Augmentation osseuse sous-sinusienne par greffon tibial - Implant n° 3 du 01/08/2002
 

Implant n° 3 du 01/08/2002

 

Chirurgie

Patrick Moheng *   Jean Maddaleno **   Michel Caillol ***  


*Docteur en chirurgie dentaire
Service d'implantologie
Hôpital Ambroise-Paré
1, rue d'Eylau
13006 Marseille
**Docteur en chirurgie dentaire
Plateau technique d'implantologie sur site
Friadent-France
Route de Montereau
77140 Darvault
***Chirurgien orthopédiste
Hôpital Ambroise-Paré
1, rue d'Eylau
13006 Marseille

Résumé

En raison de la nature de l'os maxillaire, les édentations maxillaires postérieures sont fréquemment rencontrées dans la pratique clinique courante. Les réhabilitations fixées, rendues maintenant possibles par la pose d'implants endo-osseux, sont souvent tributaires de techniques chirurgicales visant à augmenter le volume osseux sous-sinusien. Cette chirurgie peut se réaliser soit en deux temps opératoires (greffe suivie d'implants), soit en un temps (greffe et implants simultanés). Cet article présente notre expérience de la technique en deux temps. Réalisée en ambulatoire, celle-ci est généralement mieux acceptée par les patients que celle ayant recours aux greffons iliaques ou crâniens. La simplicité des suites opératoires et les bons résultats cliniques à cinq ans font aujourd'hui de celle-ci une technique de choix.

Summary

Due to local bone conditions, maxillary posterior edentulous jaw is a common affection in current clinical practice. Fixed anchored restorations depend on bone augmentation under the sinus floor with surgery. That can be performed either consecutively (graft first and then implant) or simultaneously. Our paper sets out our experience with tibial graft followed by dental implant. Tibial graft is usually accepted better by patients than cranial and iliac grafts. The slightness of post-surgery effects and the high success rate at five years of follow-up make that strategy a reference technique.

Key words

bone graft, tibial plateau graft, oral implant, dental implant, sinus area

L'implantologie est sortie d'une longue période d'obscurantisme au milieu des années 70, grâce aux travaux de l'école suédoise. Depuis, de nombreuses études ont remis en question la majorité de l'enseignement quelque peu dogmatique de cette école. En outre, le champ d'application de l'implantologie dépasse aujourd'hui le secteur mandibulaire interforaminal, seule indication retenue dans les séries initiales [1].

Les reconstitutions implantaires des prémolaires et des molaires au niveau du maxillaire supérieur sont souvent limitées par l'obstacle lacunaire qu'est le sinus maxillaire [2, 3]. En effet, la résorption de l'os alvéolaire succède à la perte des dents et, en l'absence de stimuli de la fonction occlusale, la membrane tapissant la cavité sinusale (membrane de Schneider) entraîne une activité ostéoclasique et une augmentation de volume du sinus ou pneumatisation [3, 4]. Ce phénomène est aggravé par l'âge, un désordre systémique ou des inflammations locales [5]. C'est donc une fonte bidirectionnelle que subit ce secteur et à laquelle les cliniciens tentent depuis plusieurs années de pallier en mettant au point des techniques de régénération de la perte osseuse.

Dans cet article, après un bref rappel de l'histoire des techniques chirurgicales, nous décrirons la classification de Misch, les différentes techniques chirurgicales utilisées et les avantages attendus de chaque type de greffon. Nous décrirons ensuite notre expérience concernant l'augmentation sous-sinusienne à partir du greffon tibial au travers d'un cas clinique et de notre série de 31 cas à l'hôpital Ambroise-Paré de Marseille.

