Vissage manuel des implants ou vissage au moteur ? - Implant n° 3 du 01/09/2000
 

Implant n° 3 du 01/09/2000

 

Repères

Opinions

Franck Renouard  

Docteur en chirurgie dentaire Pratique limitée à l'implantologie

Le protocole chirurgical de pose d'implants dentaires varie en fonction des différents systèmes implantaires. Si la préparation osseuse suit la même logique (forage atraumatique, absence d'échauffement, élargissement progressif du puits implantaire, etc.), la pose de l'implant proprement dit, peut se faire soit à l'aide d'une clé manuelle, dynamométrique ou non, soit à l'aide d'un moteur. Le but de cette argumentation est de savoir si :

1 - la densité osseuse est un...


Le protocole chirurgical de pose d'implants dentaires varie en fonction des différents systèmes implantaires. Si la préparation osseuse suit la même logique (forage atraumatique, absence d'échauffement, élargissement progressif du puits implantaire, etc.), la pose de l'implant proprement dit, peut se faire soit à l'aide d'une clé manuelle, dynamométrique ou non, soit à l'aide d'un moteur. Le but de cette argumentation est de savoir si :

1 - la densité osseuse est un paramètre réellement important à évaluer avant ou pendant la chirurgie ;

2 - l'utilisation d'un moteur améliore le taux de succès des implants ;

3 - l'utilisation d'un moteur simplifie la pose des implants ;

4 - l'utilisation d'un moteur permet de mieux adapter la période de cicatrisation par une meilleure connaissance de la stabilité initiale de l'implant.

Densité osseuse

La densité osseuse est-elle un paramètre réellement important à évaluer ?

Les échecs implantaires chirurgicaux doivent être divisés en deux catégories : échecs primaires et échecs secondaires. Les échecs primaires sont les « non-ostéointégrations » découvertes généralement au moment du deuxième temps opératoire, les échecs secondaires sont les « désostéointégrations » qui surviennent longtemps après la mise en fonction de la prothèse. De nombreux auteurs ont montré que le taux d'échecs primaires est plus important dans l'os de faible densité [1], en particulier à cause d'une mauvaise stabilisation primaire de l'implant. L'évaluation de ce paramètre est donc très important dans le bilan chirurgical préimplantaire soit pour adopter un protocole opératoire particulier (sous-préparation du site, utilisation d'implant conique, etc.) soit pour prolonger la période de cicatrisation. Plusieurs moyens permettent d'avoir une bonne connaissance de la densité osseuse [2].

Radiographique

L'évaluation de la densité directement sur le film radiographique (scanner ou Scanora®) par le chirurgien représente le moyen le plus utilisé à ce jour. L'expérience clinique montre que l'évaluation de la densité osseuse par lecture directe des scanners représente une option fiable et suffisante pour la majorité des situations cliniques en particulier pour déterminer les densités extrêmes. Cependant, des scanners du même site chirurgical réalisés par des radiologues différents peuvent donner lieu à des interprétations différentes. De plus, quand l'os n'est pas homogène pour un même site implantaire, l'évaluation radiographique de la densité est difficile à effectuer.

Assistée par ordinateur

Depuis plusieurs années, des logiciels ont été développés pour permettre la lecture des scanners par le chirurgien directement sur un ordinateur de type PC. Ces logiciels permettent d'évaluer la densité osseuse juste autour de l'implant. L'évaluation de la densité osseuse par ordinateur représente une aide indéniable pour le praticien. Cependant, cette évaluation à l'aide de l'ordinateur demande du temps et l'acquisition de logiciels spécifiques.

Analyse de la résistance lors de l'insertion de l'implant

La société Nobel Biocare a mis au point un moteur chirurgical (DEC600) qui mesure la résistance rencontrée lors de la pose d'un implant. La mesure ne peut se faire qu'à vitesse lente et peut être visualisée sur un écran. Les courbes sont sauvegardées sur une carte à puce, puis stockées dans un ordinateur type PC à l'aide d'un lecteur de carte à puce. Plusieurs types de courbe semblent caractériser le type d'os rencontré et le type d'implant utilisé (Fig. 1A et 1B, 2A et 1B). Mais, les courbes restent aujourd'hui difficiles à interpréter. Il est encore nécessaire d'étudier la corrélation qui peut exister entre le type de courbe et le risque d'échec. Une étude, non publiée à ce jour, a été faite pour comparer les courbes de densité scanner obtenues avec le logiciel Simplant®, avec ces courbes de résistance. L'étude a été faite sur des mandibules de cadavres. Grâce à la mise en place préalable d'un guide chirurgical précis, il a été possible de placer des implants virtuels (Simplant®) à l'endroit exact des forages. Les mesures avec le moteur ont été prises lors du taraudage. Il est intéressant de noter qu'il existe une similitude entre les courbes obtenues avec le Simplant® et celles enregistrées avec le moteur Osseocare® bien que le Simplant® fournisse une mesure de la densité/longueur de l'implant alors que le moteur Osseocare® donne une évaluation de la résistance/temps (Fig. 3A et 3B).

Cependant, à ce jour l'utilisation de ces courbes de résistance en pratique quotidienne ne présente pas beaucoup d'intérêt clinique.

Utilisation du moteur

L'utilisation d'un moteur améliore-t-elle le taux de succès ?

