Implants autotaraudants : des limites ? - Implant n° 1 du 01/03/2000
 

Implant n° 1 du 01/03/2000

 

Repères

Arguments

Philippe Russe  

Docteur en chirurgie dentaire
Diplôme universitaire d'implantologie, Paris VII
Diplôme universitaire de tissus calcifiés, Angers
Attaché hospitalier du CHR de Reims

Les vis autotaraudantes, après avoir progressivement fait l'unanimité chez les chirurgiens orthopédistes et maxillo-faciaux, sont apparues depuis quelques années dans le domaine de l'implantologie dentaire.

Pour le praticien, ces implants ne semblent présenter que des avantages : en 1992, Friberg et al. [1] évaluaient à trois minutes par implant la diminution du temps opératoire consécutive à l'utilisation de l'implant...


Les vis autotaraudantes, après avoir progressivement fait l'unanimité chez les chirurgiens orthopédistes et maxillo-faciaux, sont apparues depuis quelques années dans le domaine de l'implantologie dentaire.

Pour le praticien, ces implants ne semblent présenter que des avantages : en 1992, Friberg et al. [1] évaluaient à trois minutes par implant la diminution du temps opératoire consécutive à l'utilisation de l'implant Mk II du Système Brånemark, comparé à la fixture standard.

Pour le patient, la rapidité de mise en place chirurgicale de ces implants autotaraudants rejoint presque celle des implants cylindriques, sans présenter l'inconvénient de l'insertion par impaction, impressionnante, surtout pour les implants recouverts de plasma-spray de titane.

L'examen de la littérature nous met cependant en garde contre quelques dangers potentiels de l'utilisation de ces implants modernes.

Au stade du forage

Dans un os symphysaire de type 1 ou 2 selon la classification de Lekholm et Zarb et après un forage final à 3 mm, 21 % des implants mandibulaires Mk II de l'étude de Friberg et al. [1] ont nécessité un taraudage ou un serrage avec la clé manuelle pour atteindre leur position idéale. Le même résultat est publié par Olsson et al. [2] avec 21,2 % de difficultés d'insertion, surmontées grâce à deux modifications du système:

- un forage final à 3,15 mm ;

- une augmentation du couple du moteur de 35-40 à 45 Ncm.

Les valeurs de couple minimales, de 50 Ncm in vitro à 84 Ncm in vivo d'après Ueda et al. [3], nécessaires pour endommager le filetage osseux dans un os temporal humain, ne semblent plus très éloignées. Il semble donc préférable d'augmenter le diamètre de forage final dans l'os fortement corticalisé. Un diamètre proche de celui de l'âme de l'implant (3,25 mm pour un implant de 3,75 mm de diamètre) semble souhaitable. Dans notre expérience, après forage à 3,25 mm, tous les implants Sulzer autotaraudants, posés en région symphysaire depuis 1997, ont atteint leur position finale sans taraudage (Fig. 1 et 2).

Au stade du taraudage éventuel

Pour Bahr et Stoll [4], l'examen du site osseux receveur de vis mandibulaires d'ostéosynthèse chez l'enfant montre des fractures de trabécules, l'accumulation de matériel osseux dans les filets et des signes d'écrasement osseux, que les vis soient autotaraudantes ou non.

A l'étage moyen de la face, Bahr [5] recommande l'usage de vis autotaraudantes dans un os plus faiblement cortical, celles-ci assurant un contact plus étendu à l'interface os-implant et une meilleure stabilité.

Phillips et Rahn [6], comparant les valeurs de compression obtenues, concluent aussi à la supériorité des vis autotaraudantes dans des corticales de faible épaisseur (1 à 2 mm). Les travaux publiés dans le domaine des ostéosynthèses semblent indiquer que les avantages des implants autotaraudants sont d'autant plus évidents que l'os est plus faiblement corticalisé, c'est-à-dire, dans notre spécialité, dans un os de type 3 ou 4.

Au stade de l'insertion

Le couple maximal, nécessaire pour mettre en place un implant autotaraudant, varie en fonction de plusieurs paramètres : diamètre final de forage, diamètre et longueur de l'implant, rugosité de l'état de surface et densité osseuse du site receveur semblent essentiels. Un autre paramètre tient aux choix techniques du fabricant : la mise en place, selon les indications de chaque fabricant, dans l'épiphyse fémorale de bœuf (correspondant à un os de type 2), de différents implants autotaraudants a donné les résultats illustrés dans la figure 3.

Les valeurs plus élevées, relevées pour l'implant Paragon® semblent liées à la présence en surépaisseur, par rapport à l'extrémité taraudante, de la couche d'hydroxyapatite. Ce choix, adapté à une utilisation dans un os de faible densité, devra être pris en compte par un chirurgien désireux de placer cet implant dans un os de type 1 et 2. Chez Sulzer, même la partie autotaraudantes de l'implant est recouverte d'hydroxyapatite MP-1 (Fig. 4) :

- dans l'os fortement corticalisé, le praticien devra donc garder présent à l'esprit qu'un couple de serrage important pourra avoir des effets adverses sur la cicatrisation osseuse et adapter son protocole de forage ou recourir au taraud;

- dans l'os faiblement corticalisé, les orthopédistes comme Hess et al. [8] apprécient le gain de temps procuré par les vis autotaraudantes, mais mettent en garde les chirurgiens contre le danger de destruction du filetage osseux lors du vissage dans un site bicortical, ou lors de l'engagement de la corticale profonde. Cette situation n'est pas rare dans les sites implantaires dentaires et réclamera une attention particulière.

