Bilan préimplantaire - Implant n° 2 du 01/05/2005
 

Implant n° 2 du 01/05/2005

 

Repères

Arguments

Thierry Rouach *   Patrick Renault **  


*Attaché hospitalo-universitaire Service de prothèse Paris V
**Maître de conférences Université de Paris V
Praticien hospitalier

Le bilan préimplantaire est une étape cruciale du plan de traitement implantaire qui permet, si elle est menée avec rigueur, d'éviter bien des pièges et complications. D'un point de vue prothétique, l'approche initiale du patient partiellement édenté doit être envisagée de manière rigoureuse et ordonnée.

Cet article porte sur les aspects essentiels de ce bilan pour déterminer si le patient peut être candidat au traitement implantaire.

Motivation et...


Le bilan préimplantaire est une étape cruciale du plan de traitement implantaire qui permet, si elle est menée avec rigueur, d'éviter bien des pièges et complications. D'un point de vue prothétique, l'approche initiale du patient partiellement édenté doit être envisagée de manière rigoureuse et ordonnée.

Cet article porte sur les aspects essentiels de ce bilan pour déterminer si le patient peut être candidat au traitement implantaire.

Motivation et psychologie du patient

Dès le premier entretien, le praticien doit être en mesure de déterminer la demande du patient :

- demande réaliste : le patient souhaite pouvoir mastiquer correctement et éviter une prothèse amovible ;

- demande acceptable : le patient à des exigences particulières, mais semble être réceptif aux arguments du praticien liés aux difficultés thérapeutiques et/ou techniques ;

- demande irréaliste : le patient émet une demande esthétique impossible à satisfaire dans le contexte clinique.

La motivation et la disponibilité du patient sont également des éléments très importants pour le bon déroulement du traitement.

Contexte buccal

Lors de l'examen endobuccal, 3 types de situation peuvent se présenter :

- situation favorable : bonne hygiène buccodentaire, édentements récents, soins conservateurs et restaurations prothétiques satisfaisants ;

- situation intermédiaire : hygiène perfectible, édentements plus anciens, légères malpositions dentaires, quelques restaurations à reprendre ;

- situation défavorable : hygiène buccale inexistante, problèmes parodontaux, édentements anciens associés à de nombreuses versions et égressions, troubles occlusaux.

Édentement

Différents facteurs tels le type de parodonte, l'importance de la perte osseuse, l'espace prothétique, les dents bordant l'édentement doivent être analysés. Ces éléments sont plus ou moins prépondérants selon la longueur et la situation de l'édentement (Fig. 1, 2, 3 et 4).

Dans le secteur antérieur

Situation favorable

• Gencive épaisse, fibreuse et kératinisée (plus favorable à l'obtention d'un résultat esthétique satisfaisant).

• Papilles courtes et épaisses.

• Ligne des collets : la ligne des collets doit être prise en compte en cas de sourire gingival. En effet, un collet décalé apicalement sur une restauration implanto-portée est particulièrement inesthétique. Une greffe osseuse ou un aménagement gingival peut être indiqué.

• Perte osseuse limitée compatible avec la mise en place d'implants selon l'axe prothétique idéal.

• Dents de forme carrée (régénération papillaire plus favorable que les dents triangulaires).

• Longueur et hauteur de l'édentement compatibles avec le projet prothétique :

- la longueur détermine le nombre de dents à restaurer et le nombre d'implants que l'on peut mettre en place. On choisit en général un espace 7 mm pour un implant standard, 15 mm pour 2 implants, 21 mm pour 3… On essaie de conserver 2 mm entre 1 implant et 1 dent et 3 mm entre 2 implants, ce pour des raisons esthétiques et d'hygiène (conservation des papilles, formes des embrasures…). La largeur de l'édentement doit être compatible avec la réalisation d'éléments prothétiques de largeur mésio-distale identique ou proche des dents naturelles ;

- La hauteur peut être soit diminuée par l'égression des dents antagonistes de par l'absence de calage, soit augmentée de par la résorption osseuse. La longueur moyenne d'une incisive centrale étant de 11,5 mm, la hauteur disponible doit être proche de celle-ci.

