Étude clinique comparative pour le traitement des récessions gingivales : greffes conjonctives enfouies OU RTG - JPIO n° 4 du 01/11/2000
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 4 du 01/11/2000

 

Articles

Christine ROMAGNA-GENON   

Service de parodontologie
Centre hospitalier, Tonnerre, France.

Résumé

Cette étude rétrospective compare la greffe conjonctive enfouie (GCE) et la régénération tissulaire guidée (RTG) avec une membrane biorésorbable, dans le traitement de 134 récessions gingivales : 67 récessions chez 27 patients ont été traitées par la GCE (groupe G1) et 67 autres chez 30 patients par la RTG (groupe G2). La profondeur des récessions a été mesurée à J0, puis à 1 an et 2 ans postopératoires. A J0, la moyenne du groupe G1 est de 3,27 mm et celle du groupe G2 de 3,94 mm. On constate que les canines maxillaires sont les dents les plus atteintes. L'analyse statistique (tests U de Mann-Whitney) démontre l'efficacité des 2 méthodes entre J0 et 1 an et l'évolution parallèle des 2 groupes entre 1 an et 2 ans. Il n'y a pas de différence significative dans le temps entre les 2 groupes. Le gain de recouvrement pour le groupe G1 est de 3,07 mm à 1 an, soit 93,88 %, et de 3,03 mm à 2 ans, soit 92,66 %. Pour le groupe G2, il est de 3 mm à 1 an, soit 76,14 %, et de 2,84 mm à 2 ans, soit 72,08 %. En conclusion, les 2 techniques conviennent pour le traitement des récessions gingivales. Les résultats sont comparables et stables à 1 et 2 ans postopératoires. D'un point de vue clinique, la RTG est généralement indiquée pour les récessions maxillaires tandis que la GCE l'est pour les récessions mandibulaires. Un patient motivé et disposant d'un site donneur favorable pourra bénéficier d'un traitement par GCE dont le coût est moins élevé que celui de la RTG. Les autres situations cliniques pourront recevoir un traitement par RTG avec une membrane biorésorbable pour une mise en œuvre et des suites opératoires plus légères, mais un coût plus élevé.

Summary

The purpose of this study is to compare retrospectively subepithelial connective tissue grafts (SCTG) with barrier membrane therapy (GTR) in the treatment of 134 gingival recessions : 67 defects were treated by SCTG (group G1) and 67 defects were treated by GTR using a bioresorbable membrane (group G2). The initial heights of recession were 3.27 mm for G1 and 3.94 mm for G2. The most severe defects were observed on upper canines. Statistical analysis showed both methods to be effective at 1 and 2 years post-operatively, with no significant difference between the two groups. Gingival recessions were decreased at 1 year postoperatively with a mean root coverage of 3,07 mm for the group G1 and 3 mm for the group G2, corresponding to 93.88 % and 76.14 % reduction respectively. At 2 years post-op, mean root coverage was 3,03 mm for G1 and 2.84 mm for G2 corresponding to 92.66 % and 72.08 %. Within the limits of this study it was concluded that both SCTG and barrier membrane therapy can be successfully used to treat periodontal recession defects. Clinically, GTR seems to be more indicated to treat maxillary recessions while mandibular recessions could be more effective treated by SCTG. Compliant patients with propitious donor sites can benefit from the muco-gingival surgery which is cheaper than barrier membrane therapy. Other clinical situations show good results with GTR which is a single-step and well-accepted procedure.

Key words

Gingival recession, guided tissue regeneration, subepithelial connective tissue graft, bioabsorbablemembrane, mucogingival surgery

Introduction

Le traitement des récessions gingivales est intéressant à plusieurs titres :

- l'observation d'un retrait de la gencive est un motif de consultation fréquent, les patients craignant de perdre la ou les dents concernées. Ils expriment aussi leur souci esthétique et, fréquemment, se plaignent d'une hypersensibilité à la fois tactile et thermique ;

- l'évolution d'une récession gingivale non traitée, même si elle ne compromet pas l'avenir de la dent du point de vue du pronostic parodontal, entraîne l'exposition de la racine dentaire à la contamination bactérienne, donc au risque carieux. L'exposition radiculaire est parfois associée au développement d'une mylolyse ;

- l'hygiène est souvent insuffisante dans l'environnement des dents concernées par la rétraction gingivale, car le contact d'un instrument s'y révèle douloureux, conséquence de la finesse et de la fragilité gingivales. La situation clinique se traduit alors par des indices de plaque et gingival élevés. L'inflammation gingivale établie augmente le risque d'aggravation de la récession.

