Allier éclaircissement et restauration - Clinic n° 05 du 01/05/2019
 

Clinic n° 05 du 01/05/2019

 

Dentisterie restauratrice

Amir CHAFAIE  

MCUMarseille

Les traitements d'éclaircissement dentaire se déroulent, dans la majorité des cas, sans complication ni effets indésirables. La présence de restaurations conventionnelles ou prothétiques rend parfois les résultats inhomogènes, nécessitant une démarche initiale globale d'information et d'anticipation. De même, l'apparition des zones blanchâtres plus ou moins étendues lors des traitements d'éclaircissement peut être source d'inquiétude pour les patients et pour l'équipe...


Les traitements d'éclaircissement dentaire se déroulent, dans la majorité des cas, sans complication ni effets indésirables. La présence de restaurations conventionnelles ou prothétiques rend parfois les résultats inhomogènes, nécessitant une démarche initiale globale d'information et d'anticipation. De même, l'apparition des zones blanchâtres plus ou moins étendues lors des traitements d'éclaircissement peut être source d'inquiétude pour les patients et pour l'équipe soignante. Cet article expose un cas clinique d'éclaircissement en présence de deux restaurations en résine composite et discute des effets indésirables des traitements d'éclaircissement avec des gouttières personnalisées.

Les patients sont de plus en plus soucieux de l'esthétique et de l'harmonie de leur sourire. Le sourire reste l'un des piliers majeurs dans la communication visuelle entre les individus. Il occupe légitimement une grande importance dans la demande de nos patients et doit par conséquent occuper une place prédominante dans notre offre de soins.

Il existe de très nombreux critères esthétiques de normalité, d'équilibre et de beauté définissant le sourire « parfait ». Parmi ces éléments et critères, certains sont communément ressentis par les patients, comme l'alignement des dents et leur blancheur, et font l'objet d'une demande spontanée de prise en charge de leur part. D'autres sont davantage ressentis et analysés par nous, comme les rapports dents/gencive, les rapports dents/lèvres ou les rapports sourire/visage. Ils font l'objet d'investigations plus élaborées et plus objectives et nécessitent une démarche plus analytique et plus communicative. Cette démarche est grandement facilitée par les outils informatiques de modélisation et de communication ainsi que par les procédés de photographie digitale.

L'essor considérable des traitements d'alignement dentaire à l'aide de gouttières transparentes témoigne de l'intérêt de nos patients pour la correction de leurs malpositions dentaires. La couleur disgracieuse des dents est également un motif de demande et de consultation. Ces dyschromies, héréditaires ou acquises, internes ou externes, limitées ou généralisées, peuvent être traitées de manière prédictive et efficace à l'aide de traitements d'éclaircissement. Ces traitements sont plus respectueux de l'économie tissulaire par rapport aux traitements prothétiques conventionnels. Notre préférence pour des traitements faiblement invasifs est conforme au concept de Dentisterie Progressive (Dietschi, 2005). Bien que l'application de ce concept ne puisse pas répondre à toutes les situations cliniques du fait d'innombrables facteurs intervenant dans les choix thérapeutiques, la philosophie globale de ce concept est à suivre à chaque fois que possible. Si la « non-invasivité » est économiquement envisageable, biologiquement optimale et esthétiquement supérieure, elle fera l'objet de notre choix.

Cas clinique

Une jeune patiente de 24 ans nous consulte pour la correction de la couleur disgracieuse de deux restaurations antérieures en résine composite récemment réalisées sur les deux incisives centrales supérieures suite à des pertes de substance d'origine traumatique. L'examen clinique montre des restaurations défaillantes sur le plan de la couleur et de l'intégrité marginale en vestibulaire. Les dents présentent une couleur saturée, notamment au niveau des canines. Un traitement d'éclaircissement ambulatoire avec gouttières personnalisées est alors proposé et accepté par la patiente. Pour le bon déroulement du traitement à l'abri des sensibilités iatrogènes, les deux restaurations sont étanchéifiées au préalable.

Le traitement d'éclaircissement ambulatoire a été réalisé à l'aide de gouttières souples personnalisées munies de réservoirs. L'espacement de la gouttière par rapport aux surfaces vestibulaires des dents est réalisé à l'aide d'une résine photopolymérisable dont les limites se situent à 1 mm des contours amélaires.

