Traitements des lésions intra-osseuses sévères avec des dérivés de matrice amellaire - JPIO n° 4 du 01/11/1999
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 4 du 01/11/1999

 

Articles

Anton SCULEAN *   Anja BLAES **   Giovanni Carlo CHIANTELLA ***   Nicolaos DONOS ****   Anton-Eugen SCULEAN *****   Michel BRECX ******  


*Département de Parodontologie et Dentisterie Conservatrice
Université de Saarland, Homburg, Allemagne
**Exercice privé, Reggio Calabria, Italie
***Département de Parodontologie et de Gérodontologie Orale
Université d'Aarhus, 8000 Aarhus C, Denmark
****Exercice privé, Prüm, Allemagne
*****Département de Parodontologie et Dentisterie Conservatrice
Université de Saarland, Homburg, Allemagne

Introduction

Le but ultime du traitement parodontal est la régénération des tissus de soutien perdus à la suite d'une maladie parodontale inflammatoire (Caton et Greenstein, 1993). Au cours de ces dernières décennies, de nombreuses modalités de traitement ont été proposées afin d'atteindre cet objectif d'une façon prévisible. Jusqu'à maintenant, les thérapeutiques régénératrices les mieux documentées sont les...


Résumé

Il a été démontré que l'application des dérivés de matrice amellaire (DMA) sur la surface radiculaire, préalablement débridée et conditionnée, favorise la régénération parodontale. Cependant, des données histologiques limitées sont à notre disposition concernant l'effet du traitement des lésions parodontales intra-osseuses avancées avec les DMA. De plus, nous ne savons pas de combien le traitement par des DMA améliore le résultat clinique dans les cas des lésions intra-osseuses. Donc, les buts de cette étude sont : d'évaluer histologiquement la cicatrisation des lésions intra-osseuses après application de DMA et de présenter le résultat clinique de ce traitement dans 20 cas avancés.

Des lésions parodontales intra-osseuses sont créées chirurgicalement en distal des dents 14, 24, 34 et 44 chez un singe (Macaca fascicularis). Afin d'empêcher une cicatrisation spontanée et de favoriser l'accumulation de plaque, des bandelettes métalliques ont été placées à l'intérieur des lésions. Après 6 semaines, les lésions ont été exposées, le tissu de granulation a été éliminé et un détartrage-surfaçage radiculaire a été réalisé. Les lésions ont été traitées soit par DMA (Emdogain®, BIORA AB), soit par un lambeau repositionné coronairement. L'évaluation histologique à 5 mois après cicatrisation montre que les lésions traitées par DMA présentent une cicatrisation caractérisée par la présence d'une nouvelle attache conjonctive et d'un os néoformé. Les lésions contrôles présentent un long épithélium de jonction et une régénération limitée.

Les résultats de 20 cas avancés montrent, un an après traitement, un changement moyen de profondeur de poche de 10 ± 2,2 mm à 3,8 ± 1,3 mm, une récession gingivale de 1,7 ± 1,6 mm à 4 ± 1,8 mm et un gain d'attache clinique de 4,1 ± 1,7 mm. Tous les changements des paramètres cliniques sont statistiquement significatifs (p < 0,0001). Deux ans après traitement, la profondeur de poche était de 4 ± 1,3 mm, la récession gingivale de 4,1 ± 1,8 mm et le gain d'attache de 3,7 ± 1,4 mm. Ces changements ont été à nouveau très significatifs lorsqu'ils ont été comparés aux données initiales (p < 0,0001) mais moins significatifs lorsqu'ils ont été comparés aux données obtenues au bout d'un an (p > 0,05). Les 20 cas montrent radiologiquement une formation d'un nouveau tissu dur en quantités variables.

Ces résultats indiquent que le traitement des lésions intra-osseuses avancées par le DMA peut non seulement aboutir à une amélioration clinique, mais aussi à une formation histologique d'une nouvelle attache conjonctive avec de l'os nouveau. En plus, ces résultats cliniques peuvent être maintenus sur une période d'au moins deux ans.

