TRAITEMENT DES DENTS PERMANENTES IMMATURES NÉCROSÉES - Clinic n° 04 du 01/04/2024
 

Clinic n° 04 du 01/04/2024

 

Endodontie

Claire EHLINGER*   Bastien LE GROS**   Maryline MINOUX***  


*MCU-PH
**CCU-AH
***PU-PH
****Département de Dentisterie restauratrice Endodontie, Faculté de chirurgie dentaire Robert Frank, Pôle de Médecine et de Chirurgie bucco-dentaire, Université et Hôpitaux Universitaires de Strasbourg.

La prise en charge des dents permanentes immatures nécrosées concerne souvent les incisives maxillaires du fait de leur exposition plus fréquente à des événements traumatiques. Les traumatismes bucco-dentaires affectent en effet préférentiellement les incisives maxillaires permanentes lorsqu’elles se mettent en place sur l’arcade, c’est-à-dire à un stade immature. Si le traumatisme lèse le tissu pulpaire et provoque sa nécrose, la formation radiculaire s’arrête, laissant...


Résumé

Les dents permanentes immatures nécrosées, du fait de leurs caractéristiques anatomiques particulières (foramen apical large, racines courtes, parois radiculaires fines), nécessitent une prise en charge spécifique sur le plan endodontique. L’approche initialement préconisée reposait sur l’induction d’une apexification grâce à un renouvellement intra-canalaire d’hydroxyde de calcium. Les nombreux désavantages de cette approche ont cependant favorisé le développement de nouvelles thérapeutiques, rendues possibles grâce à l’émergence des ciments à base de silicate de calcium (CBSC) ; il s’agit de l’apexification par apport apical de CBSC et de l’endodontie régénérative. Des taux de succès et de survie similaires ont été décrits pour ces deux approches. Cependant les procédures d’endodontie régénérative ont l’avantage de permettre une croissance radiculaire en longueur et en épaisseur ainsi que la prise en charge des dents immatures présentant un apex largement ouvert et divergent.

La prise en charge des dents permanentes immatures nécrosées concerne souvent les incisives maxillaires du fait de leur exposition plus fréquente à des événements traumatiques. Les traumatismes bucco-dentaires affectent en effet préférentiellement les incisives maxillaires permanentes lorsqu’elles se mettent en place sur l’arcade, c’est-à-dire à un stade immature. Si le traumatisme lèse le tissu pulpaire et provoque sa nécrose, la formation radiculaire s’arrête, laissant la dent permanente dans un état immature avec un apex ouvert, une racine courte, un canal large et des parois radiculaires fines ; la sévérité est fonction du stade de maturité radiculaire auquel le traumatisme a eu lieu.

La nécrose pulpaire des dents permanentes immatures n’a cependant pas pour seule origine les traumatismes. Elle peut également être provoquée par une anomalie de développement (ex. : dens in dente) ou par une lésion carieuse ; tous les éléments dentaires, y compris les molaires, peuvent donc être concernés. La nécrose pulpaire une fois diagnostiquée nécessite la réalisation d’un traitement endodontique. Dans le cas des dents immatures, la réalisation d’un traitement endodontique conventionnel n’est cependant pas indiquée du fait de l’absence de constriction apicale, condition requise pour la réalisation d’une compaction verticale de la gutta-percha, et de l’impossibilité d’obtenir une bonne étanchéité apicale [1].

Plusieurs techniques ont ainsi été développées pour traiter les dents permanentes immatures nécrosées. Les approches traditionnelles se sont concentrées sur la désinfection endodontique suivie de l’obtention d’une apexification, qui a pour objectif de former une barrière de tissu dur minéralisé à l’apex de la dent. Plus récemment, le développement des techniques d’endodontie régénérative (également appelées techniques de revascularisation ou de revitalisation) a permis un changement de paradigme dans le traitement des dents permanentes immatures nécrosées.

APEXIFICATION

Dans un premier temps, une apexification par renouvellements successifs d’hydroxyde de calcium a été proposée. Cette technique a longtemps fait référence et continue d’être utilisée. Bien qu’elle soit simple à mettre en œuvre, elle présente néanmoins des désavantages majeurs.