L'analyse chromatique initiale des dents de la patiente révèle des zones blanchâtres vestibulaires, notamment au niveau des zones proximales et des régions cervicales. Ces zones correspondent aux zones où le taux de minéralisation est plus faible que celui du reste des surfaces amélaires. En présence de telles surfaces, on peut prédire l'apparition de taches irrégulières blanches (white spots) au début du traitement d'éclaircissement. Ces irrégularités chromatiques diminuent au fur et à mesure du traitement d'éclaircissement et après l'observation d'une période de stabilisation de 15 jours. Ce phénomène fait partie des effets indésirables qui doivent être expliqués au patient, verbalement ou mieux encore dans une note d'information. D'autres facteurs peuvent également contribuer à une plus grande prévalence d'apparition de zones blanchâtres (white spots) lors du traitement d'éclaircissement, parmi lesquels la réalisation simultanée des traitements des deux arcades ou une insuffisance de remplissage de la gouttière par le gel ou, encore, l'emploi de gouttières rigides non adaptées.

Selon certains études, l'oxygène accumulé au sein des tissus minéralisés dentaires lors du traitement d'éclaircissement pourrait contribuer à une adhésion de moins bonne qualité des résines composites. Par conséquent, la restauration des deux dents antérieures a été entreprise après un délai de 15 jours non seulement pour des raisons liées à la stabilité chromatique du résultat mais également pour optimiser le collage des résines composites sur les substrats dentaires après l'éclaircissement.

Le traitement d'éclaircissement des dents mandibulaires est réalisé secondairement jusqu'à l'obtention d'un résultat harmonieux. Il est plus judicieux de commencer par le traitement de l'arcade supérieure, plus exposée au regard, avec également moins d'exposition radiculaire (risque de sensibilité pendant le traitement).

Dans le cas clinique présenté dans cet article, les restaurations défectueuses ont été partiellement déposées et refaites par une technique de stratification anatomique. Après dépose d'une couche de 1,5 mm de composite en vestibulaire, une masse « dentine » a été employée pour apporter la nouvelle chromaticité aux restaurations mais également pour masquer le nouveau joint dent/restauration sous forme de chanfrein. Un léger maquillage de sub-surface est réalisé par des masses « blanc intensif ». L'opalescence du bord libre est reproduite à l'aide de masses « opalescentes » spécifiques. Enfin, l'émail vestibulaire est reproduit à l'aide d'une masse « émail » de luminosité adéquate. Cette luminosité est souvent très importante après les traitements d'éclaircissement. Cependant, il ne faut jamais perdre de vue la nécessité d'ajustage de la couleur en combinant dentine et émail car aucune des deux ne peut à elle seule reproduire fidèlement la réalité chromatique des dents antérieures.

Discussion

L'éclaircissement ambulatoire des dents vitales est une technique sûre et efficace dans la gestion des dyschromies dentaires. Il permet de répondre, dans le respect des règles élémentaires de l'économie tissulaire, à ces anomalies souvent vécues et considérées comme de véritables préjudices esthétiques. Dans le monde actuel où l'importance accordée au paraître est de plus en plus forte, avoir des dents blanches devient un atout majeur dans la communication et dans la vie de relation. Être beau et souriant est très souvent synonyme du succès et reste sans doute la première pierre de l'édifice de la communication visuelle. La société actuelle réserve une importance grandissante au sourire et à la couleur des dents. Les dents blanches témoignent d'un état de jeunesse et de santé, de plus en plus recherché par nos patients. Le sourire est le plus grand témoin du bonheur et du bien-être.

L'éclaircissement dentaire est, dans la majorité des cas, simple à réaliser et ne rencontre pas de complications ni de difficultés opératoires particulières. La présence de prothèses, de restaurations défectueuses, de zones d'érosion et/ou de lésions carieuses et non carieuses d'usure complique la situation clinique. Chaque cas doit être traité en tenant compte de ces spécificités et selon un plan de traitement défini, eu égard aux contraintes opératoires et/ou aux souhaits ou attentes des patients.

