Implantation immédiate ou différée - Implant n° 4 du 01/11/2002
 

Implant n° 4 du 01/11/2002

 

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Opinions

Serge Armand  

Maître de conférences des universités
Praticien hospitalier
Faculté de chirurgie dentaire de Toulouse

Les principes d'ostéointégration fixés par Brånemark nécessitent une mise en nourrice des implants pendant 4 à 6 mois en fonction des sites concernés, maxillaire ou mandibule.

Dans l'implantologie postextractionnelle, à ce délai doit s'ajouter dans le protocole habituel un temps de cicatrisation après extraction de 6 à 9 mois.

Devant ces temps thérapeutiques relativement longs pour le patient, la plupart des implantologistes s'orientent actuellement, notamment...


Les principes d'ostéointégration fixés par Brånemark nécessitent une mise en nourrice des implants pendant 4 à 6 mois en fonction des sites concernés, maxillaire ou mandibule.

Dans l'implantologie postextractionnelle, à ce délai doit s'ajouter dans le protocole habituel un temps de cicatrisation après extraction de 6 à 9 mois.

Devant ces temps thérapeutiques relativement longs pour le patient, la plupart des implantologistes s'orientent actuellement, notamment dans les cas d'édentement unitaire, vers des traitements plus courts et cette évolution s'est produite en deux étapes:

- une première étape a consisté à réaliser simultanément l'extraction et la mise en place immédiate de l'implant ;

- la deuxième étape est une évolution naturelle de la première et concerne une mise en situation prothétique de l'implant par la réalisation d'une prothèse provisoire non fonctionnelle dans la même séance.

Cette façon de procéder est très séduisante en prothèse fixée implanto-portée unitaire, essentiellement sur les secteurs antérieurs, car elle présente un grand nombre d'avantages pour le patient et le praticien :

• pour le patient, le fait de pouvoir bénéficier d'une prothèse provisoire dans la même séance que l'extraction diminue considérablement le choc psychologique créé par la perte d'une dent sur un secteur esthétiquement sensible ;

• pour le praticien, les avantages sont nombreux. Citons de façon non exhaustive :

- la diminution du temps de traitement ; cicatrisation osseuse, phase d'ostéointégration, réalisation prothétique provisoire sont simultanées sans passer par un deuxième temps chirurgical ; le gain de temps peut être estimé à une année par rapport au protocole classique ;

- la conservation des tissus mous et calcifiés sur le site concerné ; le maintien des structures anatomiques autour des implants, notamment gencive marginale et papilles, permet d'éviter toute chirurgie muco-gingivale péri-implantaire pour reconstruire ces structures ;

- la résorption osseuse postextractionnelle est limitée, le tissu osseux péri-implantaire bénéficiant du pic ostéogénique succédant à l'extraction ;

- l'apport par la prothèse provisoire d'éléments d'information concernant le résultat esthétique recherché.

Malgré ces avantages, la mise en situation prothétique immédiate ne peut être systématique, car elle s'appuie sur une méthodologie opératoire plus délicate et augmente donc le risque thérapeutique.

De ce fait, l'analyse préimplantaire revêt une importance capitale et doit préciser un certain nombre de paramètres anatomiques, biologiques, biomécaniques et occlusaux déterminants quant à l'option de traitement choisie.

Considérations anatomiques

Le positionnement de l'implant après extraction est directement lié aux structures anatomiques du site qui doivent faire l'objet d'une analyse rigoureuse ; les implants bien que possédant une grande variété de formes et de dimensions ne peuvent être la copie conforme de la dent extraite et il existe donc inévitablement des hiatus entre tissu osseux et corps de l'implant ; ces espaces doivent être les plus réduits possibles pour assurer:

- une bonne stabilité primaire ;

- une bonne ostéointégration.

Ce positionnement tridimensionnel de l'implant obéit à certaines règles parfaitement codifiées, notamment par Garber et al. [1], qui définissent la mise en place de l'implant dans les sens vertical, mésiodistal et sagittal:

Positionnement de l'implant dans le sens vertical

Pour obtenir un bon alignement des collets et le maintien des papilles, la situation de l'implant dans le sens vertical est déterminée par le collet anatomique des dents adjacentes et le niveau du septum osseux entre dent et implant :

- l'émergence cervicale de l'implant doit être située entre 1 et 3 mm du collet anatomique des dents adjacentes en fonction du diamètre choisi ;

- la distance entre les septa osseux proximaux et le sommet de la papille doit être environ de 6,5 mm.

Si ces critères ne peuvent être respectés, il y a contre-indication à l'implantologie postextractionnelle immédiate avec mise en situation prothétique ; il est préférable alors d'opter pour le protocole classique avec réaménagement tissulaire du site extractionnel.

