Implants enfouis ou non enfouis - Implant n° 1 du 01/02/1998
 

Implant n° 1 du 01/02/1998

 

Repères

Opinions

Serge Rozanès  

Chirurgien-dentiste
Docteur en sciences odontologiques

Après une longue période d'aventures, où les implants étaient posés de façon anarchique, sans protocole précis, avec des résultats imprévisibles dont beaucoup d'échecs et bien peu de réussites, la science de l'implantologie est devenue adulte grâce aux travaux de Brånemark et al. Il est impressionnant que cette technique ait été proposée à la profession au début des années 80, après une longue et rigoureuse expérimentation silencieuse (depuis 1958 sur l'animal et...


Après une longue période d'aventures, où les implants étaient posés de façon anarchique, sans protocole précis, avec des résultats imprévisibles dont beaucoup d'échecs et bien peu de réussites, la science de l'implantologie est devenue adulte grâce aux travaux de Brånemark et al. Il est impressionnant que cette technique ait été proposée à la profession au début des années 80, après une longue et rigoureuse expérimentation silencieuse (depuis 1958 sur l'animal et 1965 sur l'homme).

Après une période de méfiance légitime, la profession a été enthousiasmée par les résultats obtenus par cette technique au protocole bien précis [1].

Parmi les éléments de ce protocole, la mise en nourrice de l'implant semblait être déterminante tant il paraissait logique d'assurer une première phase de cicatrisation conduisant à l'ostéointégration à l'abri de l'infection et d'éviter la prolifération des cellules épithéliales. En fait, l'enfouissement ne constitue qu'une des composantes de protocole des implants de Brånemark, les autres règles étant :

- asepsie totale,

- chirurgie atraumatique sans échauffement [2],

- utilisation de titane pur,

- mise en fonction quatre à six mois après la pose de l'implant.

Quel praticien, travaillant au quotidien sur des implants, n'a pas parfois vu une effraction du tissu muqueux au-dessus d'un implant au cours du temps de cicatrisation, sans problème sur le résultat final de l'ostéointégration ?

Les implants non enfouis

En respectant les règles précédentes du protocole proposé par Brånemark et al., l'équipe de Berne, conduite par Schroeder, a montré, depuis 1975, que l'enfouissement n'est pas indispensable au succès de l'ostéointégration.

Des essais expérimentaux et cliniques rigoureux ont prouvé que les implants en titane, dont la mise en place se fait en une étape, conduisent à une ostéointégration avec la même garantie de succès que l'enfouissement [3].

Dans ces conditions, si l'une ou l'autre méthode peut être utilisée, quel va être le choix du praticien dans l'intérêt du patient [4, 5] ?

La technique de l'implant non enfoui présente les avantages suivants :

- suppression du deuxième temps chirurgical (le stade II de la technique classique est loin d'être une séance mineure et agréable pour le patient) (fig. 1) ;

- cicatrisation parfaite du manchon muqueux à la fin de la période d'ostéointégration, celle-ci débutant le jour de la mise en place de l'implant. Cela implique une utilisation plus rapide de mise en fonction du système (fig. 2).

Il existe de nombreux systèmes implantaires utilisant l'enfouissement. Aussi, le choix par le praticien va-t-il se faire en fonction des commodités d'utilisation, de la variété des systèmes prothétiques et du coût. Il n'existe, à ce jour, qu'un système adapté à la technique d'un temps chirurgical : le système ITI Straumann de Schroeder.

Des expérimentations, non encore publiées, sont en cours pour utiliser les implants de Brånemark en un seul temps chirurgical.

Le système ITI présente aussi l'avantage d'avoir un col lisse sans discontinuité entre l'implant et la superstructure en contact avec la gencive qui assure une parfaite cicatrisation et élimine les risques d'adaptations aléatoires entre le pilier et l'implant dans la zone sensible sous-gingivale.

En résumé, avec le système ITI, un temps chirurgical, signifie :

- un moindre coût et un traumatisme réduit de moitié pour le patient ;

- une cicatrisation du manchon tissulaire déjà réalisé à la fin de l'ostéointégration, donc une utilisation plus rapide ;

- le non-recours à la radiographie pour vérifier l'adaptation sous-gingivale du pilier grâce au col lisse, donc un système prothétique simple à utiliser.