Introduction

Le but ultime du traitement parodontal est la régénération des tissus de soutien perdus à la suite d'une maladie parodontale inflammatoire (Caton et Greenstein, 1993). Au cours de ces dernières décennies, de nombreuses modalités de traitement ont été proposées afin d'atteindre cet objectif d'une façon prévisible. Jusqu'à maintenant, les thérapeutiques régénératrices les mieux documentées sont les greffes osseuses et la régénération tissulaire guidée (RTG) (Brunsvold et Mellonig, 1993 ; Karring et al., 1993 ; Tonetti et al., 1998). La barrière membranaire recouvrant la lésion osseuse doit permettre la repopulation sélective de surfaces radiculaires par les cellules du ligament parodontal (PDL) (Nyman et al., 1982 ; Gottlow et al., 1986 ; Karring et al., 1993).

Récemment, il a été démontré que l'application des dérivés de matrice amellaire (DMA) sur la surface radiculaire, débridée et préalablement conditionnée, favorise la formation d'une nouvelle attache conjonctive avec un os nouveau (Hammarström, 1997). Des résultats histologiques obtenus chez le singe et à partir de rapports de cas chez l'homme montrent que le traitement avec les DMA des lésions aiguës peut aboutir à la formation d'une nouvelle attache, caractérisée par la présence de cément acellulaire avec insertion de fibres de collagène et d'os néoformé (Hammarström et al., 1997 ; Heijl, 1997). Cliniquement, le traitement des lésions intra-osseuses montre un gain d'attache et, radiologiquement, la formation d'un tissu dur est observée (Heijl et al., 1997 ; Sculean et al., 1999b).c). Cependant, l'information est limitée concernant les résultats histologiques et cliniques, après traitement par les DMA des lésions intra-osseuses profondes.

Le but de cette étude est :

- d'évaluer histologiquement l'effet du traitement par DMA des lésions intra-osseuses à une paroi ;

- de présenter des résultats cliniques à un et deux ans après traitement par DMA chez 20 patients présentant des lésions intra-osseuses.

Matériels et méthodes

Étude pilote chez le singe

Les chirurgies ont été réalisées chez le singe mâle adulte (Macaca fascicularis) sous anesthésie générale (Kétalar® : 10 mg/poids corporel ; Parke Davis Co. Inc., USA). Afin de contrôler l'hémorragie du site opératoire, une anesthésie locale par infiltration (Xylocaïne®/Adrénaline 2 %, Astra, Copenhague, Danemark) a été administrée.

Au début de l'expérimentation, toutes les deuxièmes molaires ont été extraites. Après une période de cicatrisation de 2 mois, des lésions d'une profondeur de 6 à 8 mm environ ont été créées, à l'aide d'une fraise cylindrique à rotation lente, au niveau de toutes les surfaces distales des premières prémolaires maxillaire et mandibulaire. Pour favoriser l'accumulation de plaque, dans le but de simuler des lésions parodontales chroniques, des bandelettes ont été placées à l'intérieur des lésions et fixées à la surface dentaire avec du matériau de composite. La fermeture du lambeau est assurée par des sutures matelassier horizontales ou verticales. La dépose des sutures est faite à 10 jours. Les mesures d'hygiène ont été évitées pendant les quatre premières semaines suivant la chirurgie. Après la quatrième semaine, les mesures d'hygiène ont été restaurées, à raison de deux brossages par semaine et une application topique de chlorhexidine à 0,2 %.

Un lambeau mucopériosté de pleine épaisseur a permis de déposer les bandelettes métalliques, 6 semaines après la création des lésions osseuses. Un débridement soigneux des lésions a été réalisé, ainsi qu'un surfaçage et un polissage des surfaces radiculaires. Afin de pratiquer des mesures histologiques, nous avons marqué sur les racines, à l'aide d'une fraise boule, la partie plus profonde de la lésion.

Ensuite, les lésions intra-osseuses ont été traitées, au hasard, de la façon suivante :

1. dérivés protéiniques de la matrice amellaire (Emdogain®) ;

2. ou lambeaux repositionnés coronairement.

Les surfaces radiculaires des lésions recevant les protéines de la matrice amellaire ont été conditionnées avec de l'EDTA à 24 % (Biora AB, Malmö, Suède) pendant 2 minutes, selon les instructions données par le fabricant. Un rinçage abondant a permis d'éliminer les restes d'acide des surfaces radiculaires. Les lésions ont ensuite été comblées avec des protéines de la matrice amellaire (DMA). Le gel d'Emdogain® contient deux composants (la solution avec le vecteur et l'Emdogain® sous forme spongieuse). Les deux flacons doivent être gardés au réfrigérateur et mélangés juste avant la chirurgie, selon les instructions données par le fabricant.

