Édentement complet maxillaire avec atrophie osseuse : prise en charge thérapeutique - À propos d'un cas - Implant n° 2 du 01/06/2001
 

Implant n° 2 du 01/06/2001

 

Chirurgie

Benoît Philippe*   Philippe B. Tardieu**   Jean-Marie Tran-Minh-Thien***  


*Docteur en médecine
Stomatologiste
Chirurgien maxillo-facial
Membre de la Société française de stomatologie et de chirurgie maxillo-faciale
Member of the International Association of Oral and Maxillofacial Surgeon
21, rue de Miromesnil 75008 Paris
**Docteur en chirurgie dentaire diplômé de l'université Paris VII
Diplômé universitaire d'implantologie de l'université de Nice Sofia Antipolis
Professeur associé à l'université de New York
49, avenue Alsace-Lorraine, 38000 Grenoble
***Chirurgien-dentitiste
Diplômé universitaire d'orthodontie pédiatrique de l'université Paris VI
Attaché d'enseignement associé à l'UFR de stomatologie et de chirurgie maxillo-faciale Paris VI
15, boulevard Aristide-Briand 93330 Neuilly-sur-Marne

Résumé

Les auteurs présentent un cas d'édentement complet maxillaire avec atrophie osseuse. Les objectifs de la réhabilitation consistent à permettre la réalisation d'un véritable bridge, implanto-porté, confortable et durable, mais aussi à recouvrer une esthétique dentaire, buccale et faciale satisfaisante. À l'ostéotomie de Le Fort 1 qui règle le problème du pseudo-décalage des bases osseuses s'ajoute simultanément la reconstruction du maxillaire atrophié par autogreffe osseuse. La reconstruction du capital squelettique doit s'envisager de manière globale, c'est-à-dire, concernant la crête, dans le sens de la hauteur mais aussi dans le sens de l'épaisseur. Dès lors, se pose le problème du choix du ou des sites donneurs osseux.

Summary

The authors set out a case of full teeth missing with osseus atrophy. The objectives of the restoration consist in allowing the realization of a real bridge which would be implant-borne, comfortable and durable, but also in recovering dental and facial aesthetics which would be satisfactory.

In addition to the Le Fort 1 osteotomy which puts an end to the problem of pseudo-gap of the osseus bases, there is the reconstruction of the maxillary atrophied by osseus autograft. The reconstruction of the skeletal capital must be considered in a global way, that is to say, concerning the ridge, heightwise but also thicknesswise. Then, the problem of choice of the site or the sites of osseus donors will come up.

Key words

Le Fort 1 osteotomy, endo-osseus implants, autologue bone grafts, implant-borne prostheses.

Les édentements complets maxillaires avec atrophie osseuse se caractérisent sur le plan anatomique par une atrophie squelettique globale, responsable d'une malposition acquise du maxillaire. Le préjudice est typiquement fonctionnel (en raison de l'instabilité de la prothèse adjointe), esthétique (le pseudo-prognathisme par hypomaxillie acquise et autorotation mandibulaire réalise un vieillissement accru de l'étage buccal) et psychologique. Les patients victimes de telles atrophies bénéficient des acquis de la chirurgie des ostéotomies, mais aussi désormais des connaissances nouvelles concernant le suivi des greffes osseuses autologues à visée préimplantaire [1]. La connaissance des critères qui guident le choix des sites donneurs permet d'obtenir des résultats prévisibles et stables. C'est l'ensemble de ces acquis et de ces nouveautés qui est décrit dans cet article fondé sur un cas clinique remarquable par le classicisme du tableau qui le compose.

Présentation du cas

Mme Roz, 45 ans, édentée complète du maxillaire (Fig. 1 et 2), sans antécédents médico-chirurgicaux particuliers, vient consulter pour :

- une gêne fonctionnelle, conséquence d'une prothèse adjointe complète supérieure instable et régulièrement traumatisante. La mastication est pénible, accompagnée d'intolérance digestive ;

- une gêne esthétique, engendrée par une diminution verticale de l'étage inférieur de la face et par une atrophie qui réside principalement au niveau des joues et des lèvres, celles-ci n'étant plus soutenues (Fig. 3). De profil, le visage est concave. Le menton, trop saillant, renforce l'effet de vieillissement au niveau du tiers inférieur de la face. Toute cette symptomatologie, classique et bien connue chez les édentés totaux, est aggravée lorsque l'on demande à la patiente de retirer sa prothèse ;

- une gêne psychologique réelle, rendant ingrate sa vie sociale et affective.

