Quelle société choisir ? - Clinic n° 08 du 01/09/2010
 

Clinic n° 08 du 01/09/2010

 

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PATRIMOINE

Robert Grosselin  

SCM, SCP, SEL, SCI… Tout cet arsenal juridique et réglementaire doit être compris par les praticiens qui projettent de se développer ou de se regrouper. Zoom sur la SCM.

Les professionnels libéraux de santé ont la fâcheuse tendance d’aborder la réflexion relative à un futur exercice en commun par le biais juridique, celui des contrats et de la réglementation professionnelle. Il faut inverser les étapes. Le juridique et le réglementaire s’adapteront une fois le cahier des charges bien défini, les praticiens ne pouvant pas s’exonérer du protocole de réflexion préalable à leur projet. Celui-ci sera avant tout économique et humain. Voilà pour la méthode.

Notre propos est de rappeler ces outils que sont les différentes formes de sociétés mis à notre disposition par le code civil, donc la loi applicable à tous, mais parfois restreints dans leur utilisation par des dispositions déontologiques propres à chaque discipline.

Ces outils sont, pour l’essentiel, des sociétés civiles parce que le praticien de santé, d’exercice libéral, n’exerce pas une profession commerciale, sauf le pharmacien. Société civile de moyens (SCM) et société civile professionnelle (SCP) sont les supports historiques. Depuis 20 ans maintenant (mais oui, déjà !), les professionnels de la santé peuvent aussi constituer des sociétés d’exercice libéral (SEL) qui se distinguent par le fait qu’elles ont juridiquement et fiscalement une forme commerciale et non civile. Si le législateur a cru indispensable de créer cette catégorie de société, c’est précisément pour doter cette catégorie professionnelle d’un outil d’entrepreneur sans enlever son âme à l’exercice médical, à savoir son caractère non commercial.

La SCM est l’interface adaptable à toutes les situations. Il s’agira de rassembler (à partir de deux) des praticiens pour partager une organisation matérielle, des locaux, du personnel salarié, bref, organiser une association et optimiser la logistique.

Alors que la SCP et la SEL perçoivent des honoraires parce qu’elles sont réputées exercer la profession, la SCM perçoit des redevances des associés pour l’utilisation des moyens matériels mis à leur disposition. C’est le règlement intérieur de la SCM qui fixe la quote-part de redevances dues par chaque associé.

Ce règlement intérieur doit donc être élaboré avec soin. Il est toujours spécifique alors que les statuts ne sont que la reproduction des dispositions du code civil. De ce fait, la rédaction du règlement intérieur peut poser des problèmes de compréhension, donc de rédaction, au juriste s’il ne connaît pas la spécificité de la profession.

À l’heure de l’association entre chirurgiens-dentistes, la répartition au sein de la SCM doit s’adapter à chaque situation : ainsi une répartition peut être faite à 50/50 pour deux associés sans que cela signifie un niveau de recettes individuelles identique ni un partage égalitaire des dépenses communes. Et rien n’interdit la cohabitation de deux SCM, y compris au sein même d’un cabinet dentaire.

Au sein d’une SCM, une SCP peut être associée avec d’autres praticiens car elle exerce la profession. Elle est immatriculée au tableau de l’Ordre. Habituellement limitée à deux ou trois associés, la SCP encaisse tous les honoraires et répartit le bénéfice. Ce statut, largement utilisé chez les vétérinaires ou les infirmiers, correspond peu à l’état d’esprit des chirurgiens-dentistes du fait de la large palette d’actes qu’offre leur discipline et, par voie de conséquence, les différences de rémunération.

Nous sommes, avec la SCP, au premier étage de la fusée juridique, à l’égal du praticien individuel qui exerce seul en BNC ou en SEL. Cette dernière forme de société chez les chirurgiens-dentistes est rarement le support d’une association. Elle est, le plus souvent, un outil individuel de gestion fiscale ou patrimoniale personnelle. La société unipersonnelle a encore été confirmée dans sa logique en mai dernier (voir « 3 questions de lecteurs » ci-contre).

Quant au local professionnel, lorsqu’il s’agit d’en être propriétaire à plusieurs, que ce soient plusieurs praticiens ou non, ce sera la SCI qui sera retenue. La SCI ne peut pas être constituée seule, au contraire de la SELARL ou de la SELAS. Elle se limite à détenir des locaux et percevoir un loyer. Sa constitution est dorénavant incontournable pour le praticien qui acquiert ses locaux car il serait maladroit de les faire acquérir par la comptabilité professionnelle.

Mon conseil

Isabelle VASSIA, Juriste

Lorsqu’une association entre praticiens ou un regroupement de cabinets sur un site unique s’élabore, il est bienvenu de commencer par définir sa vision de l’opération avant d’évoquer les cadres juridiques qui seront mis en place. Cette manière de procéder conduira naturellement au choix de la ou des sociétés. Il ne faut pas hésiter à superposer plusieurs sociétés si l’organisation le justifie. La SCI pour les murs, la SCM pour la logistique, la SCP si on met les honoraires en commun et la SEL, le plus souvent individuelle, pour celui qui y trouvera un intérêt de gestion patrimoniale et fiscale personnel.

À cette architecture verticale s’ajouteront parfois des branches horizontales, comme la cohabitation de plusieurs SCM, en particulier dans les maisons médicales, où l’une, collective, gérera le fonctionnement de la structure et l’autre, par discipline, réglera l’exercice en commun des praticiens, tout en respectant les honoraires individuels.

Le coût initial de mise en place doit être considéré comme un investissement durable, donc amorti sur de nombreuses années. Une fois créées, ces sociétés n’entraînent pas de frais sociaux ou fiscaux fixes. Il ne faut donc pas s’en exonérer si l’indication est objectivement posée. En revanche, faire compliqué ou faire « entrepreneur » n’a jamais suffi pour réussir dans l’exercice quotidien et dans les rapports humains entre associés.