L’excès de zèle de l’Assurance maladie - Clinic n° 01 du 01/01/2016
 

Clinic n° 01 du 01/01/2016

 

JURIDIQUE

Audrey UZEL  

Cabinet Houdart et associés – Avocat au barreau de Paris

Si les délais de transmission des feuilles de soins sont strictement définis, l’absence de sanction en cas de non-respect s’oppose à ce que l’Assurance maladie refuse le paiement. C’est ce que rappelle la Cour de cassation dans un récent arrêt du 8 octobre 2015 (n° 14-20253).

L’histoire

Un chirurgien-dentiste a dispensé des soins, du 9 janvier 2008 au 28 septembre 2009, à des assurés sociaux dans le cadre de la dispense d’avance de frais. Il n’a transmis les feuilles de soins afférentes aux actes en cause qu’au mois de février 2010. La caisse d’assurance maladie s’est opposée au paiement au motif que le chirurgien-dentiste n’avait pas respecté le délai prévu à l’article R. 161-47 du Code de la Sécurité sociale. Le chirurgien-dentiste a alors saisi l’ordre judiciaire pour demander le paiement des actes réalisés. Tant la cour d’appel que la Cour de cassation lui donnent raison.

Le cadre juridique

Aux termes de l’article R. 161-47 du Code de la Sécurité sociale, la transmission des feuilles de soins aux organismes de Sécurité sociale doit intervenir dans les 3 jours ouvrés en cas de paiement direct de l’assuré ou 8 jours ouvrés lorsque l’assuré bénéficie d‘une dispense d’avance de frais. Par principe, la transmission par voie électronique s’impose. Cependant, si l’envoi est réalisé au format papier, la transmission est assurée sous la responsabilité de l’assuré lorsque ce dernier acquitte directement le prix de l’acte et sous la responsabilité du professionnel lorsque l’assuré bénéficie d’une dispense d’avance de frais. Dans l’arrêt qui nous intéresse, l’Assurance maladie soutenait que le professionnel de santé était tenu du respect de ce délai car, à défaut, il n’était pas possible de justifier de la réalisation des soins facturés à l’Assurance maladie. C’est donc sous couvert de contrôle et dans la poursuite de l’objectif de lutte contre la fraude que l’Assurance maladie fait du délai de 8 jours un délai impératif.

Le principe

Cependant, force est de constater que l’article R. 161-47 du Code de la Sécurité sociale ne prévoit aucune sanction en cas de non-respect des délais posés. Il ne s’agit donc pas d’un délai couperet privant le professionnel de tout droit à remboursement, comme le souligne la Cour de cassation : « Mais attendu qu’il fait l’obligation au professionnel de santé, lorsque l’assuré bénéficie d’une dispense d’avance des frais, de transmettre dans les 8 jours la feuille de soins sur support papier à l’organisme d’assurance maladie, l’article R. 161-47-I, 2° ne prive pas l’intéressé, en cas d’envoi tardif, du droit d’obtenir le remboursement des sommes dues. »

La limite

Attention toutefois, si le délai de 8 jours de l’article R. 161-47 du Code de la Sécurité sociale n’est pas sanctionné, le professionnel doit en tout état de cause respecter le délai de prescription de 2 ans (entre la réalisation de l’acte et la demande de remboursement). Passé ce délai, l’acte ne pourra faire l’objet d’aucun remboursement.

À RETENIR

Les délais prévus à l’article R. 161-47 du Code de la Sécurité sociale relatifs aux transmissions des feuilles de soins et télétransmission ne sont pas sanctionnés. Le professionnel est en droit d’obtenir le paiement des actes réalisés quand bien même le délai de transmission serait dépassé, sous réserve en revanche de respecter la prescription biennale.