Comblement de sinus à l'aide d'os autogène - Implant n° 3 du 01/08/2004
 

Implant n° 3 du 01/08/2004

 

Repères

Arguments

Robert Zerbib  

Ancien chef de clinique chirurgicale
Assistant des Hôpitaux de Paris

Le choix du matériau de greffe constitue le principal débat des techniques de reconstitution d'un volume osseux sous-sinusien dans le cadre des réhabilitations prothétiques implanto-portées des secteurs maxillaires postérieurs. Dans les publications princeps, l'os autogène était le matériau de référence, puis certains auteurs ont utilisé différents biomatériaux seuls ou en association : allogreffes d'os déminéralisé lyophilisé, xénogreffes d'origine bovine, hydroxyapatite,...


Le choix du matériau de greffe constitue le principal débat des techniques de reconstitution d'un volume osseux sous-sinusien dans le cadre des réhabilitations prothétiques implanto-portées des secteurs maxillaires postérieurs. Dans les publications princeps, l'os autogène était le matériau de référence, puis certains auteurs ont utilisé différents biomatériaux seuls ou en association : allogreffes d'os déminéralisé lyophilisé, xénogreffes d'origine bovine, hydroxyapatite, phosphate tricalcique. Ces biomatériaux ont en commun l'absence d'effet ostéoinducteur, mais un effet ostéoconducteur qui semble entraîner une ostéoformation permettant la mise en place d'implants dans des conditions satisfaisantes [1-4]. Pour ma part, j'utilise cependant de façon exclusive de l'os autogène depuis 15 ans pour les raisons suivantes.

Avantages de l'os autogène

• Le prélèvement osseux ne constitue pas un acte chirurgical majeur. Lorsqu'il s'agit d'os pariétal crânien, sa durée de réalisation est de 40 minutes en moyenne. Il nécessite une hospitalisation variant de 48 à 72 heures. Une anesthésie générale est certes indispensable, mais cet inconvénient nous semble largement contrebalancé par les avantages de l'os autogène.

• Le site à greffer est une cavité :

- dont les parois (os cortical maxillaire et muqueuse sinusienne) ne permettent pas d'entraîner un phénomène d'ostéoconduction, à l'inverse par exemple d'une cavité d'extraction. L'ostéogenèse nécessitera donc forcément un phénomène d'ostéoinduction, et le seul matériau capable d'entraîner cette ostéoinduction est l'os autogène ;

- dont le volume est important : le rapport entre volume greffé et surface de contact est très en faveur du volume greffé. Cela explique que l'ostéoconduction, si elle a lieu, aura du mal à atteindre le centre d'un greffon allo- ou xénogénique ;

- dont la muqueuse de recouvrement est extrêmement fragile : il est assez fréquent, au cours de sa dissection, qu'elle se déchire parfois de façon totalement incontrôlable (Fig. 1). L'utilisation d'un toit d'os cortical d'origine pariétale permet d'isoler totalement le comblement du sinus sus-jacent (Fig. 2) et d'éviter ainsi une infection probable par migration du matériau de greffe. Ce toit est confectionné aux dimensions de la cavité sinusienne, puis il est encastré dans une saignée horizontale faite sur la paroi latérale du maxillaire. Un fil d'ostéosynthèse en acier peut renforcer le montage. La cavité est ensuite comblée à l'aide d'un broyat composé pour moitié d'os cortical et pour moitié d'os spongieux. Les avantages de cette technique de cloisonnement sont :

a. la diminution du risque infectieux en cas de perforation de la muqueuse sinusienne ;

b. la facilité du comblement de la cavité sous-sinusienne, car toutes ses parois sont rigides : le tassement du broyat osseux peut se faire fortement, évitant ainsi les espaces morts sources de complications ;

c. le plafond cortical va empêcher la résorption de l'os greffé, souvent due à la pneumatisation de la membrane.

• Selon mon expérience, les comblements sous-sinusiens sont souvent associés à des greffes d'apposition et/ou en onlay maxillaire ou mandibulaire dans le cadre de reconstructions complexes. Dans ces indications, seul l'os autogène nous paraît apporter la quantité et la qualité nécessaires (Fig. 3).

• Les études portant sur la biologie des biomatériaux montrent que la réhabitation de ceux-ci est sous la dépendance de la présence des Bone Morphogenetic Proteins (BMP) [5]. Elles sont présentes en quantité insignifiante dans les allogreffes et absentes dans les xénogreffes d'origine bovine.

• Enfin, un certain nombre d'auteurs s'accordent sur le fait qu'une greffe autologue doit être préférée chaque fois que cela est possible en raison des risques immunitaires et infectieux que véhiculent les xénogreffes [6, 7].

Choix du site donneur

Plusieurs sites donneurs sont décrits dans la littérature : essentiellement iliaque, pariétal et mandibulaire, accessoirement tibial. Les os d'origine endochondrale, à prédominance spongieuse, me sont apparus intéressants dans les comblements de sinus, mais régulièrement décevants en apposition. Le pourcentage de résorption sur les contrôles radiologiques à 6 mois est en règle très important. Quant aux apports d'origine membranaire autres que pariétal (symphyse mentonnière, branche montante de la mandibule), le volume disponible ne permet que des reconstructions limitées. Mon choix du site donneur se porte donc sur le pariétal crânien dans la majorité de mes reconstructions.

