Récupération d'éléments fracturés d'un système implantaire vissé : implications prothétiques - Cahiers de Prothèse n° 105 du 01/03/1999
 

Les cahiers de prothèse n° 105 du 01/03/1999

 

Implantologie

Gilbert Amzalag *   Jean-Pierre Irurzun **  


* (tirés à part)
15, rue Beaurepaire
75010 Paris
**Attachés à la consultation du sourire de l'Hôpital
Rothschild
Service de chirurgie plastique reconstructrice et
esthétique, Professeur Maurice Mimoun

Résumé

La fracture d'un élément d'un système implantaire vissé peut compromettre le devenir de la reconstruction prothétique sus-jacente et parfois le devenir même d'une reconstruction fixée. Il faut connaître les différents éléments du système utilisé, leur forme extérieure, mais aussi intérieure de façon à ne pas être surpris en cas de fracture ou de détérioration de l'un de ces éléments. Cet article analyse ces situations difficiles et offre des solutions avec un aperçu de l'instrumentation existante. Il permet le développement de sa propre imagination par la connaissance des situations. Il se termine par une réflexion sur la prise de décision avant toute tentative de récupération.

Summary

Recovery of fractured elements in a screwed implant system : prosthetic implications

The fracture of a screwed implant system can jeopardize the evolution of the upper prosthetic reconstruction and sometimes even the evolution of a fixed reconstruction. The different elements of the system under use, their outer as well as inner forms must be well known in order not to be surprised in case a fracture or some damage on one of those elements should occur. This article analyses those difficult situations and offers some solutions with an outlook on the existing recovery instruments. Through the understanding of these different situations, it can help anyone in finding innovative and own solutions. It also looks at the decision to be taken before any attempt of recovery.

Key words

components, fracture, implants, recovery

La fracture d'un des éléments importants du système implantaire est d'autant plus dramatique qu'elle peut remettre en cause la pérennité de la reconstruction prothétique sus-jacente. Le patient y voit la fin d'un rêve et le praticien le début d'un cauchemar. Ces fractures sont heureusement rares et leurs causes peuvent le plus souvent être expliquées par une étude approfondie de l'historique du cas et par une analyse des contraintes exercées sur les points d'ancrage. Cette étude permet d'éviter les situations limites, par une coopération étroite entre le clinicien-prothésiste, maître d'œuvre de la conception, le chirurgien qui implante des racines artificielles et le prothésiste de laboratoire qui élabore la reconstruction sur les éléments dont il dispose. Il n'y a, en général, pas de problème quand chacun s'applique à respecter scrupuleusement les règles :

- conception raisonnable et équilibrée ;

- chirurgie précise de l'implantation (topographie, axe, mise en place atraumatique) ;

- reconstruction passive avec une bonne coulée du métal, porte-à-faux limités, occlusion équilibrée (importance de la prothèse de transition avant l'enregistrement de la relation intermaxillaire) ;

- mise en place prothétique minutieuse, avec contrôle et resserrage de tous les composants à l'aide du moteur électronique ou d'une clé dynamométrique, vérification de la passivité de l'armature sur modèle, puis dans la bouche, contrôles radiologiques systématiques aux différents stades, réglages de l'occlusion et rendez-vous de contrôles et de maintenance.

Malgré cela, il peut arriver qu'un élément cède ou se fracture, car il est parfois difficile de contrôler l'ensemble des paramètres, surtout dans les cas limites.

