Endodontie
Sam Aryanpour * Joseph Sabbagh ** Jean-Pierre Van Nieuwenhuysen ***
*
assistant spécialiste
**
assistant spécialiste
***
professeur
École de médecine dentaire et de stomatologie
Université catholique de Louvain
Service de pathologie et thérapeutiques dentaires
Cliniques universitaires Saint-Luc
15, avenue Hippocrate
1200 Bruxelles, Belgique
Les différentes évaluations des taux de succès et d'échec des traitements endodontiques montrent des résultats très variables. Le succès à long terme d'un traitement endodontique dépend de différents facteurs liés au patient, au praticien et à la situation clinique initiale. Certains problèmes préexistants (résorptions, présence et taille de la lésion, etc.) ou susceptibles de survenir en cours de traitement (perforations, stripping, zipping, fracture d'instruments, etc.) peuvent compliquer la procédure et influencer le pronostic. Ultérieurement, la percolation coronaire pourrait également entraîner un échec du traitement. Cet article analyse ces différents facteurs et présente les données actuelles concernant le sujet. Un bon diagnostic préopératoire, la mise en œuvre d'un traitement canalaire selon des règles strictes ainsi qu'une restauration coronaire adéquate sont les seuls garants du succès d'un traitement à long terme.
Several studies have assessed the success rates of endodontic treatment. Comparison among these studies shows wide variations in their outcome. The long term success of a root canal treatment depends on various factors related to the patient, the operator, the quality of the root canal treatment and the initial clinical situation. In fact, preoperative problems such as resorptions, presence and size of the periapical lesion may influence the outcome of root canal treatment. Procedural errors, occuring during the root canal treatment, (perforations, stripping, ledging and separated instrument) can complicate the procedure and necessitate the coordination with specialists. Later on, coronal leakage could lead to failure if the restoration is not performed adequately. Some authors showed that leakage can occur from the apical region as well as the coronal part. This paper describes different contributing factors and presents a recent review of the literature related to the topic. A well established diagnosis, a root canal treatment achieved according to strict clinical standards, and an adequate coronal restoration warrant the long term success of a treatment.
Traditionnellement, il est répété que le taux de succès des traitements endodontiques oscille entre 90 et 95 %. L'analyse de la littérature montre des résultats moins optimistes et largement divergents puisqu'ils se situent entre 53 et 95 %. Dans la réalité, chaque cas devrait être évalué individuellement par rapport à une probabilité de succès.
Peut-on raisonnablement prédire l'évolution des traitements endodontiques ? Un grand nombre d'études ont été publiées sur ce sujet et reposent sur l'analyse des effets de nombreux facteurs dont la multiplicité rend l'interprétation des résultats difficile : les biais d'observation et d'interprétation radiographique, les variables confondantes, la compliance des patients vis-à-vis des rappels, la subjectivité des réponses de ces mêmes patients, la variabilité des méthodes d'évaluation, le degré de contrôle de variables comme la taille de l'échantillon et la période d'observation sont les principaux écueils à une estimation rationnelle du pronostic. Le pronostic peut varier au cours du temps et une évolution au départ favorable peut se voir compromise à plus long terme : il est logiquement impossible de conclure à la certitude de la guérison et un échec peut survenir à n'importe quel moment. Le pronostic peut être présenté de deux façons au patient : la première approche est d'évoquer une issue favorable, douteuse (ou réservée) ou défavorable ; la seconde est de traduire l'évolution du traitement en termes de pourcentage de succès et d'échec. Si elle peut paraître plus concrète aux yeux des patients, cette seconde approche n'en reste pas moins discutable : en effet, comment chiffrer par un pourcentage précis le taux de réussite ou d'échec ? Enfin, il faut tenir compte de la variabilité biologique individuelle et tout patient peut être hors de la norme statistique établie.
Les objectifs d'un traitement endodontique sont :
- l'élimination et la neutralisation la plus complète possible des substances organiques (débris tissulaires, bactéries, toxines et produits de l'inflammation) contenues dans le système canalaire ;
- la mise en forme des canaux principaux en respectant leurs morphologies (anatomies) originelles ainsi que les tissus périapicaux ;
- l'obturation tridimensionnelle, hermétique et durable (à l'aide d'un matériau neutre, du système canalaire pour éviter toute recontamination bactérienne [1]).
En effet, le rôle des bactéries présentes au sein des canaux dans l'apparition et le développement des lésions péri-apicales est bien établi [2-4].
