Piliers usinables en alumine zircone - Implant n° 3 du 01/08/2001
 

Implant n° 3 du 01/08/2001

 

Repères

Arguments

Michaël Sadoun  

Maître de conférences, Paris V

Les implants sont utilisés de façon croissante pour de nombreux patients présentant une édentation unitaire ou partielle. Depuis le début des années 1980, l'esthétique en prothèse est un des grands challenges de la profession. Un implant unitaire restaurant une dent antérieure au maxillaire supérieur est un des résultats esthétiques parmi les plus difficiles à obtenir. Une chirurgie soigneuse est une des clefs du succès. La position de la fixture est déterminée par la...


Les implants sont utilisés de façon croissante pour de nombreux patients présentant une édentation unitaire ou partielle. Depuis le début des années 1980, l'esthétique en prothèse est un des grands challenges de la profession. Un implant unitaire restaurant une dent antérieure au maxillaire supérieur est un des résultats esthétiques parmi les plus difficiles à obtenir. Une chirurgie soigneuse est une des clefs du succès. La position de la fixture est déterminée par la morphologie osseuse. Des techniques chirurgicales ont été développées pour un meilleur aménagement de l'os et des tissus mous. Elles représentent un grand progrès pour l'obtention d'une restauration esthétique.

Les autres clefs du succès esthétique sont le matériau utilisé et la technique du laboratoire. Les propriétés optiques du matériau doivent être prises en considération. Le pilier en titane est d'une couleur gris métallisé. À travers une gencive fine, la couleur des tissus apparaît grisaillante avec la lumière qui se reflète sur la surface métallique. Cet aspect disgracieux peut être facilement évité en utilisant une céramo-métallique ou un matériau céramique comme l'alumine[1-3] ou la zircone partiellement stabilisée. Les autres paramètres importants sont la morphologie et le profil d'émergence du pilier. En dépit d'un wax up esthétique, les considérations chirurgicales conduisent souvent à une position implantaire et à une angulation non optimale, que le procédé prothétique de laboratoire doit ensuite compenser.

La tête de l'implant est circulaire et nous devons tenir compte de la morphologie triangulaire des racines des dents antérieures, tout en contrôlant la position en vestibulaire, la distance mésio-distale disponible et le niveau de la gencive marginale. Nous devons déterminer la forme de la couronne en laissant suffisamment de place pour le matériau cosmétique. En fait, chaque situation clinique est différente et tous les paramètres doivent être optimisés. L'idée de base est de réaliser cette optimisation à partir d'une préforme céramique surdimensionnée et usinable, qui s'adapte à la tête de l'implant. Le design en fonction de la situation clinique peut être facilement et rapidement adapté principalement par le technicien de laboratoire sur le maître-modèle, ou par le dentiste en bouche par fraisage de la préforme céramique usinable. Dans le but de résister aux stress mécaniques engendrés par la fonction buccale, cette pièce céramique doit avoir une haute résistance et une haute ténacité. Pour les céramiques, haute résistance mécanique et ténacité ne sont pas compatibles avec des propriétés d'usinage rapide et un coût économique peu élevé. Une technique de laboratoire en deux temps est une façon de s'affranchir de ce problème :

- première étape : on utilise une préforme en céramique préfrittée poreuse usinable et surdimensionnée, qui s'adapte parfaitement à l'implant ;

- deuxième étape : l'usinage est suivi par l'infiltration d'un verre, le même que pour la technique Vita In-Ceram® [4].

En fonction de ces considérations, nous avons développé un matériau et un procédé pour produire des piliers tout céramique [5]. Cette préforme céramique usinable est composée d'un mélange d'alumine et de zircone partiellement stabilisé au cérium (oxyde de cérium) avec un rapport en poids de 60 % d'alumine et de 40 % de zircone. La zircone partiellement stabilisée augmente la résistance en flexion, la ténacité et la fatigue par une transformation de phase. La zircone partiellement stabilisée augmente aussi le coefficient d'expansion thermique. Quarante pour cent de zircone est le plus haut pourcentage compatible avec l'émaillage de la céramique cosmétique. À cette limite ou en dessous, les prothésistes ont la possibilité de monter la couronne en cuisant directement la céramique Vitadur® Alpha sur le pilier.

La suite de cet article décrit la procédure de laboratoire et montre un exemple de cas clinique. D'un point de vue clinique, le procédé peut commencer par l'enregistrement de la position de l'implant en même temps que la mise en place de la fixture, suivi par une coulée modifiée du modèle [4,6] ou, le plus souvent, après le deuxième stade chirurgical.

Cas clinique : implant pour dent antérieure unitaire

Ce cas clinique concerne une patiente de 56 ans, au deuxième stade chirurgical. Deux implants 4 mm hexagonaux externes (Nobel Biocare) remplaçant deux incisives latérales ont été placés. La première remarque est que l'emplacement des implants n'est pas optimal. Si on se réfère aux directives récentes concernant le positionnement des implants et le contour des tissus mous des dents antérieures maxillaires, trois points principaux se dégagent [7-12] :

- la tête de l'implant a une position vestibulaire en relation avec la position des racines de l'incisive et de la canine (Fig. 1A, 1B et 1C) ;

- l'angulation de l'implant est vestibulaire en relation avec les axes de l'incisive et de la canine ;

- il y a très peu de hauteur et d'épaisseur gingivales au niveau de la tête de cicatrisation (Fig. 1A, 1B et 1C).

