Réhabilitations prothétiques et dysfonctionnements temporo-mandibulaires : une relation controversée - Cahiers de Prothèse n° 191 du 01/09/2020
 

Les cahiers de prothèse n° 191 du 01/09/2020

 

Occlusodontie

Olivier ROBIN  

Introduction

Les dysfonctionnements temporo-mandibulaires (DTM) regroupent un ensemble de signes ou symptômes affectant principalement les muscles masticateurs et les articulations temporo-mandibulaires (ATM) [1].

Les DTM musculaires se traduisent le plus souvent par des myalgies, principalement localisées au niveau des muscles masséters et temporaux antérieurs. Ces myalgies peuvent être associées à des limitations...


Résumé

Résumé

L'objectif de cet article est de faire le point sur les connaissances et les recommandations actuelles concernant l'indication et l'efficacité des réhabilitations prothétiques dans la prise en charge des dysfonctionnements temporo-mandibulaires (DTM).

Une recherche bibliographique, réalisée sur la base de données Pub Med, a permis de sélectionner 25 articles dont aucun ne répond véritablement aux critères d'une étude clinique randomisée et contrôlée.

Compte tenu des données disponibles, la tendance actuelle est de considérer que les édentements postérieurs ne représentent pas un facteur de risque de DTM et que les traitements prothétiques ne constituent pas des thérapeutiques de première intention des DTM.

La capacité d'adaptation du système masticateur est telle que la plupart des sujets présentant un édentement postérieur conservent une fonction masticatoire acceptable, en l'absence de DTM. De même, la réalisation de prothèses totales chez des sujets édentés ne semble pas favoriser une diminution significative des DTM. Si un effet bénéfique sur les DTM n'est donc pas démontré, les réhabilitations prothétiques permettent néanmoins de redonner au patient un meilleur confort masticatoire, de favoriser une mastication bilatérale et de restaurer, si besoin, une dimension verticale correcte.

Introduction

Les dysfonctionnements temporo-mandibulaires (DTM) regroupent un ensemble de signes ou symptômes affectant principalement les muscles masticateurs et les articulations temporo-mandibulaires (ATM) [1].

Les DTM musculaires se traduisent le plus souvent par des myalgies, principalement localisées au niveau des muscles masséters et temporaux antérieurs. Ces myalgies peuvent être associées à des limitations fonctionnelles, par exemple une diminution de l'amplitude de l'ouverture buccale causée par une contracture des masséters. D'autres symptômes sont également rapportés par les patients comme des sensations de fatigue ou de tension musculaire, de même que des sensations d'inconfort occlusal (impression de contacts occlusaux « anormaux ») [2].

Les DTM articulaires se manifestent par des douleurs (arthralgies), des bruits (craquements ou crépitements) et/ou des altérations de la cinématique mandibulaire. Les désordres les plus fréquents sont les luxations discales (réductibles ou irréductibles), les arthralgies (capsulite, synovite, rétro-discite) et les atteintes dégénératives des surfaces articulaires (arthrite, arthrose).

Ces désordres musculo-articulaires engendrent des handicaps de sévérité variable. Souvent bien tolérés, ils peuvent cependant être responsables d'une gêne douloureuse et/ou fonctionnelle invalidante, susceptible de perturber la fonction masticatoire et d'altérer la qualité de vie des patients.

Leur étiologie est multifactorielle, impliquant essentiellement des facteurs traumatiques (traumatismes mandibulaires, parafonctions), psychologiques (stress, anxiété, somatisation) et systémiques (par exemple, maladies auto-immunes caractérisées par une atteinte articulaire). Les malocclusions, longtemps incriminées dans la survenue ou l'entretien des DTM, ne sont plus considérées comme des facteurs de risque majeurs depuis les années 1990, en l'absence d'associations démontrées avec les DTM [3].

Sur le plan épidémiologique, les DTM sont plus fréquemment retrouvés chez les femmes et dans la tranche d'âge 15-45 ans. Cependant, même s'ils sont moins fréquents à partir de 60-70 ans, ils touchent également les sujets plus âgés avec une symptomatologie dominée par les atteintes dégénératives de l'ATM.

Les études épidémiologiques concernant la prévalence des DTM sur une population générale précisent rarement le degré d'édentement des sujets. La question peut donc se poser de savoir dans quelle mesure les DTM existent chez les sujets édentés et quelle est leur sévérité. Les données bibliographiques révèlent que les DTM affectent les sujets édentés, mais avec une symptomatologie souvent moins sévère que chez les sujets dentés [4]. La prévalence des DTM chez les sujets édentés est cependant très variable selon les études, probablement pour des raisons méthodologiques (critères diagnostiques et classification des DTM, populations étudiées) [5].