Historique

Avant que les techniques d'augmentation osseuse apparaissent, les situations présentant un volume osseux insuffisant étaient traitées selon deux grandes approches : soit le volume osseux résiduel était utilisé, sans augmentation, avec des implants racines tels que les implants sous-périostés, les implants ptérygopalatins, les implants zygomatiques ou encore les implants à insertion latérale (diskimplants), soit il était amélioré. Tatum est le premier à avoir décrit, au début des années 70, les techniques d'augmentation de ce secteur sous-sinusien en refoulant la membrane, tout en la respectant, avec initialement un abord crestal, puis un volet latéral [4]. Il fut suivi par Boyne et James [6]. Par la suite, Misch, mais également d'autres écoles, ont développé, décrit et codifié d'autres méthodes [7]. Plus récemment, Summers a réactualisé les techniques impactées par abord crestal [8]. Khoury[9], ainsi que Bruschi et al. [10], ont décrit les différentes manières d'exploiter les prélèvements de greffons à la mandibule.

Classification de Misch

Une des premières nécessités dans l'indication d'augmentation osseuse sous-sinusienne est l'évaluation rigoureuse du contexte osseux. La classification de Misch est un excellent outil d'évaluation que nous utilisons dans notre pratique courante et que nous décrirons brièvement ici [7]. Misch a proposé de diviser la hauteur résiduelle de l'os en quatre parties (SA-1 à SA-4), du sommet de la crête jusqu'au plancher du sinus (Fig. 1) :

- SA-1 pour une hauteur résiduelle supérieure ou égale à 12 mm permettant la pose d'implants sans augmentation ;

- SA-2 pour une hauteur résiduelle comprise entre 8 et 12 mm autorisant la pose d'implants avec un soulevé préalable du plancher par technique impactée par voie alvéolaire ;

- SA-3 pour une hauteur résiduelle comprise entre 5 et 8 mm pour laquelle un volet latéral est nécessaire, mais où les implants peuvent être posés dans le même temps que le comblement sous-sinusien, à la condition que leur stabilité primaire soit assurée ;

- SA-4 pour une hauteur résiduelle comprise entre 0 et 5 mm qui impose une greffe d'augmentation par volet latéral, et une pose différée des implants (technique en deux temps chirurgicaux). Les sinus de type SA-4 requièrent soit une chirurgie « de soulevé » en un temps (bloc symphysaire) s'il s'agit d'un seul sinus et de deux implants maximum en raison de la taille du greffon, soit une chirurgie en deux temps, avec un os autogène extra-oral.

Cette classification est pondérée par la largeur de crête disponible permettant de compenser partiellement un manque de hauteur, par l'usage d'implants plus larges, ainsi que par le rapport de longueur souhaité entre les implants et la couronne clinique prothétique qui devrait être supérieur ou égal à un. Cela permet d'envisager l'opportunité d'associer une greffe en « onlay » afin de diminuer la hauteur intercrête.

Cette évaluation devrait être complétée par celle de la densité osseuse et de sa vascularisation, afin d'en déduire non seulement des informations sur le potentiel de régénération, mais également sur la stabilité primaire possible d'éventuels implants, qualités parfois contradictoires, mais qui peuvent se conjuguer sur deux niveaux osseux différents.

Panorama des différentes techniques

Trois critères sont à envisager pour comprendre le bien-fondé de ces choix : la séquence des actes chirurgicaux, la voie d'abord, les matériaux de comblement.

Séquence des actes chirurgicaux

- un seul temps chirurgical durant lequel l'augmentation est faite lors de la pose des implants ;

- deux temps chirurgicaux, les implants étant posés trois à six mois après l'augmentation.

Voie d'abord

- abord crestal dans les techniques impactées aveugles réactualisées par Summers avec des instruments à bout concave appelés ostéotomes ou « bone condensors » [8, 11] ;

- volet latéral soulevé avec la membrane par fracture en bois vert et replié comme néo-plancher du sinus ou bien détaché de la membrane, puis replacé en fin d'intervention ou encore incorporé au matériau d'augmentation. Dans tous les cas, la membrane ne doit pas être déchirée. Son décollement lent et méticuleux est fait avec des curettes adaptées non coupantes [12, 13].

Matériaux de comblement

Ils se répartissent en trois grandes catégories dont nous discuterons les avantages et les inconvénients.

