Couronne provisoire - Cahiers de Prothèse n° 115 du 01/09/2001
 

Les cahiers de prothèse n° 115 du 01/09/2001

 

Prothèse fixée

Pierre Farré *   Jean-Jacques Guyonnet **   Patrick Girard ***  


* Chargé de cours
** Professeur
*** Attaché
UFR d'odontologie
3, chemin des Maraîchers
31400 Toulouse

Résumé

La technique d'iso-moulage permet une réalisation simple, rapide et peu coûteuse de coiffes provisoires, tout en respectant les critères exigés de fonctionnalité et d'esthétique. Elle passe par la réalisation d'un bilame, constitué d'une feuille de cire et d'une feuille d'étain de 30 mm × 40 mm collées à chaud l'une à l'autre. L'ensemble, ramolli par une source de chaleur, est mis en bouche en regard de la dent à reconstituer, les arcades sont mises en occlusion et l'ensemble est déposé dès son refroidissement. La dent est préparée selon les méthodes courantes. La résine chémopolymérisable est mise en place dans l'intrados de l'iso-moulage qui est repositionné en bouche en regard de la préparation, les arcades étant à nouveau mises en occlusion. Après polymérisation, la coiffe est séparée de l'iso-moulage ; elle est ébarbée, polie et scellée provisoirement. Aucune correction occlusale ne sera nécessaire.

Summary

Provisional crown: an original technique of self-impression in occlusion

Provisional crown making is a real therapeutic step in prosthodontic rehabilitation. This self-impression in occlusion (SIO), despite being a simple, quick and low cost temporary crown making method, provides aesthetic and functional results. As a first step, a “ sandwich ” is made by heat assembling a 30 × 40 mm sheet of modelling wax with a tin sheet of the same size. The sandwich is softened by heating and placed over the tooth before the preparation. The patient is asked to “ bite on both sides ” and then to open his mouth. The two remaining wax flaps are pressed manually against the buccal and labial aspects of the teeth. After cooling, the SIO is removed from the mouth, and the tooth is prepared in a conventional manner. Self-curing resin is poured into the SIO, which is replaced into the mouth. The patient is asked again to “ bite on both sides ” and stay in occlusion. The moulded crown is removed before complete curing, and the final polymerisation is achieved out of the mouth. After trimming, the provisional crown is ready to be sealed. No occlusal correction will be needed.

Key words

occlusion, self-impression, temporary crowns

La prothèse provisoire est un acte thérapeutique à part entière. Quelle que soit la technique utilisée, ces prothèses doivent préfigurer les reconstitutions définitives sur les plans esthétique et fonctionnel. Leur réalisation doit être facile, rapide, simple et efficace, tout en répondant aux exigences cliniques. La technique originale proposée répond à ces exigences.

Indications des prothèses provisoires

Rôle esthétique

La prothèse provisoire redonne aux dents préparées une forme anatomique. Elle permet de préfigurer le résultat final et surtout, permet de ne pas entraver la vie socioprofessionnelle du patient durant la phase de réalisation de la prothèse définitive.

Rôle fonctionnel

Occlusion

La prothèse provisoire rétablit les contacts en intercuspidie maximale, la fonction canine ou le guide antérieur en dynamique et s'inscrit dans les déterminants antérieurs et/ou postérieurs de l'occlusion. Elle permet de préserver la hauteur prothétique utilisable.

Contention

Elle joue un rôle de contention dans un traitement parodontal ou orthodontique en évitant les éventuelles migrations.

Protection de la dent pulpée

Elle assure la protection du complexe pulpo-dentinaire.

Protection du parodonte

En assurant les contacts proximaux, elle permet la protection de la papille gingivale.

Déflection gingivale

Elle favorise l'accès aux limites cervicales, facilitant de ce fait la prise d'empreinte.

Les techniques habituelles

Méthode directe

Iso-moulage

L'anatomie de la dent à préparer est enregistrée en réalisant une empreinte aux hydrocolloïdes ou aux silicones.

• Avantages : c'est une technique facile à mettre en œuvre. L'anatomie de la prothèse provisoire est identique à celle de la dent à préparer. Elle est applicable à la réalisation de couronnes et bridges provisoires et, dans le cas des silicones, l'empreinte peut être conservée.

• Inconvénients : coût relativement élevé des matériaux, difficulté à repositionner le porte-empreinte en bouche entraînant quasi systématiquement une surocclusion.

« Block Technique »

Cette technique consiste à réaliser une prothèse provisoire à partir d'une boulette de résine chémopolymérisable sculptée directement en bouche.

• Inconvénient : elle est difficile à mettre en œuvre et peu rapide, car elle nécessite un certain nombre de rebasages et un long dégrossissage. Elle n'est réservée qu'à des prothèses provisoires de faible étendue.

Moules et couronnes préfabriqués type ion (3M)* ou moules Odus* (Palla)

L'avantage principal de ces moules est de permettre la réalisation de prothèses provisoires esthétiques. En contrepartie, ils n'autorisent pas la réalisation de reconstitutions plurales, donnent une morphologie « standard » et le coût de la technique est élevé.

Méthode indirecte

Prothèses provisoires réalisées au laboratoire

• Avantages : elles peuvent être réalisées en résine thermo-ou photopolymérisable. Il est possible d'armer les reconstitutions plurales à l'aide de fibres de type Kevlar ou d'armatures métalliques, et la teinte peut correspondre exactement à la teinte des dents naturelles.