Selon Seltzer [5], il n'y a pas de définition précise pour évaluer le succès et l'échec d'un traitement endodontique. Une évaluation fondée uniquement sur un contrôle radiologique ne semble pas fiable car :
- une lésion apicale ne peut être détectée sur une radiographie que lorsque la déminéralisation a atteint une certaine importance, c'est-à-dire une perte osseuse de plus de 7,1 % associée à une perforation de la corticale [6] ;
- il existe d'importantes variations inter et intra-observateurs lors de lectures de différentes radiographies [7-9] ;
- de plus, les différentes études qui traitent de ce sujet présentent une telle variété de critères d'évaluation qu'il est impossible de les comparer tant qu'une standardisation de ces critères n'est pas établie [10].
Les différentes études font apparaître des avis contradictoires. Pour certains, une dent sans symptôme douloureux et clinique est considérée comme un succès, même si le résultat radiographique n'est pas satisfaisant. Pour d'autres, en plus de l'absence de symptômes cliniques, il est essentiel d'obtenir une image radiographique de guérison osseuse complète.
La période de contrôle, c'est-à-dire le facteur « temps écoulé » depuis le traitement, se révèle être un critère déterminant pour diagnostiquer et classer les cas selon leur résultat.
En 1994, la ESE (European Society of Endodontology) a précisé dans un rapport de consensus les recommandations à propos de la qualité des traitements endodontiques [11]. La classification des résultats comprend trois situations possibles : le succès, l'échec, l'absence d'évolution où s'inscrivent les cas incertains. Comme proposé par Reit [12], une première évaluation est conseillée un an après l'obturation.
Les signes cliniques suivants indiquent le succès : absence de gonflement, de douleur et d'autres symptômes cliniques, pas de fistule, pas de perte de fonction de la dent et mise en évidence radiologique d'un espace desmodontal normal autour de la dent.
Si les radiographies montrent que la lésion apicale a gardé la même dimension ou a peu diminué de volume, le traitement ne peut pas être considéré comme un succès. Dans cette situation, une période de surveillance de 4 ans est conseillée. Si, après cette période, une réparation complète n'est pas obtenue, le traitement sera considéré comme un échec.
Le traitement sera considéré comme un échec lorsque :
- une lésion apparaît après le traitement canalaire ;
- la lésion préexistante augmente de volume ;
- la lésion persiste au même volume ou diminue mais ne disparaît pas pendant cette période de 4 ans ;
- il y a persistance de symptômes et/ou de signes cliniques. Lorsqu'il y a contradiction entre l'évaluation radiologique et les signes cliniques, l'évaluation clinique prime ;
- les signes de résorption apicale, d'hypercémentose ou de condensation osseuse apparaissent ou persistent.
En présence d'un ou de plusieurs signes, il est conseillé de réintervenir soit par un traitement conventionnel, soit par un traitement de type chirurgical, soit par l'extraction. Il y a cependant des exceptions. Une lésion importante peut, après guérison, laisser une image radiologique d'espace ligamentaire élargi localisé. Cette image radiologique peut être considérée comme une image cicatricielle et non comme une image de lésion persistante. Dans ce cas, la période de contrôle sera allongée.
Certains facteurs peuvent conduire à un échec de traitement considéré au départ comme une réussite lors des différents contrôles. Ce sont :
- les caries secondaires conduisant à une percolation coronaire ;
- les caries atteignant la racine, voire même la furcation ;
- les fractures et perforations radiculaires.
Le rapport de consensus publié par la European Society of Endodontology [11] et Reit [12] proposent de respecter une période de contrôle de 4 ans après le traitement. Pour d'autres, une période de 5 ans et plus s'avère nécessaire pour diagnostiquer un succès ou un échec [10, 13, 14]. En effet, Strindberg [15] observe que, pour certaines lésions, un suivi allant de 7 à 9 ans après le traitement canalaire est nécessaire avant de constater leur disparition complète.
Une période d'observation de 4 ou 5 ans paraît indiquée. Mais il est difficilement possible de déterminer une période fixe pour conclure à un succès car les facteurs extérieurs et les changements de l'environnement de l'obturation peuvent transformer à chaque moment un succès en échec et ceci des années après le traitement [14, 16].
Quand une lésion radioclaire est visible avant un traitement, l'image de guérison ne se traduit pas nécessairement par une reformation de l'os. La formation d'un tissu fibreux dense peut être le résultat d'une bonne cicatrisation sans que l'image radiologique ne révèle une reformation osseuse [10, 17].
Plusieurs études dans le domaine dentaire ont tenté d'évaluer le taux de réussite des traitements canalaires. Leurs résultats montrent des taux de succès et d'échec très variables.