Positionnement de l'implant dans le sens mésio-distal

En denture naturelle, l'espace interproximal entre deux dents doit être au minimum de 1 mm pour éviter toute pathologie parodontale. Lorsque l'espace interproximal concerne une dent et un implant, la distance minimale se situe à 1,5 mm, donc très légèrement supérieure à la précédente ; dans le cas de deux implants adjacents, cette distance doit être de 2,5 mm.

Dans certaines situations anatomiques, il est donc nécessaire de choisir un implant légèrement sous-dimensionné par rapport au diamètre mésio-distal de la dent extraite et de créer de ce fait un hiatus entre les parois de l'alvéole et l'implant ; cela constitue donc une prise de risque thérapeutique qui doit être parfaitement évaluée avant toute décision.

Positionnement sagittal de l'implant

Sur des clichés tomodensitométriques, l'évaluation de coupes obliques sur les secteurs antérieurs montre que les dents sont rarement centrées sur la crête, mais la plupart du temps au contact de la corticale vestibulaire.

Dans ces conditions, il est préférable de ne pas utiliser le site extractionnel comme site implantaire sous peine de se heurter à deux types de problème :

- un risque de fenestration vestibulaire peropératoire pendant le forage ;

- un risque de perte de la table alvéolaire vestibulaire à moyen terme par déficit d'os spongieux, bien vascularisé entre corticale et corps de l'implant.

Le site implantaire est donc la plupart du temps en situation palatine par rapport au site extractionnel, les deux sites étant confondus au niveau cervical pour conserver un bon alignement des collets.

Considérations biologiques

Les sites implantaires présentent souvent des déficits osseux nécessitant une analyse qualitative et quantitative de la perte de substance :

- si la perte de substance est faible et en situation cervicale, l'utilisation d'implants de plus large diamètre permet de combler le hiatus pouvant exister entre le site extractionnel et la partie cervicale de l'implant ;

- si la perte de substance est moyenne, il est nécessaire de réaliser une régénération osseuse guidée par l'utilisation d'une membrane ; dans ce cas, la mise en place de l'implant et de la membrane est différée de 6 semaines par rapport à l'extraction pour permettre un recouvrement muqueux de la membrane ; la fixation primaire de l'implant est impérative. Le plus souvent, il n'est pas possible d'envisager une mise en situation prothétique immédiate pour éviter une contamination du site à régénérer ;

- si la perte de substance est importante, la fixation primaire de l'implant est difficile à obtenir ; il est préférable de reconstruire le site concerné par régénération ou mise en place de greffon et de réévaluer à 6-8 mois le résultat obtenu.

Considérations biomécaniques

Sites extractionnels et sites implantaires sont parfois différents, notamment sur les secteurs antérieurs du maxillaire.

Cette divergence doit être réduite afin de ne pas créer des contraintes biomécaniques défavorables ; un axe fonctionnel et un axe implantaire trop divergents créent deux types de problèmes :

- des contraintes horizontales sur le tissu osseux péri-implantaire avec risque de perte d'ostéointégration ;

- des contraintes excessives sur le système implantaire lui-même avec risque de fracture de l'implant ou des composants de l'accastillage.

Considérations occlusales

La mise en situation prothétique immédiate sur des implants unitaires ne doit pas être une mise en charge immédiate ; la prothèse transitoire réalisée est en situation de sous-occlusion statique et dynamique pour ne pas créer de pressions importantes sur l'implant pendant la phase d'ostéointégration.

Toutefois, il faut veiller à ce que les dents antagonistes ne viennent, par égression, au contact des prothèses provisoires implanto-portées.

Conclusion

L'implantologie unitaire, notamment sur les secteurs antérieurs, peut s'appuyer sur les différents protocoles cliniques, depuis le schéma classique proposé par Brånemark (Fig. 1A, 1B et 1C) jusqu'à la mise en place postextractionnelle de l'implant avec mise en situation prothétique (Fig. 2A, 2B, 2C et 2D).

Seule une analyse préopératoire rigoureuse permet d'orienter le choix thérapeutique sachant que le gain de temps de traitement ne doit pas être considéré comme un élément majeur de décision.

En outre, le praticien doit pouvoir modifier son plan de traitement lors de la phase chirurgicale si le site ne correspond pas à son attente et cela implique de sa part une certaine réactivité pour s'adapter à une situation clinique imprévue.

Lorsqu'un des paramètres (anatomique, biologique, biomécanique ou occlusal) est défavorable, la prudence doit orienter le thérapeute vers le protocole classique.

BIBLIOGRAPHIE

  • 1. Garber DA, Salama MA, Salama H. Immediate implant placement in the externat root resorption case.

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