Chirurgie implantaire et courants à très haute fréquence - Implant n° 4 du 01/11/2002
 

Implant n° 4 du 01/11/2002

 

Dossier clinique

B. Guillaume  

Médecin stomatologue
Attaché des hôpitaux de Paris
Chargé d'enseignement
Faculté de médecine d'Angers
Expert près de la Cour d'Appel de Paris
8, rue de Stockholm
75008 Paris

Les conséquences physiques du passage d'un courant électrique à travers un insert métallique ont permis d'élaborer le concept de bistouri électrique. Ses caractéristiques se limitent à celles de l'incision et de la thermocoagulation, mais s'accompagnent d'une élévation thermique importante, source de dégradation cellulaire et de cicatrisation tissulaire rétractile [1-3].

La...


Les conséquences physiques du passage d'un courant électrique à travers un insert métallique ont permis d'élaborer le concept de bistouri électrique. Ses caractéristiques se limitent à celles de l'incision et de la thermocoagulation, mais s'accompagnent d'une élévation thermique importante, source de dégradation cellulaire et de cicatrisation tissulaire rétractile [1-3].

La radiochirurgie à très haute fréquence et basse température constitue une approche différente du geste opératoire et des conséquences cliniques qui en découlent.

Le courant spécifique de 4 MHz permet de réaliser des incisions fines sur les sites implantaires associant une visibilité opératoire maximale (Fig. 1 et 2).

Matériels et méthode

L'intérêt de cette technique apparaît à chaque étape de l'acte implantaire :

- pose de l'implant (implant enfoui et non enfoui) ;

- mise en fonction ;

- aménagement gingival préprothétique.

Caractéristiques physiques

La fréquence délivrée par un bistouri électrique varie de 450 kHz à 1 MHz. L'utilisation de ce courant détermine dans l'électrode une élévation de température importante, proche de 800 ° C, source de carbonisation tissulaire.

La radiofréquence à 4 MHz résulte d'une ondulation et d'une filtration importante du courant électrique délivrant un niveau d'énergie très bas de 8 à 25 W grâce à un générateur de courant haute fréquence. Plus la fréquence est élevée, moins on a besoin d'un courant fort, générateur d'effet joule, ce qui explique les basses températures observées (Fig. 3) [4].

L'élévation de la température au niveau tissulaire, délivrée par la pointe de l'électrode reste inférieure à 100 %. Les courants haute fréquence génèrent une hyperfréquence moléculaire au niveau tissulaire. Il s'agit d'une agitation ionique des molécules d'eau intracellulaire, entraînant une volatilisation cellulaire immédiate. La conséquence clinique se traduit par des plans de coupe fins sans carbonisation des parois de l'incision [5, 6].

Nous sommes en présence d'un dégagement d'une chaleur périphérique d'origine multifactorielle selon la formule suivante :

On constate qu'une augmentation très importante de la fréquence électrique diminuera la quantité de chaleur thermique latérale.

La filtration et l'ondulation du courant électrique sont ainsi responsables de différents modes d'utilisation :

1. onde totalement filtrée (mode cut) :

- débit continu et non pulsé d'ondes à haute fréquence ;

- chaleur latérale très réduite et destruction tissulaire minime ;

2. onde modulée totalement rectifiée (mode cut/coag) : effet de section et de coagulation ;

3. onde modulée partiellement rectifiée (mode coag) :

- débit intermittent d'ondes à haute fréquence ;

- coagulation et hémostase vasculaire (Fig. 4a, 4b, 4c) .

Le matériel employé requiert un générateur délivrant un courant de 4 MHz (le mode cut/ coag étant le plus utilisé), le générateur Ellman (Fig. 5).

L'électrode joue le rôle d'anode, et en utilisation de type mode monopolaire, une antenne réceptrice (la cathode) est nécessaire sous forme de plaque placée dans le dos du patient. (Il faudra, lors de l'interrogatoire du patient, vérifier l'absence de pacemaker pouvant perturber le fonctionnement électrique de l'appareil.)

La mise en fonction du courant électrique s'effectue par commande au pied, l'intensité étant réglée préalablement sur le cadran du générateur. De très nombreuses électrodes, qui s'apparentent davantage à des microfibres, sont disponibles et s'adaptent à la plupart des actes opératoires (Fig. 6).

Les avantages cliniques de la radiofréquence sont d'assurer des incisions non hémorragiques, très précises. Contrairement aux lames froides, le geste opératoire ne devra pas être appuyé, mais, au contraire, la microfibre sera passée comme un fil sur la surface du tissu, ouvrant progressivement les parois tissulaires. La forme de la microfibre élimine les risques liés au maniement d'une lame froide dans des zones peu accessibles tout en assurant par ailleurs une stérilisation du site opératoire (Fig. 7, 8 et 9).