Le traitement des récessions gingivales répond donc à des objectifs complémentaires de réparation esthétique, d'amélioration du pronostic dentaire, même si le pronostic parodontal n'est que partiellement affecté, et de prévention bucco-dentaire en général. Le plateau thérapeutique en chirurgie muco-gingivale s'étant largement développé, il faut cibler les indications des différentes techniques, pour une meilleure efficacité, et les rationaliser dans un intérêt de santé publique, tout en incluant dans l'analyse la notion du coût de ces traitements.

Cette réflexion a commencé avec la comparaison de deux techniques de chirurgie muco-gingivale : le lambeau positionné latéralement multipapillaire et le lambeau positionné coronairement sur greffon conjonctif enfoui pour le traitement des récessions gingivales multiples (Genon-Romagna et Genon, 1992). Leurs indications respectives ont été dégagées.

Le lambeau positionné coronairement sur greffon conjonctif enfoui (LPC sur GCE) convenait mieux pour les récessions profondes et larges, associées à une gencive environnante fine et de hauteur insuffisante. Cette technique a donné des résultats cliniques très satisfaisants en matière de quantité de recouvrement, de qualité esthétique, d'épaisseur et de résistance des tissus ainsi réorganisés. Le pourcentage de recouvrement se situe entre 74 et 98 % selon les études (Langer et Langer, 1985 ; Raetzke, 1985 ; Nelson, 1987 ; Wennström et Zucchelli, 1996 ; Bouchard et al., 1997 ; Müller et al., 1998). Mais le procédé impose le prélèvement d'un greffon conjonctif palatin, qui constitue une source de difficultés gestuelles, de risque hémorragique et de complications postopératoires se traduisant par des phénomènes douloureux et nécrotiques ou par une gêne masticatoire (Reiser et al., 1996). Il est évident que la tâche serait facilitée si l'on pouvait trouver un substitut à ce greffon conjonctif, qui offrirait les mêmes possibilités de recouvrement et d'épaississement tissulaire, tout en étant aisément disponible, sans infliger un deuxième site opératoire.

En 1990, l'application de la régénération tissulaire guidée (RTG) avec des membranes en e-PTFE au traitement des récessions gingivales a apporté une nouvelle solution intéressante (Gottlow et al., 1990). Mais très vite, les publications de Tinti et al. (1992), d'une part, et de Pini Prato et al. (1992), d'autre part, ont révélé que les résultats étaient aléatoires, avec un pourcentage de recouvrement allant de 28 à 75 %. La technique requiert trop de spécificités pour être mise en œuvre et généralisée en pratique clinique courante (Genon-Romagna et Genon, 1994), même si d'autres études menées par les équipes italiennes montrent, un peu plus tard, une amélioration des résultats avec un recouvrement de 73 à 83 % (Trombelli et al., 1994 ; Roccuzzo et al., 1996 ; Pini Prato et al., 1996). En effet, la technique est lourde : deux interventions chirurgicales très rapprochées sont nécessaires pour la mise en place de la membrane puis sa dépose, 3 ou 4 semaines plus tard. Un tissu néoformé régénéré à un stade avancé de maturation est observé de façon constante lors du deuxième temps chirurgical et recouvre partiellement ou totalement la zone radiculaire initialement dénudée. Mais le résultat esthétique est souvent affecté par la persistance à moyen terme de certains reliefs, désordres tissulaires superficiels, comme des cicatrices, résultant sans doute des étapes chirurgicales laborieuses. Cette difficulté clinique sera confirmée dans l'étude de Waterman en 1997.

Il fallut donc persévérer dans l'application des principes de RTG au traitement des récessions gingivales, mais au moyen de protocoles plus légers : réduire le traumatisme chirurgical en supprimant l'étape de dépose de la membrane, préférer l'utilisation de matériaux résorbables fiables mais à la rigidité suffisante pour maintenir un espace disponible pour la régénération.

