- Implant n° 3 du 01/09/2019
 

Implant n° 3 du 01/09/2019

 

RAPPEL DU CAS

Chirurgie implantaire

Gestion d'un échec esthétique implantaire

Pierre Cherfane  

ImplantologieParodontologieExercice privéParis

Analyse diagnostique

Étape préparatoire

Ce cas présente une problématique au niveau conceptuel du traitement implanto-prothétique et au niveau biologique (parodontite chronique de l'adulte manifestant une inflammation généralisée qui est plus sévère au niveau de l'implant).

La situation inflammatoire est facilement réversible quand le patient est coopérant.

Afin de créer un environnement sain propice au diagnostic et aux soins, la stabilisation de...


Résumé

Une patiente âgée de 51 ans, en bon état de santé générale, est adressée par son dentiste pour la gestion d'un problème esthétique au niveau de la 12.

L'examen exobuccal montre une ligne de sourire naturel moyenne dégageant les papilles.

L'examen endobuccal montre la présence d'une parodontite chronique de l'adulte non soignée avec un contrôle de plaque insuffisant. Un saignement au sondage est presque généralisé. Localement, au niveau de la 12, il s'agit d'une couronne implanto-portée. Une couronne provisoire est scellée sur un pilier prothétique transvissé [fig. 1 et 2]. La restauration au composite sur la 13 présente une surface rugueuse. La gencive péri-implantaire est inflammatoire. Le sondage est difficile à réaliser. Au sondage et à la palpation, on note l'absence de pus au niveau sulculaire.

La radiographie rétro-alvéolaire montre la présence d'un implant dont le col est enfoui plus que le niveau souhaité. L'os crestal est stabilisé au niveau de la deuxième spire [fig. 3].

Analyse diagnostique

Étape préparatoire

Ce cas présente une problématique au niveau conceptuel du traitement implanto-prothétique et au niveau biologique (parodontite chronique de l'adulte manifestant une inflammation généralisée qui est plus sévère au niveau de l'implant).

La situation inflammatoire est facilement réversible quand le patient est coopérant.

Afin de créer un environnement sain propice au diagnostic et aux soins, la stabilisation de la parodontite chronique est faite en premier lieu. Deux séances d'assainissement parodontal associé à des surfaçages radiculaires et, surtout, à un enseignement au contrôle de plaque (brosse oscillo-rotative, brossettes interdentaires, fil inter-dentaire au niveau des dents antérieures) sont réalisées à 2 mois d'intervalle. Localement, au niveau de l'implant en 12, afin de réduire la rétention de plaque et d'avoir une meilleure analyse de la situation, le pilier implantaire est déposé et remplacé par un pilier de cicatrisation de 8 mm de hauteur et de 4 mm de diamètre [fig. 4 à 6]. Une provisoire présentant une anatomie idéale, notamment au niveau du collet, est rebasée sur le pilier de cicatrisation [fig. 7]. Cette dernière tient par friction sans aucun scellement. La patiente a utilisé un gel antiseptique (Curasept, 0,12 % chlorhexidine) au brossage pendant un mois.

Le résulta de cette première phase de traitement est une disparition de la gingivite et un contrôle de la parodontite, ce qui crée une situation plus favorable à une analyse diagnostique et thérapeutique qui est faite 2 mois après ces soins.

Analyse prothétique et chirurgicale [fig. 8]

Un résultat esthétique prothétique optimal est directement dépendant du positionnement de l'implant. Un col implantaire positionné à 3 mm du collet prothétique dans les sens sagittal et axial serait optimal. Dans ce cas précis, c'est loin d'être le cas.

L'analyse des tissus mous et du tissu osseux se fait conjointement, les tissus gingivaux étant dépendants de leur support osseux.

Cliniquement, on note que la patiente présente un périotype épais mais qui est plutôt fin en regard de l'implant 12, probablement suite à l'intervention de pose d'implant sur laquelle aucune information n'est disponible. Le niveau du collet gingival est situé au moins à 3 mm de sa position idéale (le collet gingival de la 12 devrait se situer à environ 1 mm coronairement à la ligne joignant les collets de 13 et 11). Toujours au niveau des tissus mous, on constate la présence de triangles noirs au niveau inter-proximal, les papilles n'atteignant pas le point de contact. La radiographie rétro-alvéolaire montre deux détails cruciaux à prendre en considération dans l'analyse : le col de l'implant est situé dans le sens axial à 6 ou 7 mm du collet prothétique idéal et non à ce qui est préconisé, c'est-à-dire 3 ou 4 mm (Testori et al., 2018). Indépendamment de la position de l'implant, le niveau osseux inter-proximal au niveau des dents adjacentes est partiellement résorbé. En d'autres termes, la distance de 4 mm entre l'os interproximal et le point de contact qui garantirait la présence d'une papille fermant complément l'espace inter-dentaire ne peut pas être obtenue (Tarnow et al., 1992). Cette distance est d'environ de 8 à 9 mm au niveau de la 13 et de 7 à 8 mm au niveau de la 11.