L'objectif de cet article est de faire le point sur les connaissances et les recommandations actuelles concernant l'indication et l'efficacité des restaurations prothétiques dans la prise en charge des DTM. Il tentera plus particulièrement d'apporter des éléments de réponse aux questions suivantes : l'édentement est-il un facteur de risque de DTM, les prothèses anciennes ou inadaptées sont-elles en cause dans les DTM et quel peut être le bénéfice thérapeutique des réhabilitations prothétiques chez les patients souffrant de DTM ?

Une recherche bibliographique a été réalisée sur la base de données Pub Med avec les mots-clés temporomandibular disorders, edentulousness et prosthodontics. La lecture des résumés des articles parus au cours des 25 dernières années a permis de sélectionner 23 articles auxquels ont été rajoutés 2 articles plus anciens [6, 7], en raison de leur intérêt particulier.

Comme cela avait été souligné par les auteurs d'une précédente revue de littérature [8], aucune étude clinique à niveau de preuves élevé (randomisée et contrôlée) n'a été publiée sur les relations entre réhabilitations prothétiques et DTM. Les données et conclusions présentées dans cet article émanent donc d'études souffrant parfois de faiblesses sur le plan méthodologique.

L'Édentement est-il un facteur de risque de DTM ?

Pour que les réhabilitations prothétiques puissent être considérées comme des thérapeutiques efficaces des DTM, il faut admettre, au préalable, que les édentements constituent des facteurs favorisants des DTM. Cette hypothèse est aujourd'hui largement remise en cause.

L'existence d'une association entre édentement et DTM est un sujet controversé [5, 9, 10]. Pour certains auteurs, les sujets dentés sont plus à risque de développer des DTM car ils développent des forces masticatrices plus intenses que les sujets édentés, ce qui constitue un facteur de risque musculaire et articulaire. Pour d'autres, les bruits articulaires sont, au contraire, plus fréquents chez les patients qui présentent une diminution de la force masticatrice liée à une perte du support occlusal [11].

Historiquement, c'est Costen qui, en 1934 [12], a suggéré que les douleurs temporo-mandibulaires ainsi que les symptômes ORL associés (acouphènes, vertiges...) étaient liés à la perte des molaires. Son hypothèse était que la perte du calage postérieur favorise un enfoncement du condyle dans la fosse mandibulaire à l'origine d'une compression des régions articulaire et auriculaire. Selon cette conception, le traitement indiqué était donc le remplacement des dents postérieures absentes et le rétablissement du calage postérieur.

La théorie de Costen, qui a prévalu pendant de nombreuses années, a cependant été remise en cause à la suite de différentes études qui n'ont pas réussi à démontrer une corrélation entre la perte du calage postérieur et la surcharge des ATM [6, 13, 14]. Tallents et al. [15] ont notamment étudié l'impact de l'édentement postérieur sur les désordres intra-articulaires évalués à l'aide d'IRM. Ils n'ont observé qu'une faible association entre l'absence des dents postérieures et les déplacements discaux.

Dans une analyse de corrélations entre les DTM et les facteurs occlusaux, Pullinger et al. [7] avaient montré que l'absence de plus de 5 à 6 dents postérieures pouvait constituer un facteur de risque d'arthrose en présence d'un déplacement discal. Cependant, l'âge étant également une variable associée à l'arthrose, l'arthrose peut aussi être considérée comme une conséquence de l'âge et non de l'édentement molaire. Selon la conclusion des auteurs de cette étude, l'implication de l'édentement postérieur comme facteur de risque d'arthrose, en présence d'un déplacement discal, n'est donc qu'une hypothèse.

Ciancaglini et al. [16] ont étudié l'association entre l'édentement et les troubles fonctionnels du système masticateur et ont pu mettre en évidence une corrélation entre la perte du support occlusal et les troubles masticatoires. En revanche, une telle corrélation n'a pu être établie avec les DTM. En conséquence, la perte du support occlusal ne doit pas être considérée comme un facteur étiologique majeur des DTM, contrairement à ses conséquences sur la mastication.