Il en résulte un repositionnement aisé postopératoire des lambeaux aux bords d'incision nets, peu sujets à développer des hématomes postopératoires.

Indications en implantologie

La radiochirurgie s'applique aux différentes étapes de l'acte implantaire.

Pose d'implants

Incisions

L'incision se fera grâce aux micro-fibres pour la réalisation de lambeaux de pleine épaisseur ou d'épaisseur partielle. Celle-ci peut soit débuter sur la ligne de crête gingivale, soit être décalée, assurant une ligne d'incision non hémorragique.

À l'inverse d'un bistouri à lame froide, le geste d'incision sera à peine appuyé. On ne constate pas de rétraction tissulaire lors de la coupe initiale, mais une ouverture des plans superficiels. Un deuxième passage finit de réaliser l'incision jusqu'au plan périosté.

Cette technique assure une découpe progressive, très peu hémorragique, des tissus. La finesse du trait d'incision donnera secondairement une possibilité de repositionnement aisé des bords de l'incision (Fig. 10 et 11) [7]. L'énergie de volatilisation est transmise essentiellement par la pointe de l'électrode. Cela explique l'absence de lésion thermique sur les parois de l'incision lors des passages successifs de l'électrode. Les suites sont donc considérablement améliorées grâce à une cicatrisation sans hématome, ni œdème réactionnel.

Pose d'implants enfouis

Le repositionnement et la suture des plans muqueux sur la vis de couverture s'effectuent par plans nets, sans déhiscence tissulaire ni risque d'operculisation secondaire.

Pose d'implants non enfouis

Le praticien pourra aménager le tissu gingival à la périphérie de la vis de couverture et de la tête implantaire dès le premier temps opératoire. En effet, le contact de l'électrode au niveau de la tête implantaire ne provoque pas l'arc électrique, parfois rencontré avec le bistouri électrique. Le patient ne ressent pas de douleur au niveau de l'implant.

Ainsi, sur des distances de 0,5 mm, il est tout à fait possible de sculpter et d'aménager la gencive de façon précise autour de l'implant (Fig. 12, 13 et 14).

L'effet de volatilisation cellulaire entraîne très rapidement une fibrose réactionnelle de la muqueuse, responsable de l'apparition secondaire d'une gencive postopératoire non inflammatoire sur la périphérie de la tête implantaire. Le résultat postopératoire à 15 jours, après utilisation de ce courant, se traduit par le développement d'une gencive fibreuse favorable à l'aménagement tissulaire péri-implantaire. Ainsi, dès la première étape de mise en place de l'implant, il est possible d'obtenir une gencive stable jusqu'au stade prothétique (Fig. 15 et 16).

Évolution clinique

Outre une stabilité clinique se traduisant par un maintien de l'ostéointégration dans les mois qui suivent la pose d'implants, les radiographies à 1 an ne montrent aucune modification radiographique évocatrice d'alvéolyse péri-implantaire (Fig. 17 et 18).

Mise en fonction des implants

La radiofréquence facilite le dégagement du tissu gingival recouvrant la vis de couverture lors de la mise en fonction. Jusqu'à présent, l'élimination de celle-ci se faisait par lame froide (lame 15, lame 11) ou par emporte-pièce. Cette incision s'accompagnait en général d'un suintement hémorragique, gênant pour l'opérateur et source de contamination bactérienne.

L'utilisation du bistouri électrique est, quant à elle, contre-indiquée en raison de la puissance thermique délivrée sur la tête de l'implant.

Les microfibres en radiofréquence permettent l'élimination non hémorragique de capuchons muqueux ainsi qu'une stérilisation du plan incisé. Il devient possible lors de cette étape de découper un cylindre transmuqueux jusqu'à la base de l'implant qu'il s'agisse d'implants à hexagone externe ou d'hexagone interne.

Là encore, le contact de l'électrode avec la surface de la tête implantaire ne détermine ni élévation thermique ni choc électrique. Il est donc facile de dégager la tête implantaire grâce à une très bonne visibilité.

Il en résulte un contrôle rigoureux de l'adaptation des bagues de cicatrisation ou des transferts prothétiques. La visualisation de ce site non hémorragique facilite la mesure de la hauteur gingivale supra-implantaire et, de ce fait, rend plus aisé le choix adapté des composants prothétiques.

La cicatrisation de ces tissus se traduit par une muqueuse à l'aspect cicatriciel non inflammatoire (Fig. 19, 20 et 21).

