Implants de gros diamètre : peut-on prévenir la perte osseuse et limiter les échecs ? - Implant n° 4 du 01/11/1999
 

Implant n° 4 du 01/11/1999

 

Repères

Opinions

Mithridade Davarpanah *   Henry Martínez **   Jean-François Tecucianu ***  


*Département de parodontologie
Institut de stomatologie et de chirurgie maxillo-faciale
Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris
**Ancien assistant universitaire
Université de Paris 7 (Denis Diderot)
Service d'odontologie de l'Hôtel-Dieu
Unité d'implantologie
***Département de parodontologie
Institut de stomatologie et de chirurgie maxillo-faciale
Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris

Les implants de gros diamètre ont été proposés à la fin des années 80 pour améliorer le pronostic implantaire dans des situations osseuses peu favorables (qualité et/ou hauteur osseuse insuffisante) [1]. Les taux de succès à court et moyen terme avec les implants larges sont globalement satisfaisants [2-6]. Cependant, certaines études...


Les implants de gros diamètre ont été proposés à la fin des années 80 pour améliorer le pronostic implantaire dans des situations osseuses peu favorables (qualité et/ou hauteur osseuse insuffisante) [1]. Les taux de succès à court et moyen terme avec les implants larges sont globalement satisfaisants [2-6]. Cependant, certaines études rapportent une perte osseuse plus importante autour des implants larges de première génération et un taux d'échec inquiétant [4, 6-9] (tableau I). Le but de cet article est d'analyser les différents résultats cliniques et de comprendre les causes de la perte osseuse crestale et des échecs.

Etiologie et analyse des complications

En présence d'une qualité osseuse insuffisante ou d'un volume osseux limite, les implants standard ont présenté des taux d'échecs importants. Engquist et al. [10], Jaffin et Berman [11], Johns et al. [12], Hutton et al. [13] et Jemt et al. [14] ont rapporté des taux d'échec de 20 à 50 % pour des implants standard placés dans un os de type IV. Van Steenberghe et al. [15] ; Lekholm et al. [16] et Wyatt et al. [17] ont montré des taux d'échec de 9 à 25 % pour des implants courts de diamètre standard. Les implants de gros diamètre ont été développés pour répondre à ces situations osseuses particulières. En effet, l'augmentation du diamètre implantaire permet théoriquement l'obtention d'un ancrage pluricortical, une stabilité primaire optimisée et une surface implantaire plus importante [1]. Cependant, l'ancrage pluricortical est difficilement obtenu dans un os de type IV, car les corticales vestibulaire et lingual sont inexistantes. Dans un os de type III, l'amélioration de la stabilité primaire est plus probable. Pour Ivanoff et al. [9], les implants de gros diamètre permettent une optimisation d'un site osseux peu favorable à condition d'obtenir un ancrage bicortical.

Les résultats des différentes études sur les implants larges rapportent des taux de succès allant de 82 à 97 % (tableau I). Il est important de signaler que dans toutes ces études, une majorité d'implants ont été utilisés dans des conditions osseuses difficiles. Ces résultats sont donc nettement supérieurs que ceux obtenus avec les implants standard dans les mêmes conditions osseuses [10-17].

Le remaniement osseux crestal péri-implantaire se stabilise approximativement après un an de mise en charge implantaire (fig. 1a et 1b). Cette adaptation de l'os au niveau cervical est définie par Abrahamsson et al. comme la formation d'un espace biologique [18]. Cliniquement, cet espace biologique autour des implants standard se traduit par une perte osseuse d'environ 1,5 mm (fig. 2).

Radiographiquement, cette perte osseuse se stabilise le plus souvent au niveau de la première spire (fig. 3). Des pertes osseuses crestales importantes ont été rapportées dans quelques études avec les implants larges de première génération (Regular Plat-form) [4, 8] (fig. 4). Cependant, d'autres études montrent des valeurs de pertes osseuses normales ou légèrement supérieures à la moyenne [6, 9]. Des protocoles chirurgicaux et des qualités osseuses différents pourraient expliquer ces divergences.