Le consensus qui se dégage est donc que la perte des dents et du support occlusal postérieur n'est que faiblement associée aux DTM [11, 17-19]. D'après Wang et al. [10], le nombre de quadrants concernés par les dents absentes serait un facteur de risque de DTM plus significatif que le nombre total de dents absentes. Une seule étude récente [5] rapporte que l'édentement est associé aux DTM dont la sévérité est significativement plus élevée chez les patients édentés.

En conclusion, le remplacement des dents postérieures, dont on aurait pu supposer qu'il puisse contribuer à soulager les surcharges articulaires, ne semble pas diminuer la fréquence des DTM, de telle sorte qu'il n'est pas possible d'affirmer que les restaurations prothétiques possèdent un effet préventif ou curatif sur les DTM [15]. L'absence d'influence notable de l'édentement postérieur sur les DTM s'expliquerait par la capacité d'adaptation de l'appareil masticateur [18].

Effets des rÉhabilitations prothÉtiques sur les DTM

L'influence des réhabilitations prothétiques sur les DTM est également un sujet controversé [9, 19, 20, 21].

Données épidémiologiques

Les études concernant la prévalence des DTM chez les sujets édentés, porteurs ou non de prothèses adjointes complètes ou partielles, rapportent des chiffres très variables. Il faut souligner que ces études concernent très majoritairement les sujets édentés complets porteurs de prothèse totale et qu'il existe peu d'études sur les sujets porteurs de prothèses adjointes partielles [19, 21] .

Selon certains auteurs, la fréquence des DTM serait plus importante chez les sujets porteurs de prothèses adjointes partielles. Ainsi, Al-Jabrah et Al-Schumailan [22] rapportent une fréquence plus élevée de DTM chez les sujets porteurs de prothèses adjointes partielles bi-maxillaires (36 %) que chez les sujets porteurs de prothèses totales (17 %).

La fréquence des DTM chez les sujets porteurs de prothèse totale est également très variable selon les études [18] : faible pour certains auteurs comme Santos et al. [23] avec 5 à 8 % et Divaris et al. [24] avec 11 % ; plus élevée pour d'autres auteurs comme Ribeiro et al. [20] avec 37,4 %, Yannikis et al. [25] avec 34 à 41 % et Dallanora et al. [26] avec 55 %. Cette grande variabilité s'expliquerait par des différences méthodologiques concernant les critères de diagnostic et les méthodes d'évaluation des DTM (simple questionnaire d'auto-évaluation ou examen clinique) et les populations étudiées. Les symptômes les plus fréquemment rapportés chez les sujets porteurs de prothèse complète sont les douleurs musculo-articulaires et les bruits articulaires [23, 27].

Influence des facteurs prothétiques sur les DTM

Plusieurs études ont évalué l'influence de différents facteurs prothétiques susceptibles de favoriser la survenue de DTM. D'après Hotta et al. [28], ces facteurs concernent l'altération de la relation intermaxillaire, comme la dimension verticale d'occlusion (DVO), le port prolongé de prothèses inadaptées, l'usure des dents prothétiques (fig. 1), l'inadaptation des prothèses sur les bases osseuses et l'existence de parafonctions (bruxisme). Par exemple, le port des prothèses sur une longue durée pourrait conduire à leur instabilité, à une diminution de la DVO et à une modification du positionnement de la mandibule. De même, l'instabilité des prothèses pourrait entretenir un réflexe inconscient de serrement des dents pour assurer leur tenue en bouche, ce qui pourrait favoriser la survenue de désordres musculaires (contractures, fatigue, myalgies) et articulaires.

En réalité, la plupart des études ont conclu à l'absence d'influence de ces différents paramètres prothétiques sur les DTM [19].

Faulkner et Mercado [29] ont ainsi observé, sur 201 patients porteurs de prothèse totale, l'absence de corrélation entre les DTM et différents facteurs prothétiques : l'ancienneté, la rétention et la stabilité de la prothèse, la valeur de l'espace libre d'inocclusion et le schéma occlusal. Des conclusions identiques ont été faites par Dervis [18] et Ribeiro et al. [20], indiquant que la qualité de la prothèse n'est pas corrélée à l'existence des DTM.

Raustia et al. [27] ont également rapporté, sur 64 sujets édentés complets appareillés, d'une part, l'absence de corrélation significative entre les DTM, l'ancienneté de l'édentement et le nombre de prothèses portées et, d'autre part, la faible proportion de DTM sévères malgré l'inadaptation de certaines prothèses parfois anciennes. Ces résultats ont été confirmés par Yannikakis et al. [25] qui n'ont pas trouvé de relation entre l'existence de DTM et le nombre de prothèses portées par les patients, l'ancienneté de la prothèse actuelle et la DVO.

