Ergonomie pour une hygiène-asepsie en prothèse sur implant - JPIO n° 2 du 01/05/2005
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 2 du 01/05/2005

 

Articles

E. ZAGHROUN*   G. DROUHET**  


*Paris
**Faculté de chirurgie dentaire
Garancière-Hôtel-Dieu
Paris-VII

L'hygiène-asepsie en prothèse sur implant doit suivre la même rigueur qu'en prothèse classique. Le but essentiel est de respecter la chaîne d'asepsie qui assure la sécurité de ces actes thérapeutiques. Pour la maîtriser, il faut établir une ligne de conduite alliant rigueur et vigilance. La réflexion des praticiens doit aboutir à la « cohérence » gestuelle en fonction des niveaux de risque des actes de soins, comme la réalisation de prothèses sur implants.

En effet,...


Résumé

La préparation de l'acte de prothèse sur implant pour les séances d'empreinte, d'essayage et de pose permet seule d'atteindre la cohérence et la gestuelle indispensables à l'obtention d'une hygiène-asepsie optimale. Le praticien prothésiste doit codifier ses actes de prothèse sur implant afin de maîtriser totalement la chaîne d'asepsie.

L'hygiène-asepsie en prothèse sur implant doit suivre la même rigueur qu'en prothèse classique. Le but essentiel est de respecter la chaîne d'asepsie qui assure la sécurité de ces actes thérapeutiques. Pour la maîtriser, il faut établir une ligne de conduite alliant rigueur et vigilance. La réflexion des praticiens doit aboutir à la « cohérence » gestuelle en fonction des niveaux de risque des actes de soins, comme la réalisation de prothèses sur implants.

En effet, selon l'American Dental Association, tous les instruments, empreintes, maquettes en cire, etc. qui transitent du cabinet dentaire vers le laboratoire et qui ont été en contact avec du sang ou de la salive (la présence de virus comme ceux de l'herpès ou de l'hépatite B dans la salive a déjà été démontrée [Scully et Bagg, 1992]) sont des vecteurs potentiels de contamination (Merchant et Molinari, 1989).

La prothèse sur implant nécessite une instrumentation spécifique, multiple et particulière pour chaque système implantaire. La multiplicité de ces pièces oblige le praticien à réfléchir pour établir une ergonomie rigoureuse et adaptée pour cet acte thérapeutique.

Il faut avant tout organiser un stockage simple et rigoureux des différentes pièces réutilisables nécessaires pour la prothèse sur implant. Ces instruments doivent suivre la chaîne de stérilisation.

Certains praticiens (Yen-Chen et Yu-Fu Shen, 2001) préconisent l'adaptation de piluliers médicaux (petites boîtes en plastique contenant plusieurs emplacements) pour ranger et décontaminer les différents instruments avant stérilisation.

De même, il est possible de disposer d'un placard à casiers ou tiroirs qui permettent de ranger de manière ergonomique l'ensemble de cette instrumentation, afin de préparer aisément et de simplifier les différentes séances cliniques.

Les risques de contamination croisée sont très importants lors d'un acte prothétique, en raison des multiples manipulations et de la durée, parfois importante, des séances.

Il est indispensable de parfaitement programmer les séances de prothèse : avant l'intervention, l'ensemble des éléments nécessaires à l'acte prothétique doit être préparé, afin de n'avoir plus, dans l'idéal, à ouvrir un tiroir ou une boîte au cours du soin.

Pour mettre en place cette méthode, il est nécessaire de codifier les actes les plus courants et même de faire des fiches par acte, en y notant les instruments à main les plus utilisés, les matériaux nécessaires, la pièce à main, le contre-angle, les instruments diamantés, les instruments spécifiques indispensables à la prothèse sur implant, etc. Un ou plusieurs plateaux seront donc mis en place avant chaque acte, avec l'ensemble du matériel nécessaire.

Séance d'empreinte

Avant d'installer le patient, l'assistante met en place le matériel nécessaire à ce type d'intervention sur 2 ou 3 plateaux différents :

- le plateau n° 1, situé le plus souvent sur la tablette de l'unit, comprend la petite instrumentation de base stérile (miroirs, sondes, précelles, spatules doubles, etc.) et toute l'instrumentation spécifique à la prothèse sur implant (transferts d'implant, pince titane, tournevis) (fig. 1) ;

- remarque : certains systèmes proposent une trousse spécifique à la prothèse sur implant rassemblant toute l'instrumentation indispensable (tournevis, clé à torque, contre-couple, etc.) (fig. 2) ;

- le plateau n° 2, contenant toute l'instrumentation non stérile, comprend l'ensemble des éléments pour les empreintes (porte-empreinte, silicone, putty, light, mordu, alginate, bol, spatule, dose d'eau…) (fig. 3) ;

- le plateau n° 3 comporte un godet contenant de la chlorhexidine, des compresses, un ou plusieurs films radiographiques et il permet de poser les piliers de cicatrisation déposés lors de cette séance d'empreintes (fig. 4 et 5).