Situation défavorable

• Gencive fine et peu kératinisée : dans le cas d'un sourire gingival, une gencive fine peut être une contre-indication à la réalisation d'une restauration implanto-portée. En effet, la partie métallique risque d'être visible à travers la gencive ou dans le cas d'une récession. L'aménagement gingival et/ou l'utilisation d'éléments transgingivaux en alumine sont conseillés.

• Papilles fines et festonnées ;

• Perte osseuse importante :

- une concavité vestibulaire implique soit un positionnement de l'implant selon une orientation prothétique défavorable, soit une reconstruction osseuse ;

- la résorption osseuse verticale entraîne, en l'absence de reconstruction osseuse, la réalisation de dents longues, particulièrement disgracieuses en cas de sourire gingival.

• Dents de forme triangulaire (régénération papillaire plus difficile).

• Longueur et hauteur de l'édentement perturbées par la version et/ou l'égression des dents adjacentes et/ou antagonistes (cf. occlusion) et par l'importance de la résorption osseuse :

- la longueur peut être réduite ou augmentée de par la migration ou version des dents adjacentes. Dans les deux cas, il est indispensable de rétablir un espace MD adéquat par l'intermédiaire d'un traitement orthodontique avant tout traitement implantaire ;

- la hauteur peut être soit réduite par l'égression des dents antagonistes ou une supraclusie sévère (les dents paraîtront alors courtes, carrées, globuleuses), soit augmentée de par une résorption osseuse verticale importante, souvent associée à une résorption vestibulo-linguale (les dents apparaîtront alors excessivement longues). Dans l'un ou l'autre cas, le résultat sera inesthétique. Des modifications chirurgicales (aménagement de crête …), orthodontiques (réalignement du bloc incisif mandibulaire…) et prothétiques (fausses racines…) devront par conséquent être prévues.

Situation intermédiaire

Cette situation se situe entre les deux précédentes et peut entraîner certains compromis ou aménagements gingivo-osseux, orthodontiques, prothétiques pour améliorer la situation.

Dans le secteur postérieur

Les éléments à analyser sont quasiment les mêmes. Cependant, l'exigence esthétique est moindre. L'accessibilité aux différents moyens d'hygiène sera en revanche favorisée (formes des dents, embrasures calibrées…).

Les points importants sont la longueur mésio-distale de l'édentement qui déterminera le nombre d'implants, la largeur des futures restaurations prothétiques et la hauteur de l'espace prothétique qui déterminera le choix entre une restauration scellée ou vissée selon que l'espace est réduit ou important. Une hauteur inférieure à 6 mm contre-indique la mise en place d'implants, sauf si des aménagements majeurs sont effectués.

Occlusion

Les restaurations implanto-portées sont considérées aujourd'hui comme des thérapeutiques fiables à plus ou moins long terme. Cependant, on observe de nombreuses complications comme des dévissages, des fractures de céramique, de composants prothétiques, voire même d'implants. Dans la majorité des cas, l'occlusion est à l'origine de ces complications.

De manière générale, toutes pathologies articulaires, prématurités, interférences et signes de parafonctions doivent être relevés (facettes d'usure, fêlures…) et pris en compte. Ainsi, le bruxisme entraîne une augmentation de l'intensité des forces occlusales et du nombre de cycles, ce qui peut être à l'origine de nombreuses complications. La mise en place d'un plus grand nombre d'implants, la solidarisation des éléments prothétiques, le port d'une gouttière occlusale peuvent alors s'avérer nécessaires. Dans les cas extrêmes, le traitement implantaire pourra être contre-indiqué.

Situation favorable

• Aucun signe de parafonctions.

• Occlusion d'intercuspidie maximale stable, répétitive et équilibrée.

• Édentement encastré de faible étendue favorisant la proprioception sur dents naturelles.