Tissus osseux vivants du patient (autogreffe)

• os autologue prélevé à proximité du site (tubérosité) ou à la mandibule (bord externe rétromolaire, angle de la branche montante, symphyse mentonnière, crête sous un intermédiaire de bridge, exostoses diverses…). L'os peut être fragmenté, broyé ou en bloc. Il est de même origine embryonnaire (membraneux) et se résorbera moins que l'os d'origine enchondrale, mais la quantité qu'il est possible de prélever est parfois trop faible ;

• os autologue prélevé à distance :

- de même origine embryonnaire : pariétal ;

- d'origine embryonnaire différente (enchondrale): crête iliaque, tibia ;

- propriétés ostéo-inductrice et ostéo-conductrice.

Dérivés osseux d'origine humaine (allogreffes) ou animale (hétérogreffe)

- os humain de banque, lyophilisé, déminéralisé ou non [14, 15] ;

- dérivés d'os animal (bio-os), bovin, ovin ou équin [16-18] ;

- pouvant être utilisés purs ou mélangés à de l'os autologue.

Matériaux alloplastiques

Des matériaux divers peuvent être mélangés à l'os dans des proportions variables :

- hydroxyapatites d'origines diverses, végétale (Algipore) ou animale (corail) [12, 19, 20] ;

- phosphates tricalciques [21, 22] ;

- bioverres.

Le besoin de matériau osseux de comblement en chirurgie orthopédique a rapidement fait privilégier la technique de l'autogreffe au détriment des substituts osseux, des allogreffes et des hétérogreffes qui soulèvent une série de problèmes [23-26]. Les substituts osseux n'ont pas jusqu'à présent fait la preuve de leur efficacité d'une part en raison de leur lyse trop fréquente et du risque septique élevé qu'ils font courir aux patients. La multiplicité des substituts osseux est d'ailleurs un témoin des difficultés rencontrées aujourd'hui par cette approche. L'allogreffe comme l'hétérogreffe posent le problème de la compatibilité tissulaire, et celui du risque infectieux. Bien que certaines mesures puissent être prises pour éviter la transmission de certains agents viraux (par exemple, le dépistage chez le donneur des virus de l'immunodéficience humaine et des hépatites), celles-ci ne sont pas faciles à mettre en place, et laissent persister un risque résiduel (sérologie négative durant la phase d'incubation). En outre, certains agents infectieux ne sont pas aujourd'hui connus, mais pourraient être mis en évidence dans le futur. L'autogreffe permet enfin d'éviter les problèmes liés au stockage du tissu osseux. En effet, les banques de matériel osseux ont une gestion difficile, elles posent notamment la question des délais. Les contraintes de qualité et de sécurité du matériel osseux ont enfin un coût élevé.

Greffon d'origine tibiale

Intérêt

Les sites donneurs décrits dans la littérature sont la crête iliaque, le crâne et le tibia :

• le prélèvement iliaque présente l'avantage de fournir une quantité importante d'os cortico-spongieux de bonne qualité. C'est cependant un os d'origine embryologique différente du sinus, caractérisé par une forte résorption. Les suites opératoires sont souvent douloureuses et longues. Le risque de cicatrice pour lequel le patient doit être informé peut constituer un handicap pour l'acceptation de cette technique. Ces inconvénients nous ont incités à ne la réserver qu'aux épaississements crestaux par blocs ;

• le prélèvement crânien pariétal a été largement décrit et procure généralement de bons résultats. L'os a la même origine embryologique et est peu résorbable. Cette technique a l'inconvénient de disposer d'un os corticalisé et peu vascularisé. La quantité d'os prélevée peut également s'avérer trop faible. L'acte chirurgical est simplifié par l'existence d'un seul champ opératoire. Il est cependant peu apprécié par les patients et donc plus difficile à proposer ;

• le prélèvement tibial, générateur d'os spongieux en quantité suffisante pour permettre de façon optimale la greffe de deux sinus, est plus facilement admis par les patients (petite cicatrice, peu de gêne postopératoire, chirurgie ambulatoire). Nous décrirons maintenant les arguments qui nous font choisir préférentiellement ce type de greffon.