Examen endobuccal

Concernant le relief des maxillaires

L'atrophie osseuse acquise est manifeste. Le palais est plat, la crête alvéolaire diminuée, principalement dans les régions prémolo-molaires. Les sillons vestibulaires effacés sont marqués par plusieurs ulcérations, conséquence d'une prothèse traumatisante malgré les rebasages de la prothèse de plus en plus fréquents. L'épine nasale, saillante, est douloureuse à la palpation. La gencive kératinisée est réduite, limitée au seul bord libre de la crête résiduelle. Le reste de la muqueuse buccale est érythémateux.

Concernant le rapport des bases osseuses maxillo-mandibulaires

Dans le sens sagittal, l'atrophie maxillaire réalise une classe III [2]. Ce pseudo-prognathisme (position relative du maxillaire supérieur par rapport à la mandibule trop en arrière) est aggravé par l'auto-rotation mandibulaire, elle-même favorisée par l'absence de blocage postérieur et la distension ligamentaire au niveau des articulations temporo-mandibulaires. L'articulé dentaire constitué par la prothèse supérieure et l'arc mandibulaire est normal au prix d'une vestibuloversion importante des dents prothétiques.

Dans le sens transversal, l'ostéolyse centripète est évidente comme en témoigne la dysharmonie transversale des diamètres maxillo-mandibulaires.

Dans le sens vertical, en raison de l'absence de blocage postérieur, il existe une perte de la dimension verticale. L'arcade maxillaire, trop petite, s'encastre véritablement dans l'arcade mandibulaire, trop grande. Lorsque la mandibule est dans sa position réelle, grâce à la réalisation d'un bourrelet en cire, l'examinateur met en évidence l'espace prothétique excessif (infra-alvéolie).

Examen exobuccal

De face

Les joues sont creuses, la lèvre supérieure est plate, les commissures sont tombantes et humides.

De profil

Le visage concave présente les caractéristiques classiques des patients édentés. Le maxillaire est en retrait tandis que la saillie mentonnière se projette trop en avant. Les rapports labiaux sont inversés, le bord libre de la lèvre supérieure se place en arrière de celui de la lèvre inférieure. L'angle labio-columellaire est augmenté. La lèvre supérieure est oblique en bas et en arrière. La pointe du nez, légèrement tombante, est mal soutenue tandis que la pyramide nasale paraît, en raison de l'atrophie maxillaire, globalement trop saillante.

Examens complémentaires

Les modèles en plâtre

Ils confirment ce diagnostic évident et permettent d'effectuer les simulations.

Modèles diagnostiques

Les modèles étant montés sur articulateur, il est facile de visualiser et de quantifier le décalage des bases ainsi que l'atrophie globale (Fig. 4).

Modèles de simulation

L'opérateur peut reproduire l'action du geste chirurgical proposé. En mobilisant le modèle maxillaire vers l'avant et vers le bas, il reproduit l'action de l'ostéotomie. Une étude plus fine permet ensuite de faire la part des choses, entre ce qui revient à l'ostéotomie et ce qui revient à l'épaississement de la crête (une cire ajoutée permet d'apprécier la valeur de la greffe d'apposition vestibulaire) (Fig. 5).

Les examens radiographiques

La téléradiographie de profil (Fig. 6)

Elle confirme le diagnostic (analyse céphalométrique orthognatique de J. Delaire, Fig. 7) :

- le pseudo-prognathisme par atrophie maxillaire (rapport à F1) ;

- l'autorotation mandibulaire (rapport à F2 : Ptm trop en arrière) ;

- la bascule mandibulaire antérieure (rapport à F3). Elle permet d'apprécier le retentissement de l'édentement et de l'atrophie osseuse sur le profil grâce à l'étude des contours cutanés.