• Durée importante du traitement et visites multiples afin d’obtenir un succès thérapeutique (6 à 24 mois) ; il y a donc non seulement un risque de perdre le patient de vue [2], mais également un risque de réinfection en cas de perte d’étanchéité de la restauration coronaire transitoire durant cette période.

• Risque de fractures radiculaires dues à la finesse des parois dentinaires et aux modifications ultra-structurales que l’hydroxyde de calcium est suspecté d’induire au niveau de la dentine [2-4].

• Mauvaise qualité de la barrière calcifiée obtenue avec présence de vacuités, d’où un risque de réinfection, d’autant que cette barrière calcifiée ne se forme pas toujours au sommet radiographique de la dent [5].

Une alternative a ainsi été proposée : il s’agit de l’apexification par apport apical de ciment à base de silicate de calcium (CBCS). Cette technique a pour principe de placer à l’apex d’une dent immature un bouchon de 4 à 5 mm de CBSC putty pour créer une barrière physique contre laquelle la gutta-percha thermoplastique pourra être compactée (figures 1 et 2). Cette technique a initialement été décrite avec le MTA (ProRoot MTA, Dentsply Sirona) (figure 1), mais les nouvelles formulations de CBCS putty à prise rapide peuvent à présent être utilisées (par exemple Biodentine, Septodont) (figure 2). Ces matériaux étant cependant récents, peu d’études existent. Les rapports et séries de cas cliniques actuellement disponibles [6] ainsi qu’un essai clinique randomisé [7] indiquent cependant que la Biodentine peut remplacer le MTA avec succès dans les thérapeutiques d’apexification. Un des inconvénients de la Biodentine réside cependant dans sa faible radio-opacité qui rend la visualisation du bouchon difficile sur les radiographies per et post-opératoires (figure 2).

Cliniquement, après avoir posé le champ opératoire et réalisé la cavité d’accès, les tissus nécrosés sont éliminés en utilisant une irrigation abondante de NaOCl à une concentration comprise entre 2,5 et 5 % (20 ml par canal pendant 5 minutes, en privilégiant une technique d’irrigation à pression négative). Lors de cette phase, l’utilisation d’instruments mécaniques est à éviter car ils pourraient fragiliser les parois dentinaires déjà fines. Après séchage du canal, une médication intracanalaire temporaire à base d’hydroxyde de calcium est généralement conseillée pour contrôler l’inflammation péri-apicale et contribuer à créer des conditions favorables à la prise des CBCS. Selon certains auteurs, l’utilisation d’un d’hydroxyde de calcium n’est cependant pas indispensable, des résultats similaires ayant été rapportés avec ou sans cette étape [7-10]. Si un hydroxyde de calcium a été utilisé, il est éliminé dans une séance ultérieure (1 à 3 semaines plus tard) à l’aide d’une irrigation abondante réalisée avec une solution de NaOCl à 2,5-5 %. L’activation des solutions d’irrigation augmente leur efficacité et est donc fortement recommandée [10]. Une irrigation finale est ensuite réalisée avec de l’EDTA à 17 %, suivie par une solution de NaOCl à 2,5-5 %, en prenant soin d’effectuer le rinçage du canal avec du sérum physiologique entre ces 2 solutions. Après avoir modérément séché le canal, le CBSC y est amené dans la portion apicale. Pour se faire, le MAP System peut être utilisé. Alternativement, un apport cylindrique de CBSC peut être déposé à l’entrée du canal à l’aide d’un porte-amalgame, puis doucement amené dans la portion apicale du canal à l’aide de fouloirs de taille appropriée. Lorsque le diamètre apical du canal est de taille importante, il peut être indiqué de placer une éponge hémostatique de collagène résorbable au-delà de l’apex, pour faciliter la compaction du matériau et éviter son extrusion. En général, il est recommandé de réaliser le bouchon apical en 2 étapes. Après avoir compacté apicalement le premier apport de CBSC, une radiographie per-opératoire est réalisée pour objectiver le bon positionnement du matériau et l’absence de vacuités, avant d’introduire et de compacter un deuxième apport. Si le bouchon est réalisé avec du MTA, ce dernier devra être recouvert d’une pointe de papier humide (pour favoriser son durcissement) et une reconstitution coronaire temporaire étanche devra être mise en place ; l’obturation de la partie coronaire du canal sera réalisée dans une séance ultérieure. Si un CBSC putty à prise rapide est utilisé, la partie coronaire du canal peut être obturée dans la même séance. Dans ce cas, un film de ciment de scellement endodontique sera déposé sur les parois canalaires, suivi de l’injection et de la compaction de gutta chaude. Une reconstitution coronaire étanche devra ensuite être réalisée avec mise en place si nécessaire d’un tenon fibré.

