Greffe osseuse du sinus - Implant n° 4 du 01/11/2004
 

Implant n° 4 du 01/11/2004

 

Repères

Arguments

Jean-François Tulasne  

Ancien interne des hôpitaux de Nantes
Ancien chef de clinique
Chirurgie maxillo-faciale

Les impératifs : une muqueuse intacte, une construction homogène

La greffe osseuse du sinus maxillaire à visée implantaire revient à déposer un matériau (autogène ou autre) sur le plancher sinusien en contact intime avec l'os, c'est-à-dire après avoir soulevé la membrane qui le recouvre. Et c'est là que réside la première difficulté de cette chirurgie, car la membrane sinusienne est une muqueuse respiratoire, donc mince et fragile. Sa déchirure risque de laisser au...


Les impératifs : une muqueuse intacte, une construction homogène

La greffe osseuse du sinus maxillaire à visée implantaire revient à déposer un matériau (autogène ou autre) sur le plancher sinusien en contact intime avec l'os, c'est-à-dire après avoir soulevé la membrane qui le recouvre. Et c'est là que réside la première difficulté de cette chirurgie, car la membrane sinusienne est une muqueuse respiratoire, donc mince et fragile. Sa déchirure risque de laisser au contact de l'os des fragments d'épithélium qui pourraient compromettre l'intégration du greffon. Une membrane intacte témoigne d'un site récepteur bien préparé et sa dissection ne peut se faire à l'aveugle (sauf sur quelques millimètres) si l'on veut avoir toutes les chances de respecter son intégrité.

La deuxième difficulté consiste à assurer une construction homogène et stable dont les constituants ne s'échappent pas dans la cavité sinusienne. Les blocs osseux sont faciles à stabiliser, mais nécessitent une large voie d'abord pour être rentrés dans le sinus (Fig. 1). Par ailleurs, ils peuvent s'accommoder de quelques brèches dans la muqueuse sinusienne. En revanche, les particules osseuses et, a fortiori, la poudre d'os ne sont utilisables que si la membrane sinusienne est intacte, à la fois parce qu'il faut pouvoir les tasser dans la poche formée par la membrane refoulée, et parce qu'elles ne doivent pas s'échapper à l'intérieur du sinus. Au total, l'intégrité de la membrane sinusienne est :

- souhaitable, mais non obligatoire en cas de greffe autogène monobloc ou par particules tassées sous un grand greffon cloisonnant horizontalement le sinus. Dans notre expérience portant sur plus de 1 000 sinus greffés selon cette technique, les brèches muqueuses n'ont jamais été responsables d'infection ;

- indispensable en revanche si le comblement se limite à des particules, qu'il s'agisse d'autogreffe ou d'hétérogreffe. Les « réparations » de brèches muqueuses par suture ou application d'une membrane résorbable nous semblent de pronostic aléatoire.

Pour décoller la membrane sinusienne en toute sécurité, particulièrement si le plancher du sinus a un relief accidenté (les crêtes sont relativement fréquentes), il faut voir clair et agrandir l'ouverture si besoin pour contrôler la dissection. Plus la greffe est importante, plus étendu doit être le décollement et par conséquent plus grande doit être la voie d'abord.

Précisons enfin que la muqueuse d'un sinus ne peut se décoller de l'os par simple pression. Un décollement avec un instrument affûté est indispensable.

Voie d'abord : latérale ou crestale ?

Il semble difficile de considérer comme une greffe osseuse du sinus la voie crestale, « première variante » consistant à « refouler vers le sinus une partie de l'os alvéolaire résiduel, soulever le plancher du sinus et poser l'implant simultanément ». On gagne indiscutablement 2 à 3 mm de hauteur d'os (Brånemark l'a montré il y a longtemps dans une étude sur les implants pénétrant dans la cavité nasale et le sinus maxillaire, mais sans parler de « soulever le plancher du sinus », ce qui nous paraît utopique). Répétons que la muqueuse du sinus ne peut que se déchirer sous la pression et que son décollement avec un instrument au fond d'un étroit puits de forage nous semble problématique.

L'incision muqueuse peut être en regard de la zone de trépanation osseuse, ou décalée. Que l'ouverture du sinus soit crestale ou latérale, la dissection de la membrane est d'autant plus facile que la paroi traversée est plus mince, la voie d'abord plus large, la muqueuse plus épaisse et moins adhérente, la surface osseuse plus régulière.

Voie latérale

La voie d'abord latérale (Fig. 2) est inévitable quand l'accès à la zone alvéolaire est rendu impossible par la présence de dents que le patient souhaite conserver le plus longtemps possible ou d'un bridge impossible à déposer. Elle procure un accès toujours facile dans la mesure où l'épaisseur de la paroi osseuse ne dépasse jamais 1,5 à 2 mm. Cette paroi contient une artériole (anastomose entre l'artère infra-orbitaire et l'artère alvéolaire postéro-supérieure) dont la section ne peut avoir de conséquences sérieuses sur l'irrigation du sinus (rappelons que la fibro-muqueuse palatine suffit à la vascularisation du maxillaire). L'ouverture peut être agrandie à la demande, notamment en cas d'obstacle à la dissection. La préservation de la partie inférieure de la paroi latérale et surtout l'intégrité du plancher permettent de tasser fortement les particules osseuses et d'obtenir une construction bien homogène. Enfin, l'abord latéral permet tous les types de construction que ce soit avec des blocs osseux ou des particules.

Voie crestale

La voie d'abord crestale (Fig. 3) offre un accès forcément limité puisqu'il importe de préserver le plus possible le plancher du sinus, future zone d'implantation. L'utilisation de blocs osseux est donc impossible et il est, par conséquent, indispensable de respecter l'intégrité de la membrane sinusienne pour éviter la diffusion de particules osseuses dans le sinus. Cette voie d'abord est donc réservée aux planchers très minces et sans aspérités pour permettre une dissection facile de la muqueuse. Dans les cas favorables où la muqueuse n'est pas trop fine et se décolle aisément, la dissection peut s'étendre à la quasi-totalité du plancher sinusien grâce à des instruments bien adaptés. Reste que les particules ou la poudre d'os ne pourront qu'être poussées avec précaution dans l'espace décollé, sans être tassées comme cela est souhaitable pour toute construction. Par ailleurs, le contrôle de la diffusion des particules dans cet espace est impossible du fait de l'étroitesse de la voie d'abord, de même que celui de l'intégrité de la membrane.

Critères de choix

Outre les préférences du praticien, fondées sur son expérience et ses conditions de travail permettant ou non une anesthésie générale, différents facteurs sont à prendre en compte pour décider de la meilleure voie d'abord : nombre d'implants prévus d'où découle l'importance de la reconstruction, possibilités d'accès à la région alvéolaire, anatomie du plancher sinusien (épaisseur, régularité).

Conclusion

Au total, la voie d'abord latérale, seule utilisable quand un bridge ou des dents sont présents sur l'arcade, offre à notre avis de nombreux avantages sur la voie d'abord crestale :

- exploration facile de la totalité du bas-fond sinusien ;

- contrôle de l'état de la muqueuse et possibilité de réparation d'une brèche si des particules sont utilisées ;

- possibilité de reconstruction étendue avec tous les types de matériaux, notamment les blocs osseux dont l'introduction dans le sinus nécessite une large voie d'abord qui ne peut être que latérale.

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