Elle participe aux simulations :

- montre l'ampleur des déplacements à imprimer au maxillaire libéré par l'ostéotomie ;

- montre l'importance de l'augmentation d'épaisseur de la crête qu'il convient d'effectuer par apposition vestibulaire, le but étant de positionner les implants aussi près que possible des axes physiologiques des dents (I/F4 : 110 ± 2°) ;

- montre la nécessité esthétique d'une génioplastie de réduction ;

- permet d'apprécier par la simulation la nouvelle ligne du profil cutané.

Le scanner

Il confirme, localise et quantifie avec précision l'atrophie osseuse multidirectionnelle :

- la hauteur résiduelle de la crête en regard des cavités sinusiennes est comprise entre 3 et 4 mm de haut ;

- au niveau du prémaxillaire, la largeur du bord libre de la crête est de 2 mm. Dans la région incisive, la hauteur de la crête est de 6 mm.

Présentation du traitement chirurgical

Ostéotomie de Le Fort 1 et reconstruction du maxillaire atrophié par les autogreffes osseuses

Ostéotomie de Le Fort 1 (Fig. 8)

Parce qu'elle réalise la libération totale du maxillaire, elle permet :

- de traiter le décalage des bases osseuses ;

- de réaliser une greffe horizontale d'interposition, augmentant ainsi la hauteur du capital osseux ;

- d'assurer, grâce à l'avancée du maxillaire, une orientation physiologique aux futurs implants dans le respect des règles de la biomécanique ;

- de restaurer un espace adéquat pour la supra-structure prothétique en abaissant le maxillaire, le rapport entre la suprastructure et l'infrastructure devenant cohérent (normalisation de la DVO autrefois excessive en raison de l'alvéolyse centripète) ;

- d'harmoniser, grâce à la mobilisation du maxillaire, l'esthétique du sourire et du visage dans son ensemble.

Pour cette patiente, le maxillaire libéré est positionné vers l'avant (5 mm), vers le bas (5 mm), tandis que l'on associe un mouvement de rotation (2 mm vers la gauche) en raison d'une légère asymétrie. Ces déplacements ont été préalablement effectués sur les modèles en plâtre. L'utilisation d'une gouttière bivalve, réalisée au laboratoire sur les modèles de simulation, stérilisable, guide et facilite durant l'intervention le repositionnement exact du maxillaire dans l'espace (Fig. 9).

Augmentation de hauteur du capital osseux

L'os iliaque, prélevé dans le même temps opératoire (Fig. 10), est taillé selon la forme et les dimensions géométriques des cavités sinusiennes et de l'orifice piriforme. Une fois l'ostéotomie de Le Fort 1 effectuée, un greffon est placé dans chaque bas-fond sinusien tandis qu'un troisième greffon est placé dans la portion antérieure des fosses nasales. Ces greffons cortico-spongieux, principalement corticaux, sont disposés, sous le contrôle de la vue, la corticale vers le haut, le spongieux vers le bas au contact du site receveur, sans espace mort (Fig. 11). Les greffons sont ostéosynthésés grâce à un cerclage au fil d'acier 3/10, placés sagittalement dans chaque sinus et transversalement au niveau du seuil des fosses nasales.

Le maxillaire greffé est ensuite positionné vers l'avant et vers le bas.

L'ostéosynthèse du maxillaire reconstruit est réalisée à l'aide de miniplaques en titane pur (OBL®), modelables selon les déplacements imprimés au maxillaire par l'opérateur (Fig. 12).

Augmentation d'épaisseur du capital osseux

L'apposition vestibulaire simultanée d'un greffon cortical d'origine symphysaire permet dans le même temps opératoire :

- d'obtenir une crête large (égale ou supérieure à 5 mm sur une hauteur minimale de 12 mm) ;

- de déplacer en avant et en dehors l'extrémité cervicale des implants (en cas d'atrophie, le bord libre de la crête édentée est trop en arrière) ;

- d'orienter plus aisément les implants selon un axe physiologique ; la crête reconstruite, globalement plus large dans sa portion basse comme dans sa portion haute juxta-nasale, permet d'ajuster l'inclinaison sagittale des implants. (Ce positionnement, techniquement délicat, est désormais facilité par les nouveaux logiciels de simulation et les guides de forage robotisés. Cf. partie 2 de cet article à paraître dans le prochain numéro.)