Critères pour le choix d'un autogreffon

Son prélèvement doit être simple et n'entraîner ni séquelles fonctionnelles ni comorbidité [27]. Il doit satisfaire aux propriétés mécaniques de l'os en matière de contrainte à la rupture en compression et de module d'élasticité de Young. Enfin, il doit pouvoir entraîner la meilleure ostéogenèse possible. La métaphyse supérieure du tibia est un site alternatif de prélèvement pour lequel la technique est aujourd'hui bien rodée. Cette technique est fréquemment utilisée en chirurgie orthopédique, tant prothétique que réparatrice [19]. La forte demande en implantologie dentaire et le contexte dans lequel elle s'inscrit ont conduit les chirurgiens orthopédistes à proposer le prélèvement tibial comme méthode de choix, car celui-ci remplit toutes les conditions précédemment énoncées. En outre, le prélèvement tibial permet de fournir une grande quantité d'os spongieux et une baguette corticale.

Caractéristiques du greffon

Les caractéristiques générales du greffon d'origine tibiale sont tout à fait favorables au comblement des pertes de substances sous-sinusales.

Sur le plan mécanique, la résistance à la compression est de 7 MPa et le module d'élasticité de 80 MPa [28, 29]. Ainsi ce greffon d'os spongieux peut être, contrairement à de l'os cortical, suffisamment comprimé sans crainte de rupture. Il conserve en outre son élasticité [30]. Le greffon d'os spongieux ainsi prélevé remplit les conditions naturelles de l'os manquant qui justifie la greffe. Il faut à ce titre souligner qu'un greffon spongieux réhabite d'autant plus vite qu'il est en compression [31]. Le risque septique étant plus élevé en chirurgie bucco-dentaire qu'en chirurgie orthopédique, un délai de quatre mois paraît raisonnable avant la pose d'implants pour ce type de greffon.

Sur le plan chimique, malgré des variations liées au sexe et à l'âge, la fraction minérale reste élevée (70 %) avec un rapport Ca/P voisin de 1,6 [32, 33]. Il est intéressant de remarquer qu'il existe toujours, dans la métaphyse tibiale supérieure, un os spongieux utilisable, notamment chez les patients souffrant d'ostéoporose.

L'ostéogenèse, c'est-à-dire la constitution d'une matrice osseuse par des cellules ostéoformatrices, est particulièrement intense à partir de l'os spongieux en général, et celui de la métaphyse tibiale supérieure en particulier [32]. Le seul autre site ayant cette qualité est l'extrémité supérieure du fémur, reliquat des épiphyses fertiles, dont le prélèvement reste très problématique.

Technique du prélèvement

Cette technique nécessite une grande rigueur. Elle doit être réalisée sous anesthésie générale, dans des conditions optimales d'asepsie, dans un bloc opératoire remplissant toutes les conditions de sécurité nécessaires à la chirurgie osseuse.

L'incision est située sur la face antéro-interne de l'extrémité supérieure du tibia et ne doit pas dépasser 2 cm, en avant du ligament latéral interne du genou et en regard de la tubérosité tibiale antérieure. Une fenêtre osseuse est découpée sur la corticale tibiale, par laquelle est introduite une large curette qui ramènera les copeaux spongieux en évidant la métaphyse supérieure du tibia vers la tubérosité et en arrière. Il est inutile de creuser en haut, vers l'articulation dont l'effraction est théoriquement impossible. La fermeture de la fenêtre corticale se fait par simple apposition (à moins qu'il ne soit nécessaire d'utiliser la petite baguette corticale, ce qui est toujours possible et parfois utile). Un surjet sous-cutané au fil résorbable, puis un surjet identique intradermique complètent la fermeture. Le pansement compressif doit être conservé durant huit jours.