Les empreintes, une fois prises, seront posées sur ce dernier plateau et devront subir rapidement un traitement spécifique avant d'être adressées au laboratoire de prothèses. Ce traitement des empreintes est souvent oublié par les praticiens et les techniciens alors qu'il nécessite un protocole particulier (fig. 6).

Décontamination des empreintes

Lorsqu'il s'agit d'empreintes, les principes de décontamination, de nettoyage et de désinfection sont souvent mal compris des praticiens et des prothésistes dentaires et, surtout, sont peu appliqués. Le danger d'influer sur la stabilité dimensionnelle et l'état de surface conduit souvent à ne réaliser aucun traitement ni au cabinet, ni au laboratoire de prothèse. Pourtant, le risque de contamination croisée reste évident puisque il y a, quel que soit le matériau d'empreinte utilisé, un transfert de micro-organismes de l'un à l'autre (Gerhard et Sydiskis, 1991).

Quels que soient la technique et le matériau utilisés, on ne peut jamais prétendre réaliser une élimination totale des bactéries et des virus, aboutissant à une stérilisation. On se contente donc, pour les empreintes, de les nettoyer et de les décontaminer.

Cette décontamination se réalise en 2 étapes : le nettoyage et la décontamination proprement dite (Missika et Drouhet, 2001).

Nettoyage ou rinçage

Le rinçage des empreintes est l'étape essentielle. Quel que soit le matériau utilisé, il doit être effectué dès le retrait de la cavité buccale, sous l'eau courante jusqu'à disparition totale des traces de sang, de salive et autres matières organiques. Ce rinçage simple est considéré comme le plus important pour la décontamination car il réduit la contamination de 90 % en 15 secondes.

Le nettoyage doit suivre certaines règles. Il doit être fait :

- immédiatement après la sortie de la bouche ;

- de préférence dans la même pièce pour éviter tout transfert de bactéries ;

- avec gants, masque et lunettes ;

- sous l'eau courante froide pendant 15 secondes.

Toutes les faces de l'empreinte et du porte-empreinte doivent être rincées.

Le rinçage doit toujours s'achever en secouant énergiquement l'empreinte ou en la séchant légèrement afin d'éliminer les excès d'eau qui dilueraient le produit de décontamination.

Décontamination

Il s'agit d'une simple décontamination et non d'une désinfection terminale qui demanderait un temps d'action trop long et des solutions chimiques trop concentrées pour conserver aux matériaux leurs propriétés.

Les méthodes et les produits de décontamination varient en fonction du matériau d'empreinte et, quelquefois, de l'expérimentateur : certains préconisent le trempage, d'autres la pulvérisation.

Parmi les solutions désinfectantes, qui doivent en principe être bactéricides, fongicides, virucides et même sporicides, on trouve 2 produits principaux : le glutaraldéhyde et l'hypochlorite de sodium (utilisé à des concentrations allant de 0,5 à 5 %).

Empreintes aux hydrocolloïdes

En comparant les avantages et les inconvénients de toutes les méthodes proposées, la technique qui semble la mieux adaptée à ce type d'empreinte consiste à :

- nettoyer l'empreinte sous l'eau courante puis la secouer pour éliminer les excès d'eau (fig. 7) ;

- l'immerger pendant quelques secondes dans une solution d'hypochlorite de sodium à 0,5 % afin que l'ensemble empreinte/porte-empreinte soit imprégné de la solution désinfectante ;

- envelopper à l'aide d'une gaze ou d'un papier absorbant l'empreinte qui est, à l'aide d'un spray, imbibée de la même solution ;

- la mettre, ainsi traitée, dans un sachet en plastique hermétiquement fermé pendant 30 min ;

- enfin la rincer sous l'eau froide afin d'éliminer toute la solution désinfectante.

Cette méthode, qualifiée d'intermédiaire, est simple et sans grande conséquence sur les qualités de l'empreinte ; néanmoins, elle ne peut pas réaliser une décontamination parfaite. Pour cela, il faudrait utiliser des concentrations supérieures à 5 % et des temps d'immersion de plus de 1 heure, ce qui reste incompatible avec les matériaux hydrophiles.