On pourrait faire le constat suivant : la gencive vestibulaire n'a aucun soutien osseux et une reconstruction osseuse (greffe d'apposition par bloc autogène ou par allogreffe ou régénération osseuse guidée à l'aide de membrane résorbable ou non résorbable) améliorerait le volume osseux certes mais ne pourrait pas le régénérer ad integrum. Le niveau osseux maximal qu'on pourrait obtenir se limiterait dans le sens vertical à la ligne joignant les deux pics osseux (Grunder et al., 2016). Ce point est essentiel si on envisage la dépose de l'implant.

L'option de dépose de l'implant suivie d'une reconstitution osseuse présente les avantages suivants :

– amélioration du volume osseux sans pouvoir le régénérer ad integrum ;

– meilleur positionnement tridimensionnel de l'implant.

Les inconvénients, en revanche, sont les suivants :

– plusieurs étapes chirurgicales (dépose de l'implant, greffe osseuse, pose de l'implant associée probablement à une chirurgie d'augmentation des tissus mous de type conjonctif enfoui) ;

– risque de destruction supplémentaire du tissu osseux à la dépose de l'implant qui est ostéo-intégré sur presque toute sa surface ;

– risque d'exposition de la greffe osseuse limitant le gain osseux souhaité.

Coût plus élevé

L'option de remplacer l'implant 12 après sa dépose par un bridge collé est plus sûre. Néanmoins, les risques à la dépose de l'implant sont les mêmes que ceux cités précédemment et le manque de tissus osseux et gingival devra être compensé par des greffes osseuses et conjonctives pour éviter une couronne clinique longue et donc inesthétique.

La dernière option envisageable est celle de l'aménagement muco-gingival péri-implantaire. Cette option que nous avons choisie pour traiter ce cas implique certaines conditions à respecter lors de la conception et la restauration prothétique. La technique est décrite par Zuchelli et al., 2013.

Choix thérapeutique

Après avoir remplacé le pilier implantaire initial par un pilier de cicatrisation le moins large possible et la pose d'une couronne provisoire anatomique, on constate cliniquement les points suivants :

– cette situation qui simule le traitement définitif est avantageuse. On pourrait en déduire que l'axe de l'implant ne pose pas de problème à une prothèse implantaire scellée ou vissée ;

– une augmentation des tissus mous en épaisseur et en hauteur (3 mm environ) serait nécessaire pour obtenir une couronne clinique « anatomique » ;

– le contrôle de plaque adéquat et le pilier de cicatrisation en matériau biocompatible (titane) et le moins large possible ont permis un accroissement du tissu papillaire dans le sens mésio-distal créant un site receveur vascularisé potentiellement favorable à une chirurgie muco-gingivale de type lambeau déplacé coronairement.

Intervention chirurgicale

Préparation

Une séance d'assainissement parodontal est réalisée une semaine avant l'intervention. La patiente est priée de commencer le bain de bouche antiseptique (chlorhexidine 0,12 %) 2 jours avant l'intervention. Aucun traitement antibiotique n'est prescrit.

Intervention

Après une anesthésie locale vestibulaire et palatine, un lambeau d'épaisseur partielle de forme trapézoïdale avec deux incisons de décharge obliques est soulevé. Une dissection périostée permet de libérer les insertions et de mobiliser le lambeau sans tension [fig. 9]. La face vestibulaire du pilier de cicatrisation est rendue concave à l'aide d'une fraise diamantée montée sur turbine afin de « donner de la place » au tissu conjonctif [fig. 10]. Du tissu épithélio-conjonctif est prélevé sur un secteur postérieur édenté maxillaire. Le greffon est désépithélialisé et positionné au niveau du futur col prothétique [fig. 11]. Les papilles sont préalablement désépithélialisées à l'aide d'une lame 15c et de ciseaux à tissus courbes et fins. Le tissu conjonctif est fixé par des points matelassiers horizontaux au fil 6.0 monofilament résorbable. Par la suite, le lambeau est suturé coronairement de façon à recouvrir le greffon. Il est stabilisé par des points simples au fil 7.0 monofilament non résorbable au niveau des incisions de décharge et par un point suspendu autour du pilier avec le même fil [fig. 12]. La provisoire est juste repositionnée après avoir réduit le bord cervical pour éviter toute compression du lambeau.