L'apposition vestibulaire, réalisée dans le même temps que l'ostéotomie de Le Fort 1, ne pose pas de problème technique particulier, à condition de pratiquer conjointement un décollement périosté réfléchi sur le versant vestibulaire de la crête.

Prélèvement symphysaire

La technique opératoire est classique. Fait particulier, le greffon est prélevé d'un seul bloc, de pédicule à pédicule en incluant la symphyse médiane. L'objectif est de prélever le maximum d'os mentonnier pour la reconstruction mais aussi de diminuer la projection de la saillie mentonnière inesthétique (Fig. 13, 14 et 15).

L'ostéotomie de la corticale externe est économe, réalisée à la scie oscillante sous irrigation, prudente afin de ne pas léser les pédicules labio-mentonniers. De fins ostéotomes courbes et spécialement calibrés assurent l'efficacité de la manœuvre sur la face profonde et aveugle du greffon (OBL®). Le greffon est synthésé à l'aide de microvis en titane pur (Fig. 16).

Le plan muco-périosté est fermé à l'aide d'un fil résorbable 3/10. Afin de faciliter le repositionnement du lambeau supérieur sans tension, le péri-oste est délicatement incisé horizontalement sur plusieurs niveaux. En complément, une dissection sous-muqueuse est réalisée aux ciseaux dans le but de supprimer les adhérences entre la face supérieure du périoste et le tissu cellulaire sous-muqueux.

Résultats

Concernant le capital osseux

Le scanner réalisé 6 mois après la greffe objective la reconstruction.

Sur le plan quantitatif, le volume squelettique autorise la mise en place des implants endo-osseux (Fig. 17 et 18) :

- dans les régions sinusiennes, la hauteur disponible pour l'implantologiste est de 18 mm en moyenne (minimum : 17 mm, maximum : 19 mm, soit un gain moyen de 15 mm) et de 15 mm au niveau des orifices narinaires ;

- au niveau du prémaxillaire (canines et incisive), la largeur utile (c'est-à-dire permettant la mise en place d'implants d'au moins 10 mm de long) est de 5 mm.

Sur le plan qualitatif, la densité osseuse est satisfaisante, offrant un ancrage de qualité aux implants :

- la densité osseuse au niveau de chaque greffon sinusien d'origine iliaque est comprise entre 450 et 600 unités Hounsfield. Il convient de noter une augmentation significative de la densité dans la partie haute de la reconstruction sinusienne correspondant à la portion corticale du greffon iliaque ;

- la densité de la crête reconstruite, au niveau de la région incisive et canine, est très élevée, voisine de 1 000 unités Hounsfield. Cette densité élevée, qui offre aux implants un remarquable ancrage, est liée à la nature même du site donneur cortical symphysaire[1] .

Concernant le décalage des bases osseuses

L'analyse orthognatique de Delaire post-opératoire montre une architecture cranio-faciale équilibrée (Fig. 19 et 20) :

- dans le sens sagittal, le maxillaire retrouve un positionnement proche de l'équilibre (rapport à F1). Le rapport à F2 objective un rapport de classe I. Le bord libre de la crête osseuse maxillaire reconstruite se projette de manière cohérente au-dessus des incisives mandibulaires. La finalité de l'ostéotomie d'avancée et de la reconstruction de la crête est d'obtenir un articulé satisfaisant, sans version excessive des implants et sans piliers intermédiaires ou faux moignons transvissés angulés. La simulation montre un angle implant /F4 à 110° (normale 110 ± 2°) et un alignement parfait entre l'axe prothétique et l'axe implantataire (Fig. 17) ;

- dans le sens vertical, l'infra-alvéolie a disparu, laissant présager des proportions cohérentes entre la future suprastucture prothétique et l'infrastucture implantaire.

