Que faire face à une cratérisation : intervenir ou non ? - Implant n° 2 du 01/05/1998
 

Implant n° 2 du 01/05/1998

 

Repères

Opinions

Frédéric Joachim *   Jacques Charon **  


*Parodontiste
**Parodontiste

Brånemark et ses collaborateurs ont mis au point le concept de l'ostéointégration (comme cela est rappelé par Hamerle et Lang, 1994 [1]). L'implantologie est donc devenue un acte thérapeutique fréquent et fiable quand elle est réalisée dans des conditions optimales respectant un protocole rigoureux [2]. Or, cette ostéointégration n'est malheureusement pas toujours...


Brånemark et ses collaborateurs ont mis au point le concept de l'ostéointégration (comme cela est rappelé par Hamerle et Lang, 1994 [1]). L'implantologie est donc devenue un acte thérapeutique fréquent et fiable quand elle est réalisée dans des conditions optimales respectant un protocole rigoureux [2]. Or, cette ostéointégration n'est malheureusement pas toujours irréversible.

Des soins rigoureux de la part des patients et une surveillance régulière du praticien sont donc indispensables pour un succès à long terme.

Détection, étiologie et pathogénie

Lors de visites de maintenance, des problèmes péri-implantaires peuvent être détectés pendant les examens cliniques, bactériologiques ou radiologiques. Les signes cliniques d'une péri-implantite peuvent être une inflammation, un saignement au brossage ou au sondage, l'apparition de poche, un abcès, une douleur, ou même une mobilité. Au niveau radiologique, les péri-implantites se caractérisent généralement par des pertes osseuses verticales ou horizontales. Les bactéries des plaques pathogènes sont, quant à elles, essentiellement des bactéries Gram -, anaérobies et mobiles sous le microscope à contraste de phase.

Ces pertes d'ostéointégration peuvent se produire à différentes périodes de la maintenance et pour différentes raisons [3, 4], sous réserve que les contre-indications médicales aient été dépistées avant la pose des implants [5]. Elles peuvent aussi avoir plusieurs facteurs étiologiques différents : le choix, la forme et la longueur de l'implant, l'occlusion traumatique ou l'infection péri-implantaire [6]. Cependant, la littérature montre que la plaque bactérienne est le facteur étiologique majeur dans la perte des implants à moyen et long terme [7].

Après la mise en fonction des implants, et pour des raisons mécaniques (mauvais ajustements occlusaux des prothèses, longueur, qualité et forme inadaptées des implants) [8], des lésions peuvent apparaître. Par ailleurs, pour des raisons infectieuses, la péri-implantite affecte les implants et leur fait perdre tout ou partie de leur ostéointégration. Le diagnostic différentiel, entre ces deux étiologies, se fait souvent à l'aide de l'examen bactériologique qui, en cas de problèmes occlusaux, montre une flore essentiellement aérobie Gram positive et très peu mobile au microscope à contraste de phase [9].

En effet, des études ont montré l'existence d'une flore bactérienne étiologique et pathogène similaire pour les parodontites et pour les péri-implantites [10]. En l'absence de contrôle de plaque adéquat (mécanique et médical) ou en présence de facteurs rétentifs prothétiques importants, la plaque s'accumule et se transforme en tartre.

L'apparition d'une inflammation, si elle n'est pas résorbée, peut provoquer l'apparition d'une poche et la formation d'un cratère osseux péri-implantaire [11]. Le processus de péri-implantite infectieuse est en marche et doit donc être contrôlé et arrêté afin d'éviter la perte complète de l'os péri-implantaire et, par conséquent, de l'implant.

Il est donc indispensable de faire le bon diagnostic étiologique pour entreprendre le traitement approprié.

Traitements des lésions péri-implantaires

Quelles que soient la forme et l'importance de la cratérisation, il faut, dans un premier temps, stopper l'évolution du cratère osseux en éliminant les facteurs étiologiques responsables. Cette première phase thérapeutique peut donc prendre deux orientations en fonction de l'étiologie trouvée. En cas de purs problèmes occlusaux, une analyse occlusale fine suivie d'un réglage occlusal aussi précis permettront de stopper l'évolution du cratère osseux. Dans le cas où la lésion est d'origine infectieuse, un diagnostic clinique, radiologique et bactériologique complet (parodonte dentaire et implantaire si prothèse mixte) permettra de connaître le type et l'avancement de la maladie, l'agent infectieux, mais aussi la rémission ou l'activité de la maladie [12]. Il est alors d'emblée conseillé et enseigné un contrôle de la plaque supragingivale afin de rendre la flore supragingivale compatible avec la santé parodontale. Il sera obtenu avec un brossage (brosse et brossettes interdentaires), des antiseptiques (chlorhexidine à 0,12 %) ainsi que des antimicrobiens (pénicilline et/ou métronidazole) si nécessaire.

Puis, le patient est revu un mois plus tard. Si les symptômes cliniques qui avaient motivé la première consultation ont considérablement régressé et que le cratère et la poche péri-implantaires sont peu importants (3 mm environ), un traitement et une surveillance « conservateurs » sont instaurés (désinfection du site implantaire et retrait du tartre et/ou du ciment de scellement à l'aide d'instruments adaptés) [13]. Cette technique de détartrage tente d'éviter toute agression iatrogène de l'attache épithélio-conjonctive et de la surface de l'implant en titane. Si, après quelques mois, la lésion reste stable, la surveillance mensuelle est alors espacée et le patient est revu au minimun deux fois par an compte tenu du haut risque de récidive de la pathologie.