Description d'un système vissé (fig. 1, 2 et 3)

L'implant (appelé fixture dans le système de Brånemark) est une racine artificielle, cylindrique, en titane et possédant un canal fileté destiné à recevoir la vis du pilier et sur lequel viennent se fixer successivement, et dans l'ordre, les éléments suivants :

- le pilier, pièce intermédiaire en titane, transgingivale, fixée à l'implant par une vis en titane, vis de pilier, qui le traverse, elle-même munie d'un filetage interne dans sa partie supérieure pour recevoir la vis en or qui retient la construction prothétique ;

- le cylindre en or, pièce usinée, préfabriquée, très précise, base de la reconstruction prothétique, qui s'adapte sur le pilier et se fixe, par transvissage, sur celui-ci. Il possède à sa partie supérieure une courte cheminée dont la base correspond à la zone de raccordement (logement et assise) de la tête de la vis en or. Ce logement ainsi que la base du cylindre devront être totalement préservés de toute « bavure » lors de la surcoulée du métal. Cette bavure pourrait entraîner une mauvaise adaptation des parties assemblées qui est responsable de micro-mouvements. Ceux-ci constituent une des causes de dévissage.

Sur ces cylindres en or, deux possibilités :

• l'infrastructure métallique élaborée supporte directement le matériau cosmétique, céramique ou résine (bridge monobloc) : nous appellerons « poutre » cette infrastructure, puisqu'elle assure la rigidité de la prothèse dans son ensemble, tant entre les implants (travée) qu'à ses extrémités (extensions) ;

• l'infrastructure métallique élaborée comme une rampe de faux-moignons supporte une superstructure métallo-cosmétique. Dans ce cas, il y a donc deux étages :

- l'infrastructure correspondant à la poutre, avec les trous d'émergence des vis ;

- la superstructure cosmétique, cachant ces trous par des coiffes.

Nous étudierons, dans le cadre de cet article, les différents types de fractures pouvant se produire dans le cas d'une reconstruction sur un ou plusieurs éléments d'un système implantaire vissé, de type Brånemark ou apparenté :

• la fracture de la vis en or (ou vis prothétique) ;

• la fracture de la poutre prothétique :

- au niveau de la travée ou des extensions ;

- au niveau du cylindre en or (gold cylinder) ;

la fracture de la vis de pilier, à l'intérieur de l'implant :

- dans les cas faciles ;

- dans les cas difficiles, où sa dépose paraît impossible du fait de sa torsion avant cassure et de la déformation du filetage ;

• la fracture de l'implant, en général au niveau de l'extrémité de la vis de pilier et faisant suite à la résorption, à ce niveau, de l'os environnant (créant ainsi un point de faiblesse).

La confrontation soudaine, en urgence, dans un emploi du temps programmé d'un patient qui ne se doute pas de l'importance de son malheur et d'un praticien angoissé qui ne sait comment faire pour s'en sortir, nous conduit à vous présenter quelques exemples cliniques et les méthodes pour résoudre ce type de problèmes.

Il ne s'agit en aucune façon d'une méthodologie établie, mais bien d'une approche à partager. Il vaut mieux connaître les problèmes et les analyser afin d'imaginer une solution qui permette, à tout moment, de faire face, dès sa survenue, à une quelconque défaillance. Nous devons aussi connaître l'existence d'un matériel spécifique, indispensable dans des situations particulières et délicates. Cette approche s'applique bien sûr à tous les systèmes vissés, en s'y adaptant.

Ces cas cliniques vous sont présentés pour exciter, à froid, votre réflexion, vous permettre d'éviter certains écueils et d'aborder avec une relative sérénité l'éventuelle future intervention de récupération.

Fracture de la vis en or

C'est la fracture la moins grave. Souvent appelée peut-être à tort « fusible », cette petite vis est en tout cas facile d'accès et cette complication trouve toujours sa solution. Deux cas de figure peuvent se présenter.

La vis (ou son fragment) est déposable (fig. 4) il est possible de l'enlever et de la changer par une neuve après contrôle :

- du filetage interne de la vis de pilier ;

- de sa parfaite assise dans le cylindre en or, sans bavure du métal de la surcoulée ;

- du serrage précis de la vis de pilier sous-jacente et de celles des autres implants ;

- de l'adaptation passive de l'infrastucture métallique sur les implants ;

- du serrage précis de toutes les vis en or.