Une évaluation clinique est réalisée 2 mois et demi après la chirurgie. Le recouvrement vestibulaire est satisfaisant et l'épaisseur des tissus mous est augmentée [fig. 13]. Néanmoins, une concavité au niveau de la partie gingivale vestibulaire est présente [fig. 14]. Ceci est dû à l'absence de tissu osseux sous-jacent. Une deuxième intervention d'augmentation tissulaire est programmée. Lors de cette intervention, un lambeau d'épaisseur partielle, superficiel, est disséqué en vestibulaire sans incision de décharge [fig. 15]. Le tissu conjonctif préalablement greffé n'est pas décollé. Du tissu épithélio-conjonctif est de nouveau prélevé puis désépithélialisé. Il est glissé sous le lambeau vestibulaire [fig. 16]. Le lambeau vestibulaire et le tissu conjonctif sont suturés ensemble aux papilles à l'aide de points simples au fil 6.0 monofilament non résorbable. La provisoire est retouchée au niveau du col pour l'éloigner de la gencive [fig. 17].

Le résultat à 4 mois est satisfaisant. On constate que le niveau de la gencive marginale est plus coronaire que celui des dents adjacentes [fig. 18]. Cependant, les papilles ne comblent pas l'espace interdentaire à causes du niveau osseux interproximal réduit. Ce point est détaillé plus haut. La vue de profil montre un gain en épaisseur et la disparition de la concavité vestibulaire [fig. 19].

La prothèse d'usage est réalisée par le chirurgien-dentiste correspondant. Des instructions sont données au technicien de laboratoire pour créer un pilier implantaire biocompatible (titane ou zircone) dont la partie transgingivale soit la moins compressive possible et avec une limite juxta-gingivale pour éviter l'agression de la gencive marginale par des excès de ciment de scellement. La patiente a choisi de restaurer le reste des dents antérieures aussi.

Le résultat final, à 10 mois post-opératoires, montre une bonne intégration du traitement prothétique, une stabilité de la gencive marginale et une corticalisation de l'os crestal péri-implantaire. La patiente est très satisfaite du rendu esthétique [fig. 20 à 22].

Discussion

Le choix de garder l'implant et d'optimiser l'environnement gingival est pris en fonction des différents paramètres analysés au cours de cet article. Cette solution est celle qui présente le moins de risques et offre une solution de compromis acceptable avec le moins de gestes chirurgicaux. Le principe est de garder une partie trans-gingivale la moins compressive et donc cylindrique, voire même concave. Le risque de fragiliser le pilier mécaniquement en le rendant concave nous limite à réaliser un pilier cylindrique. En aucun cas les limites de la prothèse ne devraient être sous-gingivales pour éviter la migration apicale des tissus. La forme partiellement évasée de la partie cervicale du pilier d'usage est à l'origine de la migration tissulaire apicale qui conduit le professionnel à qualifier le résultat de « satisfaisant » bien que la patiente le qualifie de « parfait ». Cette différence est visible en comparant les figures 20 et 18. La complémentarité entre le travail prothétique et les augmentations gingivales péri-implantaires est indispensable pour aboutir à un résultat optimal stable dans le temps.

Conclusion

Ce cas illustre que la chirurgie muco-gingivale péri-implantaire permet de corriger certaines erreurs de positionnement de l'implant. Cependant, une position tridimensionnelle favorable de l'implant reste une condition incontournable pour obtenir un résultat esthétique optimal. Quand ce positionnement n'est pas possible à cause d'un volume osseux déficient, le passage par une augmentation osseuse est fortement conseillé.

Bibliographie

  • Grunder U, et al. Implants in the esthetic zone. A step by step treatment strategy. Quintessence publishing. 2016.
  • Tarnow DP, Magner AW, Fletcher P. The effect of the distance from the contact point to the crest of bone on the presence or absence of the interproximal dental papilla. J Periodontol 1992;63:995-996.
  • Testori T, Weinstein T, Scutellà F, Wang HL, Zucchelli G. Implant placement in the esthetic area: criteria for positioning single and multiple implants. Periodontol 2000 2018;77:176-196.
  • Zucchelli G, Mazzotti C, Mounssif I, Mele M, Stefanini M, Montebugnoli L. A novel surgical-prosthetic approach for soft tissue dehiscence coverage around single implant. Clin Oral Implants Res 2013;24:957-262.