Comblement autogène des sinus : os pariétal crânien ou iliaque ? - Implant n° 2 du 01/05/1999
 

Implant n° 2 du 01/05/1999

 

Repères

Opinions

Robert Zerbib  

Ancien chef de clinique
Assistant des hôpitaux de Paris
Chirurgie plastique reconstructrice et esthétique

Le développement de l'implantologie orale expose de plus en plus souvent l'implantologiste au problème de l'insuffisance de capital osseux chez certains patients. Pour les plus motivés, il est possible de proposer différentes techniques de reconstruction osseuse permettant de les implanter dans des conditions satisfaisantes. Le principal débat de ces techniques a d'abord été le choix du matériau de greffe : os autogène ou biomatériau de substitution ? Nous avons toujours...


Le développement de l'implantologie orale expose de plus en plus souvent l'implantologiste au problème de l'insuffisance de capital osseux chez certains patients. Pour les plus motivés, il est possible de proposer différentes techniques de reconstruction osseuse permettant de les implanter dans des conditions satisfaisantes. Le principal débat de ces techniques a d'abord été le choix du matériau de greffe : os autogène ou biomatériau de substitution ? Nous avons toujours privilégié l'os autogène dans notre expérience qui a débutée en octobre 1988. Puis, le choix du site de prélèvement a constitué une nouvelle interrogation : os iliaque ou os pariétal crânien ? L'os pariétal crânien s'est maintenant imposé à nous en raison de ses avantages que nous détaillerons dans ces lignes.

Choix du matériau de greffe

Dans le cadre des comblements sous-sinusiens, certains auteurs [1-3] utilisent différents biomatériaux seuls ou en association : allogreffes d'os déminéralisé lyophilisé, xénogreffes d'origine bovine, hydroxyapatite, phosphate tricalcique. Ces biomatériaux ont en commun : l'absence d'effet ostéoinducteur, un effet ostéoconducteur sujet à débat du fait du volume du site à greffer. Ainsi, si les xénogreffes d'origine bovine entraînent pour certains [1, 2] une ostéoformation, pour d'autres [4], en revanche, les observations histologiques des sites greffés n'ont montré aucun signe de formation osseuse.

Nous utilisons de façon exclusive depuis dix ans de l'os autogène pour les raisons suivantes :

- le prélèvement osseux ne constitue pas un acte chirurgical majeur. Lorsqu'il s'agit d'os pariétal crânien, sa durée de réalisation est de 40 minutes en moyenne et il nécessite une hospitalisation variant de 24 à 48 heures. Une anesthésie générale est certes nécessaire, mais cet inconvénient nous semble largement contrebalancé par les avantages de l'os autogène ;

- le site à greffer est une cavité :

• dont la constitution des parois (os cortical maxillaire et muqueuse sinusienne) ne permet pas d'entraîner un phénomène d'ostéoconduction à l'inverse, par exemple, d'une cavité d'extraction. L'ostéogenèse nécessitera donc un phénomène d'ostéoinduction et le seul matériau capable d'entraîner cette ostéoinduction est l'os autogène ;

• dont le volume est important : le rapport entre volume greffé et surface de contact est très en faveur du premier. Ceci explique que l'ostéoconduction, si elle a lieu, aura du mal à atteindre le centre d'un greffon allo- ou xénogénique ;

- les études portant sur la biologie des biomatériaux montrent que la réhabitation de ceux-ci est sous la dépendance de la présence des Bone Morphogenetic Protein ou BMP [5]. Elles sont présentes en quantité insignifiante dans les allogreffes et absentes dans les xénogreffes d'origine bovine ;

- enfin, un certain nombre d'auteurs [6, 7] s'accordent sur le fait qu'une greffe autologue doit être préférée chaque fois que cela est possible en raison des risques immunitaires et infectieux que véhiculent les xénogreffes.

Choix du site de prélèvement

L'os iliaque a été utilisé au début de notre expérience, car il constituait pour nous le matériau de référence en chirurgie réparatrice maxillo-faciale. Soixante-deux patients ont ainsi bénéficié de comblements sous-sinusiens pour les secteurs postérieurs ou de greffe d'apposition pour les secteurs antérieurs.

Le principal avantage de ce site de prélèvement est la possibilité de disposer d'une importante quantité d'os spongieux qui constitue un meilleur support à l'ostéo-formation que l'os cortical [8] ;

Ses inconvénients sont cependant nombreux :

- site de prélèvement à distance du site de greffe et donc nécessité d'une installation en deux temps ;

- suites opératoires variables d'un patient à l'autre : si pour certains, la douleur et la gêne à la marche ne durent que quelques jours, pour d'autres, en revanche, les suites douloureuses peuvent se prolonger durant plusieurs mois ;

- résorption osseuse. Celle ci est très importante dans les greffes d'apposition avec, dans certains cas, disparition quasi complète de la greffe lors du scanner de contrôle à six mois. Elle l'est moins dans les comblements sous-sinusiens, où les différents scanners de contrôle, même tardifs, ont montré des pourcentages de résorption assez faibles.