Au stade de l'ostéointégration

Dans une étude expérimentale chez le lapin, Tanaka et al. [9] montrent que la qualité de l'ostéointégration des implants autotaraudants est inférieure dans un os de forte densité (tibia), peut-être à cause d'un traumatisme osseux majoré. Il recommande donc de recourir éventuellement au taraudage en fonction de la densité osseuse, rencontrée lors du forage des sites implantaires. La brièveté du temps d'intervention est un facteur favorable pour la cicatrisation osseuse et de ce point de vue, l'apparition des systèmes « No-touch » comme le Snap de Sulzer Calcitek ou plus récemment du Stargrip de Nobel Biocare (Fig. 5 et 6) sont venus encore augmenter l'intérêt clinique de cette nouvelle génération d'implants autotaraudants, réduisant encore leur temps opératoire de mise en place.

Résultats

Les études cliniques comparatives [1, 2, 10] entre implants standards et autotaraudants du Système Brånemark ne montrent pas de différences significatives de taux de succès à trois et cinq ans. Cependant, Olsson et al. [2] rapportent un taux d'échec global de 12,5 % (25 sur 200) pour le maxillaire dont 20 % (10 sur 50) d'échecs pour les implants Mk II de 10 mm de longueur. Ces chiffres sont confirmés par Friberg et al. [10] dans l'étude à cinq ans : 99,5 et 100 % de réussite à la mandibule, mais 13 % d'échecs au maxillaire. La perte osseuse marginale est pratiquement identique pour les deux types d'implants.

Conclusion

Les implants autotaraudants, initialement indiqués dans l'os de faible densité [2], peuvent être utilisés dans toutes les situations cliniques pour le plus grand confort des praticiens et des patients.

Dans une zone fortement corticalisée comme la symphyse, une adaptation du diamètre de forage final, proche du diamètre de l'âme de l'implant, devra être envisagée. Si les implants autotaraudants constituent un réel progrès sous l'angle de l'utilisation clinique, sans effets adverses importants, cette modification de la géométrie des implants ne constitue pas une réponse aux échecs majorés, rencontrés dans les secteurs postérieurs maxillaires [10].

C'est peut-être d'une nouvelle modification de la macrostructure de l'implant avec le filetage en double spire (Mk IV de Nobel Biocare) ou encore des implants bioactifs ou à état de surface microstructuré (Osseotite® de 3i, SLA de ITI, MTX de Sulzer, etc.) que viendra l'amélioration des résultats dans ce secteur.

ADRESSE DES DISTRIBUTEURS

MarkII - STARGRIP - MarkIV - NOBEL BIOCARE, 80, avenue des terroirs de France, 75607 Paris Cedex 12. Tél. : 01 53 33 89 10. FAx: 01 53 33 89 33.

SCREW-VENT® PARAGON - DES CENDRES, 39, rue des Francs-Bourgeois, 75004 Paris. Tél. : 01 44 59 24 24. Fax : 01 44 59 24 49.

SNAP - MTX - SULZER CALCITEK, 1, rue Auguste Perret, Silic 237, 94528 Rungis Cedex. Tél. : 01 45 12 35 35. Fax : 01 45 60 04 88.

OSSEOTITE® - 3I CARENA, 22, rue de la Paix, 75002 Paris. Tél. : 01 43 12 81 38. Fax : 01 43 12 81 30.

SLA ITI - STRAUMANN, 67, avenue de l'Europe, Emerainville, 77437 Marne-la-Vallée Cedex 02. Tél. : 01 64 61 69 02. Fax : 01 64 61 69 03.

BIBLIOGRAPHIE

  • 1. Friberg B, Grondahl K, Lekholm U. A new self-tapping Brånemark implant: clinical and radiographic evaluation. Int J Oral Maxillofac Implants 1992;7(1):80-85.
  • 2. Olsson M, Friberg B, Nilson H, Kultje C. Mk II - a modified self-tapping Brånemark implant: 3-year results of a controlled prospective pilot study. Int J Oral Maxillofac Implants 1995;10(1):15-21.
  • 3. Ueda M, Matsuki M, Jacobsson M, Tjellstrom A. Relationship between insertion torque and removal torque analyzed in fresh temporal bone. Int J Oral Maxillofac Implants 1991;6(4):442-447.
  • 4. Bahr W, Stoll P. Pre-tapped and self-tapping screws in children's mandibles. A scanning electron microscopic examination of the implant beds. Br J Oral Maxillofac Surg 1991;29(5):330-332.
  • 5. Bahr W. The effects of pre-tapping on the miniscrew-bone interface in the midface. J Craniomaxillofac Surg 1989;17(8):337-339.
  • 6. Phillips J, Rahn B. Comparison of compression and torque measurements of self-tapping and pre-tapped screws. Plast Reconstr Surg 1989;83(3):447-458.
  • 7. Russe P, Riley R. The spline clinical trial: 4-year results. Communication personnelle. Leading Perspectives in Dental Implantology, Zurich, Novembre 1999.
  • 8. Hess T, Hopf T, Fritsch E, Mittelmeier H. Comparative biomechanical studies of conventional and self-tapping cortical bone screws. Z Orthop Ihre Grenzgeb 1991;129(3): 278-282.
  • 9. Tanaka M, Sawaki Y, Niimi A, Kaneda T. Effects of bone tapping on osseointegration of screw dental implants. Int J Oral Maxillofac Implants 1994;9:541-547.
  • 10. Friberg B, Nilson H, Olsson M, Palmquist C. Mk II: the self-tapping Brånemark implant: 5-year results of a prospective 3-center study. Clin Oral Implants Res 1997;8(4):279-285.

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