Couronnes Empress sur dents dépulpées antérieures - Cahiers de Prothèse n° 106 du 01/06/1999
 

Les cahiers de prothèse n° 106 du 01/06/1999

 

Prothèse fixée

Thierry Degorce *   Jacky Pennard **  


* Chirurgien-dentiste -
CES technologie des matériaux employés en art
dentaire (Paris V) - CES prothèse scellée (Paris V) -
CES parodontologie (Paris VII)

« Les médicinales »
34, rue des Pommiers
37170 Chambray-les-Tours
**Céramiste dentaire
Céram Fixe
71, rue Henri-Martin
BP 2807
37028 Tours Cedex

Résumé

Face aux nouvelles exigences esthétiques de la patientèle, la reconstruction prothétique des dents dépulpées antérieures est une tâche difficile. Le système choisi doit associer l'esthétique et la solidité à la biocompatibilité avec les tissus et l'organisme. L'IPS Empress, une céramique renforcée par la leucite semble répondre au cahier des charges. Le matériau permet la réalisation de couronnes unitaires sans armature métallique, avec une translucidité et un rendu esthétique proches de la dent naturelle. Lorsque les principes un peu spécifiques de préparation et le collage qui participe au renforcement de la céramique sont bien suivis, le système offre une alternative valable aux traditionnelles couronnes céramo-métalliques. Le résultat esthétique des dents antérieures, dépulpées et reconstituées, peut être optimisé par l'utilisation d'inlay-cores en métal céramisés ou tout-céramique. Dans ce dernier cas, nous utilisons un tenon en zircone, le Cosmopost®, (Ivoclar) qui sera recouvert de céramique. Il améliore ainsi la biocompatibilité avec un rendu esthétique optimal. La confection au laboratoire des inlay-cores en zircone et des couronnes Empress requiert un matériel spécifique. Mais, le processus de fabrication reste simple et utilise le principe de la cire perdue.

Summary

Empress crowns on depulped anterior teeth. From the ceramised post and core to the Cosmopost®

Considering the aesthetic requirements of the patients, the prosthetic reconstruction of the depulped fore teeth is a tricky task. Over the past few years, new making processes have allowed the realization of all-ceramic crowns without metallic frame. Among those new techniques, the IPS Empress, a leucite-reinforced ceramic, associates aesthetics and good mechanical properties with a biocompatibility with the tissues and the organism. The material allows the making of unitary crowns with a translucence and an aesthetical result close to that of the natural tooth. When the principles of preparation, which are quite specific, and the gluing, which takes part in the reinforcement of the ceramic, are thoroughly respected, the system offers a valuable alternative to the traditional ceramo-metallic crowns.

The aesthetic result of the anterior teeth, depulped and reconstructed, can be optimized with the use of ceramised metal posts and cores or all-ceramic ones. In the latter case, we use a new zircon post, the Cosmopost® which will be covered through pressures by a specific ceramic material rich in zircon oxide (IPS Empress Cosmo®). Thus, it maximizes the biocompatibility together with an optimal aesthetic result. The making in the laboratory of the zircon posts and cores and of the Empress crowns requires a specific equipment. A certain number of clinical cases are set out to illustrate this technique of restoration of the depulped anterior teeth.

Key words

aesthetics, biomaterials, cementation, ceramics, fixed restoration, post and core

Depuis ces dernières années, l'apparition récente de matériaux répondant au terme générique de « nouvelles céramiques » permet la réalisation de prothèses fixées sans métal tout en conservant des propriétés mécaniques proches des couronnes céramo-métalliques. L'utilisation d'un système tout-céramique sur les dents antérieures améliore à la fois l'esthétique en permettant à la lumière de se propager à travers la couronne sans écran parasite et la biocompatibilité en éliminant les risques de corrosion, d'allergie ou de bimétallisme [1]. Le trajet optique de la lumière ne subissant pas l'influence de l'armature, la dispersion lumineuse et la translucidité vont être considérablement augmentées.