Le gel d'Emdogain® a été appliqué sur les surfaces radiculaires et dans les lésions intra-osseuses, à l'aide d'une seringue stérile. Afin de créer une situation comparable à la pratique quotidienne, nous avons aussi traité des défauts sans conditionnement radiculaire par repositionnement coronaire des lambeaux. Les lambeaux ont été repositionnés verticalement à l'aide des sutures matelassiers verticales et horizontales.

Après l'intervention, une seule dose d'antibiotique par voie intramuscuculaire a été administrée aux animaux (1 ml de Clamoxycilline®, Pfizer, Allemagne). A 14 jours postopératoires, nous avons déposé les sutures. Des mesures d'hygiène ont été appliquées : brossage dentaire, 2 fois par semaine, et application topique de chlorhexidine à 0,2 %, pendant 6 semaines. Après cette période, les mesures d'hygiène sont continuées de la façon décrite ci-dessus, mais une fois par semaine. Les animaux ont été sacrifiés 5 mois après la dernière étape chirurgicale par une dose léthale de Kétalar®. La fixation des tissus est réalisée avec une perfusion, à travers les artères carotides, de formaline tamponnée à 10 %. Aussitôt après, les mandibules ont été prélevées avec les tissus mous environnants et placées dans une solution de formaline tamponnée à 10 %.

Les échantillons contenant les dents tests ont été disséqués, décalcifiés avec de l'EDTA, déshydratés et immergés dans la paraffine.

Une série de sections dans le sens mésio-distal a été réalisée, puis coupées au microtome à l'épaisseur de 8 mm, parallèlement à l'axe longitudinal des dents. Toutes les coupes ont été colorées avec de l'hématoxyline-éosine.

Etude clinique

Vingt patients (dont 12 femmes) âgés de 30 à 55 ans ont pris part à cette étude, après avoir signé un consentement éclairé. Les critères d'inclusion étaient les suivants :

a. absence de maladies systémiques ;

b. présence d'au moins un site expérimental montrant une perte d'attache, d'au moins 10 mm, associée à une perte osseuse verticale ;

c. pas ou peu de mobilité au niveau de la dent expérimentale (les dents mobiles ont été solidarisées soit par une contention, soit par un bridge) ;

d. pas de problème endodontique sur les dents expérimentales (les dents traitées étaient vitales ou le traitement canalaire réalisé selon la règle de l'art) ;

e. très bonne hygiène bucco-dentaire (PLI < 1) (Silness et Löe, 1964).

Trois mois avant la chirurgie, chaque patient a reçu des instructions d'hygiène bucco-dentaire, ainsi qu'un détartrage-surfaçage radiculaire supra- et sous-gingival, sous anesthésie locale. Les paramètres cliniques ont été mesurés par un seul examinateur calibré (AB) et ont été relevés au niveau des sites expérimentaux une semaine avant et douze mois après la chirurgie en utilisant la même sonde parodontale manuelle (PCP 12, Hu-Freidy, USA). Les paramètres cliniques sont les suivants : profondeur de poche (PPD), récession gingivale (GR) et niveau d'attache clinique (CAL) (fig. 5, 9, 11 et 15). Toutes les mesures ont été relevées au niveau de 6 sites par dent : mésio-vestibulaire (mb), vestibulaire (b), disto-vestibulaire (db), mésio-lingual (ml), lingual (l), disto-lingual (dl). La jonction émail-cément (CEJ) servait de point de référence. Lorsque la jonction émail-cément n'était pas visible, le bord marginal de la restauration a été utilisé comme repère. Le site le plus profond a été sélectionné pour l'analyse statistique. Cette analyse est réalisée avec un programme statistique SPSS® pour Windows® en utilisant le test-t apparié. Les radiographies prises avec la technique long-cône (Sewerin, 1990) ont permis de mesurer les changements au niveau des tissus durs (fig. 6, 10, 12, 16 et 17).