Dans le sens transversal, la ligne du milieu maxillaire (repérée grâce à la cloison et à l'épine nasale antérieure) et la ligne du milieu mandibulaire (repérée grâce au diastème compris entre 31 et 41 et grâce au milieu de la symphyse) correspondent.

Concernant les critères esthétiques faciaux

La patiente est satisfaite. Même en l'absence de prothèse conjointe supérieure, les rapports faciaux montrent un visage harmonieux (Fig. 20 et 21) :

- dans le sens sagittal, les rapports labiaux sont équilibrés, la lèvre supérieure se projette en avant de la lèvre inférieure. L'angle labio-columellaire est refermé et retrouve une valeur normale à 94° (moyenne comprise entre 80 et 100°). Selon les critères céphalométriques de Tweed-Merrifield (angle Z à 79°), les lèvres comme la saillie mentonnière, moins saillante, se projettent de manière équilibrée (l'angle Z, constitué par le croisement entre le plan de Francfort radiologique et la tangente commune au menton cutané et à la lèvre la plus pro-éminente, est normalement de 75 ± 5°). La pyramide nasale se redresse, l'ensemble conférant au visage un profil rajeuni ortho-frontal ;

- dans le sens vertical, les proportions entre les étages buccal, orbito-nasal et frontal sont recouvrées.

Discussion

À propos de l'indication opératoire

En tenant compte des objectifs et des moyens, il convient de discuter les méthodes alternatives les plus utilisées et constituées par les implants à insertion latérale (diskimplants) et les implants zygomatiques.

Les implants à insertion latérale

Ces implants à insertion latérale, développés par le Dr Scortecci, permettent, en raison de leur conception tridimensionnelle originale, la réalisation de prothèses fixes, sans avoir recours aux greffes ni aux ostéotomies [3]. Fait appréciable pour le patient, la prothèse est réalisée dans la même journée que la mise en place des implants. En revanche, l'occlusion est souvent obtenue au prix d'une version antérieure importante des implants et/ou de la suprastucture. L'atrophie persistante du maxillaire impose (pour soutenir la lèvre et pour obturer le vaste espace compris entre la crête atrophiée et les dents) la réalisation d'une vaste fausse gencive, parfois mal tolérée sur le plan parodontal. L'ensemble peut sembler disgracieux sur une lèvre courte ou sur un sourire laissant apparaître la jonction dents/gencive.

Les implants zygomatiques

Positionnés dans le pilier malaire, même en cas d'atrophie osseuse, longs, obliques en haut et en dehors, les implants zygomatiques offrent un appui de qualité dans les zones postérieures [4]. Néanmoins, le recours à ces implants ne règle en rien le décalage des bases, ni l'impossibilité de la mise en place des implants dans le prémaxillaire atrophié.

À propos du traitement chirurgical du décalage des bases osseuses

L'ostéotomie de Le Fort I est utilisée depuis longtemps pour traiter les classes III d'origine maxillaire par hypomaxillie [5, 6]. La stabilité de l'avancée maxillaire est acquise grâce aux miniplaques en titane. Il reste à définir, dans la normalisation de l'articulé, la part de responsabilité qui revient à l'avancée du maxillaire libéré par l'ostéotomie et celle qui revient à l'apposition vestibulaire. Cette réponse est apportée par l'étude des wax-up pré-chirurgicaux et par la céphalométrie. Concernant le geste chirurgical lui-même, il n'existe pas de particularités techniques à noter en dehors de la prudence accrue des gestes. Le risque de fracture du plateau maxillaire est plus important en raison de l'atrophie osseuse [7-10].

À propos de la reconstruction du capital squelettique dans le sens de la hauteur

Elle vise à permettre la mise en place d'implants endo-osseux de longueur satisfaisante (fixée pour nous entre 13 et 15 mm) dans chaque sinus et dans la région incisivo-canine. Ainsi, nous réalisons en peropératoire un montage dont la hauteur osseuse est comprise entre 18 et 20 mm. Ces greffons corticaux-spongieux n'ont pas montré de résorption verticale à condition d'obtenir une contention de première intention lors du montage [11].