Réalisés suivant les « règles de l'art », les traitements endodontiques présentent un taux de réussite particulièrement élevé et supérieur à 90 %. Les dentistes considèrent habituellement que les traitements endodontiques sont fastidieux et complexes techniquement ; les études épidémiologiques confirment la médiocre qualité de ces traitements. En effet, dans la littérature, deux types d'études sont proposés pour réaliser cette évaluation : les études dites contrôlées et les études épidémiologiques.
Elles évaluent à un moment précis, à partir d'échantillons de population diverse, l'état des dents endodontiquement traitées, ceci sans connaître le praticien, ni les conditions dans lesquelles le traitement a été effectué. Ces études épidémiologiques évaluant les traitements canalaires en omnipratique montrent un taux d'échec allant de 33 à 60 %. L'évaluation radiographique de la qualité de l'obturation aboutit à un taux de traitement jugé insuffisant variant de 40 à 70 %. Plusieurs auteurs ont constaté qu'un traitement endodontique insuffisant est en corrélation directe avec la présence d'une pathologie apicale [10-28].
Pour la majorité de ces auteurs, le pourcentage de présence de lésions apicales est significativement supérieur sur des dents obturées endodontiquement par rapport à celui des dents non traitées.
Elles suivent l'évolution de plusieurs dents traitées pendant une période de contrôle déterminée. Elles sont le plus souvent traitées par le même praticien et dans des conditions constantes. Une revue bibliographique des études longitudinales réalisées entre 1956 [15] et 1996 [29], fondée sur 24 études effectuées en Europe et aux États-Unis, montre un taux de succès de 53 à 95 %. Les variations importantes constatées dans les résultats de cette comparaison résultent du manque de standardisation des critères de diagnostic de succès ou d'échec.
La comparaison des résultats de ces deux types d'études permet de tirer plusieurs conclusions :
- il y a une grande différence entre les taux de réussite exprimés dans les études contrôlées (de l'ordre de 90 %) et les taux de lésions observés dans les études épidémiologiques (de l'ordre de 40 %) ;
- les études épidémiologiques mettent en évidence la nécessité d'améliorer la qualité des traitements canalaires réalisés dans la pratique quotidienne, et ce dans un contexte où les besoins en traitements endodontiques vont croissant parmi les populations examinées ;
- il n'y a pas de consensus en ce qui concerne les critères d'évaluation des résultats d'un traitement endodontique. De nombreux facteurs influencent le résultat d'un traitement canalaire.
Comme cela a été précisé plus haut, les études épidémiologiques évaluent les besoins de retraitement entre 33 [30] et 75 % [22] des dents traitées. Elles montrent aussi que les réactions apicales sont plus fréquemment présentes sur les dents traitées endodontiquement que sur les dents non traitées [20, 24, 26].
Étonnamment et contrairement aux idées reçues, les taux de succès des retraitements restent assez élevés, entre 89 [31] et 98 % [13]. Mais, comme vu précédemment, la présence d'une réaction apicale avant le traitement initial ou avant une reprise de traitement canalaire diminue le taux de succès.
Selon Sjögren et al. [13], le taux de succès lors de la reprise de traitement est de 98 % en l'absence de lésion et de 62 % en présence de lésion.
La complexité anatomique du système canalaire n'influence pas directement le taux de succès du traitement. Elle peut cependant en rendre les différentes étapes plus compliquées (fig. 1) et induire des erreurs opératoires (perforations et fractures d'instruments) ou une mauvaise obturation, celles-ci pouvant diminuer les chances de réussite [32].
Strindberg [15] montre que les traitements effectués sur les dents dépulpées triradiculées ont un taux de succès plus élevé que sur les dents biradiculées ; il en est de même pour les biradiculées par rapport aux monoradiculées. L'idée, développée par certains, qui considère que les traitements effectués sur les dents postérieures aboutissent à un meilleur taux de réussite que ceux effectués sur les antérieures, est inexplicable.
En ce qui concerne le nombre de racines, l'interprétation des résultats des études pourrait être influencée par l'incorporation de dents pluriradiculées, d'une part, en raison de la difficulté à les traiter et, d'autre part, en raison du nombre de racines. Lorsque l'unité est définie par la dent, c'est la situation de la racine la plus « malade » qui est enregistrée : le risque d'échec est donc multiplié pour les dents pluriradiculées. Lorsque l'unité est définie par la racine, l'influence des pluriradiculées dans la totalité de l'échantillon est majorée.
En effet, le fait de soigner une dent antérieure d'accès facile, présentant un canal large et souvent rectiligne, devrait, en principe, aider le praticien à obtenir un traitement plus favorable.
