Les professionnels de santé s’y opposent - Clinic n° 03 du 01/03/2015
 

Clinic n° 03 du 01/03/2015

 

TIERS PAYANT GÉNÉRALISÉ

ACTU

ANNE-CHANTAL DE DIVONNE  

Le tiers payant, aujourd’hui obligatoire pour les patients bénéficiaires de la CMU et de l’AME, le deviendra aussi le 1er juillet pour ceux qui bénéficient de l’ACS (aide à la complémentaire santé), soit au total 10 millions d’assurés. Le projet de loi de santé prévoit son extension à l’ensemble des assurés en 2017 afin d’améliorer l’accès aux soins. Contre l’avis des professionnels de santé.

La ministre de la Santé a fait de la généralisation du tiers payant la mesure phare de son projet de loi de santé. C’est aussi l’un des principaux points d’opposition à la loi. Les syndicats de médecins libéraux comme ceux des chirurgiens-dentistes y sont opposés. Afin de mieux connaître l’avis des chirurgiens-dentistes, la Confédération nationale des syndicats dentaires (CNSD) a lancé un questionnaire et reçu plus de 2 500 réponses dont la synthèse est en cours.

Un « grand rejet » dans la profession

Mais la tonalité est claire. Les praticiens expriment « un grand rejet » du tiers payant, rapporte Catherine Mojaïsky, présidente de la CNSD. D’abord pour des raisons philosophiques. « On peut comprendre que le tiers payant soit une aide pour les patients qui se heurtent à de réels problèmes financiers, mais pas pour les autres. » L’autre raison de l’opposition à cette mesure tient aux « difficultés de paiement. Il y a entre 10 et 20 % de non-paiement ou de refus de paiement. Et là commence la galère du praticien pour avoir un interlocuteur. La plupart du temps, les chirurgiens-dentistes finissent par renoncer » au règlement qui leur est dû. Une situation gérable quand elle concerne peu de patients. Mais à l’avenir, « si l’intégralité de l’activité est soumise aux aléas du tiers payant, c’est la survie de nos cabinets dentaires qui peut être remise en cause ». Enfin, explique Catherine Mojaïsky, le tiers payant censé faciliter l’accès aux soins « ne réglera en rien le problème de l’accès aux soins de prothèse et d’orthodontie » qui provient d’un reste à charge trop élevé pour les patients. La solution ? La revalorisation de la prise en charge des actes, ne cesse de demander la CNSD.

Un « mécanisme simple »

Face à la levée de boucliers des professionnels de santé contre le projet de généralisation du tiers payant, François Hollande a posé comme condition la mise en place d’un « mécanisme simple de paiement pour les professionnels de santé », lors de sa dernière conférence de presse le 5 février. Faut-il entendre un éventuel recul sur cette mesure du projet de loi de santé ou la confirmation de ce qu’affirmait déjà la ministre de la Santé, Marisol Touraine, sans convaincre les professionnels de santé ?

Les trois familles de complémentaires de santé (mutuelles, assureurs et instituts de prévoyance) veulent en tout cas montrer que la réforme est possible dans le cadre donné. Elles se sont entendues pour proposer aux professionnels de « co-construire une solution simple, rapide et leur garantissant un paiement avec un engagement de délais ». Les complémentaires ont aussi établi un calendrier qui prévoit d’effectuer les premiers tests du dispositif avec les professionnels de santé dès la fin de 2015. Une évaluation de sa mise en œuvre pour les bénéficiaires de l’ACS suivrait en mars 2016, avant un déploiement généralisé en janvier 2017.

L’option de la carte à débit différé ?

De son côté, la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) propose la mise en œuvre d’un dispositif d’avance de frais médicaux qui permette de « préserver à la fois la liberté du patient et celle du médecin en maintenant un paiement direct à l’acte ». Il s’agit d’une « carte monétique à débit différé santé ». Le patient payerait directement son professionnel de santé avec la carte et son compte ne serait débité qu’une fois effectués les remboursements de l’Assurance maladie et de sa complémentaire santé. Et le médecin ne subirait aucune complication administrative.

Mais la ministre de la Santé compte sur les solutions techniques que doit proposer le groupe de travail qu’elle a mis en place sur le tiers payant et qui est animé par Anne-Marie Brocas, présidente du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie.