Évolution clinique d’un composite postérieur : le concept Ceram.X™ - Clinic n° 01 du 01/01/2011
 

Clinic n° 01 du 01/01/2011

 

ODONTOLOGIE RESTAURATRICE

Bruno PELISSIER*   Camille BERTRAND**   Jean-Christophe CHAZEL***   François DURET (Montpellier)****  


*UFR d’odontologie
Université de Montpellier-I
545, avenue du Professeur-Jean-Louis-Viala
34193 Montpellier cedex 5

Les matériaux composites utilisés en méthode directe permettent d’obtenir de très bons résultats fonctionnels et esthétiques. Si le succès clinique dépend du respect des indications et des protocoles cliniques, le paramètre opérateur est plus important que les performances et les propriétés du matériau. Il est important de simplifier les protocoles cliniques directs en pratique quotidienne pour maîtriser les différentes étapes.

Le cas clinique présenté ici montre qu’associé à un système adhésif automordançant, le concept Ceram.X™ Mono+ s’intègre bien dans l’approche actuelle de la dentisterie adhésive.

Les restaurations directes en résine composite présentent de nombreux avantages comme la préservation des tissus dentaires (dentisterie a minima), la biocompatibilité et l’esthétique. Les restaurations postérieures composites sont donc devenues la méthode de substitution de choix aux solutions traditionnelles et aux restaurations métalliques [1, 2]. Pour le secteur postérieur, le plus important est la restauration de la morphologie qui rétablira la fonction et le point de contact en cas de lésion proximale. Pour réaliser des restaurations postérieures directes, la palette des techniques d’obturation est vaste, allant de la technique en masse unique à des techniques de stratification sophistiquées avec différents matériaux composites (émail et dentine) et différentes saturations, translucidités ou opacités ; des techniques dites « sandwich » sont aussi proposées, elles ont pour but [3] :

• de simplifier le protocole clinique en réduisant le nombre d’apports de matériau composite par un premier comblement des deux tiers de la cavité soit par un composite fluide autopolymérisable, soit par un nouveau composite SDR™ ou par un verre ionomère modifié par adjonction de résine ;

• de diminuer les contraintes de polymérisation dues au facteur cavitaire négatif [4] ;

• d’éviter les sensibilités postopératoires dues à la rétraction du matériau composite mais aussi à l’étendue et à la profondeur de la lésion carieuse.

Il est également nécessaire d’associer à ces techniques directes des procédures de collage plus ou moins complexes [5 -7]. Ces techniques esthétiques adhésives nécessitent une grande rigueur clinique et il apparaît que ces méthodologies opératoires (ou protocoles) sont souvent mal comprises. Même si le principe général de l’adhésion n’a pas changé, il faut reconnaître que l’évolution permanente des matériaux et des techniques adhésives, et donc, secondairement, l’absence de recul clinique entraînent des doutes et des incertitudes dans la pratique clinique.

En général, le protocole clinique postérieur se divise en cinq grandes étapes [8] :

• préparation cavitaire et pose d’un champ opératoire ;

• procédure de collage ;

• reconstruction du mur proximal et du point de contact en présence d’une lésion proximale ;

• restauration couche par couche par stratification oblique en profondeur et « composite-up » pour la face occlusale. Le « composite-up » est une technique de modelage de la face occlusale par petits apports de composite ; cette technique est dérivée de la technique « wax-up » utilisant des petits apports de cire de différentes couleurs pour recréer la morphologie dentaire ;

• contrôle de l’occlusion et finition.

Les résultats esthétiques sont actuellement importants pour les patients. L’emploi de composites esthétiques avec des teintes « dentine » et « émail » est donc utile, sauf pour les lésions cervicales qui, dans la plupart des cas, peuvent être restaurées avec une seule teinte (saturation) « dentine » (fig. 1 et 2). La connaissance de la morphologie et de l’anatomie occlusale est très importante pour le secteur postérieur, mais il est possible de réaliser des restaurations « naturelles » avec des matériaux composites (fig. 3 et 4) en combinant fonction et esthétique [9].

Une technique de stratification utilisant une évolution d’un matériau composite utilisé dans la réalisation d’un cas clinique, associé à un système adhésif automordançant (ou SAM1) présenté en monodose, est présentée ici.

Restaurations postérieures avec le composite Ceram.X™ (Dentsply Detrey)

Le concept du composite Ceram.X™ (2 systèmes de teintes réunis en un seul produit) présente 2 systèmes simplifiés : le Ceram.X™ Mono+, système à une seule opacité (évolution du Ceram.X™ Mono) et le Ceram.X™ Duo, système à 2 opacités [10]. Ce dernier comporte 4 teintes « dentine » et 3 teintes « émail » ainsi que 1 teinte « blanchiment ». Il est utilisé pour des restaurations esthétiques avec un minimum de teintes pour le secteur antérieur où l’intégration esthétique est importante, mais aussi pour le secteur postérieur ; des restaurations composites réalisées avec ce concept ont montré de bons résultats esthétiques [10] (fig. 5 à 10).