En revanche, les études effectuées par Kerekes et Tronstad [33], Smith et al. [14], Gutmann et Pitt Ford 34 et Saunders et al. [28] véhiculent la thèse qu'il n'y a pas de différence entre les taux de réussite des traitements des dents antérieures et postérieures, ou des dents mono-et pluriradiculées. Friedman et al. [35] estiment, quant à eux, que la localisation de la dent ne joue aucun rôle dans les résultats, tout en constatant néanmoins un taux moindre d'échec pour les traitements de monocanalaires. Pour ces auteurs, les traitements de pluriradiculées présentent plus de chances d'entraîner un échec étant donné le nombre plus élevé de canaux.
Smith et al. [14] ont enregistré un nombre d'échecs plus important au niveau mandibulaire droit, probablement en rapport avec un nombre de sous-obturations deux fois plus élevé dans cette région. Cette constatation pourrait s'expliquer par le fait que les praticiens, en majorité droitiers, ont un accès, une visibilité et une facilité technique moindres pour traiter cette région.
Selon Ingle et al. [32], la sélection de cas influence le taux de réussite des traitements endodontiques. La revue de la littérature fait apparaître des critères de sélection très différents. Dans certaines études, ces critères sont assez sévères et excluent dès le départ les dents avec un mauvais pronostic initial, ce qui diminue le taux d'échec potentiel [36]. D'autres auteurs [35], au contraire, incluent toutes les dents, même celles présentant une situation clinique défavorable (problèmes parodontaux, erreurs iatrogènes, instruments fracturés, calcifications, etc.). Les figures 2 et 3 illustrent une erreur de diagnostic.
Pour plusieurs auteurs, l'existence de lésions péri-apicales avant le traitement semble influencer fortement le pronostic des traitements endodontiques. En effet, les résultats de ces études montrent que, en présence d'une lésion préopératoire, le taux d'échec est significativement plus élevé qu'en l'absence de celle-ci [14, 15, 32, 33, 35, 37].
Pour Sjögren et al. [13], ce taux de succès moins élevé résulte en partie des contrôles radiographiques réalisés en général à court terme, bien avant guérison complète de la lésion péri-apicale. En effet, ces derniers estiment que le pronostic du traitement d'une dent nécrosée présentant une lésion péri-apicale est aussi bon que celui d'une dent vivante lorsqu'il est possible d'instrumenter et d'obturer les canaux à un niveau apical correct. Cette différence de taux de succès s'observe néanmoins aussi dans certaines études à plus long terme [15, 29, 31].
Le résultat plus aléatoire du traitement des dents présentant une parodontite apicale reflète la différence entre la prévention et le traitement d'une lésion installée dont la guérison dépend du potentiel de réparation des tissus.
Le même type de désaccord est constaté lors de comparaison des taux de succès des traitements canalaires en fonction du volume de la lésion préopératoire. Certaines études ne trouvent aucune différence significative (fig. 4 et 5) du taux de succès entre les lésions dépassant 5 mm de diamètre et les lésions inférieures à 5 mm [13, 38]. D'autres études indiquent un meilleur pronostic pour les lésions de moins de 5 mm [15, 39, 40]. L'association de lésions importantes et d'une courte période d'observation peut expliquer de tels résultats. En effet, il ne faut pas oublier que la vitesse et le schéma de guérison d'une réaction apicale dépendent, d'une part, de son volume initial et, d'autre part, de la période d'observation [10, 14].
La plupart des études montrent qu'il n'y a pas de différence de pronostic entre une pulpe vivante et une pulpe nécrosée sans lésion péri-apicale. Pour d'autres, un taux plus élevé est enregistré pour les dents vivantes. Pour Smith et al. [14], le taux de succès parmi les dents vivantes est significativement plus élevé (6,25 %) que celui enregistré parmi les dents nécrosées. Dans le groupe des dents nécrosées, c'est essentiellement la présence de lésions apicales qui différencie les évolutions respectives des dents vivantes et nécrosées : le pronostic des dents nécrosées sans atteintes péri-apicales n'est pas significativement différent de celui des dents pulpées. Il faut noter d'un point de vue clinique que, globalement, le taux de réussite est élevé et que, si la différence est statistiquement significative, les implications cliniques restent à démontrer.
Les résultats en rapport avec la symptomatologie initiale sont contradictoires. Pour Sjögren et al. [13], le taux d'échec ne semble pas être influencé par la présence d'un abcès apical aigu ou l'existence d'un réchauffement pendant le traitement. Pour Pekruhn [41], en présence de douleurs préopératoires et/ou opératoires, le taux de succès diminue.