De nombreux procédés tels que In-Ceram (Vita) [2, 3], Cerestore, Dicor (Dentsply) [4], Optec H.S.P (Symphyse) [5, 6], Biofibral (Sofraced SA) [7, 8], etc. ont vu le jour. Parmi eux, la société Ivoclar commercialise en collaboration avec l'université de Zürich et Arnold Wolwend, l'IPS Empress une céramique très esthétique, renforcée par la leucite de haute translucidité [9]. Ce matériau permet la réalisation de coiffes unitaires [10, 11], facettes [12-15] onlays ou inlays [13, 16-19] sans support métal, avec une translucidité et un rendu esthétique les plus proches possibles de la dent naturelle (fig. 1a, 1b, 1c, 1d, 1e, 1f, 1g et 1h).

Lorsque la dent antérieure est dépulpée, elle nécessite le plus souvent une reconstitution corono-radiculaire coulée qui servira d'ancrage à la prothèse. Il convient, avec les couronnes Empress, d'optimiser l'esthétique en céramisant les inlay-cores ou mieux encore en utilisant un inlay-core entièrement en céramique. La fabrication d'éléments coulés anatomiques tout-céramique est désormais possible avec le tenon en zirconium Cosmopost® (Ivoclar).

De la clinique au laboratoire, nous présenterons les différentes étapes de reconstructions prothétiques Empress sur les dents dépulpées antérieures.

Les limites esthétiques et biologiques des couronnes céramo-métalliques

Les prothèses coulées et céramo-métalliques sont devenues des classiques avec un très large éventail d'applications cliniques et des preuves établies de fiabilité à long terme. Toutefois, elle peuvent présenter un certain nombre d'insuffisances esthétiques pour les dents antérieures et biologiques essentiellement dues à la présence de métal [7, 8, 20] :

- bord métallique visible et ombre du bord disgracieux ;

- limites cervicales nécessairement enfouies sous la gencive au niveau antérieur avec un risque de traumatisme mécanique et infectieux du parodonte. On peut alors aboutir à une récession gingivale avec apparition du joint prothèsedent, soit un liseré noir aujourd'hui esthétiquement inacceptable pour beaucoup de patients ;

- absence de translucidité et de « rendu naturel » due à une mauvaise transmission de la lumière qui est arrêtée par l'armature en métal, surtout au niveau du tiers cervical [21]. La réflexion interne sur l'opaque est encore plus évidente lorsqu'il y a peu d'épaisseur (dent vivante) ;

- la présence de l'armature métallique modifie le trajet de la lumière et altère la translucidité [3] ;

- risques de corrosion métallique, avec diffusion d'oxyde métallique (tatouage) et coloration cervicale ;

- risque d'allergie essentiellement avec le nickel [22] ;

- risques de diffractions qui rendent parfois illisible l'imagerie RMN ou le scanner.

En supprimant la présence de métal, le système Empress élimine ces inconvénients de la céramo-métallique et apporte de grandes améliorations biologiques et esthétiques. Il assure à la restauration une harmonie supérieure avec les tissus environnants (fig. 2a et 2b).

Propriétés de l'Empress

La céramique IPS Empress est apparue pour la première fois en 1990 [9]. Elle se présente sous forme de lingotin qui permet de réaliser des éléments prothétiques unitaires dans les teintes Ivoclar et Vita. Cette céramique est un verre renforcé à la leucite, de haute translucidité, contenant de manière latente des germes minéralisateurs. Après plusieurs traitements, les germes deviennent des cristaux de grosseur uniforme et de petites dimensions. Cette cristallisation dirigée est le concept d'une matière appelée vitro-céramique [23]. La résistance de ces matériaux est importante, leur structure minimise les défauts internes et limite considérablement le développement des fissures.

Les caractéristiques physiques de l'IPS Empress permettent une précision et une adaptation cliniquement acceptables. Les couronnes montrent un joint marginal collé juxta ou supragingival, en moyenne inférieur à 50 µm selon Heinzman et al. [17] et autour de 60 µm selon Sulaiman et al. [24]. Cette bonne précision de l'adaptation marginale garantit le maintien de la santé parodontale [25]. Mais, l'intégrité marginale est davantage dépendante de l'habileté du praticien et du céramiste à réaliser un joint marginal optimum que des propriétés propres du matériau.