Bien que certaines études montrent des taux de succès similaires entre l’apexification par renouvellements successifs d’hydroxyde de calcium et l’apexification par apport apical de MTA [11, 12], d’autres études notent cependant des taux de fracture plus importants [13] et des taux de survie inférieurs avec l’hydroxyde de calcium qu’avec le MTA [14, 15]. La Société Européenne d’Endodontie indique même « qu’en raison de l’effet fragilisant de l’hydroxyde de calcium sur les fines parois de dentine et du fait de l’incidence élevée de fracture radiculaire qui en résulte, l’apexification par renouvellement d’hydroxyde de calcium n’est plus préconisée » [16]. L’intérêt de l’apexification par apport apical de MTA par rapport aux renouvellements successifs d’hydroxyde de calcium réside par ailleurs dans la réduction du temps de traitement [6]. Le MTA présente de plus une très bonne étanchéité et une excellente biocompatibilité. Les études ont ainsi montré qu’une légère extrusion de MTA n’affecte pas la guérison péri-apicale [17].

L’apexification par apport apical de MTA ou de CBSC putty à prise rapide présente cependant quelques inconvénients :

- en ce qui concerne le MTA : son temps de prise est long et son application est délicate ; les manœuvres d’avancement apical du matériau sont notamment compliquées par sa consistance sableuse. Aujourd’hui, certaines nouvelles formulations de CBCS putty pourraient faciliter cette étape ;

- certains cas cliniques ne sont pas adaptés à cette technique comme les apex ouverts divergents (les procédures d’endodontie régénérative sont alors indiquées, voir plus bas) ;

- il n’y a pas de poursuite de l’édification radiculaire ; l’épaisseur et/ou la longueur des parois radiculaires ne sont pas augmentées.

ENDODONTIE RÉGÉNÉRATIVE

Il s’agit d’une approche biologique dont l’objectif est d’obtenir la présence de tissu vital au sein de l’espace endodontique radiculaire (même si, sur le plan histologique, le tissu néoformé est différent du tissu pulpaire initial) [18]. Cette approche doit désormais être considérée comme une alternative à l’apexification pour le traitement des dents nécrosées présentant une formation radiculaire incomplète, avec ou sans lésions péri-radiculaires.

En cas de succès thérapeutique, cette approche permet d’obtenir une guérison de la lésion péri-apicale mais également, dans certains cas, une augmentation de l’épaisseur et/ou de la longueur des parois radiculaires (voir plus bas, figures 3 et 4) ; un retour de la vitalité pulpaire a même parfois été décrit. Pour toutes ces raisons, cette approche suscite beaucoup d’intérêt et d’espoir.

Elle est cependant contre-indiquée [16] :

- en cas d’impossibilité d’isoler la dent de manière adéquate ;

- en cas de perte de tissu coronaire nécessitant une restauration avec un tenon ;

- chez les patients médicalement compromis (ASA III et plus) pour lesquels il peut être plus prudent de s’appuyer sur les traitements conventionnels ;

- en cas de dents immatures expulsées et réimplantées pour lesquelles une revascularisation spontanée peut se produire (voir article Les résorptions radiculaires des dents permanentes).

Le protocole décrit ici est issu des sociétés européenne et américaine d’endodontie et comprend 2 grandes étapes [16, 19].