La mise au point d'un protocole d'utilisation d'une membrane biorésorbable (Guidor®) pour le traitement des récessions gingivales par RTG est publiée en 1994 (Genon et al., 1994). Une première évaluation clinique montre l'obtention d'un recouvrement important et des qualités cosmétiques évidentes, même pour des récessions gingivales profondes. L'auto-espacement de la membrane, la facilité de mise en place et la bonne tolérance gingivale confèrent à la technique des avantages indiscutables et situent cette proposition comme une réelle solution de remplacement aux chirurgies muco-gingivales les plus perfectionnées. Des études statistiques (Waterman, 1997 ; Trombelli et al., 1998) confirment, à 1 an et à 6 mois postopératoires pour le traitement de 17 et 11 récessions respectivement, un recouvrement moyen de 76 et 65 %. Puis Scabbia et Trombelli (1998) montrent, à 4 ans, un pourcentage favorable de 80 %. Ensuite, des études comparant le traitement des récessions gingivales par la greffe conjonctive enfouie (GCE) et par la RTG avec la membrane biorésor bable (Guidor®) donnent des résultats à court terme :

- Harris (1998), pour 36 récessions, montre à 6 mois l'obtention d'un recouvrement radiculaire de 95 % avec la GCE et de 92,3 % avec la RTG ;

- Trombelli et al. (1998), pour 12 paires de récessions, obtiennent à 6 mois postopératoires, toujours pour les mêmes techniques, respectivement 81 % et 48 % de recouvrement ;

- Borghetti et al. (1999), pour 14 paires de récessions suivies pendant 6 mois énoncent 76 et 70,2 % de recouvrement ;

- enfin, Müller et al. (1999) obtiennent, pour 14 récessions à 6 mois postopératoires, un recouvrement moyen de 80 % par GCE et de seulement 45 % par RTG.

Un suivi à 6 mois reste cependant insuffisant pour faire état de résultats fiables.

Une seule étude observe à 1 an post-opératoire le devenir de 54 récessions après 3protocoles chirurgicaux, GCE, RTG avec membrane non résorbable et RTG avec membrane biorésorbable. Les résultats en matière de recouvrement sont respectivement de 93,5 %, 80,5 % et 85,7 % (Zucchelli et al., 1998).

La présente étude se propose de comparer la greffe conjonctive enfouie sous un lambeau positionné coronairement avec la régénération tissulaire guidée pour le traitement de 134 récessions gingivales. La RTG est appliquée avec une membrane biorésorbable (Guidor®). La comparaison porte sur le potentiel de recouvrement et l'évolution des résultats entre 1 et 2 ans postopératoires.

Matériels et méthodes

Population et échantillons

L'étude reprend l'observation sur dossiers de 57 patients non fumeurs ayant été traités par le même praticien dans le cadre du Service de parodontologie du centre hospitalier de Tonnerre, pour des récessions gingivales de Classe I ou II de Miller. La sélection des patients était conditionnée par le fait que leurs dossiers devaient, chacun, comporter des clichés photographiques comparables et superposables, pris au même rapport à J0 (état initial), puis lors de visites de contrôle à 1 an et 2 ans postopératoires. Les patients ont été divisés en 2 groupes : les 67 récessions qui, chez 27 patients, ont été traitées entre juin 1992 et septembre 1996 par la technique de GCE (LPC sur GCE) ont constitué le groupe G1. Le groupe G2, pour sa part, a été formé de 67 récessions, chez 30 patients, traitées entre juin 1993 et septembre 1996 par la technique de RTG avec membrane. Les 2 groupes avaient en commun 5 patients.

Tous les patients étaient demandeurs d'un traitement à visée esthétique et/ou préventif vis-à-vis du risque d'aggravation de la récession. Ils avaient développé une ou plusieurs récessions gingivales vestibulaires, leur parodonte, étant par ailleurs indemne de toute atteinte à caractère infectieux, pouvant avoir une incidence sur le niveau osseux. Il n'y avait donc pas de poche parodontale associée, ni sur la face vestibulaire ni sur les faces proximales.