Depuis six ans, l'os pariétal crânien est utilisé de façon préférentielle. Deux cent quarante patients ont bénéficié de comblements sous-sinusiens uni ou bilatéraux avec, pour 78 d'entre eux, greffes d'apposition des secteurs antérieurs. Les modalités de ce prélèvement comportent :

- une incision horizontale de pleine épaisseur du cuir chevelu, respectant le périoste et située à environ dix centimètres au-dessus du lobe de l'oreille (un rasage très modéré d'1/2 cm de large est nécessaire) ;

- la création d'un lambeau périosté selon un schéma en H ;

- la découpe à la scie ou à la fraise d'un ou plusieurs rectangles sur la corticale externe, puis le prélèvement de ces volets à l'aide d'ostéotomes très fins ;

- le prélèvement de la couche spongieuse ou diploë située sous ces volets ;

- le prélèvement d'os broyé à l'aide d'un trépan tout autour de la zone précédente (fig. 1) ;

- l'hémostase à l'aide de cire à os résorbable qui constituera de plus un mainteneur d'espace sous le lambeau périosté rabattu ;

- enfin, la fermeture du cuir chevelu sur un drain aspiratif.

Les avantages de ce site sont :

- sa proximité avec le site receveur et donc une installation en un temps ;

- l'absence de cicatrice et de déformation visibles sur la voûte crânienne (une légère dépression est parfois notée à la palpation) ;

- la simplicité des suites opératoires : l'absence de douleur étonne et réconforte souvent les patients ;

- la qualité de l'os pariétal : il s'agit d'un os d'origine membranaire comme tous les os de la face et la clavicule à l'inverse des autres os de l'organisme qui ont une origine endochondrale. Sa densité est supérieure à celle de l'os iliaque comme nous l'ont montré les prélèvements histologiques comparatifs [9, 10]. Cet élément est confirmé lors de la mise en place des implants : le forage s'effectue dans un os tendre si l'origine de la greffe est iliaque ; dense, si elle est crânienne ;

- enfin, les contrôles radiologiques itératifs montrent un très faible pourcentage de résorption des greffes aussi bien dans les comblements sous-sinusiens (fig. 2) qu'au niveau des appositions (fig. 3) ;

Les inconvénients de l'os pariétal sont représentés par :

- l'éventuelle fragilisation de la voûte crânienne : cet argument semble peu vraisemblable, car le prélèvement représente au plus 1/20e de la surface totale de la voûte et n'altère donc pas la résistance mécanique de celle-ci ;

- la plus faible quantité d'os spongieux disponible ;

- la réticence psychologique que peut constituer cette région pour certains patients ;

- l'impossibilité de l'utiliser chez les hommes complètement chauves !

Conclusion

Les techniques de greffes osseuses maxillaires en chirurgie préimplantaire permettent d'accroître les indications d'implantation chez les patients motivés qui présentent un déficit osseux maxillaire. Le matériau de référence reste pour nous l'os autogène, essentiellement pariétal crânien. Ces techniques doivent être maniées avec prudence, dans un bloc opératoire, par un chirurgien rompu aux techniques de prélèvement et de greffe osseuse et susceptible d'assumer les éventuelles complications infectieuses qu'elles peuvent entraîner.

Bibliographie

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  • 7. Ouhayoun JP. Risques de transmission à l'homme de pathologies virales par des substituts osseux d'origine humaine ou animale. In : Rapport sur l'état des recherches concernant les risques associés à l'utilisation à des fins thérapeutiques de produit d'origine humaine ou de produits ou procédés de substitution. Paris : Inserm, 1995:224-230.
  • 8. Peri G, Blanc JL, Mondie JM, Cheynet F, Lepoutre F. La reconstruction des pertes de substance interruptrices de la mandibule. Rapport du XXI e congrès de stomatologie et de chirurgie maxillo-faciale. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1989;90: 143-229.
  • 9. Zerbib R. Reconstruction maxillaire en chirurgie pré-implantaire. J Parodontol Implant Orale 1994;13:323-332.
  • 10. Zerbib R. Greffes osseuses autogènes en chirurgie pré-implantaire. Rev Odonto Stomatol 1996;6:437-448.
  • Tulasne JF, Renouard F. La complexité anatomique en implantologie. J Parodontol 1992;11:193-205.
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  • Zerbib R. Implants et secteurs sous sinusiens. Inform Dent 1992;3:2873-2881.