Quelques études sont cependant arrivées à des conclusions opposées. C'est le cas, par exemple, de celle de Sipila et al. [11] qui a montré que le port de prothèses totales est une condition associée à l'existence de douleurs musculo-articulaires, mais uniquement chez la femme. De même, Katyayan et al. [19] ont observé que l'édentement et le port de prothèses adjointes ou complètes, surtout en mauvais état, sont des conditions associées à des DTM plus fréquents et plus sévères que chez les sujets dentés, d'où l'importance de prévenir les édentements, de maintenir les prothèses en bon état et de renforcer leur stabilité, notamment par des implants.

Si l'on considère que le port de prothèses complètes anciennes ou inadaptées (usure des dents prothétiques, instabilité, défaut de rétention, perte de DVO) représente un facteur de risque de DTM, alors le remplacement de ces prothèses défectueuses par des prothèses bien adaptées devrait avoir un effet bénéfique sur les DTM.

Les études qui ont évalué les bénéfices de la réfection des prothèses sur les DTM donnent, cependant, des résultats mitigés. Abdelnabi et Swelem [21] ont observé, à l'aide d'IRM des ATM, que la réfection des prothèses totales avec une occlusion correcte semblait améliorer significativement les DTM, la position du disque articulaire et l'épanchement intra-articulaire, mais pas la morphologie discale.

En revanche, d'autres études [18, 27] ont montré que la réfection des prothèses n'apportait pas d'amélioration significative des DTM existants (seulement une légère amélioration), malgré la réévaluation de la DVO et l'amélioration de leur rétention.

Influence des modifications de la DVO sur les DTM

Depuis les théories avancées par Costen, il a été considéré pendant de nombreuses années que la DVO avait une valeur fixe et immuable et que, en conséquence, toute modification de celle-ci, dans le sens d'une augmentation ou d'une diminution, représentait un facteur de risque de DTM [20].

D'après la revue de littérature réalisée par Moreno-Hay et Okeson en 2015 [30], les études les plus récentes montrent qu'une augmentation de la DVO comprise entre 2 et 5 mm est bien tolérée par les patients grâce à une adaptation rapide du système masticateur. Dans quelques cas seulement, des symptômes légers peuvent survenir transitoirement mais se dissipent rapidement.

Une augmentation de la DVO peut même avoir des effets bénéfiques, comme en témoigne le soulagement des tensions et des douleurs musculo-articulaires obtenu grâce au port d'une gouttière occlusale qui augmente la DVO d'environ 2 mm. Ces effets sont liés non pas à une « correction » de l'occlusion mais à l'épaisseur même de la gouttière qui favorise une modification du recrutement des fibres musculaires et une diminution des contraintes articulaires [31].

En ce qui concerne les effets d'une diminution de la DVO sur les DTM, les données de la littérature sont plus contradictoires. Si certains auteurs considèrent qu'une diminution de la DVO, observée dans les cas d'édentements postérieurs ou d'usure dentaire sévère, constitue un facteur de risque de DTM, d'autres estiment, au contraire, que la capacité d'adaptation de l'appareil masticateur permet de prévenir la survenue de DTM, même dans le cas d'une DVO diminuée (fig. 2).

La revue de littérature de Moreno-Hay et Okeson [30] n'apporte pas d'arguments scientifiques solides en faveur de l'un ou l'autre de ces points de vue, même si les résultats des études récentes plaident plutôt en faveur de la deuxième hypothèse. En effet, les patients présentant une usure dentaire sévère ne souffrent pas particulièrement de DTM. De même, les observations réalisées en présence d'arcades courtes montrent qu'il est possible d'obtenir une stabilité occlusale, même en l'absence des molaires.

En conclusion, il n'existe pas de lien démontré entre une modification de la DVO et la survenue ou l'aggravation des DTM. Il est notamment possible d'augmenter la DVO dans une fourchette de 2 à 5 mm sans conséquences cliniques notables. Il est cependant recommandé de réaliser cette augmentation de façon progressive, en plusieurs étapes [9, 30, 31].

Moreno-Hay et Okeson [30] soulignent toutefois le manque d'études présentant un niveau de preuves élevé, comme les essais cliniques randomisés. Les études disponibles présentent diverses faiblesses méthodologiques, notamment des échantillons de petite taille, l'absence de groupes contrôles, de randomisation et de suivi sur de longues périodes.