Si une vis se casse, il ne faut donc pas oublier de vérifier toutes les autres vis et peut-être même envisager leur changement, car elles ont pu subir des contraintes mécaniques excessives, risquant à long ou moyen terme d'entraîner d'autres fractures.

La vis est matée, non déposable (fig. 5). Si l'extrémité de la vis en or n'est pas récupérable, si le filetage interne de la tête de la vis de pilier a été détérioré, il faut tout simplement déposer cette vis de pilier et la remplacer par une neuve. Le moyen le plus simple de vérifier la qualité du filetage consiste à introduire une vis-guide en acier de transfert d'empreinte de pilier, à la main, d'une façon douce, afin de percevoir la moindre résistance qui révélerait une déformation du filetage. Cette vis de transfert peut recalibrer ce filetage, mais ne peut pas servir de taraud pour le recréer. En fait, il ne faut pas hésiter, en cas de doute, à changer la vis de pilier lors de la fracture d'une vis en or. Il est impératif de vérifier aussi le bon état, d'une part, de la tête hexagonale de la vis de pilier (fig. 6a, 6b et 6c ), qui pourrait être arrondie par des manœuvres intempestives antérieures, empêchant son serrage précis et, d'autre part, de la zone d'appui du cylindre en or sur l'épaulement périphérique du pilier. Bien entendu, lors de la remise en place de l'ensemble des éléments, l'adaptation passive est vérifiée (adaptation de l'infrastructure sur les implants sans contraintes de vissage qui voudraient compenser un mouvement de bascule de l'armature) ainsi que le serrage contrôlé de toutes les parties.

Fracture de la poutre prothétique

Localisation

Au niveau de la travée (c'est-à-dire entre deux piliers)

Ce cas est très rare. Il est essentiellement lié à un gros défaut de coulée. Nous ne nous sommes trouvés confrontés à ce type de situation qu'une seule fois en 12 ans (fig. 7).

Au niveau d'une extension de la poutre

Cet accident, beaucoup plus fréquent, est lié soit à une extension trop longue, soit à un sous-dimensionnement de la section de la poutre. D'autres facteurs peuvent intervenir, tels que les défauts de coulée et les surcharges occlusales amenant une fracture par fatigue.

Au niveau du cylindre en or en bordure d'une extension

C'est une zone de concentration des forces. Nous distinguerons deux types de fractures :

- par désolidarisation du cylindre avec le métal de la surcoulée. Exceptionnel, lié à une erreur lors de la surcoulée du métal de la poutre sur le cylindre, ce type de défaillance est très facilement réparable. La procédure d'empreinte après indexation des parties désolidarisées, puis de soudure au laboratoire de prothèse est la même que pour une fracture d'extension de la poutre (voir plus loin, dans « Méthode de réparation ») ;

- fracture du cylindre en or (fig. 8a, 8b, 8c, 8d et 8e). C'est le cas le plus fréquemment rencontré. Cette situation est plus délicate à gérer au cabinet quand le modèle de travail n'a pas été conservé. Il faut attirer l'attention sur l'importance de la conservation et de l'archivage des modèles de travail (maîtres modèles) des patients implantés ainsi que des différents éléments de leurs prothèses de transition : bridges provisoires, prothèses amovibles partielles ou complètes. S'il n'y a pas eu d'intervention sur la construction prothétique après sa réalisation sur ces modèles (séparation et soudure secondaire), ces derniers sont toujours valables et précis, car la position des implants dans l'os est immuable. Ces modèles de travail peuvent resservir en cas de besoin et éviter une prise d'empreinte et la réalisation d'un nouveau maître modèle, qui feraient perdre du temps lors d'une réparation (attente du patient).

Dans le cas où la prise d'empreinte est nécessaire, il faut remplacer les vis en or du bridge par des vis-guides de transfert d'implant (fig. 9), en acier, longues, dépassant le bord de la fenêtre occlusale du porte-empreinte. L'empreinte est prise comme s'il s'agissait de transferts d'empreinte reliés par de la résine Duralay (France Dentaire) ou de la Pattern Resin de GC, avec dévissage à travers l'ouverture occlusale du porte-empreinte avant dépose, pour permettre le retrait de l'empreinte.