À propos de la reconstruction simultanée de la crête par apposition vestibulaire

Permettre la mise en place des implants endo-osseux vissés de diamètre standard (3,75 mm) et soutenir la lèvre, telles sont les raisons qui imposent pour nous la reconstruction simultanée de la crête par apposition vestibulaire d'un greffon cortical symphysaire. Cette nécessité n'est pas toujours mentionnée dans les publications qui présentent de tels cas d'édentement avec atrophie osseuse et traités par ostéotomie de Le Fort 1 et greffe horizontale iliaque exclusive [12, 13]. Plusieurs raisons motivent pour nous cette absence :

- l'atrophie osseuse des cas présentés réside principalement dans les secteurs postérieurs, la crête du maxillaire antérieur étant apte à recevoir les implants ;

- la réhabilitation prothétique des cas présentés est assurée par des prothèses implanto-portées ou par des prothèse stabilisées par une barre de conjonction plutôt que par de véritables bridges plus exigeants quant au programme implantaire ! Dans de tels cas, il n'y a pas d'obligation pour l'implantologiste à placer les implants au niveau du prémaxillaire de manière prédéterminée (région incisivo-canine en particulier);

- concernant le soutien de la lèvre, le choix de ces équipes thérapeutiques est celui de la fausse gencive en résine.

À propos de l'os autogène et du choix des sites donneurs

Face à de vastes atrophies, l'os autogène, vivant, calcifié, est actuellement considéré comme le matériau le plus fiable [14]. Trois sites donneurs autogènes sont classiquement utilisés en chirurgie reconstructrice préimplantaire : le site iliaque, le site pariétal, le site mentonnier.

L'os iliaque

L'os iliaque est satisfaisant sur le plan volumique pour traiter les atrophies squelettiques étendues. Sur le plan qualitatif, bien que l'ancrage offert aux implants soit moins bon que celui offert par l'os pariétal et que des phénomènes de lyse osseuse partielle ou complète soient toujours possibles, l'expérience a montré des résultats satisfaisants lorsqu'il est utilisé dans sa forme massive (bloc cortico-spongieux) pour augmenter la hauteur du capital osseux des régions sinusiennes, qu'il existe [5, 12, 13, 15] ou non [11] une ostéotomie de Le Fort 1 associée. En revanche, l'expérience clinique a montré qu'il était contre-indiqué pour accroître l'épaisseur de la crête par apposition vestibulaire (greffes en onlay) du fait de sa résorption. Celle-ci est constante (100 % des cas), précoce (dès le sixième mois) et importante (30 à 70 % du volume initial) [1].

L'os pariétal

L'os pariétal est remarquable pour assurer le comblement des cavités sinusiennes de petit ou de moyen volume, de manière unilatérale ou bilatérale, à condition qu'il soit utilisé broyé et maintenu tassé [1, 16]. Malheureusement, ce tassement n'est techniquement pas possible ici du fait de l'ostéotomie. Par ailleurs, même prélevé de manière bilatérale, le volume disponible est limité et ne permet pas toujours de reconstruire des atrophies étendues.

L'os mentonnier

Utilisé dans sa forme massive en apposition vestibulaire, comme l'os pariétal, il résiste particulièrement bien aux phénomènes de la résorption et offre un remarquable ancrage aux implants (Fig. 22). Sa densité avant prélèvement est comprise entre 800 et 1 600 unités Hounsfield (Fig. 17). Prélevé d'un seul bloc, d'un pédicule labio-mentonnier à l'autre, il est suffisamment vaste pour augmenter la crête du prémaxillaire. La concavité de la face spongieuse du greffon épouse naturellement la convexité du maxillaire antérieur. Son prélèvement, plus simple et plus rapide que celui de l'os pariétal, offre une réponse satisfaisante au problème posé par la crête fine et permet de diminuer de manière radicale la projection de la saillie mentonnière inesthétique, participant ainsi à normaliser le profil de la patiente. Au total, nous utilisons l'os iliaque en blocs cortico-spongieux pour reconstruire le capital osseux dans le sens de la hauteur et, simultanément, l'os symphysaire dans sa composante corticale pour augmenter de manière durable l'épaisseur de la crête.