Dans le rapport de Nobel Biocare®, une perte osseuse importante est signalée sur trois fixtures [2]. Davarpanah et al. rapportent une perte osseuse marginale de deux ou trois spires sur six implants lors du deuxième temps chirurgical [4]. Renouard et al. observent une perte osseuse crestale autour des implants sans col lisse de gros diamètre (RP) supérieure à celle rapportée avec les implants de diamètre standard (32 fixtures de 98) [8]. Ces auteurs trouvent une perte dépassant la deuxième spire soit pendant la période d'ostéointégration soit après la mise en charge. Par opposition, une étude rétrospective présente une excellente stabilité osseuse à deux ans avec ce même type d'implant [6]. En effet, Aparicio et Orozco rapportent une perte osseuse moyenne de 0,71 mm sur 81 fixtures Nobel Biocare® (RP) évaluées à un an et de 0,97 mm sur 28 fixtures évaluées à deux ans. Toutefois, ces mêmes auteurs considèrent quatre fixtures mandibulaires comme des échecs à cause d'une perte osseuse progressive.

Les taux d'échecs et les pertes osseuses avec les implants larges sont apparemment plus fréquents à la mandibule [3, 5, 6]. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces complications : un échauffement osseux lors de la préparation du site chirurgical dans un os corticalisé (mandibule) ou une compression excessive de la corticale crestale lors de la mise en place de l'implant [19]. Le dessin implantaire cervical (RP), implant large sans col lisse explique la perte osseuse plus importante en apparence. En effet, la formation de l'espace biologique (environ 1,5 mm) autour d'un implant sans col entraîne une perte d'os jusqu'à la deuxième spire. Pour Renouard et al., le facteur causal le plus important est le protocole de mise en place des implants de gros diamètre [8]. Un traumatisme osseux suite à l'utilisation du dernier foret (diamètre 4,3 mm) pourrait entraîner un « séquestre osseux » périphérique. Une séquence chirurgicale moins traumatisante après le passage du foret de 3 mm est proposée par ces auteurs. Une évaluation sérieuse de la qualité osseuse (scanner dentaire) doit permettre d'adapter le protocole chirurgical des implants de gros diamètre.

La mise en place d'implants de gros diamètre dans des crêtes présentant une largeur inférieure à 8 mm ainsi qu'une proximité importante entre deux implants larges peuvent être aussi à l'origine des pertes osseuses secondaires [20]. La présence d'une épaisseur osseuse fine en vestibulaire ou lingual (inférieure à 1,5 mm) ou en interproximal (inférieure à 3 mm) de l'implant peut favoriser une nécrose osseuse par diminution de la vascularisation. Ivanoff et al. évoquent enfin l'inexpérience chirurgicale ou le manque de maîtrise d'une nouvelle technique ou protocole comme des facteurs pouvant entraîner un taux d'échec implantaire plus important [9].

Evolution des concepts

L'analyse des premiers résultats, les évolutions technologiques et les nouveaux concepts chirurgicaux permettent, de nos jours, de préciser l'utilisation des implants de gros diamètre [19].

Les nouvelles générations d'implants larges présentent un col lisse de diamètre égal ou supérieur au corps de l'implant (fig. 5a et 5b). Ces implants doivent être mis en place avec une technique chirurgicale délicate, très progressive, adaptée à la morphologie et à la qualité osseuse. Dans les secteurs latéraux, un positionnement supracrestal du col implantaire limite la perte osseuse (espace biologique) et permet l'utilisation d'un implant plus long de 1,5 mm. Cette proposition permet un gain d'ancrage osseux pour les implants courts et améliore la stabilité primaire de l'implant. Dans les secteurs antérieurs, l'utilisation d'implants de gros diamètre chez l'édenté partiel est exceptionnelle. L'implant de diamètre standard est le plus souvent indiqué.

L'analyse des paramètres suivants doit permettre d'optimiser les taux de succès et de limiter les pertes osseuses autour des implants larges :

- évaluation rigoureuse de la qualité et du volume osseux résiduel ;

- recherche d'un ancrage pluricortical en présence d'un os de faible densité ;

- technique chirurgicale adaptée, douce et progressive ;

- respect des limites osseuses minimales exigées pour éviter les nécroses tissulaires ;

- choix approprié du dessin implantaire par rapport au site osseux ;

- positionnement apico-coronaire du col implantaire adapté à l'os.

Conclusion

Certaines études présentent des taux de succès moins importants et des pertes osseuses préoccupantes avec les implants de gros diamètre. Toutefois, ces taux de succès rapportés sont supérieurs à ceux obtenus avec les implants standard dans les mêmes situations osseuses. L'analyse de ces études permet d'élucider un certain nombre de facteurs étiologiques des complications évoquées : conditions osseuses difficiles, protocole chirurgical inadapté, dessin implantaire inadéquat, manque de maîtrise de la technique et indications inappropriées. L'évolution technologique et les nouveaux concepts chirurgicaux permettent de limiter ces complications. Des études longitudinales multicentriques doivent préciser les indications des nouveaux implants de gros diamètre.

Bibliographie

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