Société française de parodontologie - Implant n° 2 du 01/05/1999
 

Implant n° 2 du 01/05/1999

 

Implant a suivi

Joseph Derhy  

DU de parodontologie (Paris VI)
DU d'implantologie (Paris VI)

La Société française de parodontologie organisait récemment une journée sur un sujet fondamental aussi bien en implantologie qu'en parodontologie : les greffes osseuses. De prestigieux conférenciers français, italiens et américains se succédaient pour traiter le sujet des points de vue histologique et technique, mais également l'aspect juridique qui doit toujours être évoqué en matière de comblement.

Le Dr Saffar a présenté toute la complexité de la cicatrisation osseuse. Plusieurs cellules sont impliquées dans cette cicatrisation : les plaquettes, les polynucléaires, les macrophages, les cellules endothéliales, les cellules ostéogénitrices, les ostéoblastes, les ostéoclastes, les mastocytes, etc. Toutes ces cellules sont également impliquées dans la cicatrisation du parodonte profond auxquelles il faut ajouter les cellules du ligament parodontal (dont certaines seront à destinée osseuse, d'autres à destinée cémentaire et également des cellules propres du ligament). Sont également impliquées des cellules ostéoprogénitrices médullaires, des cellules épithéliales ainsi que des cellules conjonctives.

Lorsqu'il y a blessure, il y a une rupture de la continuité vasculaire entraînant une extravasation de sérum et d'éléments figurés du sang et formation d'un caillot, qui est une matrice provisoire, constitué de fibrine et de fibronectine.

Il faut que les cellules puissent migrer grâce à la matrice non lésée du tissu. Il existe donc des mécanismes de médiation qui créent, en quelque sorte, l'ambiance de la cicatrisation. C'est un système local de communication constitué par des molécules produites et/ou libérées localement ayant des fonctions autocrines et paracrines : ce sont des facteurs de croissance (TGFµ, FGF1, FGF2, PD6Fµ…), certaines cytokines, des chemokines ainsi qu'une palette de récepteurs et des molécules d'adhésion à des éléments matriciels.

Tous ces phénomènes s'enchaînent face à une blessure, le rôle de toutes ces cellules étant évidemment le dépôt et le remodelage d'une nouvelle matrice extracellulaire spécifique du tissu lésé.

Le Dr Loty a abordé la réglementation française en matière de greffes de tissus. Le cadre juridique est basé sur les lois bio-éthiques de juillet 1994, complétées en 1996 et modifiées en juillet 1998, dictées par l'Agence française du contrôle de la sécurité sanitaire. Pour les allo-greffes, il existe plusieurs mesures de sécurité (recherche VIH, hépatite C, hépatite B, syphilis) ainsi que des règles de traçabilité (étiquetage, documents d'accompagnement). Quant au prélèvement des tissus, seuls les établissements de santé accrédités ont le droit de transformer, conserver et distribuer les tissus. Quoi qu'il en soit, un décret définissant le rôle et les attributions de ces « banques » de tissus sera publié très prochainement.

Dans le chapitre des nouveautés en matière de reconstruction, le Dr Ricci a exposé les résultats cliniques et statistiques préliminaires de l'utilisation des protéines de l'émail. Avec la régénération tissulaie guidée (RTG), la technicité est parfois complexe, le temps d'intervention assez long, il existe des risques de complications (il faut parfois ré-intervenir) et des risques de récessions tissulaires. Dans certains cas, on peut utiliser une protéine de la matrice de l'émail (Emdogain, Pharmadent), dont l'origine est l'ectoderme et qui se présente sous la forme d'un gel qu'on peut placer dans la lésion. Avant de l'appliquer, on passe de l'EDTA 25 % pH neutre sur l'os et le périoste.

• Après la préparation clinique, il est très important de bien rincer la surface de la racine.

• On commence la suture avant de placer le gel.

• Il ne faut pas que les sutures aillent au contact du gel, il vaut mieux faire des points matelassiers.

D'après le Dr Ricci, ce matériau n'agresse pas les tissus mous dont la récession reste faible (contrairement aux membranes). Les modifications à la radiographie sont réellement visibles seulement après un an.

Une étude pilote qui sera publiée prochainement compare Emdogain aux membranes. Cette étude porte sur 30 patients : 10 patients ayant une chirurgie parodontale avec un lambeau de Midmann modifié, 10 avec une membrane PTFE et 10 avec Endogain. Tous non fumeurs, motivés, avec des défauts infraosseux > 6 mm. Un an après, les résultats montrent :

- une diminution de la profondeur de poche significative avec les membranes en PTFE (expliqué par la réduction importante des tissus mous) ;

- le niveau d'attache est similaire avec Emdogain et avec les membranes.

Dans certains cas, on peut donc conclure qu'avec Emdogain :

- la chirurgie est plus rapide ;

- le matériau est plus facile à utiliser ;

- le suivi est plus simple (le patient est néanmoins suivi toutes les semaines) ;

- il n'y a pas besoin de deuxième chirurgie ;

- il n'y a pas de douleurs postopératoires ;

- l'esthétique est moins malmenée qu'avec les membranes (indication des régions esthétiques).