À ce jour, aucune étude ne montre qu'un protocole particulier de pose d'implant peut influencer le taux de succès. L'important est d'obtenir une bonne stabilité en fin d'insertion. Quel que soit le moyen mis en œuvre, si cet objectif est atteint, le pourcentage de chance d'ostéointégration doit être élevé.

L'utilisation d'un moteur simplifie-t-elle la pose des implants ?

Cette affirmation ne peut que susciter de nombreuse controverses. Il est certain qu'un chirurgien expérimenté et parfaitement habitué à un protocole aura toujours tendance à le défendre même si son argumentation n'est pas très objective. La question doit cependant pouvoir être discutée s'il s'agit de conseiller un praticien débutant. Il semble que l'utilisation d'un moteur simplifie le geste chirurgical en libérant une main. Cette simplification est particulièrement vraie dans les secteurs postérieurs où la visibilité et l'accessibilité sont parfois considérablement réduites. Une langue volumineuse, souvent rencontrée chez les patients édentés anciens, peut diminuer l'espace libre disponible aux différents écarteurs et instruments. L'utilisation d'un contre-angle pour apporter et insérer l'implant est une amélioration ergonomique importante.

Il faut noter que dans l'argumentation de Michel Abbou, il y a un risque de confusion quand il présente les avantages des porte-implants prémontés en les associant à l'insertion manuelle. Le fait d'utiliser des porte-implants prémontés peut représenter une simplification technique indéniable. Mais, cette option peut être choisie, qu'elle que soit la technique d'insertion de l'implant, manuelle ou mécanique.

L'utilisation d'un moteur permet-elle de mieux adapter la période de cicatrisation par une meilleure connaissance de la stabilité initiale de l'implant ?

De façon un peu caricaturale, on peut dire que plus l'os est dense, plus la stabilité primaire de l'implant est bonne et moins la période de cicatrisation doit être longue. Il est donc nécessaire de pouvoir évaluer la stabilité de l'implant en fin d'insertion. Cette stabilité va de l'implant peu stable, le serrage de la vis de couverture entraînant une rotation de l'implant, à une stabilité majeure rencontrée dans l'os cortical. L'évaluation doit être la plus précise possible, mais aussi être reproductible d'un patient à un autre si l'on veut pouvoir s'en servir comme d'un indice aboutissant à une prise de décision clinique.

L'évaluation peropératoire de la densité osseuse n'est pas simple. Il est illusoire de vouloir apprécier de façon systématique la densité osseuse lors des séquences de forage, en particulier avec le foret de 2 mm de diamètre. Une preuve de l'imprécision de cette approche est révélée par les logiciels de lecture de scanner assisté par ordinateur. Un des ces deux logiciels disponibles en France, le DentaPC®, fournit à la fois une évaluation de la densité osseuse autour de l'implant, mais aussi à l'intérieur de l'implant, c'est-à-dire la densité rencontrée lors du forage. Il arrive souvent que ces deux valeurs soient très éloignées. Ceci n'est pas surprenant, car plus le diamètre de l'implant est important, plus la différence entre la densité rencontrée avec le foret de 2 mm et la densité réellement rencontrée lors de la pose de l'implant risque d'être différente. À la mandibule, par exemple, il est possible de commencer par forer dans de l'os spongieux, mais d'atteindre avec l'implant les corticales vestibulaires et linguales. Trisi et Roa [3] confirment que l'évaluation de la densité faite par le praticien lors du forage n'est réellement fiable que pour des valeurs extrêmes.

Le meilleur moyen d'apprécier la stabilité de l'implant en fin de mise en place reste donc la résistance rencontrée lors de son insertion. L'utilisation d'un moteur offrant des couples de serrage connus permet de mieux apprécier la résistance offerte par l'os. Même sans utiliser des courbes visuelles de serrage, le simple fait de devoir, par exemple, finir la pose de l'implant à un couple de 40 N/cm confirme de la bonne stabilité initiale de l'implant. Ce couple d'insertion est indépendant de la position de l'implant dans la bouche et n'est donc pas influencé par un accès difficile ou tout autre paramètre non osseux.

À partir du moment où l'on peut « étalonner » la résistance de l'os, il est possible de décider des périodes de cicatrisation non plus en fonction du maxillaire considéré, mais en fonction du site spécifique implantaire. Ainsi, il arrive souvent que le délai de cicatrisation soit largement diminué au maxillaire et, par contre, allongé à la mandibule.

Conclusion

Si l'utilisation d'un moteur ne change probablement pas le taux de succès des implants, il permet d'améliorer l'ergonomie chirurgicale et simplifie la prise de décision quant au délai de cicatrisation nécessaire pour chaque implant.

ADRESSE DES DISTRIBUTEURS

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BIBLIOGRAPHIE

  • 1. Jaffin R, Berman C. The excessive loss of Brånemark fixtures in type IV bone: a 5-year analysis. J Periodontol 1991,62:2-4.
  • 2. Renouard F. Évaluation de la densité et de la qualité osseuse : alternatives thérapeutiques et cliniques. Alternatives 1999;3:67-72.
  • 3. Trisi P, Roa W. Bone classification: bone histomorphometric classification. Clin Oral Impl Res 1998;10:1-7.

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