de l’état de surface, obligeant ainsi à un renouvellement de la prothèse tous les 2 ans environ.

Méthode

Le Silastic MDX4.4210® se présente sous l’aspect de vaseline à l’état non polymérisé. La préparation de la silicone pour la coulée de l’épithèse se fait en plusieurs étapes [14, 19]. Une quantité de partie A définie en fonction de la superficie et du volume de l’épithèse à confectionner est mise dans un bol à spatuler. Un opacifiant constitué de blanc de titane sous la forme de pigment à l’huile y est ajouté. La teinte de masse, déterminée par vitropression exercée sur la peau du patient (pression modérée visant à chasser l’apport vasculaire des couches superficielles), est conçue à l’aide de pigments à l’huile et est incorporée au mélange précédent. La préparation s’achève par l’ajout de la partie B (catalyseur) à hauteur de 10 % de la quantité de partie A. Selon la consistance souhaitée, il est possible de faire varier ce pourcentage aisément. Une proportion plus importante de partie B modifie la consistance et donne à l’ensemble, après polymérisation, une dureté accrue. Le mélange sous vide de la partie A (consistance gélatineuse) et de la partie B (fluide) reste indispensable afin d’éviter l’inclusion de bulles d’air [20] pouvant altérer la coulée de la silicone et, par là même, ses propriétés mécaniques et optiques.

La silicone est ensuite coulée dans un moule en plâtre fabriqué à partir de la maquette en cire après élimination de celle-ci grâce à la technique de la cire perdue. Selon les données du fabricant, la polymérisation s’effectue à température ambiante pendant 3 heures lorsque la silicone est à l’air libre ou dans une étuve à 80 °C pendant 20 minutes lorsque la silicone est contenue dans un moule. Cette phase est importante, car une polymérisation incomplète entraîne une instabilité plus grande de la silicone face à la colonisation bactérienne ou fongique et compromet la pérennité du maquillage de surface [8].

Une fois la polymérisation achevée et grâce à la souplesse du matériau, l’épithèse peut être ébarbée facilement à l’aide d’une paire de ciseaux ou d’une fraise.

L’étape de maquillage de surface, en présence du patient, fait intervenir, nous l’avons précédemment abordé, une colle à froid, la silicone Silastic medical adhesif type A MED 1511 (Nusil®) ou RTV Silicone Adhesive Implant Grade PN40064 (Applied Silicone®). Cette colle à froid, mélangée aux pigments, s’applique sur la silicone de base polymérisée par tapotements successifs à l’aide des doigts, de compresse ou de pinceau [13, 24].

Une fois le maquillage de surface finalisé, il faut attendre la prise complète de la silicone de type A pour permettre le port de l’épithèse.

Le maintien de l’épithèse se réalise par l’application d’une colle dermique (silicone adhésif de type B). Pour certains auteurs [7], il semblerait que l’adhésion de l’épithèse soit améliorée par la mise en place d’un bord en polyuréthane sur lequel viendrait s’appliquer l’adhésif (fig. 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 9).

Discussion (tabl. II)

La silicone Silastic MDX4.4210® ou plus récemment le MED 4011® (Nusil, commercialisé par Arex) est actuellement le matériau de choix pour la confection des épithèses faciales. Cependant, elle présente un certain nombre de limites qui s’expriment notamment en termes d’appréciation esthétique. Le reproche le plus fréquemment formulé par les patients porte sur la stabilité de la teinte dans le temps.

Le mélange réalisé avec des pigments à l’huile artistique ou issus de kits de coloration reste empirique, à la seule appréciation des opérateurs et les erreurs de coloration intrinsèque ne peuvent pas être corrigées par le maquillage ultérieur. La coloration dans la masse du matériau ou coloration intrinsèque est une technique fondamentale, désormais commune à tous les opérateurs. Elle permet à la prothèse de reproduire avec fidélité, et de façon durable, le degré de translucidité ou d’opacité des chairs. Il s’agit d’obtenir une teinte de base plus claire que la teinte recherchée qui sera modulée ultérieurement par la phase de maquillage, avec d’autant plus de facilité qu’elle aura été judicieusement choisie. Il est néanmoins difficile de rattraper un défaut de teinte de masse par une pigmentation de surface.

