Comparaison de la stabilité en rotation de différents dispositifs antirotationnels - Implant n° 3 du 01/08/1998
 

Implant n° 3 du 01/08/1998

 

Prothèse

Laurent Videt *   Pr Jean Schittly **   Daniel Videt ***   Danielle Journet ****  


*Docteur en Chirurgie Dentaire
**Docteur en Sciences Odontologiques
Directeur Adjoint de l'UFR d'Odontologie de Reims
***Professeur de Mathématiques et Sciences Physiques Lycée Jules-Garnier, Nouméa, Nouvelle-Calédonie
****Professeur de Mathématiques
Chef d'établissement du collège Camille-Claudel, Villepinte

Les échecs en implantologie peuvent être d'origine implantaire (défaut d'ostéointégration) ou prothétique (descellement des prothèses, dévissage ou fracture des vis...). Plusieurs paramètres influencent le dévissage ou la fracture des vis de fixation prothétique. Ainsi, selon de nombreux auteurs, la stabilité de la connexion implant-prothèse lors des sollicitations en rotation semble jouer un rôle primordial dans la pérennité des constructions prothétiques vissées. Cette étude tente de déterminer le comportement de différents systèmes implantaires face aux sollicitations en rotation et d'évaluer les performances des dispositifs antirotationnels utilisés pour chacun d'eux.

Chaque année, de nombreux systèmes et composants implantaires apparaissent sur le marché international. Du fait de leurs diversités de conception, il s'avère extrêmement difficile de faire le point et de déterminer leurs capacités respectives à répondre aux exigences mécaniques que requiert la prothèse sur implants.

Selon de nombreux auteurs, les principaux échecs en prothèse implantaire unitaire sont essentiellement dus aux dévissages, mais aussi aux fractures des vis de fixation prothétique. Par exemple, Zarb et al. (cité par Bert [1]) notent que sur 274 implants placés sur 49 patients, 53 vis de prothèse ont dû être remplacées pour cause de fracture. A l'opposé, Naert et al. (cité par Bert [1]) ne signalent que 7 fractures de vis de prothèse pour 564 implants contrôlés. Ces fractures ont toutes été rapportées à des desserrements préalables des vis. En prothèse unitaire, Jemt et al. (cité par Bert [1]) signalent le desserrement des vis de moignon prothétique dans 65 % des cas dans un suivi de 3 ans de 23 implants unitaires. Sur le plan clinique, il a été rapporté que la plupart des fractures répétées de vis étaient observées lorsque les éléments de la prothèse n'étaient pas serrés ou ajustés correctement. Pour les reconstructions plurales, aucun auteur ne signale de complications de ce type. Dans ce cas précis, il convient, lors des contrôles réguliers et lorsque la gencive paraît inflammatoire, de vérifier le serrage des vis de moignon en déposant préalablement le bridge. Le plus souvent, le resserrage de cette vis suffit à redonner un aspect sain à la gencive.

Ainsi, il a été mis en évidence que la stabilité des vis de fixation était étroitement liée à la précision d'ajustage des pièces prothétiques sur l'implant, d'une part, et à la stabilité de la suprastructure prothétique sur celui-ci, d'autre part. Ce dernier point permet de confirmer le rôle prépondérant du dispositif antirotationnel dans la pérennité à long terme des constructions prothétiques, en particulier dans le cas de constructions unitaires.

Cette étude tente de déterminer le comportement des principaux systèmes implantaires commercialisés vis-à-vis des contraintes mécaniques observées au niveau de l'interface implant-prothèse, et plus particulièrement en ce qui concerne les sollicitations en rotation.

La première partie rappelle les notions de biomécanique liées à la sollicitation en rotation de la connexion implant-prothèse. Dans la deuxième partie sont abordées les conséquences d'une telle contrainte sur la pérennité de la construction prothétique. La troisième partie décrit les principaux systèmes pris en compte dans cette étude, ainsi que les mécanismes utilisés pour assurer le blocage en rotation. L'approche mathématique du jeu en rotation permet une comparaison avec les résultats expérimentaux publiés dans la presse spécialisée.

