Clinic n° 05 du 01/05/2011

 

IMMOBILIER

GÉRER

PATRIMOINE

Robert GROSSELIN  

Locaux du cabinet, maison de famille, investissement immobilier à plusieurs… La SCI est bien connue. Au-delà des usages, elle offre des possibilités qui permettent d’en optimiser les avantages. Exemples.

La SCI, société civile immobilière, exprime sa nature par sa dénomination. Elle est société parce qu’elle compte au moins deux associés, ceux-ci pouvant être des personnes morales. Elle est civile parce que son objet n’est pas commercial, ce qui lui interdit de louer meublé, par exemple. Elle est immobilière parce que son but est de détenir et gérer un ou des actifs immobiliers.

La SCI créée par des concubins pour acquérir une résidence principale commune n’aura pas les mêmes objectifs que celle constituée pour regrouper des professionnels de santé libéraux. Chaque SCI est un habit sur mesure pour ses associés. Elle offre une grande liberté rédactionnelle et contractuelle, ses statuts pouvant établir des dispositions particulières de nature à satisfaire la logique de l’opération. C’est ainsi que la transmission des parts peut relever d’un cahier des charges spécifique : exclusivement entre associés, au sein d’un groupe familial, à un praticien médical exerçant sur le site… Cette liberté, qui peut conduire à restreindre la capacité de transmettre aisément, doit être mesurée car elle a une incidence significative sur la valeur des parts.

Entre la liberté de céder entre associés, droit de priorité à tel associé ou à telle personne extérieure et cession sans agrément, la latitude est totale. Le prix des parts de SCI lui-même peut être à géométrie variable. Alors que chaque part de la société représente une fraction du total, il y a des parts qui valent plus cher parce que les statuts ou une convention interne prévoient qu’elles bénéficient d’un avantage en matière de distribution du résultat. Dividende prioritaire, répartition conventionnelle des résultats, plafonnement du droit aux bénéfices sont autant de dispositions qui peuvent être retenues. Cette large latitude offerte aux associés d’une SCI dans la rédaction des statuts incitera à circonscrire chaque société à son objet : on ne mélangera pas murs du cabinet avec investissement locatif privé.

Nombre de médecins, chirur-giens-dentistes et autres libéraux qui acquièrent ensemble un immeuble pour y installer leurs cabinets respectifs peuvent avoir intérêt à constituer au départ une SCI dite d’attribution, cette société qui permettra d’acquérir l’immeuble dans sa globalité et, le cas échéant, de réaliser des travaux de parties communes. Au sein de cette SCI d’attribution peuvent être associées tant des personnes physiques – le Dr Martin par exemple – que des personnes morales – la SCI des chirurgiens-dentistes. Le but de cette SCI d’attribution est de porter l’opération jusqu’à ce que les lots individuels soient livrés et qu’un règlement de copropriété ait été établi. Cette SCI s’autodétruit ensuite, laissant la place à une copropriété qui, en l’occurrence, constituera une maison médicale. Mais chaque discipline sera propriétaire de son propre lot.

La palette juridique est totale avec la SCI puisqu’on peut aussi démembrer les parts, c’est-à-dire séparer usufruit et nue-propriété, de façon temporaire ou viagère. Temporaire, ce sera la formule retenue lorsqu’on fera donation de l’usufruit des parts de SCI à un enfant étudiant. Celui-ci percevra des revenus fonciers, ce qui soulagera d’autant la note fiscale de ses parents. Cette formule sera retenue lorsque la SCI acquiert la nue-propriété et « le cabinet » l’usufruit. Viagère, c’est-à-dire pour la vie entière, la séparation satisfera l’optimisation fiscale de la transmission du patrimoine à des frères et sœurs, leur évitant en outre l’indivision.

La liberté fiscale existe aussi puisque la SCI peut, sur option – irrévocable –, opter pour le régime de l’impôt sur les sociétés (IS) et renoncer au régime général foncier, celui bien connu des revenus de l’immobilier. L’avantage essentiel du régime IS est le fait d’amortir le prix d’achat, donc de le déduire progressivement et de dispenser les associés d’être imposés sur des revenus qu’ils ne perçoivent pas parce qu’ils sont affectés au remboursement des emprunts.

Cette option, qui allège considérablement la charge financière pendant 15 ou 20 ans, est en revanche, en l’état actuel des règles fiscales, pénalisante lors de la revente du bien. La plus-value n’est jamais exonérée. Elle aura ses indications dans l’acquisition de locaux professionnels, dans des zones à faible progression de valeur de l’immobilier et/ou lorsqu’on a de fortes présomptions de vendre ses parts plutôt que le bien lui-même. Tel sera le cas lorsque des praticiens se rassemblent en grand nombre sur un site unique.

Mon conseil

Isabelle VASSIA, Juriste

La liberté de façonner ses statuts, son règlement intérieur ou sa fiscalité en fonction de considérations du moment ou, par ce biais, la tentation de dépasser la limite du « fiscalement correct », peut avoir pour conséquence des désagréments.

Désagrément fiscal lorsqu’on réalise les travaux de sa résidence principale logée en SCI et que le déficit foncier est abyssal ou lorsqu’on capitalise les résultats au sein d’une SCI à l’IS pour transmettre à bon compte des capitaux à ses descendants… L’abus de droit, cette procédure qui requalifie une opération parce qu’elle ressort exclusivement réalisée pour échapper à l’impôt, concerne très souvent des SCI, et en particulier celles qui font l’objet de démembrement de parts.

Désagrément patrimonial lorsqu’un praticien qui quitte un groupe médical doit obligatoirement céder ses parts à un successeur dans son cabinet ou à ses associés. La valeur est alors rarement une valeur de marché.

La singularité de chaque opération immobilière justifie que l’on n’hésite pas à multiplier les SCI. Pour chacune, on s’efforcera d’établir avec précision l’objectif pour adapter les statuts. Il n’y a pas de communauté d’objectif entre la SCI des murs du cabinet et celle d’un inves­tissement immobilier privé, qu’il soit locatif ou de jouissance.