Technique chirurgicale

Tous les patients ont été traités par le même chirurgien (AS). Douze ont été traités dans le service de parodontologie de l'Université de Saarland et les huit autres dans un cabinet privé. Des lambeaux de pleine épaisseur, de part et d'autre de la dent concernée, sont réclinés en vestibulaire et lingual grâce à des incisions intra-sulculaires. Des incisions de décharge sont pratiquées en mésial et distal du site, afin d'optimiser l'accès aux lésions osseuses quand cela était nécessaire.

Après débridement, le surfaçage et le polissage des surfaces radiculaires sont réalisés à l'aide des instruments manuels et ultrasoniques (fig. 7 et 13). Aucune ostéoplastie n'a été pratiquée. Les mêmes procédés cliniques, décrits dans l'étude pilote chez le singe, ont été utilisés pour conditionner les surfaces radiculaires et appliquer l'Emdogain® (fig. 8 et 14). Les lambeaux ont été repositionnés verticalement et suturés à l'aide de points matelassiers verticaux et horizontaux. Il n'y a pas eu d'antibiothérapie.

Les sutures sont déposées à 14 jours. Pendant 6 semaines, les soins post-opératoires ont été les suivants : bain de bouche avec du digluconate de chlorhexidine, pas de brossage de la zone opérée. Le brossage a été repris à partir de la 7e semaine. Aucune instrumentation sous-gingivale n'a été réalisée pendant les 12 semaines qui suivaient la chirurgie.

Une fois par mois, pendant toute la première année, des rendez-vous de contrôle d'hygiène et des nettoyages professionnels ont été instaurés. Après cette période, les rendez-vous ont été espacés de 2 mois.

Résultats

Résultats des examens histologiques chez le singe

L'investigation histologique a révélé que sur les deux lésions traitées par Emdogain®, il se crée une nouvelle attache conjonctive lors de la cicatrisation (c'est-à-dire un nouveau cément avec une insertion de fibres de collagène) et une néo-formation d'os alvéolaire coronaire à l'encoche (fig. 1). Le nouveau cément présente un caractère essentiellement acellulaire et partiellement rattaché à la surface de la dentine (fig. 2). Dans ces deux cas, les quantités d'os et de cément nouveaux sont équivalentes et représentent approximativement 70 % de la profondeur initiale. Sur les lésions traitées chirurgicalement par lambeau simple, la cicatrisation se caractérise par la présence d'un long épithélium de jonction sur les surfaces radiculaires opérées et seulement une quantité minime de régénération parodontale au fond des lésions (fig. 3 et 4).

Résultats cliniques

La cicatrisation s'est déroulée sans incident dans les 20 cas. Aucune réaction allergique à l'Emdogain® n'a été observée. Il n'y a eu ni abcès, ni suppuration. Cependant, dans 5 cas sur 20, on a observé un léger œdème post-opératoire sur les sites. Le matériel analysé consistait en 12 atteintes de 2 parois, 4 d'une paroi et 4 combinant des atteintes d'une et deux parois. Au départ de l'étude, la profondeur de poche (PPD) moyenne des lésions traitées était de 10 ± 2,2 mm, la GR moyenne était de 1,7 ± 1,6 mm et le niveau d'attache clinique de 11,8 ± 1,9 mm (tableau I). Douze mois après la thérapie, les paramètres cliniques ont révélé une réduction hautement significative de la PPD et un gain du niveau d'attache clinique (tableau I et fig. 10 et 16 ). Les paramètres cliniques, 12 mois après la thérapie, ont présenté une PPD moyenne de 3,8 ± 1,3 mm, un GR moyen de 4 ± 1,8 mm et un gain moyen du niveau d'attache clinique de 7,7 ± 1,9 mm. Le gain d'attache clinique moyen, après 12 mois de traitement, était de 4,1 ± 1,7 mm. Deux ans après la thérapie, le PPD était de 4 ± 1,3 mm, le GR de 4,1 ± 1,8 mm et le niveau d'attache clinique de 8,1 ± 1,8 mm. Le gain d'attache clinique à 2 ans était de 3,7 ± 1,4 mm (tableau I). Ces paramètres étaient très différents des valeurs de base mais n'étaient pas statistiquement significatifs comparés aux résultats à un an (p > 0,05). Radiographiquement, une néoformation de tissu dur a été observée dans les 20 cas. Dans 4 cas, la formation de tissu dur a continué au-delà de la période d'un an (fig. 16 et 17).