Empreintes au silicone

Toutes les familles de silicone sont des matériaux d'empreinte hydrophobes. De ce fait, ils retiennent moins les micro-organismes. Leur décontamination est donc plus simple et, surtout, beaucoup moins controversée que celle des empreintes aux hydrocolloïdes.

La décontamination par immersion est la méthode de choix, la technique de pulvérisation ayant été abandonnée par la plupart des auteurs. L'immersion peut être faite avec des solutions à base de glutaraldéhyde, d'hypochlorite de sodium, de dérivés iodés… Le temps de trempage varie, selon les études, de quelques minutes à plusieurs heures.

La décontamination doit passer par les étapes suivantes :

- rincer l'empreinte sous l'eau courante pendant au moins 15 secondes (fig. 8) ;

- la sécher légèrement afin d'éliminer les excès d'eau ;

- l'immerger dans un bac fermé pendant 30 minutes dans une solution à 2 % de glutaraldéhyde ou à 0,5 % d'hypochlorite de sodium ;

- la rincer à nouveau sous l'eau courante ;

- la sécher.

Retour du laboratoire et séances d'essayage et de pose

Comme pour la séance d'empreinte, l'assistante doit mettre en place le matériel nécessaire et préparer les 2 ou 3 plateaux pour organiser ergonomiquement ces séances cliniques. Les plateaux doivent rassembler l'instrumentation indispensable en fonction des habitudes de chaque praticien.

Cependant se pose le problème de la contamination possible des prothèses de retour du laboratoire. Il semble que les seules voies de contamination possibles, à ce moment-là, soient liées à la contamination aérienne ou de contact (manipulation). Que ce soit de la céramique, du métal ou de la résine, ces matériaux neufs n'offrent que peu de place à la contamination si ce n'est en surface.

Pour être précis, une prothèse amovible complète ou partielle peut être immergée dans un bain de chlorhexidine avant l'essayage ou la pose, une prothèse fixée (métallique ou céramique) peut subir le même traitement suivi d'un rinçage et d'un nettoyage à l'alcool à 60° (qui permettra un dégraissage des surfaces pour le scellement). Au niveau des céramiques, il faut préciser que lorsqu'elles ne sont pas glacées, elles ne tolèrent aucun désinfectant (François et Doukhan, 1997).

Ces protocoles ne sont pas de réelles décontaminations relevant d'un référentiel en hygiène et asepsie, mais suivent plutôt une règle de propreté. En tout état de cause, seules l'organisation et la gestuelle de l'acte prothétique seront la clé de la maîtrise de la chaîne d'asepsie, chaîne que tout praticien doit respecter par une réflexion approfondie sur l'acte thérapeutique et sa notion de risque.

Pour conclure sur ces mesures de désinfection, si l'on considère les prothèses dentaires comme des dispositifs médicaux, il faut les qualifier de « non critiques » : comme elles sont neuves avant toute livraison, le traitement requis est donc une désinfection de « bas niveau ».

Conclusion

Les problèmes de contamination nosocomiale sont certes au cœur des préoccupations des pouvoirs publics, il faut cependant que chaque praticien assume ses responsabilités en respectant les protocoles d'hygiène recommandés, mais aussi en gardant une cohérence pour maîtriser la chaîne d'asepsie.

La maîtrise de cette chaîne en prothèse sur implant passe par la réflexion de chaque praticien pour aboutir à la cohérence gestuelle en fonction du niveau de risque de chaque séance clinique. Il faut avoir une pratique méthodique, rigoureuse et ergonomique, et agir avec bon sens en anticipant et préparant la séance clinique afin d'optimiser l'organisation et le temps au fauteuil.

Demande de tirés à part

Eliott ZAGHROUN : 279, rue des Pyrénées - 75020 PARIS - FRANCE.

BIBLIOGRAPHIE

  • François F, Doukhan JY. Hygiène et asepsie durant les actes prothétiques. Clinic 1997;18:129-139.
  • Gerhard DE, Sydiskis RJ. Impression materials and virus. J Am Dent Assoc 1991;122:51-54.
  • Merchant VA, Molinari JA. Infection control in prosthodontics : a choice no longer. Gen Dent 1989;37:29-32.
  • Missika P, Drouhet G. Hygiène, asepsie, ergonomie. Un défi permanent. Paris : Éditions CdP, 2001.
  • Scully C, Bagg J. Viral infections in dentistry. Curr Opin Dent 1992;2:102-115.
  • Yen-Chen KU, Yu-Fu Shen. Organized method for ultrasonically cleaning and sterilizing small prosthetic components used in implant therapy. J Prosthet Dent 2001;85:207-208.