En revanche, et dans un deuxième temps, si la cratérisation est importante, mais non terminale (implant non mobile), il faudra alors intervenir pour tenter de régénérer tout ou partie de l'os péri-implantaire qui a été perdu. Il est clair qu'avant toute intervention et pour éviter toute récidive de la péri-implantite, il faut que la parodontite (en cas de denture mixte, comme cela est de plus en plus le cas maintenant) soit au repos clinique, radiologique et bactériologique et que l'ajustement occlusal soit réalisé [14]. Différents types d'interventions [15] peuvent alors être envisagés en fonction de l'aspect de la muqueuse péri-implantaire, mais aussi de la configuration et de la sévérité de la cratérisation :

- la gingivectomie (ou mucosectomie ? par analogie à mucosite) permet d'éliminer les tissus hyperplasiques péri-implantaires, d'assainir la partie contaminée de l'implant et de faciliter la maintenance pour le patient (fig. 1, 2, 3 et 4) ;

- l'augmentation de la hauteur de muqueuse attachée par des techniques de greffe prise au niveau du palais a pour but essentiel de faciliter et donc d'empêcher l'accumulation de plaque et de bactéries pathogènes ;

- l'élimination chirurgicale de la poche intervient en complément de la thérapeutique antimicrobienne. La technique est globalement identique à celle utilisée dans les traitements parodontaux des lésions infra-osseuses. Une antibiothérapie peut éventuellement être prescrite en complément du geste chirurgical. En revanche, si les spires de l'implant sont exposées, elles doivent alors être meulées afin d'éviter l'accumulation et la rétention de la plaque dentaire. La surface de l'implant est ensuite polie à l'aéropolisseur, puis désinfectée avec de la chloramine T à 1,0 % ;

- par opposition avec la chirurgie résective, la thérapie régénérative peut également être utilisée. Elle utilise des membranes non résorbables en association ou non avec des matériaux de comblement résorbables ou non résorbables. Il est clair qu'avant de réaliser cette intervention et de décider du choix de la technique chirurgicale, le défaut péri-implantaire doit être minutieusement étudié. La forme de la lésion, la hauteur de la cratérisation, son étendue et sa forme détermineront les types d'incisions et les différents matériaux à utiliser. Il faut noter que ces thérapeutiques sont récentes et, par conséquent, nous avons peu de recul. Par ailleurs, elles ne sont pas toujours reproductibles ;

- lorsque l'implant est mobile ou fracturé, il faut envisager son extraction. L'extraction sera aussi réalisée lorsque toutes les solutions thérapeutiques énumérées ci-dessus auront échoué.

En conclusion, devant une cratérisation péri-implantaire, il faut agir rapidement puisqu'elle évolue beaucoup plus rapidement qu'une lésion parodontale classique. Une anamnèse, un examen clinique suivi d'examens complémentaires (bactériologique et radiologique) sont les conditions requises pour réaliser un diagnostic précis et trouver l'étiologie du problème rencontré. Il faut aussi comprendre que les différentes thérapeutiques décrites ont peu de recul et ont souvent été expérimentales ; peu d'études élaborées à moyen et long terme ont été menées jusqu'à présent chez l'homme. Par conséquent, il faut être prudent dans le choix et le pronostic des solutions thérapeutiques proposées au patient. Il faut finalement noter que la majorité des problèmes rencontrés dans les complications implantaires ont une origine infectieuse et que la priorité reste le contrôle adéquat de la plaque avec des antiseptiques et des antimicrobiens adaptés. En effet, comme en parodontologie, les chirurgies aussi bien réalisées soient-elles, n'empêcheront pas la récidive de la lésion si le contrôle de plaque n'a pas été compris et appliqué par le patient.

Finalement, il est donc indispensable qu'avant tout traitement implantaire, le patient, le chirurgien (si le praticien ne pose pas les implants), le praticien et le prothésiste aient une vue globale (prothétique, occlusale, parodontale, esthétique, financières, etc.) et prospective du traitement à réaliser afin d'éviter toute déception ou complications par la suite.

Bibliographie

  • 1. Hamerle CHF, Lang NP. Tissue integration of oral implants. Proceeding of the 1st European workshop on periodontology. 1994:297-316.
  • 2. Adell R et al. A longterm follow-up study of osseointegrated implants in the treatment of totally-edentulous jaws. Int J Oral Maxillofac Implants 1990;5: 347-359.
  • 3. Bert M. Complications et échecs en implantologie. Paris : Éditions CdP 1993.
  • 4. Davarpanah M, Martinez H, Kébir M, Renouard F. Complications et échecs de l'ostéointégration. J Parodontol Implant Orale 1996:15:285-314.
  • 5. Hadida A, Brunel G, Thibault JC. Contre-indications des traitements implantaires. Réalités Cliniques 1992;3:293-296.
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  • 9. Rosenberg ES, Torosian JP, Slots J. Microbial differences in two clinically distinct types of failure of osseointegrated implants. Clin Oral Impl Res 1991;2:135-144.
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  • 11. Lindhe J et al. Experimental break-down of peri-implant and periodontal tissues. A study in the beagle dog. Clin Oral Impl Res 1992;3:9-16.
  • 12. Charon J. La lithotritie parodontale. Paris : Éditions CdP 1997.
  • 13. Orton GS, Steele DL, Wolinsky KE. The dental professional's role in monitoring and maintenance of tissue-integrated prostheses. Int J Oral Maxillofac Implants 1989;4:305-310.
  • 14. Joachim F, Sandelé P, Charon J. Gestion des infections parodontales. A propos d'un cas parodonto-implantaire. Le monde dentaire 1994;67:43-49.
  • 15. Brägger U. Maintenance, monitoring, therapy of implant failure. Proceeding of the 1st European workshop on periodontology. 1994:345-364.

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