Mécanismes responsables de la sollicitation en rotation

Les sollicitations occlusales engendrent plusieurs types de mouvements au niveau de la connexion implant-prothèse, et principalement la contrainte en rotation. Elle s'exerce plus particulièrement sur les constructions prothétiques unitaires, tant antérieures que postérieures. Dans les deux cas, cette contrainte s'exerce lorsque le contact occlusal issu des mouvements d'excursion de la mandibule se situe à distance de l'émergence du grand axe de l'implant, tendant ainsi à déstabiliser la prothèse en rotation autour de cet axe ( fig. 1a et b ) [2].

L'autre phénomène observé consiste en une friction au niveau du contact proximal. Lorsque le contact en diduction ou en propulsion se situe sur l'une des dents adjacentes à la construction prothétique unitaire, la friction au niveau du contact entre la prothèse et la dent adjacente engendre une sollicitation en rotation de la connexion implant-prothèse. Cette contrainte s'observe de manière plus importante lors de constructions prothétiques unitaires postérieures, du fait de la plus grande surface de contact proximal à ce niveau. Il faut noter que l'intensité de cette contrainte est d'autant plus grande que le contact considéré est fortement marqué (fig. 2) [2].

Incidence de la sollicitation en rotation sur la pérennité de la construction prothétique

Selon certains auteurs comme Binon [3-9], Jemt (cité par Boudrias [10]) et de nombreux autres [1], une des conséquences d'un jeu en rotation excessif s'avère être le dévissage ou la fracture des vis de fixation prothétiques. Ces auteurs préconisent donc un jeu de rotation le plus faible possible, plus satisfaisant sur le plan de la stabilité à long terme. Selon Binon [3-9], « un micro-mouvement en rotation inférieur à deux degrés permet la meilleure pérennité à long terme du complexe vissé ». Cependant, l'équipe suédoise de Brånemark ne considère pas ce point comme important. Selon les ingénieurs de la société Nobel Biocare, l'hexagone externe de la fixture n'est présent que dans un but de repositionnement du pilier prothétique - en particulier du pilier angulé - dans la position souhaitée. Le blocage en rotation de ce système n'est réellement assuré que par la déformation de la vis de pilier en or, serrée à un couple de 32 Ncm [11-14]. Cette théorie est contestée par les concepteurs des autres systèmes qui affirment qu'une stabilité primaire du pilier sur l'implant constitue un critère important permettant de minimiser les risques de dévissage des composants.

Récemment, une nouvelle approche proposée par Steri-Oss consiste en l'utilisation de vis en alliage de titane traité - TorqLite Screws - dont les propriétés mécaniques permettent l'augmentation de la pérennité des vis de fixation prothétique.

Les différents systèmes étudiés

Pour la présente étude, seuls les principaux systèmes commercialisés sont étudiés. Ces systèmes sont classés en fonction du mode de connexion implant-prothèse utilisé pour assurer le blocage antirotationnel.

On distingue trois grands types de connexion :

- les systèmes à emboîtement passif ;

- les systèmes à emboîtement actif ;

- les systèmes à engrènement passif.

Les systèmes à emboîtement passif

Ce sont des systèmes dont le blocage en rotation est assuré par l'emboîtement sans friction d'une pièce mâle dans une pièce femelle. Selon la conception, la forme des parties complémentaires est variable : elle peut être de forme hexagonale, octogonale, voire dodécagonale.

La configuration hexagone mâle dans hexagone femelle est la solution la plus ancienne puisque cette conception est proposée en 1965 par P. I. Brånemark (fig. 3) [15].