• La première séance consiste en une désinfection canalaire. Après avoir posé et désinfecté le champ opératoire, la cavité d’accès est réalisée et les tissus pulpaires nécrosés sont éliminés. Il est conseillé d’éviter l’utilisation d’instruments mécaniques qui pourraient fragiliser les parois dentinaires déjà fines. Une irrigation abondante est réalisée en utilisant du NaOCl à une concentration comprise entre 1,5 et 3 % (20 ml par canal pendant 5 min), suivie d’un rinçage avec du sérum physiologique. Un rinçage est ensuite réalisé avec de l’EDTA à 17 % (20 ml par canal pendant 5 min) pour libérer différents facteurs de croissance. Le système canalaire est ensuite séché avec des pointes de papier stériles et un hydroxyde de calcium est mis en place de façon homogène dans le canal. Il est recouvert d’une obturation coronaire étanche temporaire. L’utilisation d’une pâte bi ou tri-antibiotiques était recommandée dans les premiers protocoles publiés mais il apparaît que l’hydroxyde de calcium donne des résultats similaires sans être associé à la survenue de dyschromies [16].

• Lors d’une seconde séance, 2 à 4 semaines plus tard, si des signes d’infection persistent, l’hydroxyde de calcium est renouvelé. Dans le cas contraire, le traitement peut être poursuivi. Dans un premier temps, une anesthésie est réalisée. Le choix d’un anesthésique sans vasoconstricteur (mépivacaïne 3 % sans vasoconstricteur) devrait être privilégié pour optimiser la formation d’un caillot sanguin mais certains auteurs préfèrent toutefois l’utilisation d’un anesthésique avec vasoconstricteur pour minimiser la survenue de symptômes douloureux lors de la création du caillot sanguin. La dent est ensuite isolée, le champ opératoire et la dent sont désinfectés et la restauration temporaire est déposée. Dans le but d’éliminer l’hydroxyde de calcium intra-canalaire et de libérer davantage de facteurs de croissance, une irrigation canalaire abondante et douce est réalisée avec de l’EDTA à 17 %, suivie d’une irrigation avec du sérum physiologique. Le canal est ensuite séché avec des pointes de papier stériles. Un saignement est alors induit dans le système canalaire en faisant tourner une lime K pré-courbée, 2 mm au- delà du foramen apical (figure 3). L’objectif du saignement est d’induire un afflux de cellules souches dans l’espace canalaire. Il faut laisser le canal se remplir de sang jusqu’à 2 mm sous la jonction amélo-cémentaire et attendre la formation d’un caillot sanguin pendant 15 minutes (figures 3 et 4). Une matrice de collagène résorbable est alors placée sur le caillot sanguin en prenant soin de la laisser s’imprégner de liquide pour éviter la formation d’un espace creux (figures 3 et 4). Initialement, un bouchon d’environ 3 à 4 mm de MTA était mis en place sur le caillot. Le MTA étant associé à la survenue de dyschromies sévères, il est à présent indiqué de s’orienter vers un CBSC pur (synthétique) à prise rapide et ne contenant pas d’oxyde de bismuth : Biodentine ou TotalFill BC Root Repair Material (RRM) Fast Set putty (FKG) ont été évoqués par la Société Américaine d’Endodontie [19]. Il faudra cependant veiller à arrêter le bouchon cervical sous la jonction amélo-cémentaire (figures 3 et 4). Un ciment verre ionomère (CVI) est ensuite injecté doucement sur le CBSC et recouvert de composite. Des contrôles cliniques et radiologiques doivent être effectués après 6, 12, 18 et 24 mois, puis annuellement pendant 5 ans. Comme pour la technique d’apexification par apport apical de CBSC, il va sans dire que la procédure est exigeante et que le praticien devra être dûment formé pour la maîtriser. L’utilisation d’une aide optique est par ailleurs indispensable.

Le succès des procédures d’endodontie régénératives dépend de 3 facteurs :

- l’efficacité de la désinfection endodontique ;

- la capacité à créer un caillot sanguin qui remplit complètement l’espace endodontique ;

- l’utilisation d’un biomatériau qui assure une étanchéité parfaite.