L'homogénéité et la cristallinité du matériau en font un produit moins abrasif pour les antagonistes. Les tests de résistance à l'abrasion ont montré que l'usure de la céramique Empress, polie ou glacée, est inférieure à celle de l'émail. L'usure cumulée de l'émail d'une dent naturelle avec la céramique antagoniste serait moins importante qu'avec une céramo-métallique classique [26] et même l'amalgame [20].

Les tests de résistance à la flexion montrent que la céramique Empress a une résistance à la flexion supérieure à 200 MPa pour un module d'élasticité de 69 GPa [20, 27]. Ces valeurs sont largement suffisantes pour répondre aux sollicitations mécaniques en bouche. Mais, elles contre-indiquent la réalisation de prothèse plurale avec ce matériau.

Les études prospectives publiées sur deux ans [28] et trois ans [11, 27, 29-31] montrent une durabilité d'un grand nombre de couronnes unitaires dans plus de 95 % des cas. Les échecs rencontrés sont, en premier lieu, des fractures des restaurations. Elles sont dues, le plus souvent, à une préparation incorrecte des dents et/ou une mauvaise maîtrise des techniques de collage. Nous conseillons également d'être prudent avec les patients bruxomanes [10] (fig. 3a, 3b, 3c et 3d).

Principes de préparation et considérations parodontales

Selon Mc Lean, la résistance à la fracture des couronnes en céramique dépend de la qualité du support, de la forme de contour du noyau en céramique et par conséquent, de la préparation [32]. Au stade de la procédure clinique, la technique de préparation revêt donc une importance capitale. Elle est fondamentalement différente de celle d'une restauration classique avec du métal dont la ductilité accepte des limites cervicales fines. Le type de préparation est fonction de la sollicitation mécanique exercée sur la céramique. Il doit permettre d'éviter les points de faiblesse en assurant au moins 1,5 mm d'épaisseur de céramique, mais aussi de limiter les zones de contraintes en évitant tout angle.

Voici quelques règles de préparation [6, 8, 10, 20, 25, 33, 34] :

- l'épaulement périphérique ne présente pas d'angle vif et affecte la forme d'un quart-de-rond ; l'angle interne est arrondi. Le congé est acceptable à condition de constituer un appui mécanique suffisant, le plus souvent juxtagingival. Mais, le choix définitif dépend de l'architecture gingivale. Lorsque la gencive est fine et festonnée dans la région antérieure, il peut être nécessaire de préparer un congé en vestibulaire et un épaulement quart-de-rond en interproximal et en palatin (fig. 4a) ;

- la hauteur de la limite de préparation en relation avec la gencive marginale se détermine comme pour une couronne conventionnelle. En général, la limite de la préparation est légèrement intrasulculaire en face vestibulaire et juxtagingivale au niveau des faces proximales et palatines. L'absence d'armature métallique et donc d'opaque va permettre de réaliser des limites cervicales juxta, voire supragingivales, sans préjudice esthétique ;

- les limites de la préparation doivent être d'une épaisseur régulière adéquate. Idéalement, on doit pouvoir obtenir une réduction homothétique aux formes de contours anatomiques de 1 à 1,5 mm sur les faces vestibulaires, palatines et proximales. La réduction occlusale doit être au minimum de 1,5 à 2 mm. Dans le cas où l'émail et la dentine seraient en quantité moindre, la restauration doit avoir suffisamment d'épaisseur pour résister aux forces de mastication, sans trop compter sur le renforcement procuré par le collage. La réduction homothétique de la dent doit permettre d'obtenir une épaisseur constante et régulière du matériau céramique et de respecter l'anatomie dentaire.

Une clé en matériau silicone de type putty peut être réalisée pour servir de guide de préparation et apprécier l'uniformité de la réduction [3, 34] ;

- les angles de la préparation doivent êtres arrondis afin d'éviter les tensions ;

- la limite cervicale de la préparation doit être bien circulaire sans dénivellation ;

- les préparations à épaulements avec un angle supérieur à 100°, les préparations à biseaux et chanfreins sont contre-indiquées ;

- les formes de préparations doivent être stabilisantes pour permettre un positionnement simple et précis [35] (fig. 4b) ;

Les erreurs de préparation les plus souvent rencontrées sont :

- réduction trop importante surtout en vestibulaire sur les dents maxillaires antérieures ;

- réduction occlusale trop profonde avec perte de rétention et de stabilité ;

- réduction palatine insuffisante sur les dents maxillaires antérieures ;

- limite cervicale de la préparation irrégulière ;

- préparation intrasulculaire trop profonde.

