Prothèse
Gilles Montalbot * Daniel Brunel **
*Chirurgien-dentiste
Attaché des hôpitaux de Lyon
66, Grande rue, 01290 Pont-de-Veyle
**Prothésiste-dentaire
Laboratoire LSPD
10, Quai Saint-Antoine, 69002 Lyon
La reconstruction osseuse de la mandibule et l'ostéointégration de six implants ont donné les résultats escomptés. Le concept prothétique choisi est celui décrit par Brånemark il y a plus de 30 ans. L'utilisation du plâtre comme matériau d'empreinte assure la précision nécessaire à ce type de réalisation. Le choix du titane maintient une neutralité électrique souhaitable. La céramique basse fusion cuite sur base titane donne des résultats esthétiques satisfaisants. Une structure à deux étages dissimule l'issue des vissages implantaires.
Notre expérience dans le domaine de la prothèse amovible implanto-stabilisée nous a fait abandonner presque totalement cette technique à la mandibule (échecs implantaires plus nombreux, inconforts relatifs, maintenance contraignante pour le patient et le praticien). Les bridges implantoportés à extensions distales (proposés par Brånemark) donnent beaucoup plus de satisfactions [1].
Dans leur conception initiale, l'issue des vis implantaires (fonction de la position des implants) était souvent gênante et compromettait le résultat esthétique. Pour éviter cet inconvénient, il a été réalisé une barre de conjonction vissée sur les implants et une suprastructure céramo-titane coulissant sur l'infrastructure scellée au ciment temporaire et verrouillée par des clavettes résine, les deux parties du bridge étant facilement démontables.
Le jour de la mise en fonction des implants (IMZ Twin Plus), des coiffes de cicatrisation de 6 mm sont vissées et la fibromuqueuse est suturée (fig. 1). Ces coiffes sont parallélisées à la fraise diamantée, la prothèse d'attente est évidée et rebasée avec une résine auto-polymérisante. Une fois ébavurée et sculptée, elle préfigure le bridge définitif et assure la temporisation du cas. Les contacts postérieurs sont supprimés pour éviter le porte-à-faux distal et mettre en charge progressivement les implants (fig. 2).
Après cicatrisation, les transferts d'empreinte à vis longue sont positionnés sur les implants (fig. 3). Un contrôle radiographique permet de s'assurer qu'ils sont bien en place (fig. 4). A l'aide d'un porte-empreinte à ciel ouvert, l'empreinte est prise au plâtre (Snow White de Kerr), les transferts sont dévissés et les analogues d'implants positionnés (fig. 5). Plusieurs montages esthétiques sont proposés à la patiente (fig. 6).
Des clefs vestibulaires et linguales du montage définitif aideront à la réalisation des armatures qui doivent être incluses dans l'espace ainsi défini.
Le galvanisme buccal est un phénomène connu, la présence dans le milieu buccal de plusieurs métaux, très éloignés dans l'échelle d'électropositivité, induit inévitablement des courants galvaniques et des phénomènes de corrosion [10]. C'est l'élément situé le plus bas dans l'échelle d'électropositivité qui se corrode et devient anode. D'autres règles régissent les phénomènes d'oxydation, en particulier l'aération différentielle et les différences de volume et de surface entre deux métaux présents dans un milieu électrolytique (salive). Si bien qu'un petit implant titane enfoui dans le milieu corporel, malgré sa couche de passivation, peut se comporter en anode face à une volumineuse armature en or riche. Ce phénomène peut-il nuire à l'ostéointégration des implants en influençant leur état de surface ?
La question reste posée, mais des suppositions sont permises. Dans la mesure où les propriétés physiques, biologiques ainsi que la technologie industrielle et artisanale au laboratoire permettent de n'utiliser qu'un seul et même métal en milieu buccal, pourquoi ne pas chercher la cohérence ?
Son affinité pour l'oxygène nécessite la présence d'un gaz protecteur : argon. A la coulée, sa faible densité impose l'injection d'argon sous pression dans la chambre supérieure où se trouve le creuset et une aspiration par une pompe à vide sous le cylindre (fig. 7 et 8). Compte tenu de son haut point de fusion (1 740 °C), un arc électrique (fig. 9) peut fondre le titane qui est ainsi injecté et aspiré dans le cylindre (fig. 10) (Procédé Rematitan de Dentaurum). L'argon devant s'échapper au travers du revêtement, de nombreux évents sont prévus lors de la confection de la maquette en cire. Les figures 11 et 12 montrent les pièces brutes de coulée avec les tiges d'alimentation généreuses et les évents. Des inclusions d'argon peuvent rester prisonnières des armatures. Un contrôle radiographique des pièces coulées est indispensable (fig. 13). La barre de conjonction s'adapte avec une grande précision sur le modèle (fig. 14).
Au-delà de 880 °C, le titane change de phase (alpha en bêta). Il faut donc utiliser des céramiques basse fusion cuites à environ 780 °C (Tibon D, Duceram). Les cuissons successives amenant une oxydation importante et des risques de fragilisation de la céramique, il est nécessaire de protéger la cuisson par une atmosphère d'argon. Les progrès réalisés dans la technologie de ces céramiques permettent d'obtenir des résultats esthétiques intéressants. La suprastructure céramo-titane vient coulisser en fer à cheval sur la barre de conjonction. Les clavettes la stabilisent ( fig. 15 , vue linguale). Les deux structures prothétiques s'adaptent parfaitement (fig. 16). La figure 17 montre un éclaté du système : vis implantaires, barre de conjonction, suprastructure céramo-titane et ses clavettes. La même précision est retrouvée en bouche (fig. 18). La céramique basse fusion donne toute satisfaction et il est difficile de différencier les montages céramiques des diatos de la prothèse maxillaire (fig. 19 et 20). Le profil concave du départ (fig. 21) est amélioré après la pose des prothèses (fig. 22). L'ajustage des armatures sur les implants est contrôlé à l'aide d'un cliché panoramique scannora (fig. 23) ; les implants sont parfaitement ostéointégrés (fig. 24). Une prothèse mandibulaire fixe et maxillaire stable devrait provoquer une amélioration progressive de la fonction masticatoire et le développement croissant des muscles élévateurs [1]. Pour s'adapter à sa nouvelle fonction, la branche horizontale devrait s'épaissir [9].
Des examens radiographiques réalisés un an après la mise en fonction confirment cette hypothèse (fig. 25).
Le traitement de ces cas complexes est le fruit d'une collaboration nécessaire entre le chirurgien maxillo-facial, le praticien implantologiste et prothésiste et le technicien de laboratoire. La satisfaction de ces patients, jusqu'alors handicapés, récompense ce travail d'équipe. L'utilisation du titane comme matériau prothétique depuis 1990 [6, 7] avec des résultats constants nous permet de penser qu'il peut avantageusement remplacer les autres alliages et en particulier les nickel-chrome que la législation devrait bientôt interdire.