Un caillot sanguin remplissant complètement l’espace endodontique peut cependant être difficile à obtenir. L’utilisation de fibrine riche en plaquettes (PRF) et de plasma riche en plaquettes (PRP) a été proposée afin d’éviter l’étape d’induction d’un saignement et dans l’espoir de permettre de régénérer un tissu dentino-pulpaire ad integrum. Le PRP et le PRF sont obtenus après centrifugation du sang veineux prélevé chez le patient. Ce sont des concentrés plaquettaires contenant des concentrations élevées en composants sanguins actifs ; ils peuvent donc être utilisés comme matrice, en supplément ou en remplacement d’un caillot sanguin. À noter que seul le PRF est autorisé en France car il ne nécessite l’adjonction d’aucun réactif.

Deux méta-analyses récentes ont comparé les techniques d’endodontie régénérative fondées sur l’induction d’un caillot sanguin par rapport à l’utilisation de PRP ou de PRF. Ces deux études ont rapporté une efficacité similaire des 3 approches (caillot sanguin, PRF, PRP) en termes d’allongement et d’épaississement radiculaire ainsi qu’en termes de guérison des lésions péri-apicales [20, 21]. Le PRF permettrait cependant d’obtenir plus fréquemment la fermeture apicale que les deux autres substrats [20]. Le PRP et le PRF induiraient par ailleurs moins d’oblitérations canalaires que lorsque la technique est fondée sur l’induction d’un caillot sanguin [21]. Ces différences ne semblent cependant pas modifier le pronostic de la dent traitée et sont à mettre en balance avec l’alourdissement de la procédure que représentent la prise de sang et la centrifugation pour obtenir le PRP et le PRF.

Le degré de réussite des procédures d’endodontie régénératives est fonction des objectifs atteints [19] :

- l’objectif primaire consiste en la disparition des symptômes et en la guérison de la lésion péri-apicale ;

- l’objectif secondaire consiste en une augmentation de l’épaisseur et/ou de la longueur des parois radiculaires (souhaitable, mais peut-être pas indispensable) ;

- l’objectif tertiaire consiste en une réponse positive aux tests de sensibilité pulpaire, qui indiquerait la présence d’un tissu pulpaire vital plus organisé.

Les analyses histologiques réalisées chez l’animal et chez l’homme montrent cependant que l’on est plutôt en présence d’une réparation que d’une réelle régénération, y compris lorsque du PRF ou du PRP sont utilisés [22, 23]. Dans l’espace canalaire se trouve en effet du tissu fibreux principalement non minéralisé ; des ilots de tissu minéralisé comparable à de l’os ou du cément peuvent également être présents [22, 23]. L’épaississement des parois du canal et/ou la maturation continue de la racine sont par ailleurs dus au dépôt de tissu cémentaire sur les parois du canal et à l’apex de la racine plutôt qu’à un dépôt de tissu dentinaire [22]. Actuellement, des études s’intéressent aux techniques d’endodontie régénérative utilisant des cellules souches autologues préalablement isolées et cultivées avant d’être auto-transplantées dans l’espace canalaire de dents immatures nécrosées [24, 25]. Bien que des résultats positifs aient été obtenus, ces techniques ne sont cependant pas autorisées en Europe.

En termes de résultats, comme les procédures d’endodontie régénérative sont relativement récentes, les données sur le long terme font défaut. Parmi les études actuellement disponibles, certaines montrent une légère supériorité des techniques d’endodontie régénérative [15] ou de l’apexification par apport apical de MTA [14] alors que d’autres montrent que les résultats, notamment en termes de guérison des lésions péri-apicales, sont très bons (90 % et plus) et similaires entre les 2 techniques [26-28]. Une récente revue systématique de la littérature qui a évalué les résultats de ces 2 techniques sur 24 mois et plus a également noté des taux de survie et de succès similaires et très bons (90-96 %) pour les 2 techniques [17]. Les procédures d’endodontie régénérative permettent de plus une croissance radiculaire, qui est cependant variable et non systématique [17, 26]. Toutefois, même en cas d’augmentation d’épaisseur des parois dentaires, elle sera limitée aux zones apicales, tout au plus au tiers moyen de la racine. Dans la mesure où les forces fonctionnelles (et parafonctionnelles) se concentrent au niveau de la dentine péri- cervicale, ces zones restent donc susceptibles de se fracturer [29]. En parallèle, bien que l’apexification par apport apical de MTA ne renforce pas la racine, ni ne favorise son développement, dans une étude portant sur 83 dents immatures traitées avec cette technique et des restaurations adhésives (incluant la mise en place de tenons fibrés), aucune dent n’a été perdue à cause d’une fracture de la racine, sur une durée d’évaluation moyenne de 8 ans [29].