Ce mécanisme antirotationnel a été repris et parfois modifié par de nombreux autres concepteurs de systèmes implantaires. Le système développé par Brånemark propose un hexagone mâle faisant partie intégrante de l'implant. Il s'agit d'un système nommé « à hexagone externe ». Ce principe est repris par les implants 3i, Euroteknika, Swede-Vent, et bien d'autres... A l'opposé, d'autres systèmes proposent un blocage antirotationnel par hexagone interne (Frialit-2).

A titre indicatif, il faut noter que, outre ce type de liaison, d'autres fabricants ont développé des mécanismes antirotationnels de forme octogonale interne tels que les systèmes TBR (fig. 4) [16] ou encore Calcitek Omniloc (fig. 5) [17].

Enfin, le système Impla BIT (fig. 6) [18] propose un blocage par dodécagone interne (12 côtés).

Les systèmes à emboîtement actif (par friction)

Le principal système élaboré selon ce principe est le système ITI [19] (fig. 7). La connexion implant-prothèse est assurée par l'emboîtement d'une partie mâle appartenant au pilier prothétique, de forme conique, dans une partie femelle de même conicité. Le pilier présente, à sa partie inférieure, un pas de vis destiné à être vissé dans l'implant, le tout étant serré à un couple de 35 Ncm. Selon le concepteur, ce mode de connexion basé sur le principe du « cône morse » permet une mise en place par friction assurant un parfait blocage en rotation.

Le système Core-Vent propose un mode de connexion spécifique nommé « Spectra System ». Ce principe consiste en l'emboîtement d'une partie mâle de forme hexagonale légèrement conique dans une partie femelle hexagonale de même dimension (fig. 8) [20]. Cela induit une légère friction lors de la mise en place du pilier sur l'implant. Dans la gamme Core-Vent, on distingue les systèmes à hexagone interne (Bio-Vent, Core-Vent, Screw-Vent [21, 22]) et le système Swede-Vent TL à hexagone externe, dernière évolution du système Swede-Vent classique (fig. 9) [20]. Tous les systèmes Core-Vent, à l'exception du système Swede-Vent classique qui propose une mise en place passive, utilisent un blocage antirotationnel par friction.

Les systèmes à engrènement passif

Il s'agit de systèmes basés sur une connexion par engrènement de deux structures en forme de créneaux internes (système IMZ Twin plus) ou externes (système Sulzer Medica Calcitek Spline, fig. 10 ). Cependant, du fait du manque de renseignements techniques fournis par la société Friatec France qui commercialise l'IMZ Twin Plus, ce système n'a pu être pris en compte dans cette étude.

Analyse mathématique du jeu en rotation des différents systèmes

Mathématiquement, il est possible de réaliser une approche permettant de prévoir le comportement en rotation des différentes formes étudiées, et plus particulièrement en ce qui concerne les systèmes à emboîtement et à engrènement passifs [23].

Ainsi, on peut comparer l'angle du jeu de rotation de la pièce mâle dans la pièce femelle, pour les systèmes à hexagone, octogone, dodécagone et les systèmes à créneaux.

Les systèmes à forme polygonale (fig. 11)

Le jeu en rotation est représenté par l'angle α. La variable R représente le rayon du cercle dans lequel s'inscrit le polygone mâle de la connexion. Ce cercle peut être défini « cercle de contact », c'est-à-dire le cercle sur lequel s'effectue les contacts entre la partie mâle et la partie femelle à l'issue du mouvement de rotation.

La valeur e représente le jeu d'adaptation entre les pièces connectées, mâles et femelles.

α + β = Ω/2

M est le milieu de [BC]

Dans le triangle rectangle OMA', cos β = OM/OA' = OM/R

OM = OM' + e

Dans le triangle rectangle OM'A, cos (Ω/2) = OM'/R => OM' = R. cos (Ω /2)

=> OM = R. cos (Ω/2) + e

cos β = OM/R = (R. cos (Ω/2) + e)/R = cos (Ω/2) + (e/R)

En exprimant Ω en fonction du nombre de pans n du polygone, Ω = 360/n

=> cos β = cos (180/n) + (e/R)

α + β = Ω/2 => α = Ω/2 - β = (180/n) - β

L'objectif est d'étudier les variations de α en fonction de n.