À propos de la mise en place différée des implants

Nous utilisons exclusivement la mise en place différée des implants au sixième mois, car elle permet d'intervenir sur un os stable et de réunir les meilleures conditions pour la mise en place des implants, répondant ainsi aux obligations esthétiques et fonctionnelles des bridges.

La mise en place simultanée des implants, assurant l'ostéosynthèse des greffons horizontaux dans chaque sinus et au niveau des fosses nasales, expose à plusieurs incidents [10, 11, 17, 18] :

- aux remaniements cicatriciels de l'os iliaque toujours possibles, à type de lyse ;

- à la fracture ou à la fragilisation des greffons habités d'emblée par les implants ;

- à la luxation des greffons sous l'action des forces de vissage avec création d'espaces morts, eux-mêmes facteurs d'infection secondaire ;

- au mauvais positionnement des implants ne répondant pas aux critères fonctionnels et esthétiques de la prothèse. Du fait de l'anatomie endo-sinusienne, l'axe directeur des implants, nécessaire pour obtenir une ostéosynthèse satisfaisante des greffons, n'est pas obligatoirement le même que celui nécessaire à la réalisation prothétique. Ce positionnement aléatoire des implants, toléré pour réaliser des prothèses implanto-portées ou des prothèses stabilisées par une barre de conjonction, ne peut être accepté pour la réalisation de bridges.

Concernant l'ostéo-intégration des implants, Lund- gren et al. [19] ont montré, en se fondant sur une étude histomorphométrique, que l'ostéo-intégration des implants vissés en titane pur au sein d'une greffe cortico-spongieuse iliaque massive était de meilleure qualité lorsque les implants étaient posés 6 à 12 mois après la réalisation de la greffe que lorsqu'ils étaient mis en place simultanément.

À propos du port différé de la prothèse adjointe

Il doit être retardé au maximum, malgré la demande pressante des patients, car, en regard de la greffe antérieure d'apposition et durant la période initiale de cicatrisation, il favorise les fistules gingivales. Cette prothèse doit être constituée d'une base souple sur son intrados, réglée en sous-occlusion dans la zone antérieure et portée le minimum car elle est responsable de la fonte du greffon vestibulaire en raison de la transmission des forces occlusales.

Conclusion

Permettre à l'implantologiste de disposer du meilleur volume squelettique (c'est-à-dire en quantité et en qualité) dans un équilibre cranio-facial esthétique et fonctionnel satisfaisant, tel est l'objectif du traitement chirurgical.

Face à l'atrophie globale du maxillaire, la reconstruction doit intéresser la hauteur mais aussi la largeur de la crête alvéolaire. La nécessité d'obtenir un ancrage satisfaisant pour les implants et un résultat durable, ainsi que les considérations volumiques ou techniques imposent à l'opérateur le choix de plusieurs sites donneurs de manière simultanée. Le site donneur iliaque permet de reconstruire le capital osseux dans le sens de la hauteur tandis que le site symphysaire permet de reconstruire une crête épaisse, de haute densité, résistant aux phénomènes de la résorption.

L'ostéotomie de Le Fort 1 permet de réaliser une reconstruction squelettique complète sous le contrôle de la vue. En outre, elle permet de traiter le décalage des bases osseuses et concourt à assurer une orientation physiologique aux futurs implants.

La réhabilitation du patient édenté doit s'inscrire dans une stratégie globale fonctionnelle et esthétique intéressant les dents, la région buccale et le visage dans son ensemble.

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L'échelle des densités mesurées par scanner, exprimées en unités Hounsfield (HU), s'étend de - 100 pour l'air à 3 000 pour le calcium pur, en passant par la densité de l'eau (0 HU), celle du spongieux (- 100 à 600 HU) ou celle de l'os cortical (600 à 2 000 HU). La densité habituellement rencontrée au niveau du l'os spongieux maxillaire est comprise entre 250 et 350 HU.

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