Suites opératoires du prélèvement

Les suites opératoires liées au prélèvement du greffon tibial sont extrêmement simples.

La reprise de la marche en appui complet est immédiate, le jour même de l'intervention. Il est cependant recommandé d'éviter tout effort physique excessif. Le patient est prévenu de la survenue possible, mais sans gravité ni séquelle d'une ecchymose de la jambe, plus impressionnante que grave, cédant spontanément en une dizaine de jours. Ainsi, au prix d'un prélèvement très simple qui n'a jamais entraîné de complications dans notre expérience, la prise de greffons aux dépens de la métaphyse tibiale supérieure, en fournissant une quantité suffisante et une qualité satisfaisante d'os spongieux, quels que soient l'âge et le sexe du patient, garde notre préférence. Son application, fréquente en orthopédie, s'est naturellement étendue dans le domaine de l'implantologie dentaire où les problèmes de fixation de l'implant dans un os de qualité permettant une stabilité parfaite peuvent en partie se superposer à ceux qui se posent en chirurgie orthopédique prothétique.

Pose du greffon d'origine tibiale

Le patient, sous anesthésie générale, aura été préalablement prémédiqué et aura reçu la veille de l'intervention une antibiothérapie qui se poursuivra durant six jours (deux grammes par jour d'amoxicilline).

Le greffon prélevé sur le plateau tibial est suffisant pour un ou deux sinus. Il doit être conservé dans une cupule stérile recouverte de gaze. Le champ opératoire propre à l'orthopédiste est remplacé par un champ oral qui va permettre l'initiation de la chirurgie de greffe intrasinusienne. L'incision muqueuse est crestale ; le réclinement vestibulaire du lambeau est facilité par des incisions de décharge mésiale et distale. L'abord sinusien est effectué par un volet osseux situé sur la partie proéminente du bord vestibulaire du sinus à l'aide d'une fraise-boule diamantée gros grains montée sur une turbine utilisant de l'eau stérile ; l'air propulsé par la turbine est issu d'un compresseur équipé d'un mécanisme de filtration qui restitue un mélange composé de 78 % d'oxygène et de 22 % d'azote, considéré comme stérile. Le choix de la turbine est dicté par la précision du travail (couple réduit) et le refoulement de la membrane sinusienne dû à la pression de l'air. Le volet ainsi mobilisé permet de récliner la membrane sinusienne sur la surface nécessaire à la pose ultérieure des futurs implants qui interviendra dans les quatre mois suivant la pose du greffon. L'os tibial est alors foulé par fragments dans la cavité ainsi créée.

La consistance de ces fragments osseux permet une condensation douce de l'os qui évite une rupture de la membrane. Après remplissage total de la cavité, un cliché radiovisiographique (cliché numérisé) du site est réalisé afin de contrôler l'homogénéité du comblement ; le lambeau est ensuite suturé. Les sutures sont ôtées dix jours après. Les implants sont posés quatre mois plus tard après un contrôle scannographique par Dentascanner®, ces coupes Dentascanner® permettant de visualiser le gain osseux et sa densité et de le quantifier.

La synthèse des indications et des techniques proposées est résumée dans les Tableaux I et II .

Description d'un cas clinique

Nous décrirons, à titre d'exemple, le cas clinique d'un homme âgé de 60 ans, fumeur (deux paquets de cigarettes par jour), traité pour une parodontopathie depuis vingt ans (Fig. 2 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19 et 20). Le choix d'extraire ses dents maxillaires, à l'exception du bloc incisivo-canin, a été dicté par la nécessité de conserver une quantité maximale d'os résiduel et d'assurer pendant le traitement la fonction masticatoire et esthétique. L'intervention est programmée en février 1998, sous anesthésie générale, après une prémédication et la mise en place d'une antibiothérapie pendant six jours (deux grammes par jour d'amoxicilline). Les molaires ont été extraites quatre semaines auparavant. Le greffon est posé dans les deux sinus et quatre mois plus tard, après un contrôle scannographique par Dentascanner®, six implants Frialit®-2 sont posés en 14-15-16 et 24-25-26. Un implant est posé en implantation immédiate à la place de la 23 fracturée en cours de traitement.

