Polyarthrite rhumatoïde et maladies parodontales - JPIO n° 02 du 01/05/2013
 

Journal de Parodontologie & d’Implantation Orale n° 02 du 01/05/2013

 

LE POINT SUR…

Dr Didier GAUZERAN  

Praticien Hospitalier honoraire des Hôpitaux de Paris
Chargé de cours de médecine buccale à l’université Paris Descartes
Membre titulaire de l’Académie Nationale de Chirurgie Dentaire

L’impact des maladies parodontales sur l’organisme est étudié et évalué depuis de nombreuses années et il est maintenant avéré qu’elles influent sur l’équilibre glycémique, sur les maladies cardiovasculaires, sur les infections pulmonaires… Il est fort probable qu’elles puissent aussi influer sur la polyarthrite rhumatoïde.

La polyarthrite rhumatoïde (PR) est la maladie rhumatismale inflammatoire chronique la plus fréquente : elle touche entre 0,3 et 0,5 % de la population en France. Elle apparaît le plus souvent entre 40 et 60 ans et le sex ratio est de 3 à 4 femmes pour 1 homme.

Il s’agit d’une maladie systémique dysimmunitaire qui atteint les articulations périphériques et parfois d’autres organes (cœur, poumons…). L’atteinte articulaire est une inflammation de la membrane synoviale avec, pour conséquences, une sécrétion excessive de liquide synovial et la libération de substances (enzymes, radicaux libres…) qui détruisent progressivement le cartilage et les extrémités osseuses aboutissant à des déformations articulaires. Celles-ci sont à l’origine d’une incapacité fonctionnelle qui empêche d’assurer des gestes quotidiens : brossage dentaire en particulier, pouvant être facilité en utilisant une brosse avec manche adapté.

Des manifestations extra-articulaires peuvent survenir tel le syndrome de Gougerot-Sjögren qui impacte, par la xérostomie, l’équilibre physiologique de la cavité orale.

Les relations entre les maladies parodontales (MP) et la polyarthrite rhumatoïde (PR) s’appuient sur de nombreuses études qui constatent des similarités immunopathologiques entre PR et MP et concluent que les sujets atteints de parodontites ont un risque plus important de développer une PR.

Lors du 24e congrès Français de Rhumatologie, une cession fit le point sur le rôle des MP dans la physiopathologie de la PR et sur l’implication de Porphyromonas gingivalis, agent majeur des parodontites.

Dans le processus dysimmunitaire de la PR, la citrulline occupe une place capitale. Cette molécule provient de la transformation de l’arginine contenue dans certaines protéines, notamment présentes dans le liquide synovial, en citrulline (citrullination) par l’enzyme peptidyl-arginine désiminase (PAD). Or, Porphyromonas gingivalis élabore de grandes quantités de PAD et pourrait favoriser l’apparition d’anticorps anticitrulline (une corrélation a été retrouvée entre un taux élevé d’anticorps anticitrulline et l’incidence des parodontites associées à une PR). Ces anticorps formeraient des complexes immuns, au sein des articulations, qui produiraient les atteintes articulaires de la PR.

Dans les parodontites, on observe une augmentation de protéines citrullinées qui paraissent similaires à celles formées dans les tissus synoviaux lors des PR. Les parodontites inductrices de citrullination pourraient avoir une place dans l’étiologie de la PR.

D’autre part, il est constaté que la sévérité des parodontites est en rapport avec celle de la PR.

À l’inverse, la prévalence des parodontites est deux fois plus importante chez les sujets atteints de PR que chez ceux qui en sont indemnes. Selon certains auteurs, la PR est un facteur de risque pour les parodontites.

Enfin, l’ADN de Porphyromonas gingivalis est souvent retrouvé dans les synoviales lors de PR et certains antigènes cibles des PR ont été détectés au niveau gingival.

Un faisceau d’arguments montre que les maladies parodontales pourraient jouer un rôle essentiel dans l’étiologie de la polyarthrite rhumatoïde et que le traitement des parodontites réduit la sévérité de la polyarthrite rhumatoïde. Chacun doit enfin prendre conscience que les maladies parodontales sont un problème de Santé Publique et que leur prise en charge thérapeutique s’impose, spécialement chez les sujets à risque.

Lectures conseillées :

Janssen K.M.J et al. Lessons to be learned from periodontitis. Current opinion in rheumatology (2013) 25 : 2 (241-247).

Nesse W. et al. The periodontium of periodontitis patients contains citrullinated proteins which may play a role in ACPA (anti-citrullinated protein antibody) formation. Journal of ­clinical periodontology (2012) 39 : 7 (599-607).