Cette réduction très délabrante des mono-radiculées dépulpées va presque systématiquement impliquer la réalisation de reconstitutions corono-radiculaires coulées (fig. 4c, 4d, 4e, 4f et 4g).

Des faux moignons céramisés aux tenons Cosmopost®

Le caractère foncé et opaque des tenons métalliques nuit à la propagation de la lumière et confère aux tissus durs et mous environnants un aspect sombre et grisâtre en particulier lorsque le parodonte est fin. Aussi, en raison de la translucidité de la céramique, dans la région antérieure où les dents sont peu épaisses, il convient d'optimiser l'esthétique en donnant à la reconstitution coronaire une teinte adaptée à la restauration finale.

Une première possibilité est de réaliser des reconstitutions corono-radiculaires coulées recouvertes d'une couche de céramique opaque mate et dépolie qui va réfléchir les rayons lumineux de manière uniforme dans toutes les directions [1, 6, 10, 33]. La teinte sera conforme à celle choisie sur le patient (fig. 5a, 5b, 5c, 5d et 5e). Cela améliore déjà fortement l'esthétique, mais ne supprime pas d'éventuels problèmes de corrosion et de biocompatibilité inhérents au métal. En effet, la corrosion des tenons métalliques peut conduire à des dépôts de matières dans les tissus dentaires et parodontaux. Les conséquences peuvent être des colorations des tissus durs et mous ainsi que des réactions inflammatoires de la gencive.

Une autre possibilité est de claveter une reconstitution en alumine-zircone à 50 % dans la racine des dents par des tenons calibrés soit en fibres de carbone [36], soit en oxyde de zirconium fritté [37].

Plus récemment, la société Ivoclar a commercialisé un nouveau tenon endodontique en oxyde de zirconium, le Cosmopost®. Une céramique contenant de l'oxyde de zirconium (lingotin IPS Empress Cosmo) peut être pressée et adaptée par-dessus. Cette méthode permet d'obtenir des tenons anatomiques tout en céramique et représente la solution idéale pour la reconstitution du moignon individuel sans métal des dents antérieures. Le tenon peut également être utilisé en technique directe avec du matériau composite. Dans ce cas, il est d'abord collé dans la racine, puis un composite d'obturation adapté est modelé dessus afin de donner la forme désirée à la reconstitution.

Deux diamètres de tenons sont proposés :

- 1,4 mm pour les incisives latérales maxillaires et la totalité des incisives mandibulaires ;

- 1,7 mm pour les canines et les incisives centrales maxillaires lorsque le diamètre de la partie coronaire radiculaire ou de la pulpe coronaire l'autorise.

Un foret de pénétration d'un diamètre de 1,1 mm pour éliminer l'obturation canalaire et deux forets d'un diamètre de 1,4 et 1,7 mm pour la préparation canalaire définitive sont livrés avec les tenons (fig. 6a).Aucun meulage sélectif pour rendre conique ou rétentif le tenon ne doit être réalisé sous peine de créer des zones de fragilité pouvant être à l'origine de fracture. Un sablage du tenon à l'oxyde d'aluminium est également à proscrire, les tenons étant déjà présablés. Les patients bruxomanes ou soupçonnés de l'être représentent une contre-indication.

Tout autre utilisation représente une contre-indication et compromet éventuellement la réussite du traitement endodontique. En principe, le canal est calibré à la dimension du tenon zircone qui doit s'insérer à frottement doux et l'empreinte réalisée en un seul temps entraîne avec elle le tenon. Le positionnement correct du tenon dans l'empreinte est contrôlé par une légère pression avec un instrument sur le tenon (fig. 6b, 6c, 6d et 6e).