La 13 a été dépulpée en cours de traitement du fait d'une carie. Les prothèses fixes définitives succèdent à des prothèses transitoires fixes à des fins de mise en charge progressive de ces implants. La durée totale du traitement est de 12 mois suivant la séquence suivante :

- greffe sinusienne bilatérale d'origine tibiale ;

- 4e mois : pose d'implants ;

- 8e mois : activation, puis 15 jours après pose de prothèses fixes, provisoires, sur connecteurs titane ;

- 12e mois : pose de prothèses fixes, définitives, en céramique sur métal semi-précieux ; les éléments sont solidarisés.

Résultats cliniques de notre série de 31 cas

Depuis 1998, 31 personnes ont été opérées par notre équipe à l'hôpital Ambroise-Paré de Marseille, suivant la technique proposée. Quarante-huit sinus ont fait l'objet d'une greffe et 116 implants ont été posés dans les sites greffés (13 IMZ® et 103 Frialit®-2). Le gain osseux moyen a été de 13 mm en hauteur et de 7 mm en épaisseur dans la partie la plus haute. Cent neuf implants sont équipés de prothèses : 3 prothèses totales amovibles stabilisées par barre sur 6 implants, 2 reconstructions totales fixées implanto-portées et des prothèses fixées de deux à trois éléments solidarisés. Quatre implants n'ont pas encore été équipés et 3 ont été perdus.

Nous bénéficions aujourd'hui d'un recul moyen de 18 mois sur les implants équipés de prothèse. Tous les implants sont fonctionnels, à l'exception de trois extraits lors de l'activation (mobiles). Une sinusite a été constatée avant la pose des implants et a conduit au curetage du sinus (membrane sinusienne perforée). Deux épaississements sont apparus sur les contrôles scannographiques réalisés 18 mois après l'intervention, sans manifestation clinique. Le résultat esthétique est en général très acceptable, malgré des « dents longues » dues à la résorption de l'os maxillaire compensé par la greffe sinusienne qui rétablit le rapport couronne/implant à un ; aucune greffe « onlay » n'a été réalisée dans ces cas.

Les analyses anatomo-pathologiques ont pu être réalisées sur 10 cas, au moment de la greffe, puis quatre mois après lors de la pose des implants. L'analyse anatomo-cyto-pathologique a toujours confirmé le caractère spongieux et strictement normal de l'os tibial prélevé, son caractère bien différencié et la présence d'éléments lamellaires normaux. Lors de la pose des implants, l'analyse a montré des carottes biopsiques osseuses de bonne qualité, un os lamellaire, bien différencié, sans surinfection et sans altération spécifique.

Dans notre expérience, la récupération a toujours été complète et sans aucune séquelle (Fig. 21). Parmi les 31 cas, nous n'avons observé qu'une réaction pseudo-algodystrophique résolutive en deux mois, et aucune complication, en particulier d'ordre mécanique. Notre série sera complétée par de nouveaux patients et par une analyse plus fine avec recul supplémentaire de cinq ans.

Conclusion

Notre expérience corrobore les données de la littérature qui concluent à la sécurité, à la reproductibilité et à la fiabilité des techniques visant à l'augmentation osseuse sous-sinusienne, qui permet à son tour la mise en place d'implants avec de plus grandes chances de succès. Les plus récentes avancées concernent la rapidité de l'intervention afin de conserver la quantité maximale d'os résiduel. Il s'agit également d'alléger les techniques (ostéotomes, matériaux de comblement) pour éviter les sites intra- ou extra-oraux. Mais les efforts des cliniciens doivent prioritairement porter sur la diminution du stress préopératoire et l'amélioration des suites opératoires. L'utilisation d'os extra-oral comme l'os tibial qui nécessite une technique chirurgicale moins « traumatisante » est donc un élément clé de la réussite dans ce domaine.

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