Effets bénéfiques des réhabilitations prothétiques sur les désordres articulaires

Si les arguments en faveur d'une efficacité thérapeutique des traitements prothétiques sur les DTM sont faibles et discutables, compte tenu de la capacité d'adaptation importante du système masticateur [31], il faut néanmoins évoquer un possible effet bénéfique des réhabilitations prothétiques sur les désordres articulaires dans certaines situations cliniques.

Par exemple, il a été montré que le remplacement d'anciennes prothèses inadaptées par de nouvelles prothèses est susceptible d'améliorer l'amplitude des mouvements mandibulaires et la performance masticatrice chez des sujets âgés édentés complets ou partiels souffrant de symptômes articulaires (arthralgies, ostéo-arthrite, ostéo-arthrose) [32]. De même, les patients qui présentent une mastication unilatérale liée à l'existence d'un édentement unilatéral ou à une habitude temporaire qui s'est pérennisée (suite à des soins dentaires par exemple) sont plus à risque de développer des atteintes dégénératives de l'ATM controlatérale [33]. En effet, pour des raisons biomécaniques, une mastication unilatérale favorise une surcharge au niveau de l'ATM controlatérale qui va supporter des pressions deux fois plus élevées que l'ATM homolatérale (fig. 3).

On peut donc supposer que la réhabilitation prothétique du secteur édenté pourrait avoir un effet bénéfique sur les désordres articulaires en rétablissant une mastication bilatérale et en diminuant les surcharges sur l'ATM controlatérale. Ces effets restent cependant aléatoires, sachant qu'il n'a pas été démontré que le remplacement des dents absentes par des prothèses adjointes permet de prévenir les DTM [34].

Conduite À tenir

Compte tenu des données disponibles, la tendance actuelle est de considérer que les édentements postérieurs ne représentent pas, a priori, des facteurs de risque de DTM et que les traitements prothétiques ne constituent pas des thérapeutiques de première intention des DTM [17].

Ceci ne signifie pas que l'existence de DTM chez un patient devant être appareillé ne doit pas être prise en compte dans le plan de traitement, même si l'indication des réhabilitations prothétiques ne semble pas différer significativement selon l'existence, ou non, de DTM [34].

Face à un patient présentant des DTM, il est recommandé de traiter préalablement les DTM avec les thérapeutiques habituelles et d'attendre la rémission des symptômes avant d'entreprendre la réalisation des prothèses définitives. En effet, les désordres musculaires (contractures) et/ou articulaires (douleurs) peuvent avoir des répercussions sur la cinématique et la posture mandibulaire. De ce fait, les mesures et les enregistrements qui seraient effectués dans ces conditions pathologiques, comme l'évaluation et l'enregistrement de la relation intermaxillaire, pourraient être erronés, avec le risque de pérenniser les DTM préexistants avec les nouvelles prothèses [31, 34].

Pour cela, il est parfois possible d'adapter des gouttières occlusales sur des prothèses adjointes existantes (complètes ou partielles), à condition que les critères de stabilité et de rétention de la gouttière soient remplis. Marquezan et Figueiro [8] décrivent un cas de rémission complète de douleurs musculo-articulaires chez une patiente porteuse d'une prothèse complète maxillaire et partielle mandibulaire, après 5 mois de port en continu d'une gouttière ajustée sur le complet haut.

En conclusion, les relations entre édentement postérieur, réhabilitation prothétique et DTM sont l'objet de controverses. La capacité d'adaptation du système masticateur est telle que la plupart des sujets ayant un édentement postérieur conservent, malgré tout, une fonction masticatoire convenable, en l'absence de DTM. De même, la réalisation de prothèses totales chez des sujets édentés ne semble pas favoriser une diminution significative des DTM [18]. Si un effet bénéfique sur les DTM n'est donc pas démontré, les réhabilitations prothétiques permettront cependant de redonner au patient un meilleur confort masticatoire, de favoriser une mastication bilatérale et de restaurer, si besoin, une dimension verticale correcte.

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Remerciements

L'auteur tient à remercier le Pr Catherine Millet pour sa contribution à l'iconographie (fig. 1 et 2).

Liens d'intérêts

L'auteur déclare n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.

Auteur

Olivier Robin - PU - PH - Faculté d'Odontologie de Lyon