Pour des restaurations simples des dents antérieures et postérieures, mais surtout en adéquation avec la pratique quotidienne, le système Ceram.X™ Mono+ est une solution thérapeutique simple et facile à utiliser. C’est une évolution du Ceram.X™ Mono ; les indications sont toutes les restaurations directes antérieures et postérieures, pour un résultat mimétique supérieur en une seule teinte et une seule opacité et pour remplacer simplement les pertes de substance par la teinte Ceram.X™ Mono+ correspondante.

Il y a toujours le système de teinte simplifié Ceram.X™ pour plus de rapidité (7 teintes pour couvrir les 16 teintes Vita(r)) (fig. 11 et 12), utilisant la technologie nanocéramique (structure contenant des charges de 3 diamètres différents, des charges de verre pour la résistance, des nanocharges et des nanoparticules ainsi que 12 % de résine seulement pour la biocompatibilité) et permettant des restaurations durables et un mimétisme unique pour un résultat naturel. Qu’est-ce qui change par rapport au Ceram.X™ Mono ? Les qualités de manipulation ont été perfectionnées pour répondre aux attentes des praticiens par une consistance optimisée, une meilleure résistance à l’affaissement et une consistance encore moins collante.

Cas clinique

Dans le cas clinique présenté ici (fig. 13), la technique de stratification simplifiée Ceram.X™ Mono+ avec le système adhésif Xeno™ III monodose pour une restauration postérieure va être montrée et étudiée. La technique de restauration composite directe est celle qui est le plus indiquée pour ce type de lésion.

La première molaire supérieure gauche d’une patiente âgée de 31 ans a présenté une reprise de carie sous l’ancienne restauration à l’amalgame, entraînant la perte de celle-ci. Après les tests de vitalité, la prise d’une radiographie rétroalvéolaire et un curetage de la lésion, un IRM(r) (Dentsply Detrey) est mis en place pour obtenir une dentine réactionnelle après temporisation et contrôler l’absence de douleurs, la lésion carieuse étant profonde. Il est décidé d’utiliser le matériau Ceram.X™ Mono+ en technique directe pour préserver un maximum de tissus dentaires comme le préconise la dentisterie a minima [5, 11]. Le protocole clinique de la technique de restauration composite directe se divise en 5 grandes étapes :

• préparation cavitaire et pose du champ opératoire ;

• procédure de collage [6] ;

• mise en place d’un composite fluide en liner ;

• restauration couche par couche par stratification oblique en profondeur et « composite-up » pour la face occlusale [2] ;

• contrôle de l’occlusion et finitions.

Lors de la séance clinique, la teinte est prise avant la préparation et la pose du champ opératoire. Pour ce cas clinique, la teinte M3 a été relevée avec l’aide du teintier Ceram.X™. Après la prise de teinte et une anesthésie locale, l’ancienne restauration IRM est déposée sous spray à la turbine ; les limites de préparation sont nettes et sans biseau, et la forme de la cavité dictée par la lésion initiale est arrondie, sans angles droits. L’utilisation du champ opératoire est essentielle pour réaliser une bonne procédure de collage à l’abri de la salive [7, 8] (fig. 14).

Après l’étape de préparation, le conditionnement de la dent est réalisé avec un système automordançant Xeno(r) III monodose, utilisé parce que les surfaces dentinaires sont importantes, ce qui permet de supprimer les sensibilités postopératoires [8, 10]. Le système adhésif Xeno(r) III monodose permet d’utiliser le produit de façon rationnelle et comporte 2 zones : il est nécessaire de presser fermement la zone verte pour expulser le produit dans la zone orange ; il faut ensuite perforer cette dernière à l’aide de la microbrosse et bien mélanger le liquide pendant 5 secondes (fig. 15).

Ce système adhésif est appliqué sur la dent en frottant toutes les parois de la cavité pendant au minimum 20 secondes. Ensuite, il faut évaporer le solvant à l’aide d’un léger flux d’air croissant pendant 5 à 10 secondes. Avec une lampe LED, l’adhésif a été polymérisé en mode progressif pour éviter une rétraction trop rapide qui pourrait générer des défauts d’étanchéité et des sensibilités postopératoires. La photopolymérisation est nécessaire avant l’application du composite [2, 4]

Pour la stratification simplifiée, on utilise pour la restauration le composite Ceram.X™ Mono+. Dans un premier temps, une fine couche de composite fluide X-Flow(r) est appliquée sur le fond de la cavité, ce qui permet aussi de remplir les éventuelles anfractuosités [1]. Ce composite fluide, polymérisé en mode progressif, va contribuer à lutter contre le stress à la contraction pendant les différentes photopolymérisations en jouant le rôle de couche élastique (fig. 16).