Les white spots constituent un effet indésirable, très souvent transitoire, des traitements d'éclaircissement. Leur apparition peut être plus ou moins prédite lorsque les dents présentent déjà des inhomogénéités chromatiques qui ne font que s'accentuer avec le traitement. La réalisation d'un bilan photographique simple (face, profils) avec une lumière calibrée permet de déceler encore plus facilement ces zones initiales blanches qui peuvent témoigner d'une prédisposition à l'apparition de white spots au début du traitement d'éclaircissement. Dans la plupart des cas, les white spots disparaissent avec la poursuite du traitement et après un délai de stabilisation d'une à plusieurs semaines.

Les restaurations prothétiques esthétiques ne changeant pas de couleur lors d'un traitement d'éclaircissement, ce dernier peut contribuer à un résultat inesthétique par déséquilibre chromatique entre dents naturelles et dents prothétiques. Le changement de couleur des résines composites, parfois remarqué, semble être relatif à l'action du gel d'éclaircissement sur les colorants absorbés en surface de ces matériaux. L'inefficacité de l'éclaircissement sur ces restaurations doit être clairement expliquée au patient sous peine de voir des demandes de réparation de préjudice pour défaut d'information et/ou de consentement éclairé. Les restaurations défectueuses doivent être renouvelées ou ré-étanchéifiées pour éviter le passage du principe actif des gels d'éclaircissement au niveau de l'interface dent/restauration. Cela peut engendrer, le cas échéant, des problèmes de sensibilité pulpaire, parfois difficiles à gérer sur le plan clinique. L'application d'une couche d'adhésif au niveau du joint dent/restauration, suivie de sa polymérisation et de l'élimination des excès pour ne garder l'adhésif qu'au niveau du joint (colmatage), nous met à l'abri de cette complication.

L'éclaircissement ambulatoire des dents nécessite une surveillance (monitoring) pour prévenir ou agir précocement contre les erreurs de manipulation par le patient, des sensibilités dentaires et gingivales ou l'apparition d'un résultat inhomogène qui nécessite une application plus sélective du gel d'éclaircissement sur certaines dents afin d'optimiser le résultat (canines trop foncées par exemple).

L'éclaircissement ambulatoire à l'aide de gouttières souples personnalisées, comportant des réservoirs et parfaitement découpées au collet des dents pour éviter au maximum le contact entre le gel d'éclaircissement et les tissus parodontaux, est encore aujourd'hui considéré comme une technique sure et efficace en matière d'éclaircissement professionnel des dents vitales.

Les traitements d'éclaircissement nocturnes (6 à 8 heures) avec un gel de peroxyde de carbamide à 10 % restent les traitements de premier choix. Ils offrent l'avantage d'un temps de contact plus important entre le gel et l'émail dentaire ainsi que des risques de sensibilité moindres. La durée du traitement dépend de l'intensité et du type de dyschromie. Elle varie entre 1 à 2 semaines (40 à 80 heures de contact environ). En cas d'utilisation d'un gel plus concentré (peroxyde d'hydrogène à 6 %), l'application se limitera à 1 à 2 heures par jour (traitement diurne) avec un nombre d'applications similaire (7 à 14 applications, voire plus).

L'éclaircissement dentaire ambulatoire est un traitement médical qui doit être réalisé par un chirurgien-dentiste formé. Ce traitement s'entreprend après un examen clinique (et radiographique si nécessaire). Le mode d'utilisation (remplissage de la gouttière, application, port, nettoyage de la gouttière après chaque application) doit être clairement expliqué au patient. Les modalités du traitement doivent être expliquées au patient. Une note d'information est idéalement remise au patient et son consentement recueilli pour le bon déroulement de ce traitement professionnel.

Simple, facile à réaliser et offrant des résultats très souvent prévisibles, l'éclaircissement ambulatoire nous permet non seulement de répondre à la demande spécifique des patients pour la gestion des dyschromies mais également de l'intégrer dans des traitements globaux des secteurs antérieurs où l'amélioration de la chromaticité et de la luminosité des dents permet de tendre vers de plus beaux résultats.

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Liens d'intérêts :

L'auteur déclare n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.

Bibliographie

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