• Inconvénients : le coût et le délai d'attente. Ce dernier peut être supprimé en réalisant une première empreinte avec la ou les dents intactes, une ébauche de préparation étant réalisée au laboratoire sur le moulage en plâtre et la prothèse provisoire étant réadaptée en bouche par apports de résine chémopolymérisable.

Matériel et méthode pour la technique d'iso-moulage en occlusion

Matériel

Le matériel utilisé est le suivant :

- une feuille de cire rose à modeler type Anutex ;

- une feuille d'étain ou de plomb (de radiographie argentique, par exemple);

- un couteau à cire ;

- une lampe à alcool ;

- de la résine chémopolymérisable et un godet Dappen.

Méthode

Pour une coiffe unitaire

• Réalisation de l'empreinte (fig. 1 et 2)

Dans un premier temps, la feuille de cire est découpée aux dimensions de la feuille d'étain (30 mm × 40 mm). L'ensemble est porté à la flamme pour solidariser les deux surfaces. Ce travail de préparation peut être réalisé extemporanément et réchauffé à la flamme ou dans un bain thermostaté avant la mise en bouche.

La dent est coiffée avec l'ensemble ainsi obtenu, la feuille d'étain étant située en regard de l'arcade antagoniste. Les bords sont rabattus de part et d'autre de la portion d'arcade. Le patient est prié de serrer les dents « des deux côtés à la fois », ce qui a pour effet d'écraser l'« iso-empreinte » et d'enregistrer l'occlusion statique. Sous l'effet de la pression, les bords se relèvent.

Le patient ouvre la bouche et les bords sont fortement rabattus contre les faces vestibulaires et linguales des dents (fig. 3).

Pour faciliter le repositionnement, un repère peut être tracé au crayon gras sur la face vestibulaire de la dent mésiale au niveau du bord de la feuille d'étain (fig. 4). Après quelques secondes, la cire a durci et l'ensemble cire/feuille d'étain peut être retiré. Cette empreinte à la cire, soutenue grâce à l'étain, est mise de côté.

Remarque : Si la dent à préparer est délabrée, il est possible :

- soit de la reconstituer sommairement au préalable avec un ciment à prise rapide, en veillant à ce qu'elle ne soit pas en surocclusion ;

- soit de remodeler l'intrados de l'empreinte, en l'évidant avec une spatule à bouche. Cet évidement devra respecter l'épaisseur de la feuille d'étain, que l'on pourra éventuellement repousser depuis l'intérieur pour assurer l'occlusion de la future prothèse provisoire (fig. 2 et 5).

• Préparation corono-périphérique (fig. 6)

La ou les dents concernées par les reconstitutions fixées sont préparées selon les critères habituels.

• Réalisation de la coiffe provisoire Cette coiffe est réalisée en résine chémopolymérisable (type TAB 2000® de Kerr). Cette résine est déposée dans l'empreinte en regard de la ou des dents concernées (fig. 7).

Remarque : veiller à isoler la surface de la préparation et les dents adjacentes à la vaseline, en présence éventuelle de ciment résineux ou composite.

L'empreinte est repositionnée en bouche et le patient est prié de « serrer les dents à nouveau des deux côtés à la fois », puis d'ouvrir la bouche : une pression digitale est exercée vestibulairement et lingualement avec le pouce et l'index. Le patient peut ensuite refermer la bouche sans pour autant que le moule s'écarte.

Avant polymérisation complète, pendant la phase plastique, l'empreinte est désinsérée et on vérifie que la résine est bien appliquée contre la cire. La polymérisation complète s'effectue hors de la cavité buccale (fig. 8).

Il est préférable d'utiliser un bain thermostaté à 30 °C pour terminer cette polymérisation et séparer la cire de la couronne provisoire (fig. 9). La coiffe ainsi obtenue est ébarbée et polie. Le détourage se trouve facilité par le repérage au crayon des limites cervicales et des contacts proximaux (fig. 10 et 11).

Nous pouvons ensuite la sceller avec un ciment provisoire (fig. 12).

Remarque : Comme pour toutes les réalisations de coiffes provisoires, l'adaptation de la prothèse provisoire aux limites de la préparation est meilleure si l'on prend soin d'évider l'intrados de la prothèse sur tout son ensemble avec une fraise boule, en se tenant à 1 mm des limites de la prothèse provisoire (fig. 13).

Pour la réalisation d'un pont provisoire

Cette méthode est applicable à toutes les dents et à la réalisation de petites prothèses plurales. La technique utilisée est identique dans tous les cas.

L'édentement concerné par la réalisation d'un pont provisoire peut être comblé avec une boulette de cire à modeler dont le diamètre mésio-distal est légèrement supérieur à celui de l'édentement. L'adaptation occlusale est réalisée par simple serrage des dents sur la cire encore molle. La salive se déposant sur la boule de cire, crée un film protecteur qui permet d'éviter sa liaison avec la feuille de cire.

Discussion

La plupart des techniques connues pour la réalisation des prothèses provisoires demandent un réglage en bouche de la face occlusale qui, si l'on ne veut pas aboutir à une surocclusion ou à une sous-occlusion, s'avère relativement long à réaliser. Pour éviter cet écueil, cette méthode procure une occlusion correcte sans aucune retouche, grâce au repositionnement sous pression occlusale.

En plus de cet avantage, la mise en œuvre fait appel à des matériaux moins onéreux, et s'avère à l'usage nettement plus rapide que les autres techniques classiquement décrites.

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