Restauration implanto-prothétique globale : apport du Digital Smile Design® et de la chirurgie guidée - Cahiers de Prothèse n° 174 du 01/06/2016
 

Les cahiers de prothèse n° 174 du 01/06/2016

 

Synergie implants et prothèses

R. Noharet  

Descriptif du cas clinique étape par étape

Une patiente de 21 ans s'est présentée en consultation avec l'espoir d'une réfection dentaire bimaxillaire: elle se savait atteinte d'agénésies multiples (notamment antérieures) et de microdonties. Elle souhaitait finalement un sourire plus « normal » selon ses propos.

Situation initiale clinique et radiographique montrant de nombreuses agénésies (dents 14, 15, 12, 24, 25, 34, 35) et des dysharmonies de forme pour les...


Résumé

Introduction

Il est aujourd'hui indiscutable que l'implant, en tant que racine artificielle, a fait preuve de ses bons résultats tant fonctionnels qu'esthétiques. Toutefois, il est nécessaire de considérer qu'il n'est qu'un outil au service des objectifs de restauration prothétiques et il doit être envisagé en tant que tel et au sein d'un projet prothétique.

Ce projet sera ainsi établi en premier lieu. Il nécessite une réflexion commune avec le laboratoire de prothèse (wax-up) et une transposition clinique (mock-up) afin de valider la situation avec le patient en situation clinique réelle. Après avoir abordé les aspects techniques (point de vue du laboratoire) et cliniques (point de vue du praticien et du patient), le plan de traitement avec ses différentes étapes peut être mis en œuvre.

L'objectif de cet article est d'illustrer cette démarche diagnostique et thérapeutique « étape par étape ». Le cas clinique est celui d'une patiente nécessitant une restauration globale faisant appel aux thérapeutiques orthodontiques, implantaires et prothétiques.

Descriptif du cas clinique étape par étape

Une patiente de 21 ans s'est présentée en consultation avec l'espoir d'une réfection dentaire bimaxillaire: elle se savait atteinte d'agénésies multiples (notamment antérieures) et de microdonties. Elle souhaitait finalement un sourire plus « normal » selon ses propos.

Situation initiale clinique et radiographique montrant de nombreuses agénésies (dents 14, 15, 12, 24, 25, 34, 35) et des dysharmonies de forme pour les dents antérieures, avec une microdontie très marquée pour la dent 22 (fig. 1 à 4).

Le traitement orthodontique a permis de réaligner les milieux et de répartir les positions dentaires en fonction de la taille des arcades et de la future restauration prothétique (orthopédie dento-faciale: Dr Cioccolini) (fig. 3).

Sourire de la patiente et vue intrabuccale, après le traitement orthodontique d'une durée de 18 mois. La restauration prothétique a pu dès lors être envisagée (fig. 6 et 7).

Le concept du Digital Smile Design® (DSD) a été utilisé pour établir une position correcte et harmonieuse des futures dents prothétiques (facettes et couronnes implantaires), déterminant également la bonne position des futurs implants. L'analyse du DSD a montré que le niveau gingival ne devait pas être modifié et que le futur traitement ne s'intéresserait qu'aux parties coronaires des dents (fig. 8).

À l'aide des données du DSD qui lui ont été transmises, le prothésiste (Philippe Buisson) a pu réaliser un wax-up simulant la future reconstruction prothétique de 15 à 25. Ce wax-up a été ensuite dupliqué en plâtre pour réaliser une clé en silicone permettant le transfert du wax-up en bouche (fig. 9).

Le wax-up transféré sur les arcades dentaires prend le nom de mock-up. Sa présence a autorisé la validation clinique, par le praticien et la patiente, des objectifs esthétiques et fonctionnels déterminés par le DSD (fig. 10).

La patiente a été satisfaite de son nouveau sourire, mock-up en situation. Celui-ci est confectionné en résine bis-acryl (fig. 11).

Cette validation des nouvelles positions dentaires a permis la planification implantaire au maxillaire, qui a été réalisée grâce à la technique de l'indexation des modèles permettant la visualisation simultanée des futures dents sur le logiciel. La technique de chirurgie guidée issue de cette réflexion va permettre de mettre en œuvre très précisément une planification prothétique des implants (fig. 12 et 13).

La chirurgie maxillaire a été réalisée grâce à un guide imprimé en 3D, puis elle a été suivie d'une mise en esthétique immédiate (fig. 14 et 17).

Le déroulement de la thérapeutique mandibulaire a pu être calqué sur celui du maxillaire (fig. 18 à 23).

Trois mois après la pose des implants, un cliché panoramique a été réalisé pour valider l'ostéo-intégration des implants, en complément de l'examen clinique (fig. 24).

L'implant 12 a été posé lors d'une séance spéciale, avec simultanément réalisation d'une greffe conjonctive tunnélisée pour s'assurer de la stabilité des tissus mous dans la zone vestibulaire. Le prélèvement conjonctif a été fait en zone tubérositaire pourvue d'un tissu conjonctif riche en fibres, donc plus dense et stable dans le temps (fig. 25 à 27).