On peut noter que le groupe G1 comporte majoritairement des récessions situées sur les dents antérieures maxillaires et mandibulaires, prémolaires, canines et incisives, soit de 15 à 25 et de 45 à 35. Deux récessions seulement concernent une molaire maxillaire et une molaire mandibulaire. Le groupe G2 ne comporte que des dents prémolaires, canines et incisives maxillaires et mandibulaires.

Mesures cliniques

Les mesures sont effectuées à J0, puis à 1 an et à 2 ans postopératoires pour chaque récession. C'est la distance entre le bord de la gencive marginale (GM) au point le plus central et le plus apical, et la jonction émailcément (JEC) (soit GM - JEC) qui sert de référence.

Les mesures sont prises pour les 2 groupes sur diapositives au moyen d'une règle graduée au 1/10 de millimètre, couplée à une loupe. Une correction doit être appliquée à chaque mesure par un coefficient multiplicateur de 1,06 qui correspond au rapport 34,5/32,50 = dimension réelle de la diapositive/dimension vue dans l'objectif. Les données initiales regroupent l'identification du patient, le sexe, l'âge, la localisation de la récession, la mesure GM - JEC à J0 directe et corrigée, la mesure GM - JEC à 1 an directe et corrigée et la mesure GM - JEC à 2 ans directe et corrigée.

Protocoles chirurgicaux

Les deux techniques avaient été réalisées de la manière la plus similaire possible, avec pour point commun le déplacement coronaire d'un lambeau positionné sur la jonction amélo-cémentaire de la dent traitée, le lambeau recouvrant alors de façon hermétique le greffon ou la membrane.

Préparation radiculaire

La préparation radiculaire vise deux objectifs : la décontamination de la racine et sa mise en forme. Le détartrage éventuel est toujours suivi d'un surfaçage réalisé avec des minicurettes très affûtées, qui respectent le parodonte marginal souvent fragile. Une plastie au moyen d'instruments rotatifs diamantés est, dans certains cas, nécessaire pour confirmer le lissage, la suppression des défauts anatomiques et la réduction de la convexité radiculaire. Une préparation chimique complémentaire peut optimiser le nettoyage et la décontamination de la racine (acide citrique ou chlorhydrate de tétracycline). Cependant, l'effet déminéralisant, favorisant par conséquent un ancrage des fibres conjonctives perpendiculaires, a souvent été remis en question. C'est pourquoi seule la préparation mécanique a été retenue et estimée suffisante.

Préparation du lambeau pour la greffe conjonctive enfouie

Le bord coronaire du lambeau est préparé par une incision festonnée intrasulculaire. Il est souvent opportun de pratiquer des incisions de décharge verticales. Le lambeau est muco-périosté jusqu'au franchissement de la ligne muco-gingivale quand la gencive est très fine. Il est ensuite disséqué en épaisseur partielle, très au-delà de la ligne muco-gingivale. Ainsi libéré, il peut facilement être déplacé coronairement. La partie la plus coronaire des papilles est désépithélialisée soigneusement jusque sous le point de contact, afin de constituer un lit de tissu conjonctif receveur pour le lambeau déplacé coronairement.

Prélèvement du greffon

Un greffon, conjonctif uniquement, est prélevé au palais après élévation d'un lambeau d'épaisseur partielle. Les dimensions sont adaptées aux besoins du site receveur. Quant à son épaisseur, elle doit être régulière, de l'ordre de 1 mm.

Placement et stabilisation du greffon sur le site receveur

Posé dans sa partie apicale sur le rebord osseux vestibulaire et dans sa portion coronaire en recouvrement de la dénudation radiculaire, le greffon est coapté et suturé aux plans profonds et dans les papilles avec des fils impérativement résorbables.

Positionnement du lambeau

Le lambeau est déplacé et maintenu en position coronaire par des sutures solidement ancrées sur le versant palatin par des points de matelassier, de préférence discontinus. Le lambeau peut recouvrir légèrement la jonction amélo-cémentaire. Une suture apicale périostée continue est faite très au-delà de la ligne muco-gingivale pour compléter la stabilisation du lambeau et s'opposer aux tractions mécaniques dues aux mouvements des lèvres.