Nous avons eu quelques problèmes de déformation avec le silicone injecté qui n'adhère pas du tout au tenon zircone. De plus, la partie du tenon émergeant hors de la racine, ne devant pas être sectionnée, gêne parfois considérablement l'insertion correcte d'un porte-empreinte. Aussi, nous conseillons de réaliser l'empreinte en technique indirecte en injectant le matériau d'empreinte directement dans les canaux sans placer le tenon Cosmopost® dans la racine [38]. Ce dernier sera replacé dans un second temps sur le modèle (fig. 7a, 7b, 7c, 7d, 7e et 7f).

La réalisation au laboratoire reste classique. Si l'empreinte est anatomique, la cire sera foulée et le tenon sera recouvert de cire. Si le canal est parfaitement calibré, alors seule la suprastructure de l'inlay-core sera réalisée en cire. Le tenon en zirconium sera toujours conservé intégralement lors de la mise en cylindre. La partie dépassant la face occlusale fixera solidement la pièce dans le revêtement, ce qui évitera le risque d'une pressée défectueuse. Elle sera sectionnée au disque diamanté après la pressée de la céramique (fig. 8a et 8b). Quelle que soit la technique choisie, une fois l'inlay-core scellé, aucune retouche n'est possible avec la céramique sans risquer de l'endommager ou de créer une exposition du métal sous-jacent dans le cadre des inlay-cores céramisés. Aussi, il est indispensable de bien enregistrer l'occlusion à ce stade et de donner au laboratoire un maximum d'informations. Celui-ci devra alors réaliser un wax-up de la ou des futures couronnes afin de s'en servir de guide pour la réalisation du ou des inlay-cores. Un guide en silicone permettra d'évaluer les épaisseurs nécessaires au matériau cosmétique.

Ces éléments peuvent êtres collés ou bien scellés à l'abri de la salive. Nous préférons de loin la solution du scellement avec un ciment verre ionomère à celle du collage. La procédure est plus simple et surtout, un éventuel démontage sera beaucoup moins problématique que si le tenon est collé.

L'empreinte des préparations

Un cordonnet rétracteur est mis en place autour de la dent préparée. Il est destiné à déplacer apicalement la gencive marginale. Une fraise à éviction gingivale (S.H.D.4) permet l'élimination de la paroi interne du sulcus. L'espace resté vacant après le passage de la fraise permet le dégagement et l'enregistrement précis des limites grâce à une collerette épaissie de matériau à empreinte. Cette opération est indispensable afin d'obtenir le profil d'émergence de la dent.

La prise d'empreinte s'effectue en deux temps par la wash-technic, le cordonnet en place. Le matériau d'empreinte est un silicone par addition. On peut préalablement badigeonner les préparations de Mercryl® (Menarini) pour accroître l'étalement du silicone et ainsi la précision de l'empreinte [6]. On réalise l'empreinte antagoniste avec un alginate de classe A pour obtenir une définition précise des surfaces occlusales et minimiser ainsi d'éventuelles retouches ultérieures (fig. 9a et 9b).

Principe de mise en œuvre de la céramique Empress au laboratoire [4, 20]

La technique de pressée du matériau est identique à la procédure de la coulée du métal, utilisant aussi la méthode de la cire perdue. La mise en œuvre est facile. Cependant, le protocole et l'exécution doivent êtres appliqués avec rigueur.

Préparation du modèle

La préparation du modèle est réalisée classiquement avec des plâtres durs, expansion 0,08 % et double pins. La fausse gencive en silicone permet d'optimiser le contour parodontal. En revanche, il est préférable de la réaliser à partir d'une empreinte secondaire, lors de l'essayage de la base, car la compression des matériaux à empreinte et les fils rétracteurs interférent sur la position naturelle de la gencive libre.

Sur le die

Un vernis espaceur de couleur neutre, beige clair par exemple, est appliqué sur les parois axiales du moignon, sans recouvrir l'épaulement, assurant ainsi un joint parfait de l'Empress aux limites de la préparation.

Wax-up

Un wax-up complet est élaboré sur le maître-modèle dans la forme et la fonction souhaitées. Une clé en silicone est réalisée pour guider la réduction de la cire en fonction des exigences chromatiques et de la structure interne de la dent à reproduire. L'épaisseur minimum de cire de la maquette ne sera jamais en dessous de 1 mm. Les cires utilisées devront brûler sans laisser de résidus.