Les techniques de laboratoire doivent tenir compte de cette situation clinique dans le but d'obtenir un résultat esthétique acceptable. Pour ce cas clinique, la position vestibulaire des implants a conduit à réaliser un pilier personnalisé vissé et une couronne céramo-céramique scellée.

Une empreinte au silicone, utilisant un transfert vissé, est prise, un maître-modèle est coulé et une fausse gencive souple est préparée.

Un matériau et un procédé de laboratoire doivent donner au prothésiste la possibilité de corriger une malposition de l'implant.

Le prothésiste de laboratoire fixe la préforme céramique alumine zircone sur l'analogue. Cette préforme usinable est un cylindre de 9 à 10 mm de diamètre et de 15 mm de hauteur avec une partie conique à 45° qui rejoint la tête de 4 mm de l'implant.

Cette préforme céramique semble très volumineuse, mais ce volume offre de nombreuses possibilités d'angulations pour faire un pilier qui doit corriger un axe vestibulaire et lingual (±22,5°). La position mésio-distale de l'implant peut être ajustée de ± 2,5 mm pour compenser la position incorrecte de l'implant.

Le profil d'émergence du pilier peut être complètement ajusté pour obtenir :

- des formes rondes, ovales, elliptiques ou encore triangulaires ;

- des positions plus vestibulaires ou plus linguales ;

- des largeurs mésio-distales variées ;

- un niveau marginal adapté.

Usinage de la préforme céramique (Fig. 2A, 2B, 2C, 2D, 2E et 2F).

La propriété d'usinage est le résultat de l'état poreux préfritté, avec 26 % de porosités ouvertes. La préforme céramique peut être usinée très facilement à l'aide d'une pièce à main équipée de fraises diamantées. Son comportement se rapproche de celui d'une craie dure.

Le prothésiste démarre l'usinage. La préforme céramique est coupée en mésial et distal pour permettre l'insertion du die.

Du fait de l'angulation vestibulaire de l'implant, la préforme céramique doit être réduite de façon importante pour suivre la courbe vestibulaire et laisser la place suffisante pour sceller une couronne. La modification est montrée sur la Figure 2A, 2B, 2C, 2D, 2E et 2F

L'étape d'usinage suivante est la préparation de la limite marginale Figure 3A, 3B, 3C, 3D, 3E et 3F . Un congé large est recommandé. On peut régler maintenant le profil d'émergence. La coiffe de cicatrisation de 4 mm de diamètre est moins large que la dimension mésio-distale de la racine de l'incisive latérale. Nous devons augmenter la largeur vestibulo-linguale pour obtenir une forme triangulaire. Dans une autre situation clinique comme un implant restaurant une incisive centrale, la forme triangulaire et la différence de diamètre entre la coiffe de cicatrisation et la racine naturelle demandent une étape intermédiaire de recontour des tissus mous. La réduction occlusale est vérifiée de façon à laisser suffisamment de place pour la couronne. L'usinage du pilier est alors terminé. Comme dans la technique Vita In-Ceram®, la teinte finale et la résistance mécanique sont obtenues après l'infiltration du verre Figure 3A, 3B, 3C, 3D, 3E et 3F .

La céramique alumine zircone infiltrée de verre donne des propriétés de résistance à la flexion ténacité et fatigue plus importantes [13-15] que l'alumine Vita In-Ceram®. Un verre d'infiltration spécial est utilisé. La température d'infiltration est de 1130° C pendant 1 h 30. Après refroidissement, l'excès de verre est enlevé par sablage, l'émergence est polie. Si nécessaire un essayage clinique peut être réalisé et des modifications peuvent être effectuées par le dentiste, en bouche, avec une fraise diamantée bague rouge montée sur turbine sous spray. Il est également possible de changer la forme et la teinte par l'adjonction de céramique dentine. Nous pouvons également utiliser des céramiques teintes gingivales pour diminuer la longueur de la couronne clinique.

Dans ce cas clinique, les piliers et les couronnes ont été réalisés simultanément. Ainsi, l'étape de laboratoire suivante, après le polissage du pilier, est de réaliser les couronnes Vita In-Ceram®. Les trois dernières étapes de la réalisation des Vita In-Ceram® sont montrées sur la 3D, 3E et 3F La totalité des pièces prothétiques (Fig. 4A, 4B et 4C) est livrée. Le pilier est vissé avec un couple de 20 Ncm. L'orifice d'accès est obturé à la gutta-percha ou avec un matériau provisoire. La restauration finale est scellée avec un ciment provisoire (Fig. 4A, 4B et 4C). Le comportement du pilier dépend de la résistance mécanique du matériau, de sa forme [16, 17] et de la vis. Des études ont montré que la vis pouvait être le maillon le plus faible, par sa fracture ou son dévissage au niveau de l'implant [18]. Pour remédier à ce problème une vis titane avec une tête de diamètre accru (3 mm) est utilisée.

Conclusions

Ce matériau et ce procédé, développement de la technique Vita In-Ceram®, sont utilisés cliniquement depuis six ans.

Le matériau céramique usinable et le procédé de laboratoire permettent de couvrir un large champ de possibilités de correction de positions non optimales d'implants. La possibilité d'émaillage direct du pilier avec une céramique colorée et le design du profil d'émergence permettent d'atteindre un résultat esthétique correct. Dans une première approche clinique, les indications ont été strictement limitées à une dent unitaire antérieure supportée par un implant. Les piliers esthétiques en céramique usinables de haute résistance mécanique sont le présent, les piliers de haute résistance, esthétiques et bioactifs seront peut-être le futur.

Remerciements :

L'auteur remercie le Dr S. Perelmuter, M. P. Poussin et M. X. Daniel.

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