Le mauvais état parodontal et l'occlusion peuvent influencer le taux d'échec mais de façon indirecte. Ils sont en effet considérés comme des erreurs de sélection de cas.
Les traitements des lésions péri-apicales en rapport avec des lésions parodontales associées non détectées et/ou non traitées peuvent échouer, suite cette fois à une erreur de diagnostic. Pour Sjögren et al. [13], l'état parodontal, plus particulièrement le fait d'avoir des poches parodontales profondes, n'influence pas le taux de succès d'un traitement canalaire. En cas de lésion parodontale combinée, le pronostic est d'autant plus favorable que l'implication endodontique est prédominante (fig. 6 et 7).
Une surocclusion peut être une source d'agression constante ralentissant le processus de guérison [32, 34, 42].
Certains auteurs [13, 32-34] estiment que l'âge n'intervient pas dans le taux de succès. Friedman et al. [35], quant à eux, considèrent l'âge du patient comme un facteur non significatif. En revanche, Seltzer et al. [43] et Grossman et al. [44] ont constaté que la guérison était meilleure chez les sujets plus jeunes. À l'opposé de cette thèse, Harty et al. [36] et Smith et al. [14] considèrent que le succès est plus élevé chez les personnes âgées.
Ces divergences de constatations pourraient résulter de la sélection des cas analysés.
Chez un jeune patient, le choix de l'extraction est moins fréquent que chez une personne plus âgée. Le praticien se lancera donc plus volontiers dans un traitement canalaire, même si le résultat peut paraître plus hasardeux, et ce pour éviter l'extraction. Chez des personnes âgées, la présence de calcifications, rendant les traitements canalaires plus complexes, pourrait induire plus de décisions d'extraction.
De nombreux articles montrent que les femmes se prêtent plus facilement aux soins dentaires mais aucune influence n'est détectée dans les taux de succès.
Smith et al. [14] constatent que le taux de réussite dans les traitements endodontiques chez l'homme est plus important que chez la femme sans pouvoir justifier cette différence. En revanche, Swartz et al. [45] trouvent un meilleur taux de succès pour les femmes. Sjögren et al. [13] et Friedman et al. [35] considèrent le facteur sexe comme un facteur non significatif.
Cet élément ne semble pas jouer un rôle significatif [15, 46] dans le succès ou l'échec du traitement endodontique. Ni une maladie, ni des conditions systémiques spécifiques ne semblent retarder ou diminuer la guérison ou précipiter l'échec.
La présence, la persistance et l'introduction de bactéries et de leurs produits dans le système canalaire et les tissus péri-apicaux sont une des causes principales d'échec en endodontie [13, 37, 47].
Si certains auteurs font la distinction entre l'étendue en direction apicale de la préparation canalaire et celle de l'obturation, la plupart d'entre eux ne considèrent que l'extension de l'obturation canalaire.
Kerekes et Tronstad [33] obtiennent des taux de succès de 82 à 91 % en standardisant leur longueur de travail, de préparation et d'obturation :
- dents vivantes : 1-3 mm de l'apex radiographique ;
- dents nécrosées : 0-1 mm de l'apex radiographique.
Sjögren et al. [13] constatent, en présence d'une réaction apicale préalable au traitement, un taux de 90 % de succès lorsque le canal est instrumenté à 1 mm de l'apex radiologique, le taux diminuant à 69 % lorsque la longueur de travail est plus courte (> 2 mm de l'apex radiologique). Cette diminution de taux de succès semble être liée à l'impossibilité de nettoyer et de débrider correctement la partie inaccessible du canal.
La surinstrumentation peut, dans le sens vertical, éliminer le stop apical et, en agressant le péri-apex en poussant les débris canalaires et bactéries au-delà de l'apex, ralentir ou freiner le processus de guérison et provoquer des douleurs postopératoires [13, 39, 47-49]. Pour Ingle [32], 3,8 % des échecs constatés dans son étude sont causés par des sur-préparations.
Du point de vue clinique, il est difficile de mesurer et de dissocier les conséquences d'une mauvaise longueur de préparation et d'une mauvaise longueur d'obturation lors d'un traitement canalaire. Pour cette raison, c'est souvent l'extension de l'obturation canalaire, visible radiographiquement, qui peut servir de paramètre de référence pour l'étude de l'influence de la longueur de travail sur le résultat d'un traitement endodontique.
Un des objectifs mécaniques décrit par Schilder [1], dans son concept de « cleaning and shaping », est de garder le foramen le plus petit possible. Les résultats de l'étude de Strindberg [15] confirment cette théorie et montrent que l'augmentation du diamètre de préparation apicale diminue le taux de réussite.