α dépend de n, de R et de e. Afin de pouvoir réaliser une comparaison du jeu en rotation en fonction - uniquement - de la forme de la connexion, c'est-à-dire du nombre de pans n, il est essentiel et primordial d'étudier cette fonction à R et e constants.

En choisissant pour référence les systèmes à connexion hexagonale type Brånemark, dont la distance de pan à pan de l'hexagone mâle est estimée à 2,7. 1-30 m (2,7 mm), on peut aisément calculer la valeur R = 1,559. 10-3m. En ce qui concerne le jeu d'adaptation entre les pièces connectées e, cette valeur sera arbitrairement fixée à e = 10-5 m (10 µm). Cette valeur du jeu d'usinage est déterminée selon les indications approximatives fournies par les représentants de divers systèmes implantaires concernés par cette étude.

En remplaçant R et e dans l'équation (1), on obtient :

où α ne dépend que de n.

La représentation graphique de cette fonction α = f(n) donne (fig. 12) :

On observe que la fonction α = f(n) est croissante mais ne croît pas de façon linéaire.

Il convient cependant de noter que pour une valeur R fixée précédemment à 1,559.10-3, le jeu en rotation α est d'autant plus faible que le jeu d'adaptation e l'est également. Pourtant, pour une valeur R identique mais pour un jeu e plus faible (5 µm), l'aspect de la courbe α = f(n) varie peu comparativement à la courbe de la figure 12 , comme le met en évidence le graphique suivant (fig. 13).

On peut conclure que plus le polygone présente de côtés, plus l'angle de rotation est élevé et que le jeu en rotation n'est pas proportionnel à n mais varie selon une croissance de type « exponentielle ».

Les structures en créneaux

En ce qui concerne les structures en créneaux, il est intéressant de comparer leur jeu en rotation avec celui des modes de connexion polygonale, pour les mêmes valeurs R et e (fig. 14).

Le triangle OA1A2 est un triangle isocèle.

OA1 = OA2 = R

De ce fait, e2 = 2R2 - 2R2. cos α

=> cos α = (2R2 - e2)/2R2

=> cos α = 1 - (e2/2R2)

Le rayon R étant, comme pour les connexions de formes polygonales, le rayon du cercle de contact et e le jeu d'ajustage entre les pièces connectées, il est possible de remplacer, dans l'équation (3), R et e par leurs valeurs respectives : R = 1,559.10-3 m, e = 10-5 m.

On trouve ainsi, α = 0,367°.

On pourrait supposer que l'angle α des structures en forme de créneaux est plus faible que celui des mécanismes antirotationnels en forme de polygone. Afin de vérifier cette hypothèse, il convient de comparer l'angle α le plus faible obtenu pour une structure polygonale, en l'occurrence une forme triangulaire (n = 3), avec le jeu en rotation α des structures crénelées, pour les mêmes valeurs R et e.

Ainsi, selon la fonction (2), l'angle α pour un polygone à 3 pans (n = 3) est de α = 0,42°.

Cette forme de connexion n'étant pas usitée dans le domaine de l'implantologie intra-orale, il convient de comparer la valeur obtenue entre les structures en créneaux et la forme hexagonale de référence : le système Brånemark. Ainsi, l'angle α de rotation obtenu pour les mêmes constantes R et e est de α = 0,743°.

Du fait des diversités observées concernant les constantes R et e entre les différents systèmes étudiés, les valeurs obtenues par ces méthodes de calcul n'ont pas de véritable signification scientifique. Elles n'ont pour but que d'établir une comparaison de la stabilité en rotation des différents mécanismes antirotationnels existants, en n'utilisant pour seule et unique variable le paramètre permettant de définir la forme du dispositif de blocage en rotation.