Méthode de réparation

Dans la grande majorité des cas, la fracture se situe au niveau de la poutre en extension ou du cylindre en or. Dans ces cas, il est souvent possible de repositionner exactement les fragments fracturés en bouche. Collés à la colle cyano-acrylate ou reliés avec de la résine Duralay ou de la Pattern Resin, les fragments sont maintenus fixes grâce aux vis parfaitement serrées. Après polymérisation de la clé en résine, l'ensemble est déposé sans empreinte, puis remis sur le modèle de travail conservé, pour contrôle.

Dans le cas d'un cylindre en or fracturé en bordure d'extension, avec absence de maîtres modèles, il est parfois possible de placer des répliques d'implant dans la partie restante du cylindre en or et sur les autres cylindres, pour la réalisation d'un socle, correspondant à un positionnement des répliques et évitant ainsi une prise d'empreinte délicate et fastidieuse. Les rapports d'occlusion sont déjà établis et fournis par le bridge lui-même. Si ce repositionnement est impossible, il faut éliminer le reste du cylindre en or, créer un espace suffisant aux dépens du métal et de la résine (dans le cas d'une prothèse sur pilotis) pour éviter tout contact avec un nouveau cylindre en or, mis en place avec une vis-guide de transfert en acier et relié avec de la résine Duralay ou de la Pattern Resin à la poutre. Il faut alors reprendre une empreinte globale classique avec un porte-empreinte fenestré.

Dans certains cas, lorsque la hauteur prothétique est très importante, il est préférable d'utiliser un transfert d'empreinte, installé dans les mêmes conditions sur le pilier, mais offrant une plus grande surface de jonction à la résine. Cette méthode permet de réduire les risques de mobilisation lors du positionnement de la réplique et lors de la coulée du modèle. Dans ce cas, il faudra refaire un essai de la superstructure métallique, afin de s'assurer de son adaptation passive. La plus grande partie du travail de récupération est réalisée au laboratoire de prothèse.

Conservation des maîtres modèles

En résumé, il faut noter l'importance de la conservation et de l'archivage des différents modèles de travail :

- si les modèles ont été conservés et qu'ils sont « justes », il n'y a rien à faire, sinon replacer directement les fragments sur ce modèle pour réaliser la réparation ;

- si les modèles ont été conservés et qu'ils sont « faux » par rapport à l'état actuel (car il y peut y avoir eu, au cours de la réalisation, séparation, repositionnement de l'armature sectionnée et soudure) ou s'il n'y a plus de modèles, il faut reprendre une empreinte du bridge avec un porte-empreinte fenestré. Les différentes parties du bridge sont alors fixées aux implants à l'aide de vis-guides de transfert (au lieu des vis en or), cela afin de permettre leur accessibilité lors de la prise d'empreinte. Au niveau de la fracture, un nouveau cylindre en or ou un transfert assurant la position de l'implant par rapport au bridge est installé sans interférence avec celui-ci, puis relié avec de la résine Duralay ou de la Pattern Resin au reste des deux parties.

Fracture de la vis de pilier

Causes

Cette vis se casse en général après un dévissage accidentel dû à :

• une mauvaise adaptation du bridge, liée le plus souvent à une erreur lors de la prise d'empreinte :

- non-contrôle ou défaut du contrôle radiographique de la bonne mise en place des piliers sur les implants ;

- non-vérification du serrage des vis de pilier au couple de forces approprié. Dans ce cas, les transferts transmettent une position fausse puisqu'ils sont placés sur des piliers mal positionnés. Tout cela aboutit à l'élaboration d'une armature non passive en bouche bien que passive sur le modèle de travail (qui est faux) ;