L'étude de Kerekes et Tronstad [33] montre des résultats assez comparables pour des préparations apicales à des diamètres de 20 à 40 et de 45 à 100. L'élargissement de l'extrémité apicale doit tenir compte de deux éléments :
- l'envahissement des tubulis dentinaires par les bactéries intracanalaires jusqu'à une profondeur de 150-250 microns où elles pourraient être protégées de l'action des irrigants et des médicaments canalaires ;
- le risque de déplacement de l'extrémité apicale à cause d'une préparation trop mutilante.
Landers et Calhoun [50], lors d'une enquête réalisée aux États-Unis auprès des responsables de programmes de post-graduate en endodontie, ont constaté que les enseignants estiment égales les chances de réussite pour les deux méthodes de travail, en une ou plusieurs séances. Kerekes et Tronstad [33] ne révèlent, quant à eux, aucune différence significative entre les résultats obtenus dans le cadre des traitements canalaires réalisés en une ou plusieurs séances.
Oliet [51] et Pekruhn [41] évaluent respectivement à 11 et 5,2 % le taux d'échec constaté pour un traitement en une séance, ce qui s'avère être comparable au taux d'échec des études citées plus haut relatant les résultats obtenus dans les traitements en plusieurs séances.
La crainte de réchauffement et de douleurs lors d'un rendez-vous unique peut être à l'origine du fait que les praticiens préfèrent des traitements en plusieurs séances. Trope [52] fait état d'un taux de douleur et réchauffement de 0 % avec des traitements en une séance sur des dents ne présentant pas de réaction apicale. Toutefois, ce même auteur parle de 13,6 % de cas de réchauffement lors de la reprise de traitement suite à l'échec du traitement initial associé à une réaction apicale. La présence de douleurs et réchauffement pendant les séances intermédiaires n'influence pas le taux de succès.
Friedman et al. [35] arrivent à un taux de réussite plus élevé pour les traitements réalisés en une séance sauf pour les canaux infectés, mais la différence est non significative.
La plupart des auteurs s'accordent toutefois pour dire que l'utilisation d'un hydroxyde de calcium comme médication provisoire dans les canaux infectés y diminue considérablement la présence de bactéries. L'hydroxyde de calcium joue un rôle effectif dans l'élimination des bactéries et micro-organismes intracanalaires [53, 54]. En effet, sa mise en place, pendant 4 semaines, élimine la totalité des micro-organismes dans les canaux infectés [53]. Une étude fait état d'une élimination totale après une semaine [55].
L'étude de Katebzadeh et al. [56] montre des taux de guérison complète similaires (35,3 % versus 36,8 %) en présence des canaux infectés, entre le groupe utilisant l'hydroxyde de calcium comme pansement canalaire et le groupe avec l'obturation canalaire immédiate. Mais, en analysant le taux d'échec, ils constatent une différence assez importante entre les deux groupes (15,8 % hydroxyde de calcium versus 41,2 % une visite). Ceci est également valable pour les taux de lésions en voie de guérison : 47,4 % pour le groupe hydroxyde de calcium contre seulement 23,5 % pour le groupe une seule visite. Malgré cela, même en présence d'une lésion péri-apicale, les taux de réussite des traitements canalaires restent assez élevés [38, 41].
À tout moment, la réalisation d'un traitement endodontique entraîne des risques qu'il faut savoir estimer avant d'effectuer le choix du traitement. Ces risques sont nombreux aussi bien lors de la recherche des canaux (fracture d'instruments, perforation du plancher pulpaire) que lors de la préparation canalaire (perforation canalaire, surtout lors de la négociation de courbures ou en présence de calcifications) et même lors de l'obturation (fractures d'instruments, dépassements).
• Obstacles intracanalaires
Les instruments fracturés, les cônes d'argent (fig. 8 et 9) et tous les types d'obstacles canalaires peuvent être sources d'échec. La principale technique d'enlèvement est le « by-pass ». Le taux de réussite de l'enlèvement dépend surtout de la zone canalaire où se situe l'obstacle et du degré de courbure de la racine.
• Perforations
Pour Ingle [32], 14,4 % des échecs trouvent leur origine dans des erreurs opératoires telles que : perforations (taux record de 9,6 % des échecs constatés) (fig. 10), sur-préparations (3,8 %) et fractures d'instruments (1 %). Pour Vire [57], le taux d'échec lié aux complications opératoires reste inférieur à 4 %.