Classification de la stabilité en rotation en fonction de la forme de la connexion

On peut ainsi conclure que, pour des valeurs R et e identiques, si l'on devait établir une hiérarchie des capacités de stabilité en rotation, les systèmes les plus performants devraient être les structures en créneaux, devançant toutes les structures polygonales régulières.

Parmi les modes de connexion basés sur des formes polygonales, le jeu en rotation est d'autant plus important que le polygone présente de côtés.

Cependant, ces données mathématiques dépendent des valeurs R et e.

Celles-ci étant variables d'un système à l'autre, il convient d'être prudent et de déterminer si ces constatations mathématiques sont vérifiées expérimentalement.

Aspect expérimental

De nombreux auteurs tels que Binon [3-9], Niccholls et Basten [24], Balfour et al. [25], ainsi que la plupart des sociétés élaborant les systèmes implantaires ont réalisé des études expérimentales en vue de déterminer le comportement en rotation des produits commercialisés. Les résultats des principales études réalisées sur ce sujet sont collectés dans le tableau I .

En prenant les valeurs maximales du jeu en rotation déterminé par ces différentes études, il est possible de représenter graphiquement les résultats obtenus. Cependant, les protocoles d'expérimentations étant différents ou non indiqués par ces études, il paraît difficile d'attribuer une valeur scientifique à cette représentation des résultats. L'histogramme de la figure 15 permet seulement de déterminer le comportement relatif des différents systèmes sur le plan de la stabilité en rotation.

Ainsi, on peut remarquer que les systèmes à blocage antirotationnel à octogone (Omniloc...) semblent moins performants que les systèmes à hexagone externe. Ceci s'explique par la forme de la connexion implant-pilier prothétique. D'autre part, les différences existant au sein même des systèmes à hexagone externe sont essentiellement dues aux variations de précision d'usinage des composants, comme le mettent en évidence les études réalisées par Schulte [26] et Binon [8].

Pour l'étude réalisée par Binon [8] (fig 16), pour chacun des 5 systèmes étudiés, 5 implants sont sélectionnés. Les 3 dimensions de pan à pan d'un même hexagone externe sont analysés. Ainsi, 15 valeurs sont obtenues pour chaque système.

En ce qui concerne l'étude menée par Schulte [26] (fig. 17), les dimensions de pan à pan des hexagones sont mesurés sur 8 implants de chaque système. Ainsi, 24 valeurs sont obtenues pour chacun des 5 systèmes testés.

En prenant les valeurs maximales et minimales relevées dans ces deux études, un graphique récapitulatif peut être réalisé (fig. 18).

Seuls les résultats obtenus pour les systèmes 3i, Nobel Biocare et Swede-Vent sont pris en compte, puisque seuls ces derniers sont concernés par la présente étude.

Les dimensions minimales et maximales des hexagones externes des implants de ces trois systèmes montrent que l'usinage des composants du système 3i est considérablement plus précis que pour les implants Nobel Biocare et surtout Swede-Vent. Il faut cependant noter que la stabilité en rotation du système Swede-Vent paraît paradoxalement meilleure que pour le système Nobel Biocare, comme l'indique la figure 12 .

En ce qui concerne le système Screw-Vent (hexagone interne avec mise en place par friction nommée « Friction Fit »), la stabilité en rotation est supérieure aux systèmes à hexagone externe conventionnels. Ensuite viennent les systèmes à engrènement passif (Sulzer Calcitek Spline), puis les systèmes Swede-Vent TL et ITI qui présentent la meilleure stabilité, avec un jeu en rotation de 0°.

Il faut cependant noter que, selon Binon [6], si les systèmes à emboîtement hexagonal par friction (Core-Vent : Swede-Vent TL et Screw-Vent) présentent une excellente stabilité en rotation, ceci est aux dépens de l'adaptation dans le sens vertical du pilier prothétique sur l'implant, comparativement aux systèmes à emboîtement passif. Tous les systèmes implantaires proposant la fixation d'un pilier prothétique transgingival sur l'implant (systèmes d'implants enfouis) présentent un joint vertical entre les pièces connectées, mais les dimensions de ces défauts d'adaptation verticale sont variables d'un système à l'autre.