• Guide antérieur fonctionnel permettant, dans le cas d'un édentement antérieur de faible étendue, d'éviter la prise en charge des mouvements fonctionnels uniquement sur la prothèse implanto-portée et pour un édentement postérieur de permettre une désocclusion postérieure évitant toutes interférences.

• Courbes occlusales (Spee et Wilson) fonctionnelles.

• Relations interarcades des bases osseuses favorables.

Situation défavorable

• Signes de parafonctions (facettes d'usure, fêlures…). Ces parafonctions devront être prises en compte.

• Occlusion d'intercuspidie maximale instable.

• Édentement antérieur de grande étendue impliquant la prise en charge des mouvements d'excursion mandibulaire uniquement par la prothèse implanto-portée.

• Édentement postérieur avec décalage important des bases osseuses dans le plan frontal, lié à la résorption centripète au maxillaire et centrifuge à la mandibule.

• Courbes d'occlusion perturbées et non fonctionnelles.

• Relations interarcades des bases osseuses défavorables dans les 3 plans de l'espace.

Esthétique

Outre la position et la forme des dents bordant la zone édentée, le contour et la morphologie gingivale, le plan d'occlusion, les paramètres suivants doivent être pris en compte :

• L'analyse de la sphère oro-faciale de face et de profil permettra de déterminer l'homogénéité et l'harmonie du visage.

• La position, la mobilité, l'épaisseur, la forme et la tonicité des lèvres doivent être déterminées lors de la fonction et du sourire. Le soutien des lèvres de face comme de profil est un point crucial, car il peut orienter le praticien dans son choix quant au type de prothèse à réaliser (prothèse fixée conventionnelle, prothèse sur pilotis, prothèse avec épithèse, prothèse adjointe complète implanto-portée) ou dans la réalisation d'aménagements ostéomuqueux.

• Le degré de visibilité des dents et de la gencive lors du sourire doit être évalué avant toute restauration esthétique. Trois types de sourire sont répertoriés :

- sourire bas découvrant une partie des dents antérieures (20,5 % des individus) ; c'est une situation assez favorable où la qualité de la gencive tient un rôle moins important, mais où la position, la forme, la teinte des bords libres et des contacts proximaux détermineront le résultat esthétique ;

- sourire moyen découvrant les dents et les papilles interdentaires (69 % des individus); outre les éléments précédents, la préservation des papilles rend la restauration plus complexe ;

- sourire haut ou gingival découvrant les dents et une large partie de la gencive attachée, voire alvéolaire (10,5 % des individus) ; c'est la situation la plus complexe qui nécessite une harmonie entre la restauration prothétique et les tissus gingivo-osseux (profil d'émergence, alignement des collets…).

• De même, le nombre de dents visibles doit être déterminé. Il varie en fonction de l'amplitude du sourire :

- 6 dents visibles (7,01 % des cas) ;

- 8 dents visibles (48,6 % des cas) ;

- 10 dents visibles (40,65 % des cas) ;

- 12 dents visibles (3,74 % des cas).

• Certains patients peuvent présenter un sourire asymétrique qui se forme au fur et à mesure des années pour masquer l'absence de dents.

Conclusion

Le bilan préimplantaire à la fois exobuccal et endobuccal ainsi qu'une analyse méticuleuse des examens complémentaires (radiographies, photographies) et, plus particulièrement, des modèles d'études montés sur articulateurs sont indispensables avant d'envisager un quelconque traitement implanto-prothétique.

Ces analyses et réflexions doivent être menées en commun avec les différents protagonistes (patient, prothésiste, chirurgien). Elles permettront d'aboutir à l'établissement d'une décision thérapeutique globale et d'un plan de traitement parfaitement géré.

Un coordinateur devra être désigné au sein de l'équipe thérapeutique pluridisciplinaire afin de vérifier le bon déroulement des étapes thérapeutiques qui permettront d'aboutir à un résultat esthétique et fonctionnel satisfaisant et garant du succès de la réhabilitation prothétique à long terme.

BIBLIOGRAPHIE

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