Les critères de choix entre l’utilisation des procédures d’endodontie régénérative et l’apexification par apport apical de CBSC reposent donc principalement sur le stade de développement radiculaire, sur l’anatomie de la région apicale et sur la nécessité ou non de placer un tenon fibré. Ainsi, les dents immatures présentant moins des deux tiers du développement radiculaire avec un apex ouvert et divergent (stades 1 à 3 de Cvek [30]) devraient être traitées grâce à une procédure d’endodontie régénérative, tandis que les dents immatures présentant une formation radiculaire presque achevée mais avec un apex ouvert (stade 4 de Cvek [30]) peuvent être gérées soit par une procédure d’endodontie régénérative, soit par apexification avec bouchon apical de CBSC [31]. Dans les cas où la mise en place d’un tenon fibré est nécessaire, il faudra s’orienter vers l’apexification ou alors déplacer apicalement le bouchon cervical si une procédure d’endodontie régénérative s’avère nécessaire.

Une question importante concerne par ailleurs la possibilité de mener un traitement orthodontique sur les dents ayant été traitées grâce à une procédure d’endodontie régénérative. Ces procédures concernent en effet essentiellement les dents permanentes immatures nécrosées chez les enfants et les adolescents ; la probabilité pour qu’un patient ayant bénéficié d’une procédure d’endodontie régénérative ait également recours à un traitement orthodontique n’est donc pas négligeable. Se pose ainsi la question de la faisabilité d’un tel traitement. Actuellement, la littérature sur le sujet est cependant très pauvre.

Dans une série de cas évaluant les effets cliniques et radiologiques à long terme des mouvements orthodontiques exercés sur des incisives préalablement traitées par une procédure d’endodontie régénérative, Stefopoulos et al., (2023) concluent que les mouvements orthodontiques sont possibles à condition de faire preuve d’une grande prudence. Des forces orthodontiques légères, une courte durée de mouvement actif et une surveillance étroite du patient semblent en effet être des conditions préalables pour limiter les complications au minimum et obtenir une guérison à long terme des dents traitées grâce à une procédure d’endodontie régénérative [32]. Parmi les complications postorthodontiques décrites, Chaniotis et al. ont rapporté la survenue d’une résorption cervicale invasive externe, d’une résorption interne et d’une nécrose des tissus régénérés sur des dents pourtant préalablement traitées avec succès par endodontie régénérative, depuis de nombreuses années [33]. Ainsi, la société européenne d’endodontie indique que les dents ayant bénéficié d’une procédure d’endodontie régénérative seraient plus sensibles à l’inflammation et à la résorption radiculaire apicale ; elle conseille donc d’attendre la guérison osseuse avant d’entreprendre un traitement orthodontique ou de raccourcir les intervalles entre les rendez-vous de contrôle pendant toute la durée de la prise en charge orthodontique [16].

CONCLUSION

L’apexification par apport apical de CBSC et les procédures d’endodontie régénérative sont des approches fiables pour traiter les dents immatures nécrosées, avec des résultats similaires en termes de résolution des symptômes et de guérison des lésions péri- apicales. Par rapport à l’apexification par apport apical de CBSC, les procédures d’endodontie régénérative permettent de plus une croissance radiculaire en longueur et en épaisseur. Elles sont par ailleurs plus appropriées que les techniques d’apexification dans la prise en charge des dents immatures avec des apex ouverts et divergents. Les études histologiques suggèrent cependant que les procédures d’endodontie régénérative ne sont pas associées à une réelle régénération du complexe pulpo-dentinaire. En ce sens, des travaux sont actuellement menés dans le domaine de l’ingénierie tissulaire à base de cellules souches, avec pour objectif d’induire une véritable régénération pulpaire.

Liens d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.

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