Préparation du lambeau pour la membrane

C'est un lambeau localisé qui va recouvrir la membrane elle-même stabilisée et suturée contre la dénudation radiculaire. Deux incisions verticales de décharge sont tracées, généralement de part et d'autre de la récession. Elles sont prolongées apicalement et légèrement divergentes l'une de l'autre. Ces incisions sont superficielles. La partie la plus coronaire du lambeau est soulevée en épaisseur totale, découvrant le contour osseux de la racine. L'os cortical est ainsi exposé sur 3 à 4 mm au-delà de la déhiscence. Le lambeau est complété par dissection en épaisseur partielle. La lame dans cette incision s'écarte de plus en plus des plans profonds.

Mise en place de la membrane

La membrane est présentée en disposant la face opaque avec les cales d'épaisseur contre la racine. La suture est guidée dans les espaces interdentaires, pour faire un nœud palatin ou lingual très serré. Le lambeau vestibulaire est rabattu, recouvrant complètement la membrane si possible. Une première suture suspendue maintient le bord coronaire au niveau optimum. Des points latéraux et une suture périostée apicale continue facultative complètent la totale stabilisation du lambeau.

Soins postopératoires

L'application de pansements chirurgicaux est déconseillée. Des consignes permettant d'éviter toute compression sur le site opéré sont données au patient. L'alimentation est adaptée et des soins locaux (absence de brossage, application de produits antiseptiques et d'inhibiteurs de plaque à base de chlorhexidine sous forme de bains de bouche et de gel) sont réalisés par le patient.

Les sutures sont retirées à partir de 3 semaines postopératoires et le brossage repris avec une brosse 7/100 selon la méthode du rouleau pendant 2 semaines. Ensuite, le patient reprend une brosse 15/100e.

Méthode d'analyse statistique

L'analyse statistique a été confiée au Laboratoire de biostatistiques et d'informatique médicales (Université de Bretagne occidentale, Faculté de médecine de Brest). Deux séries de tests ont été réalisées : les tests t-séries non appariées et U de Mann-Whitney. Ce sont ces derniers qui ont été retenus car ils utilisent des données non paramétriques. Mais il est intéressant de préciser qu'il y avait concordance entre les 2 séries de tests de toute façon.

Résultats

Le tableau I donne l'analyse descriptive des échantillons en fonction de l'âge et du sexe. La distribution en fréquence de la variable dent apparaît sur la figure 1. Les canines maxillaires 13 et 23 sont les dents les plus atteintes ou le plus souvent traitées. Une analyse ponctuelle est faite à J0, 1 an, et 2 ans pour savoir si les 2 groupes diffèrent. En tenant compte des ex æquo, la comparaison des temps indique une différence significative entre les moyennes à J0 (p = 0,0022), 1 an (p < 0,0001) et 2 ans (p < 0,0001).

L'analyse évolutive ne met pas en évidence de différence significative entre les 2 groupes pour 1 an - J0 (p = 0,5 146), puis 2 ans - J0 (p = 0,3 439). Il n'y a donc pas de différence dans le temps.

Enfin, l'analyse de variance montre la significativité des procédés en fonction des groupes (p < 0,0001) et du temps (p < 0,0001).

La moyenne des récessions traitées par GCE (G1) est, à J0, de 3,27 mm (SD = 1,05), elle se réduit, à 1 an, à 0,20 mm (SD = 0,44) (p < 0,0001) - soit un gain de recouvrement de 3,07 mm ou de 93,88 % - et se maintient, à 2 ans, à 0,24 mm (SD = 0,52) (p < 0,0001) - soit un gain de recouvrement de 3,03 mm ou de 92,66 %. La moyenne des récessions traitées par RTG (G2) à J0 est de 3,94 mm (SD = 1,19), elle se réduit à 1 an à 0,94 mm (SD = 0,89) (p < 0,0001) - soit un gain de recouvrement de 3 mm ou de 76,14 % - et elle est pratiquement identique à 2 ans à 1,10 mm (SD = 0,93) (p < 0,0001) - soit un gain de recouvrement de 2,84 mm ou de 72,08 % (tableau II). Les figures 2 et 3 démontrent l'efficacité des deux méthodes entre J0 et 1 an, l'évolution parallèle entre 1 an et 2 ans et la similitude de résultats. Il faut cependant tenir compte du fait que le groupe G1 montre une perte d'attache initiale inférieure à celle du groupe G2. Donc, les deux groupes diffèrent, mais leurs comportements sont parallèles au cours du temps.