La pressée de l'Empress

Les restaurations sont mises en cylindre avec un revêtement spécial. Après un préchauffage du cylindre et sa mise en place dans un four adapté, la céramique est pressée dans le moule. Les lingotins de céramique Empress deviennent plastiques à une température de 1 100 °C et sont poussés sous une pression d'environ 3,5 bars. Après refroidissement complet, nous procédons au démoulage des pièces. Cette étape est particulièrement délicate. Un sablage sous une pression de 4 bars en cercle rapprochés autour de la pièce permet d'isoler un petit bloc de revêtement et la céramique. L'objet est ensuite mis à jour par sablage sous pression de 2 bars, toujours avec des perles de verre de 50 à 100 µm. Après séparation du lingotin, la pièce est adaptée sur son modèle sans difficulté. On peut parfaire l'adaptation des pièces en contrôlant facilement le coefficient d'expansion du revêtement [33].

Finition de l'Empress

L'élément pressé reçoit sa forme et sa teinte finale par maquillage ou par stratification. Cette dernière technique permet d'obtenir un résultat plus esthétique et s'emploie de préférence pour les dents antérieures. En revanche, la technique de maquillage permet de conserver des propriétés mécaniques supérieures, cela au détriment de l'esthétique [39]. On la réservera donc aux dents postérieures, facettes, inlays ou onlays.

La couronne pressée est meulée jusqu'à obtenir la forme correspondant au noyau de dentine. Après sablage et nettoyage à la vapeur, une première cuisson de connexion est effectuée pour obtenir une liaison optimale entre la base et la stratification. Après la cuisson de la masse de liaison, masse neutre, les masses dentines sont déposées en fonction du schéma de la teinte. Le noyau pressé peut être coloré avant le modelage. Dans une deuxième méthode, celle que nous préférons, les colorants IPS Empress sont mélangés à la masse neutre créant ainsi une masse qu'il est possible de modifier dans sa transparence et sa saturation. Les masses dentines vont ensuite recouvrir partiellement ou totalement le noyau pressé selon les exigences chromatiques du cas. Puis, une masse incisale est déposée en prolongement de la dentine sur le bord libre et dans les angles proximaux. Cette fine couche de transition est un soutien pour le dépôt des masses transparentes. Elle élimine les fortes différences de transparence entre les masses dentines et d'émail. Du bleu mélangé au clear ou au super transparent est déposé entre les cornes, sur les faces mésiales et distales et au bord libre. Nous déposons alors, sur ce bleu transparent, du super transparent ou incisal additionné d'une masse neutre. Les cornes dentinaires sont caractérisées par les masses MM1 ou MM2 ou encore en mélangeant ces masses avec des dentines ou neutres pour modifier leur teinte et leur opacité. Une masse blanche permet d'augmenter leur luminosité. L'opacité du bord libre, résultat de la réflexion totale de la lumière, est matérialisée par un mélange dentine/blanc, voire dans certains cas MM1. Le modelage se termine par les masses transparentes et incisales. En deuxième cuisson, il est possible de souligner la réflexion de la lumière dans les zones de transition avec les masses opalescentes TI0, TS0 et le blanc. Un transparent jaune en couche fine vient augmenter la transparence du collet. Après les dernières cuissons, nous réalisons l'état de surface et le glaçage de la dent (fig. 10a, 10b, 10c, 10d, 10e et 10f).

Le collage

Avant le collage, nous préconisons d'effectuer une séance d'essayage afin de vérifier et corriger soigneusement l'ajustage du joint marginal, les points de contacts et l'occlusion [10]. L'essayage des dents vitro-céramiques doit être fait avec beaucoup de précautions. On demandera au patient de ne pas exercer de pressions excessives pendant l'essayage pour éviter de fracturer les céramiques encore non collées.

Pour apprécier la teinte et améliorer la tenue des éléments à l'essayage, l'utilisation d'un liquid-strip (coffret Variolink II de Vivadent) ou d'un silicone transparent est recommandée. De par la translucidité de la céramique, la couleur du composite de collage permet encore d'éventuelles corrections chromatiques légères. Le coffret Variolink II Vivadent contient des composites colorés transparents et opaques. Le composite transparent favorise plus la transmission de la lumière, ce qui donne davantage de profondeur lumineuse.