• une armature insuffisamment rigide comme, par exemple, pour une longue portée au niveau molaire maxillaire, lorsque, pour éviter le sinus maxillaire, on a posé l'indication d'un implant ptérygo-tubérositaire, induisant un effet de pompe qui aboutit à un dévissage et/ou à une fracture (fig. 10a, 10b et 10c). D'où, en résumé, la nécessité de :

- bien poser l'indication du type de reconstruction ;

- serrer les vis avec un outil approprié (moteur électronique ou clé dynamométrique - et non manuellement -, à chaque manipulation des composants) ;

- vérifier radiographiquement l'adaptation des piliers et des transferts d'empreinte de façon systématique.

Niveau de la fracture

La fracture de la vis de pilier peut être :

- soit haute, partie fracturée encore visible et accessible ;

- soit basse, partie fracturée peu visible, difficile d'accès, le plus souvent bloquée.

Instrumentation

Ce type de fracture nécessite l'utilisation d'instruments simples ou d'une instrumentation spécifique à chaque marque d'implant.

• Kit Nobel Biocare RP

Le kit Nobel Biocare RP (special instruments for removal of fractured abutment screw) (fig. 11a) existe pour chaque taille de composants : NP (narrow platform), RP (regular platform) et WP (wide platform). Il se compose de quatre instruments : un guide tuteur (guide sleeve) destiné à centrer les instruments et qui ressemble à un contre-couple manuel et se fixe sur la tête hexagonale de la fixture. Sa partie supérieure présente une ouverture qui permet le passage précis de l'extracteur de vis (screw extractor) avec un bon parallélisme de l'instrument par rapport au grand axe de la fixture pour éviter d'abîmer le filetage interne. Cet extracteur de vis est surmonté d'un porte-instrument manuel (handle). L'extracteur ressemble à une fraise jacket, à la différence près que les lames disposées sur la tranche sont très longues et acérées, pour entraîner, en appuyant dessus et en dévissant, le fragment de vis cassée. Un activateur, ressemblant à un taraud, sert ensuite à nettoyer et réactiver le filetage interne de l'implant. Ce kit ne permet pas la dépose de fragments difficiles ; il limite les risques du « bricoleur occasionnel ». Il n'est officiellement pas disponible à la vente mais en prêt, la société Nobel Biocare préférant avoir un contact direct avec le praticien avant la tentative de dépose.

Kit pour vis cassées SRT10 de 3i

Sur le principe du tourne-à-gauche, l'hélicoïde des forets de ce kit (fig. 11b) est inversée par rapport à celle d'un foret classique. Ces forets tournent dans le sens inverse des aiguilles d'une montre. Le perçage et l'enfoncement se font en marche arrière et dévissent, tout en creusant, la partie de vis de pilier fracturée, coincée dans la fixture. Un cylindre-guide avec manche (la seule chose qui ne soit pas pratique) se place sur la tête hexagonale de l'implant. Le foret passe à travers ce guide, qui le centre et l'empêche d'endommager le filetage des parois internes de l'implant. Ce foret pour contre-angle a un diamètre de 1 mm et doit tourner en marche arrière à une vitesse de 50 tours/minute environ. En appuyant sur la partie coronaire de la vis cassée, il lui imprime une rotation correspondant à son dévissage. Soit la vis sort tout de suite, soit elle ne se dévisse pas. Il faut alors essayer de la percer sur 1 mm de profondeur, puis remplacer le foret mécanique par le foret manuel argenté (diamètre 1,10 mm) et s'en servir dans le sens inverse des aiguilles d'une montre. Si le fragment résiste encore, il faut recommencer avec le foret manuel doré (diamètre 1,15 mm), toujours dans le sens inverse des aiguilles d'une montre. La vis cassée retirée, il faut alors contrôler l'état du filetage intérieur avec le « taraud » manuel, mais attention, celui-ci ne doit servir qu'à nettoyer le filetage existant et non en créer un nouveau. Ce kit, disponible à la vente, permet le plus souvent de se sortir de situations difficiles, mais nécessite prudence, rigueur et doigté. Là encore, le coup de téléphone préalable est recommandé.