En utilisant la technique « Standardized canal instrumentation », Kerekes et Tronstad [33] obtiennent un taux de succès plus élevé (9 %) que lors de l'utilisation de la technique sérielle « serial instrumentation » . Smith et al. [14] constatent une différence entre les techniques de préparation utilisées. Les préparations évasées montrent un taux de succès plus élevé que les préparations coniques. Selon eux, cette différence peut s'expliquer en raison des caractéristiques spécifiques des préparations évasées, c'est-à-dire une meilleure préparation et, par conséquent, un nettoyage et un débridement plus sûrs des tiers coronaire et médian, une meilleure irrigation par l'accessibilité accrue au tiers apical et une possibilité de meilleure obturation.
Il n'y a aucune preuve scientifique de la supériorité d'une technique de préparation particulière sur les autres, mais plutôt des indications différentes variant notamment selon des données anatomiques.
Pour Seltzer et al. [43], Orstavik et al. []58, Smith et al. [14] et Friedman et al. [35], il n'y a aucune relation entre les techniques et matériaux d'obturation et le taux de réussite d'un traitement canalaire.
D'après Lin et al. [37] et Friedman et al. [35], il n'y a pas d'incidence sur le taux d'échec lorsque la limite apicale de l'obturation s'établit à environ 1 mm de l'apex radiologique. Certaines études montrent une corrélation entre le niveau de l'obturation et la présence des lésions péri-apicales. La sous-extension comme la surextension de l'obturation sont généralement associées à de moins bons résultats qu'une obturation située à 0-2 mm de l'apex radiologique [14, 15, 30, 31, 39, 45].
• Sur-obturation
Pour la plupart des auteurs, le dépassement de l'obturation au-delà des limites apicales se traduit par un résultat médiocre du traitement. L'étude de Sjögren et al. [13] montre que ce taux de réussite plus faible (76 % au lieu de 94 %) n'est constaté que pour les dents présentant une lésion péri-apicale préexistante. Pour ces mêmes auteurs, les sur-obturations causent un retard de guérison et ne constituent pas nécessairement un échec de traitement (fig. 11 et 12). Lorsqu'il y a extrusion de l'obturation canalaire, les excès sont partiellement ou totalement éliminés par les tissus environnants [13, 59].
• Sous-obturation
Certains auteurs [18, 20, 22, 25, 32] ont montré une corrélation entre les sous-obturations importantes (> 2 mm) et la présence de lésions apicales. Pour Sjögren et al. [13], la sous-extension de l'obturation n'est néfaste que dans le cas des canaux infectés.
Pour Walton et Johnson [60], la sous-obturation pose moins de problème que la sur-obturation.
Le degré d'extension de la préparation et, par conséquent, de l'obturation est également dépendant d'une éventuelle oblitération canalaire préalable interdisant la négociation de la totalité de la longueur canalaire (fig. 13 et 14).
- Fragilisation de la structure corono-radiculaire de la dent ;
- Importance du tenon radiculaire.
Ces aspects du comportement à long terme de la dent dépulpée sont évoqués par J. Déjou et G. Laborde [61].
Elle apparaît comme un facteur essentiel du pronostic à long terme du traitement endodontique [62].
Pour Vire [57], un nombre de dents est perdu suite à une obturation coronaire inadéquate et, donc, à une fracture plutôt qu'à cause d'une mauvaise obturation canalaire. Le taux d'échec lié au traitement canalaire constitue seulement 8,6 % des cas contre 32 % pour les problèmes parodontaux et 59,4 % pour les raisons prothétiques, principalement la fracture coronaire. Il trouve également que les dents couronnées ont une plus grande longévité que les dents non couronnées. Pour Sjögren et al. [13], Buckley et Spangberg [27] et De Moor et al. [63], le type de l'obturation coronaire, restauration non prothétique ou prothétique, influence très peu le taux de succès.
En effet, les dents portant une couronne ou des piliers de bridge montrent des taux de présence de lésion péri-apicale très légèrement supérieurs comparées à celles obturées à l'aide de matériaux plastiques (amalgame, composite et ciment verre ionomère) [13, 27, 63].
Une étude réalisée par Reeh et al. [64] a évalué l'influence de différentes alternatives restauratrices sur la rigidité de la structure dentaire : amalgame, onlay en or, composite avec un mordançage amélaire et composite avec un mordançage amélo-dentinaire. L'overlay en or est le matériau le plus solide en augmentant la rigidité de la dent (rigidité relative de 2,11, comparée avec celle de la dent intacte 1,00) et l'amalgame le plus faible avec une rigidité relative de 0,35. La rigidité du composite avec le mordançage amélo-dentinaire est comparable à celle de la dent intacte (0,87) et supérieure au composite avec un mordançage amélaire (0,35).