Vue clinique du secteur antérieur maxillaire après 1 mois de cicatrisation en 12 (fig. 28).

Six mois après la pose des implants dans les secteurs maxillaire et mandibulaire, les prothèses provisoires ont été déposées pour s'assurer de l'ostéo-intégration des implants. Dans le même temps, les profils d'émergence ont également été validés, cette maturation gingivale a été créée par le port des prothèses provisoires durant 6 mois (fig. 29 et 30).

La technique du transfert personnalisé a été utilisée pour enregistrer non seulement la position des implants mais aussi le profil d'émergence créé par l'intrados de la provisoire. Classiquement, ce transfert est confectionné en premier lieu en connectant à cette provisoire un analogue d'implant. Celui-ci est enrobé de silicone jusqu'au tiers de la couronne provisoire. Cette dernière est ensuite dévissée de son analogue qui reste emprisonné dans le silicone, laissant apparaître un volume concave formé par l'empreinte de la base de la provisoire: c'est le profil d'émergence « en négatif ». Ce volume est rempli par injection de résine fluide après connexion à l'analogue d'un transfert d'empreinte qui, ainsi garni de résine polymérisée, est enfin dévissé de l'analogue. Le transfert est donc personnalisé pour s'adapter au profil d'émergence de la future prothèse et peut être utilisé pour enregistrer la position de l'implant par rapport aux autres éléments muqueux, dentaires et implantaires (fig. 31 à 36).

Les empreintes, une fois effectuées puis coulées, sont systématiquement validées par des clés en plâtre confectionnées sur ces empreintes et essayées en bouche. Elles ne doivent pas se casser lors du vissage sur les implants sous peine de révéler des différences de position des implants entre le moulage et la clinique, imposant une nouvelle prise d'empreinte (fig. 37 et 38).

Les prothèses supra-implantaires transvissées d'usage comprennent une armature en zircone recouverte de céramique cosmétique stratifiée (fig. 39).

Ces prothèses ont été connectées à leurs implants, les points de contact soigneusement vérifiés, puis l'occlusion a été réglée selon les principes de la prothèse fixée supra-implantaire (fig. 40 et 41).

Les prothèses implantaires postérieures étant parfaitement intégrées, le traitement du secteur antérieur a pu débuter. Un DSD a été effectué en prévision, afin de pouvoir finaliser précisément les futures positions dentaires et les préparations à réaliser pour les facettes (fig. 42).

Le mock-up issu du DSD a été mis en place, les préparations pour facettes en céramique collées ont été réalisées à travers lui pour s'assurer d'être le plus conservateur et le plus homothétique possible par rapport aux futures restaurations (fig. 43).

Clés en silicone des secteurs occlusal et vestibulaire pour la validation des préparations dentaires selon le projet esthétique préalable (wax-up) (fig. 44 et 45).

Empreinte du secteur antérieur maxillaire avec un transfert personnalisé connecté sur l'implant 12 (fig. 46).

Vue de laboratoire des facettes en céramique feldspathique et de la couronne implantaire monobloc transvissée en zircone (fig. 47 et 48).

Illustration clinique des différentes étapes de collage d'une facette après mise en place du champ opératoire: dépose du mock-up, microsablage à l'oxyde d'alumine, mordançage à l'acide orthophosphorique, séchage et mise en place du collage (fig. 49 à 52).

Aspect clinique vestibulaire des restaurations esthétiques au maxillaire, 7 jours après collage des facettes en céramique sur les dents 13, 11, 21, 22 et 23, et mise en place d'une prothèse supra-implantaire transvissée en 12 (fig. 53).

Aspect occlusal des arcades restaurées: les émergences des puits de vissage des prothèses implanto-portées sont obturées avec de la résine composite, le résultat esthétique est très satisfaisant (fig. 54 et 55).

Sourire harmonieux et symétrique de la patiente, en accord avec les contours labiaux (fig. 56 et 57).

Conclusion

Pour aboutir à un résultat idéal et espéré tant par le praticien que par le patient, les thérapeutiques en odontologie seront le plus souvent pluridisciplinaires et associeront orthodontie, implantologie et prothèse. Toutes les étapes du traitement sont interdépendantes et l'ensemble doit donc être réfléchi en amont pour éviter des échecs parfois irréversibles. La réalisation associée de prothèses dentaires et implantaires est donc un art délicat qui doit respecter les impératifs de chaque type de prothèse pour donner le meilleur résultat fonctionnel et esthétique final.

Remerciements à Philippe Buisson et à son équipe pour l'ensemble des réalisations prothétiques de laboratoire.

Liens d'intérêts

L'auteur déclare n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.

Auteur

Renaud Noharet - MCU-PH, docteur en chirurgie dentaire, ancien interne en odontologie

Exercice libéral (Lyon)