Discussion

Les résultats de cette étude démontrent que l'application de protéines de la matrice amellaire (DMA), sur une surface radiculaire débridée et conditionnée, peut aboutir histologiquement à la formation de nouveau cément avec des insertions de fibres de collagène et à une régénération du tissu osseux alvéolaire. Le fait que, pour les deux prélèvements, une régénération parodontale se produise coronairement à l'encoche démontre le potentiel des DMA dans l'amélioration de la régénération parodontale. De plus, l'observation d'une migration apicale des tissus épithéliaux très limitée laisse supposer que les DMA peuvent posséder une certaine capacité à inhiber la migration de l'épithélium et corrobore les études in vivo et in vitro antérieures (Hammarström, 1997 ; Hammarström et al., 1997 ; Gestrelius et al., 1997). Cependant, le fait que, pour les deux prélèvements, le cément nouvellement formé soit détaché de la surface radiculaire ne corrobore pas les résultats d'études antérieures où il a été démontré qu'après un traitement par DMA, le nouveau cément était toujours attaché à la surface radiculaire et que des artefacts ne se sont jamais produits (Hammarström, 1997 ; Hammarström et al., 1997 ; Heijl, 1997). Les raisons de ces divergences pourraient être que, dans les expériences citées, les lésions étaient de type aigu (c'est-à-dire créées chirurgicalement et traitées sans délai, sans qu'il n'y ait de période d'accumulation de plaque dentaire) ou que des techniques histologiques différentes ont été employées (Caton et al., 1994). D'autre part, nos observations corroborent les résultats antérieurs d'une série d'études sur l'animal cherchant à comparer la cicatrisation des différents types de lésions chroniques parodontales, après traitement avec DMA, régénération tissulaire guidée (RTG) ou DMA + RTG associés (Donos et al., 1998 ; Sculean et al., 1998 ; 1999a). Dans ces études, le cément nouvellement formé (bien qu'essentiellement de type acellulaire) était souvent détaché de la surface radiculaire et ne semblait pas être mieux attaché à celle-ci que le cément formé après RTG. Bien que, dans toutes ces études, il ait été démontré que l'application de DMA améliore la régénération parodontale, il n'a pas été prouvé que la nouvelle attache formée après traitement par DMA était supérieure à celle formée après traitement par RTG (Donos et al., 1998 ; Sculean et al., 1998 ; 1999a). D'autre part, dans une étude récente sur des chiens, comparant le traitement des lésions mandibulaires de Classe III par RTG seule avec un traitement associant DMA et RTG, on a démontré que, même si les deux traitements généraient une quantité équivalente de tissus régénérés, des différences qualitatives existaient : le cément formé à la suite du traitement combiné était de type acellulaire, avec un plus grand nombre de fibres de collagène que dans le cément formé avec RTG seule (Araújo et Lindhe, 1998). Bien que l'intérêt clinique de ces résultats histologiques soit encore incertain, ceux-ci montrent que l'application de DMA sur les surfaces radiculaires débridées et traitées à l'acide peut améliorer sélectivement la formation de cément acellulaire.

L'absence d'effets secondaires, tels qu'allergies ou fortes réactions inflammatoires, observée dans cette étude, corrobore les précédents résultats sur l'animal et l'homme et démontre que les DMA sont très bien tolérés (Hammarström et al., 1997 ; Heijl et al., 1997 ; Donos et al., 1998 ; Sculean et al., 1999a), b), c). De plus, les récents résultats d'une étude clinique multicentrique indiquent qu'aucun effet indésirable n'est survenu sur les patients traités par DMA de manière répétée (Zetterström et al., 1997). Ainsi, sur la base de l'observation histologique, on peut présumer que le gain de niveau d'attache clinique et de formation de tissu dur radiologique ne représente pas seulement une amélioration clinique, mais également, jusqu'à un certain point, une réelle régénération parodontale. Le fait que le traitement des lésions intra-osseuses avec les DMA conduise statistiquement et cliniquement à une amélioration de tous les paramètres cliniques a aussi été constaté par d'autres (Heijl et al., 1997 ; Sculean et al., 1999b), c). Dans l'essai clinique contrôlé, mentionné ci-dessus, qui comparait le traitement des lésions intra-osseuses sous DMA à celui après chirurgie parodontale conventionnelle (lambeau modifié de Widman) (Heijl et al., 1997), on a noté un gain moyen de niveau d'attache clinique de 2,1 mm, alors que, dans une autre étude évaluant l'effet des DMA sur 32 lésions intra-osseuses traitées consécutivement après 8 mois de traitement, on a noté un gain de niveau d'attache clinique de 3,0 mm (Sculean et al., 1999b). Dans un essai clinique contrôlé comparant les effets des DMA et de la RTG dans le traitement de lésions intra-osseuses, aucune différence statistiquement significative n'a été observée entre les deux modes de traitement (Sculean et al., 1999c).