• Service-Set « M2 s88 » de Straumann

Ce set (fig. 11c) est mis gracieusement à la disposition des utilisateurs du système ITI. Il permet la récupération de ses implants ostéointégrés, lorsqu'un problème survient lors du retrait d'une vis de cicatrisation ou lors de la dépose de la partie secondaire en place. Il se compose de : tournevis spéciaux, forets particuliers, gabarits, tarauds, système d'extraction, une clé à cliquet et une clé de guidage. Il permet également de refaire le filetage interne, éventuellement détérioré, de l'implant afin de réaliser une nouvelle construction sur un implant qui serait autrement inutilisable. Il utilise également le principe du tourne-à-gauche.

Le praticien-prothésiste qui reçoit un patient doit trouver une solution au problème posé par ce patient, quelle que soit la marque d'origine de l'implant. Il lui faut connaître les possibilités et les limites de chacun de ces instruments. C'est pourquoi, s'il pratique de façon régulière la prothèse sur implants, il lui faut posséder une « trousse de dépannage » de même qu'il possède déjà la trousse de Gonon, nécessaire à l'extraction des tenons cassés sur dents naturelles. Cette trousse idéale doit faire appel à tous les outils utiles quelle que soit leur marque.

Pour mieux comprendre l'environnement de cette vis de pilier fracturée, nous décrivons d'abord, comme exemple type, une fixture de Brånemark en coupe (fig. 12a, 12b et 12c). Nous pouvons ainsi constater en particulier que le filetage n'intéresse pas la totalité du logement interne de l'implant, laissant une extrémité lisse de forme conique et qui n'existe que par nécessité technique lors de la réalisation industrielle du filetage.

Cas d'une fracture haute

Le fragment de vis fracturé est accessible, il bouge un peu et peut être plus ou moins facilement dévissé, puis retiré. Les outils de choix sont alors la sonde de Rhein et la fraise diamantée. Nous décrivons la méthode de retrait de cette partie de vis de pilier par deux cas cliniques afin de mieux mettre en évidence la simplicité de l'instrumentation utilisée (fig. 13a, 13b, 13c, 13d et13e et 14a, 14b,14c et 14d).

Cas d'une fracture basse

Le fragment de vis fracturé est coincé au fond, il ne bouge pas et, s'il bouge, il tourne sur place sans remonter, car le filetage de l'implant, déformé ou abîmé par la torsion de la vis de pilier, l'empêche de passer. L'instrumentation de choix est alors le « tourne-à-gauche » de 3i (15a, 15b,15c et 15d). Une fois le fragment retiré, le filetage intérieur de l'implant est vérifié d'abord avec une vis de transfert d'implant en acier, puis avec la vis de pilier définitive, sans le pilier. Dans le cas où les filets déformés empêcheraient la bonne mise en place, un taraud manuel est délicatement passé pour redresser ces filets. Ce dernier instrument n'est pas un vrai taraud et ne doit pas servir pour créer un nouveau filetage. Un cas clinique illustre ce type de fracture (16a, 16b,16c, 16d, 16e, 16f, 16g, 16h, 16i, 16j et 16k).

Fracture de l'implant

C'est la fracture la plus délicate à gérer. Elle peut remettre en cause l'ensemble du traitement implantaire. Cette fracture est :

- soit prévisible par l'observation radiologique qui montre une résorption osseuse péri-implantaire, en forme de cratère, liée à une péri-implantite ;

- soit imprévisible, car liée à une surcharge constante (rupture par fatigue) ou violente (force dépassant la charge de rupture : par exemple, un choc physique).

Cette fracture dramatique, heureusement rare, est décrite dans un cas clinique qui s'est terminé par la récupération des éléments fracturés et la réalisation d'un bridge (17a, 17b,17c, 17d, 17e, 17f, 17g, 17h, 17i, 17j, 17k, 17l, 17m, 17n, 17o et 17p). Cela n'est pas toujours possible et, avant toute décision, il faut bien réfléchir.