Avantages du prélèvement pariétal crânien

• L'existence d'un seul champ opératoire englobant site donneur et site receveur.

• La simplicité des suites opératoires : aucune douleur, aucune cicatrice visible, pas de déformation visible ni de fragilisation de la voûte crânienne. En effet, le prélèvement osseux représente au plus 1/50 de la surface totale de la voûte, et la corticale interne est toujours respectée.

• La qualité de l'os crânien : c'est un os d'origine membranaire comme les os de la face et la clavicule, à prédominance corticale, à l'inverse de tous les autres os de l'organisme qui ont une origine endochondrale (c'est-à-dire passant par une étape cartilagineuse au cours du développement embryonnaire). La densité de cet os est très élevée et sa résorption au cours du temps quasi nulle.

• La possibilité d'utiliser une partie de l'os cortical prélevé pour créer un toit à la cavité sous-sinusienne à combler (Fig. 2).

• Enfin, l'os autogène pariétal permet, en raison de la quantité qu'il est possible de prélever, la reconstruction de cas complexes associant comblements sous-sinusiens et greffons d'apposition vestibulaires, palatins et/ou en onlay (Fig. 3).

Inconvénients du prélèvement pariétal

• Moheng et al. estiment que la quantité d'os prélevé peut s'avérer trop faible [8]. Ce point n'a jamais constitué un handicap dans notre expérience, à condition d'avoir évalué avant l'intervention le volume osseux disponible par une téléradiographie de face et de profil.

• L'os spongieux est présent en moins grande quantité que dans un prélèvement iliaque ou tibial. Il ne s'agit pas à nos yeux d'un inconvénient, mais plutôt d'un avantage. L'os cortical, bien que plus long à entraîner une néoformation osseuse que l'os spongieux, est en effet plus résistant sur le plan mécanique et se résorbe beaucoup moins.

• Il est parfois reproché au prélèvement pariétal d'entraîner une fragilisation de la voûte crânienne : le risque neurologique serait donc possible. Rappelons que la surface prélevée ne représente qu'un pourcentage peu important de la surface totale de la voûte et que la corticale interne est toujours respectée. En 12 ans et sur plus de 900 prélèvements pariétaux, nous n'avons observé aucune complication du site de prélèvement.

Conclusion

Dans le cadre des reconstructions maxillaires et/ou mandibulaires en chirurgie préimplantaire, l'utilisation d'os autogène n'est plus à opposer à celle des biomatériaux. Comme toujours en médecine, tout est question d'indication. L'os autogène nous paraît préférable :

- dans les cas difficiles (présence de septum du bas-fond sinusien, antécédents d'intervention sur le sinus, reprise chirurgicale) en raison des risques importants de perforation de la muqueuse ;

- dans les cas complexes : atrophie maxillaire et/ou mandibulaire nécessitant en plus du comblement des greffes d'apposition et/ou en onlay ;

- dans les cas où le comblement concerne un volume important, car nous l'avons dit, seul l'os autogène est ostéoinducteur.

Dans tous les cas, ces techniques doivent être maniées avec prudence, dans un bloc opératoire, en s'entourant de toutes les précautions d'asepsie que cela comporte, par un chirurgien rompu aux techniques de prélèvement et de greffe osseuse et susceptible d'assumer les éventuelles complications infectieuses qu'elles peuvent entraîner.

BIBLIOGRAPHIE

  • 1. Abensur D, Valentini P. Les élévations de plancher sinusien en implantologie : protocole chirurgical et résultats histologiques. Actualités Odonto-Stomatol 1993;84:531-545.
  • 2. Khayat P, Valentini P, Hazan R. Allogreffe d'os déminéralisé lyophilisé en implantologie. Réalités Cliniques 1992;3:389-398.
  • 3. Lozada JL. Root-form implants placed in subantral grafted sites. J Calif Dent Ass 1993;21:31-35.
  • 4. Perriat M, Chavrier C. Comblement sous-sinusien par la technique du cloisonnement à l'aide de greffon d'os cortical allogénique. Implant 2002;8:93-108.
  • 5. Urist MR, Sato K, Brownell AG. Human bone morphogenetic protein (h-BMP). Proc Soc Exp Biol Med 1983, 173-194.
  • 6. Meyrueis JP, Casenave A, Sohier-Meyrueis A. Substituts osseux, critères de choix. Maîtrise Orthopédique 1996;57:1 et 14-20
  • 7. Ouhayoun JP. Risques de transmission à l'homme de pathologies virales par des substituts osseux d'origine humaine ou animale. In : Rapport sur l'état des recherches concernant les risques associés à l'utilisation à des fins thérapeutiques de produit d'origine humaine ou de produits ou procédés de substitution. Paris : Inserm, 1995: 224-230.
  • 8. Moheng P, Maddaleno J, Caillol M. Augmentation osseuse sous-sinusienne par greffon tibial. Implant 2002;3:149-160.