Intérêt de la prise d'empreinte lors de la pose des implants
 

Implant n° 1 du 01/02/1999

 

Repères

Opinions

Jean-Pierre Lucchini  

Post-graduate de l'université de Baylor (Dallas)
Ancien chargé d'enseignement de l'école de médecine dentaire de Genève

La technique chirurgicale décrite par Brånemark au début des années 1980 était très précise et demandait le respect des séquences dans la progression thérapeutique depuis la pose des implants jusqu'à celle de la prothèse vissée. Les Suédois ne devaient alors pas imaginer les modifications rapides qui allaient être apportées à une technique qui paraissait ne pas devoir être modifiée tant elle semblait bien codifiée et génératrice d'un taux de succès très...


La technique chirurgicale décrite par Brånemark au début des années 1980 était très précise et demandait le respect des séquences dans la progression thérapeutique depuis la pose des implants jusqu'à celle de la prothèse vissée. Les Suédois ne devaient alors pas imaginer les modifications rapides qui allaient être apportées à une technique qui paraissait ne pas devoir être modifiée tant elle semblait bien codifiée et génératrice d'un taux de succès très élevé.

Pour diminuer la longueur du traitement global et améliorer le confort du patient ou le résultat esthétique, différentes modifications thérapeutiques ont été proposées sans remettre en cause les bases chirurgicales de la technique de Brånemark. Dans le protocole initial, la découverte des implants enfouis demande un délai allant généralement de trois à six mois. Une nouvelle période d'attente est ensuite nécessaire pour attendre la cicatrisation autour des piliers (de cicatrisation) avant de prendre l'empreinte. Curieusement, cette deuxième période d'attente est généralement moins bien supportée que la première par les patients, bien que ne dépassant pas quelques semaines la plupart du temps. Nous pouvons imaginer plusieurs raisons à cela :

- l'enthousiasme s'est un peu émoussé au cours des mois et le patient a hâte d'en terminer ;

- les suites opératoires de ce deuxième temps sont souvent plus désagréables qu'après la mise en place des implants bien que l'acte chirurgical soit plus anodin. Le patient en est surpris et parfois inquiet ;

- la mise en place des piliers de cicatrisation ou de piliers définitifs peut poser des problèmes pour la réadaptation de la prothèse provisoire amovible qui, de ce fait, est moins bien supportée par le patient. Cette prothèse provisoire doit rester en place pendant toute la cicatrisation jusqu'à la maturation tissulaire, qui est nécessaire pour obtenir un niveau stable des tissus péri-implantaires. À ce moment-là seulement, le choix des piliers définitifs peut être fait (dans les cas où l'aspect esthétique est essentiel).

Ces considérations temporelles et la recherche d'un confort amélioré pour le patient ont conduit à imaginer une technique d'empreinte immédiate pour tous les implantologistes qui utilisent une technique chirurgicale en deux temps. Cette possibilité d'empreinte au premier stade chirurgical est évidemment beaucoup moins intéressante avec la pose d'implants en un seul temps chirurgical.

Technique

La prise d'empreinte se fait le jour de la pose des implants grâce à des transferts se fixant directement sur les implants avant que ceux-ci ne soient enfouis. Ces transferts sont alors solidarisés avec de la résine à une clé de repositionnement, préparée à l'avance sur un modèle en plâtre. Cette clé a généralement servi de guide chirurgical en début d'intervention. Un (des) homologue(s) d'implant est (sont) vissé(s) dans le(s) transfert(s) solidarisé(s) à la clé de repositionnement qui est ensuite replacée sur le modèle. Cette technique, contrairement à une empreinte classique qui peut également être utilisée dans ce cas, évite le contact d'un quelconque matériau d'empreinte (non stérile) avec le site opératoire, voire l'os, ce qui est important si on veut suivre des règles d'asepsie rigoureuses.

Avantages de cette technique

Elle est simple.

L'empreinte ayant été prise au premier stade chirurgical, le praticien et le technicien de laboratoire ont tout le temps de choisir les piliers adéquats et d'exécuter la prothèse transitoire.

Elle permet de placer la prothèse provisoire fixe immédiatement après la découverte des implants (dans la même séance).

Elle supprime le deuxième délai d'attente pour le patient.

Le délai de cicatrisation et de maturation des tissus peut être accru sans préjudice pour le patient, équipé d'une restauration provisoire fixe.

La cicatrisation autour de dents provisoires morphologiquement très proches des dents définitives donnera une meilleure approche de la cicatrisation tissulaire péri-implantaire.

Inconvénients

Cette technique présente quelques inconvénients :

- elle prolonge le temps d'intervention ;

- idéale pour les éléments unitaires, elle intéresse surtout les petites restaurations implantoportées. En effet, la clé doit impérativement être supportée et stabilisée par des piliers adjacents au secteur d'édentation à restaurer. Dans le cas contraire, le repositionnement sur le modèle de travail est délicat, voire impossible, et dans tous les cas, très imprécis. Si nous utilisons une empreinte classique, les couples de dents antagonistes doivent être suffisants pour que le praticien soit certain de retrouver les bons rapports en occlusion de convenance ;

- l'asepsie n'est pas toujours facile au niveau des accessoires utilisés, surtout dans les cas d'empreintes conventionnelles (sans clé de repositionnement), favorisant le contact du matériau d'empreinte (généralement non stérile) avec le site opératoire ;

- cette technique n'est pas toujours très précise, car elle nécessite l'utilisation de transferts vissés et une clé de positionnement très rigide. Insuffisante pour les travaux vissés de grande étendue, la précision reste suffisante pour les petits cas ;

- la précision au niveau de l'émergence de l'implant est inexistante surtout quand on utilise la clé de repositionnement et, dans ce cas, le niveau de la crête gingivale au moment de la découverte doit être anticipé approximativement sur le modèle de travail.

Conclusion

Si on admet la réalité d'une ostéointégration « complète » au moment de la découverte, ce qui est logique, rien ne s'oppose à une mise en charge dans la même séance. Cette méthode très pratique est tout à fait justifiée et appelée à se développer, car elle fait gagner un temps précieux à l'opérateur et au patient, qui apprécie un confort accru dans les jours qui suivent la découverte des implants.

Comme toute technique, celle-ci a ses limites, en particulier elle ne peut pas être utilisée dans les restaurations de grande étendue. De plus, dans tous les cas où elle peut être utilisée, elle nécessite le changement des piliers choisis pour la prothèse provisoire (ce qui peut être critiquable) ou leur retouche au niveau de la ligne de finition cervicale pour l'harmoniser avec le niveau cervical des tissus gingivaux cicatrisés et stabilisés.

Il s'agit d'une possibilité supplémentaire qui vient s'ajouter à toutes celles déjà proposées et qui tendent toujours vers la simplification du travail ou la réduction des temps de traitement. Nous nous dirigeons rapidement vers la mise en charge immédiate et systématique de tous les implants (ce qui n'est pas encore tout à fait le cas aujourd'hui). Cela nous ramène au point de départ, avant les travaux de Brånemark, quand cette mise en charge immédiate était une des clés indispensables à la réussite. Les implantologistes de très longue date doivent sourire !