Les couronnes réalisées avec le procédé Empress se collent. Le collage des prothèses ne contribue pas seulement à l'esthétique, mais il est nécessaire pour la résistance à la fracture à long terme. Les études ont montré que les restaurations tout-céramique doivent être collées pour supporter une plus grande résistance aux forces de mastication [32, 40, 41].

Selon Mc Lean, 1993, la résine permet la répartition des contraintes. Le mordançage à l'acide fluorhydrique et le collage de la surface de céramique par le ciment résineux réduisent les microfissures à l'origine des fractures [32].

Le collage peut être réalisé sur dents vivantes, faux moignons composites, inlay-core en alliage, inlay-core métal céramisé ou inlay-core tout-céramique (tenon zircone). Pour les inlay-cores métalliques existants en bouche, il est préférable avant la prise d'empreinte, de les recouvrir de composite photopolymérisable opaque de la teinte des dents naturelles afin d'éliminer l'effet grisâtre de l'alliage [42].

Après essayage, la vitro-céramique doit être efficacement mordancée avec de l'acide phosphorique, par exemple. Après rinçage et séchage, l'intrados est silanisé pendant 1 mn et séché à l'air [10, 28]. Le silane permettra à l'adhésif d'adhérer à la céramique. Le conditionnement de surface peut aussi s'effectuer sans silanisation, uniquement par sablage à l'oxyde d'alumine.

En ce qui concerne la préparation, le collage s'effectue de façon classique à l'abri de la salive. Après mordançage à l'acide phosphorique à 37 %, pendant 30 à 40 secondes, rinçage et séchage, un adhésif amélo-dentinaire est déposé sur la préparation. Le composite de collage utilisé est un composite relativement fluide à la fois auto- et photopolymérisable.

Après polymérisation, les excédents sont retirés, puis l'occlusion est ajustée, le polissage des retouches au silicone terminera la pose. Du fait de la fluidité et de la relative translucidité de ces résines de collage, les excès restés dans le sulcus gingival sont parfois difficiles à détecter et à éliminer. Aussi, comme Fradeani et Barducci, nous recommandons de placer un fil de rétraction gingivale intrasulculaire pendant la phase du collage afin de faciliter la visualisation et l'élimination des excès de résine [10].

Le scellement aux ciments verres-ionomères, plus perméables à la lumière que les ciments aux phosphates, a déjà été proposé dans la littérature [6, 20]. Même si l'opération clinique est sans aucun doute moins complexe, nous ne la conseillons pas. En effet, les études montrent que le collage influence directement les propriétés mécaniques dont la résistance à la fracture du matériau [11, 31] (fig. 11a, 11b, 11c, 11d, 11e, 11f, 11g, 11h et 11i).

Conclusion

Les nouvelles exigences esthétiques contemporaines ont généré l'introduction sur le marché de nouvelles céramiques qui permettent la réalisation de couronnes, d'inlays, d'onlays et de facettes sans armature métallique. Parmi celles-ci, une nouvelle céramique renforcée avec de la leucite, l'IPS Empress semble associer à la fois la biocompatibilité, l'esthétique, la fonctionnalité et une bonne adaptation marginale. La céramique Empress est une alternative de choix, surtout dans la région antérieure, lorsque les procédures de préparations et de collage sont soigneusement conduites.

Le résultat esthétique des dents antérieures dépulpées et reconstituées va être optimisé par l'utilisation d'inlay-cores en métal céramisé ou tout-céramique. On peut ainsi aboutir dans ce dernier cas, à la réalisation d'un ensemble homogène tout-céramique, parfaitement biologique et très esthétique. À l'heure où la polémique sur l'utilisation de l'amalgame et plus largement des métaux en bouche est d'actualité, voilà un système bien prometteur.

Afin d'augmenter les indications, le système vient récemment d'évoluer vers une vitro-céramique plus résistante, l'Empress II, qui permet la réalisation de petits bridges de trois éléments. De plus, les prothèses réalisées avec ce nouveau procédé ont l'avantage de pouvoir être scellées, ce qui simplifie grandement la procédure clinique.

Remerciements Nous tenons à remercier le Dr Jean-Pierre Albouy pour ses conseils dans la rédaction de cet article.

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