Étape prothétique

Quinze jours après la mise en place des bagues de cicatrisation débute la phase de prise d'empreinte. Il est toujours possible de modifier à nouveau la périphérie de l'attache gingivale autour de la tête de l'implant de façon à obtenir une optimisation esthétique du contour gingival prothétique (Fig. 22 et 23).

De même, au cours de la prise d'empreinte, lors de la mise en place des transferts, la jonction transfert/base de l'implant se situe dans une zone gingivale dégagée, assurant une empreinte de grande précision sans rétraction des tissus gingivaux.

Enfin, cette technique sera aussi d'un grand secours au stade prothétique lors d'un descellement d'un pilier ou d'une coiffe prothétique afin de remodeler à nouveau la gencive avant la nouvelle empreinte [8, 9].

Dépose d'un implant

La survenue d'une péri-implantite ou la perte de l'ostéointégration implantaire peut nécessiter le recours à la radiochirurgie. En effet, ces complications se caractérisent par le développement d'un tissu de granulation hyperplasique inflammatoire et hémorragique, masquant particulièrement la périphérie implantaire.

L'élimination progressive de l'ensemble de ces tissus de granulation s'effectue aisément sans hémorragie. Le mode cut/coag ou coag crée un assèchement peropératoire et une cicatrisation des tissus optimale grâce à une stérilisation peropératoire essentielle pour ces territoires infectés.

Là encore, les suites opératoires s'accompagnent d'une absence quasi totale d'hématome et d'œdème (Fig. 24, 25 et 26).

Discussion

La radiochirurgie par courant haute fréquence et basse température s'applique désormais dans de nombreux domaines chirurgicaux (ophtalmologie, carcinologie, chirurgie plastique, oto-rhino-laryngologie) en raison des avantages techniques adaptés à l'acte opératoire [10, 11].

En odonto-stomatologie, nous pouvons bénéficier de ces caractéristiques. En dentisterie opératoire, lors des curetages apicaux; en chirurgie buccale, lors de frénectomie ou d'éxérèse de kystes muqueux ; en parodontologie, pour effectuer des lambeaux et, bien sûr, en implantologie pour les cas de figure présentés [12, 13].

Des analyses histologiques récentes en chirurgie plastique ont comparé les effets de coupes de tissu par lame froide, bistouri électrique et radiofréquence. On constate qu'à 8, 30 et 60 jours, l'inflammation tissulaire disparaît dans les mêmes proportions entre une lame froide et la radiofréquence. En revanche, l'inflammation est nettement plus forte avec un bistouri électrique. La cicatrisation est plus fine à 60 jours par radiofréquence et nettement plus irrégulière avec un bistouri électrique [14-16].

En ophtalmologie, il a été observé une nette diminution des lésions tissulaires latérales lors d'incisions par radiofréquence comparées aux incisions par laser CO2 [17, 18]. Ces résultats sont à rapprocher d'une étude comparative entre radiofréquence, laser CO2 et Nd-YAG laser sur des ovocytes humains où l'extension de la dégradation tissulaire est de : 0,3 mm pour la radiofréquence, 0,6 mm pour le laser CO2 et 0,8 mm pour le Nd-YAG laser [16]. En implantologie, nous disposons de plusieurs modes opératoires. La lame froide de bistouri de par sa structure impose une pression de coupe. La lame étant rigide, celle-ci ne peut facilement s'adapter à toutes les zones anatomiques et peut être source de risque opératoire. Le site opératoire est rapidement hémorragique. Enfin, il n'y a pas de stérilisation peropératoire de la lame elle-même. L'incision par laser se fait par une fibre souple. La stérilisation du site est peropératoire, mais on note un dégagement de chaleur latéral plus important. Le coût d'équipement d'un laser reste important, notamment en omnipratique.

Le bistouri électrique permet une accessibilité opératoire intéressante, mais les courants à basse fréquence sont générateurs d'élévation thermique importante [19-20]. En implantologie, la radiochirurgie à haute fréquence facilite l'acte opératoire par une grande visibilité et une dégradation tissulaire moindre qu'avec les autres procédés. L'absence d'une importante élévation thermique rend possible la préparation tissulaire à proximité des têtes implantaires sans conséquences cliniques et radiographiques constatées à ce jour. Des études histologiques sont en cours d'évaluation.

Conclusion

La radiofréquence apporte une sécurité opératoire, assurant en implantologie un acte thérapeutique et une phase prothétique de grande précision. L'absence d'élévation thermique associée à une incision non hémorragique lors des différentes étapes implantaires favorise une cicatrisation optimale des plans tissulaires.

La maniabilité des électrodes rend ce geste particulièrement adapté quels que soient les sites rencontrés.

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