C'était ensuite au Dr Bowers de traiter de la « régénération » parodontale avec les allogreffes (allo : pris d'une autre personne de la même espèce). Les techniques pouvant entraîner une régénération sont :

- des autogreffes ;

- des allogreffes ;

- la RTG ;

- la RTG associée aux greffes, notamment de DFDBA (Demineralize Freeze Dried Bone Allograft) non commercialisée en France. En règle générale, les fonctions d'une greffe osseuse sont :

- le comblement total ou partiel ;

- l'apport des cellules viables ;

- l'ostéoinduction ;

- l'ostéoconduction ;

- le maintien d'espace ;

- l'exclusion de l'épithélium (contro-versée) ;

- l'amélioration de la jonction du cément. Le matériau de greffe idéal doit être physiquement stable, c'est-à-dire pouvoir être mis en place et le rester. Il faut qu'il puisse être remplacé et doit être sûr.

Le Dr Bowers travaille avec une banque américaine (Lifenet) utilisant de l'os soit lyophilisé soit déminéralisé et utilise beaucoup le DFDBA.

Le DFDBA présente les caractéristiques suivantes :

- il ne donne pas de cellules viables, car toutes les cellules ont été tuées ;

- il est ostéoinducteur (peut induire la formation d'os dans du tissu conjonctif ou musculaire donc vivant ! même chez l'humain (étude de Zang)) ;

- il est ostéoconducteur;

- il n'est pas physiquement stable (gros inconvénient) ;

- c'est un excellent mainteneur d'espace;

- on peut l'utiliser en quantité illimitée et il améliore la formation d'os et de cément.

Y a-t-il des risques ?

- Le DFDBA est sur le marché américain depuis 1969 en parodontologie ;

- il a déjà été utilisé pour plus de deux millions de greffes osseuses ;

- il n'y a pas de problèmes d'antigénie, d'ankylose, pas d'infections bactérienne ou virale ;

- il peut être utilisé en quantité illimitée. La prévisibilité avec ce matériau est donc maintenant acquise. Son efficacité est surtout démontrée dans les défauts infraosseux et les furcations de classe II. En conclusion, ce matériau est efficace, mais n'est pas idéal, car il ne reste pas toujours là où on le place et, dans 100 % des cas, on a une migration apicale de l'épithélium de jonction. Pour cette raison, il vaut mieux le combiner à une membrane ayant l'avantage d'emprisonner le greffon. Le résultat obtenu est alors assuré sur le long terme. Les facteurs influençant les résultats cliniques sont :

- une bonne sélection du patient ;

- un bon contrôle de plaque ;

- une chirurgie très technique ;

- une maintenance importante.

L'os déminéralisé associé à une protéine de croissance ayant des propriétés ostéogéniques semble être séduisant quant aux résultats obtenus en chirurgie.

Le Dr Serfaty nous a parlé de la stimulation endostée péri-implantaire (IDASE) dont le protocole est le suivant:

- extraction ;

- curetage ;

- forage du futur logement (1 mm en deçà de la longueur de l'implant) ;

- pose de l'implant (5 à 6 semaines).

On a un os actif nous permettant d'obtenir un recouvrement maximum de l'implant. L'indication est dans les cas d'occlusions difficiles ou lorsqu'on est en présence d'os de mauvaise qualité ou dans tous les secteurs où l'on veut effectuer des relevés de sinus.

C'était ensuite au Dr Philippe de traiter du choix du site donneur en chirurgie reconstructrice préimplantaire avec un objectif défini : une reconstruction squelettique durable selon le volume, la stabilité dans le temps et l'âge du patient.

Les sites de prélèvement :

- l'os symphysaire : pour les appositions vestibulaires (1 à 4 éléments) ;

- l'os pariétal : pour des appositions étendues (supérieures à 4 éléments) et pour les comblements sinusiens ;

- l'os iliaque : pour tous les types de reconstruction, mais souvent douloureuses.

Les résultats :

Il n'y a pas de résorption, mais un remodelage constant (les angles, les bords, une intégration des contours). Sur l'os iliaque, la résorption est de 30 à 70 % du volume initial. Par contre, concernant l'ancrage sur l'os iliaque, le forage est facile, le taraudage inutile contrairement à l'os pariétal où le forage est plus difficile (os plus dense).

Le Dr Mattout a traité de son sujet de prédilection : les limites en implantologie des membranes et des greffes osseuses.

Les membranes seules pour régénérer de l'os. Les limites de la reconstruction peuvent être liées au volume, au type de défaut osseux, aux risques d'affaissement de la membrane (d'où les membranes en titane) et aux temps d'enfouissement de la membrane sans aucune exposition (8 à 12 mois), ce qui n'est pas toujours évident à obtenir. On constate que les zones les plus périphériques de la néoformation peuvent montrer un défaut de minéralisation.

Les greffons osseux associés à la pose de la membrane (greffon allogène type DFDBA).

La densité du tissu néoformé est inférieure à 4, donc le tissu n'est pas assez minéralisé, ce qui équivaut à un échec.

L'étude de Mattout et de Nowzari montre qu'il n'y a pas de différence entre ROG (régénération osseuse guidée) seule et ROG associée au DFDBA, car le DFDBA ne contient pas assez de BMP pour être ostéogénique.

Les greffons osseux seuls. Ils sont utilisés dans les cas où la ROG est limitée par des paramètres tels que le volume osseux.

Le Dr Tulasne a clôturé cette journée en présentant les différents types de reconstruction de l'os alvéolaire à travers des cas cliniques impressionnants, insistant sur le fait qu'il ne faut pas greffer trop jeune, toujours faire attention aux dents voisines, ne pas poser les implants trop vite. Il privilégie l'os cortical, car il est plus résistant, se résorbe moins et, de ce fait, assure un meilleur ancrage pour les implants.

Voilà de belles perspectives pour aborder avant l'an 2000 le sujet des greffes osseuses en parodontologie et en implantologie. Sujet très vaste, en pleine mutation et en perpétuel remaniement...

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