Une explication du gain de niveau d'attache clinique plus élevé que dans les études citées ci-dessus pourrait être la très grande profondeur des lésions initiales. Les études cliniques ont démontré que la réduction de la PPD et le gain d'attache clinique, obtenus après la chirurgie conventionnelle et régénératrice, sont proportionnels à la profondeur initiale de la lésion. Plus la lésion initiale est profonde, plus on aura une PPD et un gain de niveau d'attache importants (Kaldahl et al., 1996 ; Becker et al., 1988 ; Cortellini et al., 1993).

Le fait que, dans toutes les lésions traitées par les DMA, un gain de niveau d'attache clinique ainsi que la formation d'os nouveau soient survenus conduit à suggérer que les DMA peuvent aussi favoriser la cicatrisation parodontale sur des lésions où un traitement par RTG seule ne serait pas indiqué en raison de l'affaissement de la membrane. Cela souligne l'intérêt clinique de cette approche thérapeutique.

D'autres facteurs importants influencent le résultat des techniques parodontales régénératrices : la sélection des patients, le contrôle post-opératoire de la plaque dentaire, la stabilité de la plaie (Rosling et al., 1976 ; Nyman et al., 1977 ; Wikesjö et Nilvéus, 1990). Pour ces raisons, seuls les patients ayant une très bonne hygiène dentaire et se conformant au programme de suivi ont été retenus dans l'étude. Afin d'assurer une stabilité de la plaie post-opératoire, les patients n'ont pas eu recours à un brossage des sites opératoires pendant les six premières semaines suivant l'opération. Durant cette période, les patients ont subi un contrôle chimique de la plaque dentaire et un rappel strict du programme de suivi incluant un nettoyage supragingival, et ce, afin de prévenir toute infection par la plaque dentaire. Ainsi, peut-on supposer que les soins rigoureux de suivi post-opératoire sont responsables non seulement d'une cicatrisation rapide, mais aussi en grande partie de la stabilité à long terme des résultats obtenus (Rosling et al., 1976 ; Cortellini et al., 1976, 1994). En outre, les résultats des études cliniques indiquent que des améliorations significatives, en termes de gain d'attache clinique et de régénération osseuse, peuvent aussi être obtenues par la chirurgie conventionnelle ou d'autres approches régénératrices telles que la RTG seule ou combinée avec des greffes osseuses, quand un contrôle optimal de la plaque dentaire et de l'infection est assuré (Rosling et al., 1976 ; Cortellini et al., 1995 ; 1996 ; Mora et al., 1996a, b ; Nygaard-Ostby et al., 1996 ; Kim et al., 1996). Par conséquent, le contrôle de la plaque dentaire et de l'infection est au moins aussi important que l'acte chirurgical lui-même (Rosling et al., 1976 ; Cortellini et al., 1994 ; 1996).

En conclusion, la présente étude a fait la démonstration histologique que les DMA présentent un certain potentiel pour accroître le nouveau cément et la formation de nouvel os alvéolaire et améliorer le résultat clinique du traitement chirurgical des lésions intra-osseuses à un stade avancé. Les résultats cliniques obtenus pourraient être stables sur une période de deux ans.

Demande de tirés à part

A. SCULEAN, Department of Periodontology and Conservative Dentistry, University of the Saarland, D-66421 GERMANY. E-mail : zmkascu@med-rz.uni-sb.de

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