Ensuite, les différentes couches de composite sont polymérisées en mode progressif avec une lampe LED (facteur C défavorable et couches profondes) ; le composite Ceram.X™ Mono+ est monté en couches obliques pour diminuer le nombre de parois [9, 10]. Pour l’ensemble de la restauration, le composite de teinte Ceram.X™ Mono+ M3 est utilisé. Il est préférable d’utiliser un seul matériau en plusieurs couches pour simplifier la mise en œuvre et, ainsi, éviter d’avoir plusieurs interfaces. Après les premiers apports obliques de composite, le montage occlusal est ensuite réalisé. Il se fait par 4 ou 5 apports de boules de composite reconstituant les différentes cuspides et recréant la morphologie occlusale [2, 12] (fig. 17 à 20). Une photopolymérisation LED finale est faite en mode « pleine puissance ».

Remarques :

• la manipulation du composite Ceram.X™ Mono+, la stratification par couches obliques et la restauration des pans cuspidiens et de la morphologie occlusale ont été facilitées par la consistance optimisée, une meilleure résistance à l’affaissement et une consistance encore moins collante de ce matériau composite ;

• l’utilisation d’une seule teinte a permis d’obtenir un bon résultat et une intégration esthétique de la restauration finale ;

• l’utilisation d’un système adhésif automordançant simplifie le protocole de collage et évite les sensibilités postopératoires ;

• une première couche de composite fluide X-Flow(r) permet non seulement de lutter contre le stress lié à la rétraction du matériau mais joue aussi le rôle de couche « élastique » ;

• les photopolymérisations successives permettent une meilleure pénétration du flux lumineux dans les couches profondes de la restauration composite et une meilleure polymérisation en profondeur.

Pour finir, les étapes de polissage [12] et de contrôle de l’occlusion sont réalisées après la dépose du champ opératoire ; les différents excès ont été enlevés avec des fraises diamantées bagues rouge et jaune. Pour le polissage final, le système complet Enhance-Multi(r) et Enhance-Flex(r) (pointes, cupules et disques) a été utilisé (fig. 21). Une restauration esthétique et fonctionnelle a été réalisée avec une technique simple et adaptée à la pratique quotidienne. Mais, qui dit simplification ne veut pas dire rapidité (fig. 22 et 23) !

Conclusion

Ce cas clinique montre qu’associé à un système adhésif automordançant, ce concept s’intègre bien dans l’approche actuelle de la dentisterie adhésive. Il est toutefois nécessaire de respecter les indications et le protocole opératoire (fig. 22 à 25).

Les matériaux composites utilisés en méthode directe sont suffisamment performants pour constituer une solution de remplacement à l’amalgame et ils donnent de très bons résultats [1, 2, 8, 11]. Mais le succès clinique dépend du respect des indications et des protocoles cliniques. Le paramètre opérateur est plus important que les performances et les propriétés du matériau, surtout pour les techniques adhésives ; une bonne connaissance de la morphologie et de l’anatomie occlusales, une maîtrise et une bonne gestion du point de contact, un choix judicieux des matériaux et des systèmes adhésifs, une bonne utilisation des lampes à photopolymériser ainsi qu’un protocole clinique strict garantissent des restaurations directes fiables et pérennes. Pour avoir une maîtrise des différentes étapes, surtout de celle du collage, et éviter les risques de sensibilité postopératoire, il semble important de simplifier les protocoles cliniques directs en pratique quotidienne.

Bibliographie

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Évaluez-vous

Testez vos connaissances suite à la lecture de cet article en répondant aux questions suivantes :

1. Dans la technique « sandwich » en dentisterie adhésive, le praticien peut utiliser comme substitut dentinaire :

• a. du ciment verre ionomère modifié par adjonction de résine ou CVIMAR.

• b. de l’eugénate.

• c. des composites fluides auto et/ou photo– polymérisables.

• d. de l’amalgame.

2. La technique du mur proximal est intéressante pour :

• a. lutter contre le facteur cavitaire.

• b. faciliter le montage du matériau composite.

• c. avoir une meilleure polymérisation en profondeur.

3. Le système adhésif SAM1 :

• a. est un système automordançant à une étape.

• b. doit être utilisé après mordançage total des tissus dentaires.

• c. doit être polymérisé en mode progressif pour éviter une rétraction trop rapide.

• d. entraîne plus de sensibilités postopératoires que les SAM2 selon les manipulations cliniques.

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