Pour Hansen et al. [65], l'amalgame, spécialement dans des cavités MOD, est un matériau contre-indiqué pour la restauration des dents dépulpées lorsqu'il n'y a pas de recouvrement des cuspides.
Pour éviter les fractures des dents dépulpées, Hansen et al. [65], Smith et Schuman [66] et Uyehara et al. [67] ont, eux aussi, proposé un recouvrement des cuspides restantes et Saunders [68] a suggéré les mesures suivantes : collage des matériaux de restauration aux tissus dentaires, reconstitution à l'aide d'un overlay coulé recouvrant les cuspides, utilisation d'un cerclage circonférentiel métallique.
L'étude des facteurs influençant le taux d'échec des piliers prothétiques, réalisée en 1996 par Fayyad et Al-Rafee [69], montre une incidence plus faible de lésion apicale pour les piliers supposés vivants (4,2 %) comparés aux piliers dépulpés (10,8 %).
En 1997, Valderhaug et al. [70] ont analysé la situation péri-apicale et le comportement clinique de 397 couronnes réalisées par les étudiants de la Faculté dentaire d'Oslo sur une période de 25 ans. Les résultats ont montré que les dents traitées endodontiquement et restaurées à l'aide de couronnes et tenons et/ou faux moignons selon une morphologie optimale ont le même taux de survie que les dents couronnées avec une pulpe vivante. Pour eux, l'incidence de lésions péri-apicales des dents couronnées était très basse et le taux de réussite avoisinait les 80 % après 25 ans.
Cependant, d'après les résultats de l'étude de Saunders et Saunders [71] enregistrant la prévalence des lésions péri-apicales associées à des dents couronnées, le taux de lésions radiologiquement visibles est de 19 % pour des pulpes supposées vitales et de 50 % pour des dents traitées endodontiquement. Pour ces auteurs, le contrôle radiographique fréquent des dents couronnées semble nécessaire.
En 1991, Eckerbom et al. [72], lors d'une étude longitudinale, ont enregistré la prévalence de lésions péri-apicales des dents couronnées et dents avec des tenons radiculaires dans une population suédoise. Pour eux, l'utilisation d'une couronne comme restauration coronaire ne semble pas influencer la situation péri-apicale, tandis que la présence de tenon radiculaire semble être liée à un taux plus élevé de lésions apicales associées.
Saunders et al. [28] confirment ces constatations et enregistrent que 77 % de dents couronnées à tenon radiculaire révèlent une image de lésion péri-apicale. Les mêmes auteurs concluent qu'une proportion assez élevée de dents couronnées avec tenon est associée à une lésion péri-apicale. Friedman et al. [35] constatent aussi un taux d'échec légèrement plus élevé en présence d'un tenon radiculaire. D'autres auteurs, en revanche, estiment que la présence d'un tenon radiculaire ne modifie pas les taux de succès d'un traitement canalaire [13, 27, 73].
Pour Buckley et Spangberg [27], le taux de racines présentant une interruption de la lamina dura et une radio-clarté apicale est de 17,6 % en présence de tenon et de 19,5 % en absence de tenon. Pour Kvist et al. [73], ces taux sont respectivement de 16 et 13 %. En effet, ces derniers constatent que c'est la combinaison d'une mauvaise obturation canalaire et d'un tenon radiculaire qui est défavorable pour le pronostic d'un traitement canalaire. Donc, pour ces auteurs, il n'y a pas d'incidence sur le taux d'échec lorsque l'obturation canalaire est correcte et que la distance tenon-apex est supérieure à 3 ou 4 mm [27, 73].
Très peu d'études se sont penchées sur l'influence du type de tenon dans le pronostic du traitement endodontique. Buckley et Spangberg [27] considèrent que cette influence n'est pas significative.
À l'absence de consensus sur les critères d'évaluation de succès et d'échec s'ajoute celle à propos de la durée d'observation. Six mois est probablement une période raisonnable pour un premier rappel et 4 ans pour l'évaluation finale tout en reconnaissant que l'échec peut survenir de nombreuses années plus tard. La question de fond pourrait être de savoir à partir de quel moment après le traitement, l'évolution dans le sens de la guérison ou de l'échec ne se produira définitivement plus.
Il est facile d'expliquer les larges variations de taux de succès et d'échec des différentes études : le nombre de variables agissant seules ou en combinaison est élevé ; certaines variables sont aisément identifiables, d'autres sont inconnues. Il en résulte que les études doivent être considérées au mieux comme des indicateurs très généraux : les pourcentages globaux extrêmement variables ne signifient rien en eux-mêmes et chaque cas doit être considéré individuellement à la lumière de ses propres variables.