Toutefois, il semble important de déterminer l'incidence d'un défaut d'adaptation verticale sur l'intégration de l'implant, en particulier au niveau des tissus mous.

En 1988, Jansen et al. [27] ont mis en évidence le rôle néfaste du jeu d'adaptation vertical sur la santé des tissus mous péri-implantaires.

En 1995, Ericsson et al. (cité par Jansen [27]) ont démontré l'accumulation de cellules inflammatoires au voisinage du joint de connexion et des tissus mous, mises en évidence sur des coupes histologiques issues d'études in vivo (fig. 19).

De plus, des études portant sur l'analyse in vitro de la prolifération des bactéries à la jonction implant-pilier prothétique, complétées par des études in vivo, ont mis en évidence que la présence d'un joint important pouvait être responsable de l'inflammation des tissus mous péri-implantaires. Ainsi, il faut noter que si cet espace est inévitable pour des raisons mécaniques, la prolifération bactérienne est d'autant plus importante que le jeu d'adaptation dans le sens vertical est important. Cependant, sur le plan clinique, il semble que l'impact sur les tissus environnants soit variable et de plus amples études doivent être entreprises afin de déterminer l'incidence exacte du jeu d'adaptation vertical sur l'intégration vis-à-vis des tissus mous péri-implantaires.

D'après les résultats des diverses études expérimentales concernant le jeu en rotation des différents systèmes, il est possible d'établir un parallèle entre l'approche mathématique et l'approche expérimentale. Dans la plupart des cas, les résultats issus de l'approche mathématique et ceux obtenus expérimentalement coïncident.

Conclusion

La multitude de nouveaux systèmes apparaissant chaque année rend difficile le choix d'un système implantaire. Il existe de nombreux critères qui orienteront vers un système plutôt qu'un autre. Certains attacheront plus d'importance au résultat esthétique, d'autres préféreront un système fiable sur le plan mécanique, etc.

La principale cause d'échec mécanique en prothèse implantaire étant le dévissage ou la fracture des vis de fixation du pilier prothétique à l'implant, il semblait intéressant de déterminer les critères permettant de minimiser ces risques de dévissage, plus spécifiquement lors de constructions unitaires puisque ce type de construction est particulièrement sujet aux contraintes en rotation. Il paraissait donc intéressant de s'attacher en priorité au comportement des différents systèmes vis-à-vis de ces contraintes, en fonction de la forme du dispositif antirotationnel utilisé pour chacun d'eux.

Ainsi, une approche mathématique a permis de mettre en évidence une corrélation entre l'aspect relativement théorique de cette science et l'aspect expérimental d'études recueillies dans la bibliographie.

Cette corrélation a permis d'établir une classification de la stabilité en rotation des principaux systèmes commercialisés. Ainsi, les systèmes ITI et Swede-Vent TL semblent présenter la meilleure stabilité, suivis de près par le système Spline, Screw-Vent puis des systèmes Swede-Vent, 3i, Nobel Biocare et, enfin, le système Omniloc.

Mais cette classification permet-elle vraiment d'affirmer qu'un système est meilleur qu'un autre ? Sur le plan de la stabilité en rotation, sûrement, mais de nombreux autres facteurs sont à prendre en compte lors du choix d'un système implantaire. Si les caractéristiques mécaniques des différents systèmes sont d'une importance capitale, les considérations pratiques (facilité du protocole d'intégration de la suprastructure prothétique) et surtout esthétiques jouent également un rôle primordial dans la réussite dans le traitement par prothèse implantaire. Il revient donc à chacun de définir ses priorités et de choisir tel ou tel système en fonction des caractéristiques et des possibilités offertes par chacun d'eux.

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