Prise de décision

Avant de s'engager dans la récupération de l'élément fracturé, il faudra analyser des impératifs mécaniques, médicaux et psychologiques.

Impératifs mécaniques

La conservation de la partie résiduelle de l'implant est liée aux causes ayant entraîné sa fracture. Sera-t-il possible d'éliminer ces causes ?

Si oui, doit-on ou peut-on adjoindre un implant supplémentaire ? Doit-on envisager la dépose de l'implant fracturé en préservant au maximum le support osseux afin de permettre la mise en place, dans le même site osseux, d'un nouvel implant de même diamètre ou d'un diamètre légèrement supérieur ?

Si non, la conception de la restauration implantaire devra être modifiée, car les mêmes causes produisent les mêmes effets.

Impératifs médicaux

L'état général des patients peut évoluer au cours du temps, contre-indiquant une nouvelle chirurgie implantaire et même la chirurgie d'approche comme l'aménagement préalable de l'environnement, d'autant que les bénéficiaires de cette thérapeutique sont souvent d'un âge avancé et exposés aux risques respiratoires, cardio-vasculaires, néoplasiques et à leur traitement. Des problèmes personnels aboutissant à une dépression nerveuse peuvent contre-indiquer une intervention chirurgicale immédiate.

Impératifs psychologiques

La complexité et l'étendue d'une construction implantaire augmentent les risques de ces accidents mécaniques. Ils surviennent sur des patients ayant déjà un lourd passé dentaire, jalonné d'échecs successifs et qui ont pu imaginer et espérer trouver, avec les implants, une solution durable et « définitive » aux défaillances itératives et irrémédiables de leur denture.

La prise de conscience brutale que même « le mécanique ne tient pas chez eux » provoque le plus souvent une grande lassitude, teintée de fatalisme, qui les rend récalcitrants devant cette nouvelle épreuve que constitue la tentative de récupération. L'énergie nécessaire pour une nouvelle et quelquefois longue étape de traitement est émoussée. La confiance est ébranlée. Le praticien se devra de composer, de parer à l'urgence et de stabiliser son patient psychologiquement et prothétiquement. La période d'attente permettra de le sécuriser, avant de s'engager dans la phase active de récupération qui demandera une coopération totale. Quelquefois, malheureusement, le traumatisme est tel que le patient exprime une demande définitive de simplification, à laquelle nous devons nous soumettre.

D'autres facteurs peuvent influencer la prise de décision :

- la disponibilité ;

- l'éloignement ;

- le changement de statut social (retraite, perte d'emploi) ;

- la situation familiale (divorce).

Conclusion

La maîtrise d'une technique passe d'abord par sa parfaite connaissance et son intégration naturelle dans l'exercice quotidien. Cette maîtrise ne peut être complète qu'avec la connaissance et la gestion de ses complications. Tant que la « nouvelle implantologie », la scientifique, celle qui a redonné l'espoir aux patients et la sécurité aux praticiens, a été appliquée avec modération et raison, la conduite prudente et précise des traitements a limité le nombre des complications. Le temps passant et ces techniques devenues indispensables à notre exercice se développant, de nouvelles situations cliniques sont apparues et l'approche « artisanale » a dû faire face à des développements non prévus dans les livres. La connaissance partagée de ces situations critiques devraient dédramatiser les éventuels problèmes, rares heureusement, et permettre à chacun d'aborder sereinement le moment où il se trouvera en face d'eux.

Remerciements Nous tenons à remercier particulièrement Jean-Jacques Sansemat, prothésiste de laboratoire, pour son implication et sa participation essentielle dans une relation créative, pleine de respect mutuel et de forte amitié.