Cependant, il faut se méfier des jugements simplificateurs à l'extrême. Il existe déjà un risque non négligeable de voir un certain nombre de praticiens qui seraient amenés à vouloir encore plus simplifier et négliger les autres règles impératives du protocole opératoire.

Quel système choisir ?

A mon avis, si l'implantation en un temps présente un grand nombre d'avantages, ce n'est pas un système universel qui peut satisfaire tous les cas.

Dans le système non enfoui, il n'y a pas de contrôle du niveau gingival lors de la cicatrisation. Il peut y avoir la révélation inesthétique du col que certains patients peuvent ne pas tolérer (fig. 3). Il est plus facile de remédier aux problèmes mucogingivaux au cours du stade II de la chirurgie implantaire classique.

Pour palier ces inconvénients, ITI a proposé une technique et un système prothétiques mieux adaptés aux problèmes esthétiques.

Les angulations seront également plus faciles à traiter avec les nombreux systèmes prothétiques, proposés avec la technique en deux temps.

Quand il existe des problèmes de déhiscence, de fenestration ou d'insuffisance de volume osseux qui vont conduire à utiliser la technique de régénération tissulaire guidée, la membrane doit être impérativement gardée enfouie si l'on ne veut pas de contamination bactérienne compromettant le résultat.

La technique non enfouie [6-9] si elle veut être utilisée, devra assurer, dans un premier temps, une régénération osseuse, ce qui supprime l'avantage proposé par cette technique.

De même, si le choix est de faire une implantation immédiate après extraction, la coaptation des lambeaux au-dessus des implants est plus propice à une régénération osseuse au niveau du col et une membrane est souvent la règle pour éviter l'invagination des tissus.

Conclusion

Nous rejoignons Curtis Jansen [10] qui constate que, comparativement au nombre d'édentés et d'édentations, il y a peu d'implants posés, que les systèmes implantaires sont trop complexes, que la profession manque de formation et de supports techniques pour cette spécialité et qu'une des solutions serait de réduire le temps global au fauteuil, par conséquent le coût. Le système non enfoui, à condition d'en connaître les limites, apporterait une réponse au moins partielle à ce problème.

Bibliographie

  • 1. Albrektsson T, Senneby L. State of the art of oral implants. J Clin Periodontol 1991; 18:474-481.
  • 2. Ericsson AR, Albrektsson T. Temperature threshold levels for heat-induced bone tissue injury. J Prosthet Dent 1983;50:101-107.
  • 3. Bernard JP, Belser U, Martimer JP, Borgio S. Osteointegration of Brånemark fixtures, using a single step operating technique. A prelimirary prospective one-year study in edentulous patient. Clin Oral Impl Res 1995;6:122-129.
  • 4. Lazzara R. Approche thérapeutique en chirurgie implantaire. Paris : Conférence de la Société française de parodontologie, 1993.
  • 5. Ouhayoun JP, Itic J, Caffeaux JC, Bouchard P. Comparaison de deux systèmes implantaires enfouis et non enfouis. J Parodontol 1993;13:17-30.
  • 6. Itic J, Chairay JP. Le choix de l'implant enfoui ou non enfoui. Revue Odonto Stomatol 1996;25:371-380.
  • 7. Buser D, Weber HP, Brägger U, Balsiger C. Intégration tissulaire ITI en un temps chirurgical. Cah Prothèse - Implant 1993; (hors-série n° 2):39-48.
  • 8. Buser D, Weber HP, Donath K, Fiorellini JP, Plaquette D, Williams R. Soft tissue reactions for non-submerged unloaded titanium implants in beagle dogs. J Peridontol 1992;63:225-235.
  • 9. Khayat P. Enfouir ou ne pas enfouir les implants. Inf Dent 1997:533-534.
  • 10. Antoun H. Journée spéciale de la Société française de parodontologie [compte rendu]. Implant 1997;1:64-66.