Par ailleurs, des dyscolorations peuvent apparaître et sont à mettre en relation avec différents facteurs :

– intrinsèques : la porosité du matériau responsable d’une colonisation bactérienne et fongique est à l’origine de phénomène de pigmentation préjudiciable à l’esthétique. Cette colonisation, notamment par Candida Albicans, ne se retrouve pas sur toutes les épithèses et touche préférentiellement les épithèses nasales en contact avec les fluides biologiques [25] ;

– extrinsèques : les conditions environnementales (pollution, humidité) ; la manipulation quotidienne pas toujours précautionneuse associée à un nettoyage parfois aléatoire de l’épithèse [8].

Pour ces raisons, la durée de « vie » d’une prothèse faciale excède rarement 12 mois [8] et nécessite un renouvellement fréquent. Selon certaines études [10], des pigments seraient plus stables que d’autres notamment les pigments ocre et terre de Sienne brûlée en comparaison avec des pigments rouges. L’adjonction de pigments à la silicone avant la polymérisation entraîne une modification des propriétés physiques et mécaniques de l’élastomère (diminution du réseau de polymères, diminution du nombre de chaînes et de leur géométrie) [11] et compromettrait les propriétés cosmétiques de l’épithèse. La nature même des pigments (TiO2) sous forme d’agglomérat serait en cause.

Conclusion [1, 9, 17, 26]

La recherche sur les matériaux tente de pallier les inconvénients rencontrés dans l’utilisation de la silicone en améliorant ses propriétés mécaniques. Ces dernières découlent de l’organisation structurelle du silicone et sont très fortement liées à son poids moléculaire [9].

Un mélange de chaînes à bas et haut poids moléculaires associés à des charges de silice aboutit à une augmentation de la résistance mécanique.

L’adjonction de charges de silice permet d’accroître les qualités hydrophobes de la silicone diminuant ainsi sa perméabilité. Selon Bellamy et al. [9], une organisation tri « couche » avec, en extérieur, une fine couche de polymère entourant, en interne, un gel de silicone, apporterait une meilleure résistance à la déchirure, une plus grande souplesse avec une viscosité identique aux matériaux actuellement utilisés.

Enfin, l’adjonction au silicone de nanoparticules d’oxydes de titane (TiO2), de silice (SiO2) ou encore de zinc (ZnO) contribuerait à une amélioration significative des propriétés mécaniques (résistance à la déchirure, résistance à la traction, meilleure élongation), mais également des propriétés optiques. Il semblerait que le TiO2 ait une action protectrice face aux UV.

Cependant, la formation d’agglomérats de nanoparticules est à éviter, car elle compromet l’amélioration recherchée des qualités mécaniques et peut conduire à l’effet inverse [14].

L’incorporation de nanoparticules d’oxyde permet l’obtention d’un matériau plus résistant face aux stress environnementaux prolongeant sa durée de vie dans de meilleures conditions.

Quels que soient les résultats de la recherche fondamentale ou appliquée, il faut garder à l’esprit qu’ici comme ailleurs, le matériau idéal n’existe pas. Seul un cahier des charges précis et guidé par l’utilisation clinique du matériau permettra d’orienter nos critères de choix des silicones disponibles sur le marché actuel.

Remerciements au Dr S. Fusaro pour sa participation à cet article.