Quelques définitions (extraites du dictionnaire encyclopédique Larousse)

Vis : du latin vitis, vrille de la vigne. C'est une pièce comportant une partie filetée et une tête permettant de la faire tourner, de manière à en assurer la pénétration dans une pièce taraudée (par exemple, un écrou) ou dans un milieu résistant et servant à exercer une pression, notamment pour réaliser un assemblage. Une vis est caractérisée par son diamètre extérieur, le pas et le profil de son filetage, la forme de sa tête et sa longueur filetée.

Filetage : un filetage est caractérisé par son diamètre nominal ; par son pas ou longueur de la génératrice comprise entre deux passages sur cette génératrice d'un même filet ; par la forme de son profil, contour vu sur un plan diamétral ; par le sens du filetage (par convention, on dit que le filetage est « à droite » lorsque, en examinant la pièce mâle tenue verticalement, le filet semble monter vers la droite ; il est dit « à gauche » si le filet semble monter vers la gauche) ; enfin, par le nombre de filets que rencontre une génératrice sur la longueur d'un pas.

Tourne-à-gauche : en forage, outil qui sert, dans les sondages, à dévisser les tiges de forages.

Taraud : outil à main ou à machine, servant à effectuer des filetages à l'intérieur des trous de faible diamètre destinés à recevoir des vis.

En mécanique industrielle, un taraud est une vis en acier spécial, généralement à filets rectifiés. Les tarauds à main sont couramment prévus par jeu de trois, un premier conique sur les deux tiers de sa longueur, un deuxième conique sur le tiers de sa longueur et un troisième cylindrique.

Le taraudage s'exécute par la rotation d'un taraud sur lequel on exerce une pression et qui se visse dans le trou ainsi formé en imprimant ses filets dans la pièce. Le taraudage manuel se fait en trois passes successives, par l'emploi d'un jeu de trois tarauds. Le taraudage mécanique se fait en une seule opération, au moyen de tarauds spéciaux utilisés soit sur des machines spéciales, dites « taraudeuses » (pour les séries) soit sur une simple perceuse pour les travaux peu importants.

bibliographie

  • Assémat-Tessandier X, Amzalag G, Irurzun JP. Complications prothétiques sur fixtures de Brånemark. Réalités Cliniques 1992;3(3):345-347.
  • Bert M. Complications et échecs en implantologie. Paris : Éditions CdP, 1993.
  • Friberg B, Jemt T, Lekholm U. Early failures in 4641 consecutively-placed Brånemark dental implants: a study from stage 1 surgery to the connection of completed prostheses. Int J Oral Maxillofac Implants 1991;6:142-146.
  • Jemt T. Failures and complications in 391 consecutively-inserted fixed prostheses supported by Brånemark implants in edentulous jaws : a study of treatment from the time of prosthesis to the first annual check-up. Int J Oral Maxillofac Implants 1991 ; 6 : 270-276.
  • Jemt T, Linden B, Lekhom U. Failures and complications in 127 consecutively-placed fixed partial prostheses supported by Brånemark implants : from prosthetic treatment to first annual checkup. Int J Oral Maxillofac Implants 1992;7:40-44.
  • Lavigne J. Les complications au niveau de l'interface implant/os et implant/gencive. Réalités Cliniques 1998;9(1):147-159.
  • Mac Glumphy E, Robinson DM, Mendel DA. Implants superstructures : a comparison of ultimate failure force. Int J Oral Maxillofac Implants 1992;7:35-39.
  • Quirynen M, Naert I, Van Steenberghe D, Schepers E, Calberson L, Theuniers G, Ghyselen J, De Mars G. The cumulative failure rate of the Brånemark system in the overdenture, the fixed partial and the fixed full prostheses design : a prospective study on 1 273 fixtures. J Head Neck Pathology 1991;10:43-53.
  • Sones AD. Complications with osseointegrated implants. J Prosthet Dent 1989;62:581-585.
  • Tulasne JF, Riachi F. Complications des implants dentaires. J Parodontol 1991;10:219-225.

Articles de la même rubrique d'un même numéro