Discussion

Une évolution parallèle des deux groupes avec diminution des récessions au cours du temps se manifeste. L'étude donne des résultats intéressants sur le plan statistique et confirme l'observation clinique. En d'autres termes, les deux techniques chirurgicales, LPC sur GCE et RTG avec membrane biorésorbable, permettent la réduction des récessions gingivales par le recouvrement des dénudations radiculaires dans des proportions comparables. Les résultats obtenus à court terme sont stables dans le temps. L'observation clinique confirme l'absence de récidives. D'un point de vue technique, on peut signaler beaucoup d'analogies entre les deux méthodes.

La méthodologie utilisée dans cette étude montre cependant quelques insuffisances. Plusieurs récessions ont été traitées en même temps chez un même individu. Il est possible que ces individus à récessions multiples modifient la qualité de l'échantillon initial au sens statistique du terme. Chaque individu intervient en effet pour un « poids » différent dans l'étude, en fonction du nombre de dents traitées, mais aussi de leur position. De plus, quelques individus ont eu des dents traitées par les deux techniques.

C'est pourquoi, dans une deuxième étape, nous avons épuré l'échantillon de départ en ne retenant qu'une seule dent par patient (canines) et des patients différents dans les 2 groupes. Il est intéressant de noter que l'analyse statistique fait toujours apparaître une différence significative (p < 0,0001) entre les 2 groupes.

Il apparaît à nouveau, comme après la première analyse, qu'il y a une diminution des récessions au cours du temps avec une évolution parallèle et que le comportement des 2 groupes est similaire (pas de différence significative dans le temps). Les groupes sont certes moins importants, mais les conclusions restent les mêmes.

Conclusion

La présente étude démontre que les techniques de LPC sur GCE et de RTG avec membrane biorésorbable donnent des résultats comparables en quantité de recouvrement et en stabilité au cours du temps à 1 et 2 ans postopératoires (cas clinique n° 1, fig. 4, 5, 6, 7, 8 et 9 ). Le choix des indications revient donc au sens clinique.

Les récessions maxillaires peuvent être traitées favorablement par la technique de RTG puisque le vestibule est souvent souple et rend possible le déplacement coronaire du lambeau qui peut englober la membrane de façon hermétique (cas clinique n° 2, fig. 10, 11, 12 et 13 ). Les tensions musculaires et l'insuffisance de profondeur du vestibule, souvent rencontrées à la mandibule, constituent une limite d'application de la RTG. Les récessions mandibulaires sont avantageusement traitées par la greffe conjonctive puisqu'un enfouissement partiel du greffon est parfaitement toléré (cas clinique n° 2, fig. 14, 15, 16, 17, 18 et 19 ). Les deux procédés donnent satisfaction aux patients sur le plan esthétique, les tissus de recouvrement s'intégrant bien en couleur et en texture dans l'environnement. Mais le choix des patients, a posteriori, s'oriente vers la membrane biorésorbable pour une mise en œuvre et des suites opératoires plus légères que la première technique.

Le prélèvement d'un greffon est un geste délicat à réaliser, soumis à la qualité du site donneur, donnant lieu à un second site opératoire et à des suites opératoires souvent inconfortables, voire douloureuses. Cependant, l'expérience clinique fait préférer cette méthode lorsqu'un épaississement tissulaire important est recherché, en particulier lors d'une préparation parodontale pré-prothétique. Par ailleurs, un patient motivé disposant d'un site donneur favorable pourra bénéficier d'une technique de GCE parce que le coût est évidemment moindre.

Remerciements

L'auteur exprime sa gratitude aux docteurs J.-F. Morin (Brest) pour l'analyse statistique des données et J.-F. Jorry (Troyes) pour l'assistance informatique.

Demande de tirés à part

Christine Romagna-Genon, 13, rue de l'Horloge, 89000 AUXERRE - FRANCE.

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