bibliographie

  • 1 Kurunmâki H et al. A fiber-reinforced composite prosthesis restoring a lateral midfacial defect : a clinical report. J Prosthet Dent 2008;100(5):348-352.
  • 2 Gunay Y, Kurtoglu C, Atay A, Karayazgan B, Gurbuz CC. Effect of tulle on the mechanical properties of a maxillofacial silicone elastomer. Dent Mat J 2008;27(6):775-779.
  • 3 Cheng AC, Wee AG, Li JT, Archibald D. A new prosthodontic approach for craniofacial implant-retained maxillofacial prostheses. J Prosthet Dent 2002;88(2):224-228.
  • 4 Godoy AJ, Lemon JC, Nakamura SH, King GE. A shade quide for acrylic resin facial protheses. J Prosthet Dent 1992;68(1):120-122.
  • 5 Lemon JC, Martin JW, Echeverri JC, King GE. Technique for controlling the thickness of a facial prothesis when an acrylic resin core is used. J Prosthet Dent 1993;70(5):447-448.
  • 6 Lemon JC, Martin JW, Echeverri JC, King GE. An acrylic resin core for processing silicone facial protheses. J Prosthet Dent 1992;67(3):374-376.
  • 7 Wu KK, Gerngross P. Repair procedure for partially separated polyurethane-lined facial prosthesis. J Prosthet Dent 2009;101(2):142-143.
  • 8 Coelho Goiato M et al. Color stability comparison of silicone facial prostheses following disinfection. J Prosthodont 2009;18(3):242-244.
  • 9 Bellamy K, Limbert G, Waters MG, Middleton J. An elastomeric material for facial prostheses : synthesis, experimental and numerical testing aspects. Biomat 2003;24(27):5061-5066.
  • 10 Kiat-Amnuay S, Johnston DA, Powers JM, Jacobs RF. Color stability of dry earth pigmented maxillofacial silicone A-2186 subjected to microwave energy exposure. J Prosthodont 2005;14(2):91-96.
  • 11 Yu R, Koran A, Craig RG. Physical properties of pigmented silicone maxillofacial material as a function of accelerated aging. J Dent Res 1980;59(7):1141-1148.
  • 12 Muller GH. Les implants mammaires et leur histoire. Ann Chir Plast 1996;41(6):666-675.
  • 13 Benoist M. Réhabilitation et prothèses maxillo-faciales. Chapitre VI. Paris : Éditions Julien Prélat, 1978:295-358.
  • 14 Pomar P, Soulet H. Mise en œuvre d’un élastomère de silicone dans la réalisation d’organes artificiels faciaux. Act Odontostomatol 1996;193:79-91.
  • 15 Dichamp J, Guilbert F, Vaillant JM. Prothèse plastique faciale. Paris : Elsevier. Encycl Med Chir Stomatologie 1990:22-087-M 10, 7.
  • 16 Raes J. Matériaux utilisés en prothèse maxillo-faciale. Rev Fr Rehab Proth Maxillofac 1981;10:35-46.
  • 17 Lai JH, Wang LL, Ko CC, Delong RL, Hodges JS. New organosilicon maxillofacial prosthetic materials. Dent Mat 2002;18(3):281-286.
  • 18 Aziza T, Watersa M, Jagger R. Analysis of the properties of silicone rubber maxillofacial prosthetic materials. J Dent 2003;31(1):67-74.
  • 19 Vigarios E, Pomar P, Fusaro S, Grhenassia C. Épithèses faciales. Paris : Elsevier. Encycl Med Chir Stomatologie 2006:22-066-B-56.
  • 20 Wolfaardt JF, Chandler HD, Smith BA. Mechanical properties of a new prosthetic material. J Prosthet Dent 1985;53(2):228-234.
  • 21 Gary JJ, Smith CT. Pigments and their application in maxillofacial elastomers : a literature review. J Prosthet Dent 1998;80(2):204-208.
  • 22 MA T, Hicken SC, Buchanan CR, DeBoie RG. Chairside color verification for facial prostheses. J Prosthet Dent 1988;60(2):219-221.
  • 23 Pomar P, Soulet H. Facial prosthesis. Face 1994;1:39-42.
  • 24 Schifman A. Clinical applications of visible light-cured resin in maxillofacial prosthesis. J Prosthet Dent 1990;64(6):695-699.
  • 25 Taylor RL, Liauw CM, Maryan C. The effect of resin/crosslinker ration on the mechanical properties and fungal deterioration of a maxillofacial silicone elastomer. J Mater Sci Mater Med 2003;14(6):497-502.
  • 26 Han Y, Kiat-Amnuay S, Powers J, Zhao Y. Effect of nano-oxide concentration on the mechanical properties of a maxillofacial silicone elastomer. J Prosthet Dent 2008;100(6):468-473.